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L’espace de la stratégie pure

La stratégie minoritaire est le devenir-minoritaire conçu comme stratégie. Certes, la stratégie n’est pas un sujet explicite chez Deleuze et Guattari (comme nous l’avons annoncé précédemment, ce n’est pas eux, mais Balibar qui élabore la notion de « stratégie minoritaire » dans sa formulation des trois stratégies de civilité). Néanmoins, il serait tout à fait légitime de prendre pour des matériaux du concept guattaro-deleuzien de « stratégie » certaines propositions du 12e Plateau, intitulé « 1227 - Traité de nomadologie : la machine

de guerre ». Surtout, les auteurs de Mille plateaux tentent de découvrir l’« Idée pure » de la machine de guerre, en extrayant la Proposition IX de la confrontation de la Formule clausewitzienne avec l’Axiome I, « La machine de guerre est extérieure à l’appareil d’État ». À cet égard, cette proposition peut être considérée comme, pour emprunter l’expression de Balibar, une « variation guattaro-deleuzienne sur un thème de Clausewitz » . Or, la 1

stratégie minoritaire n’est pas l’un des types habituels de stratégies politiques dont le concept de stratégie a son origine dans la théorie clausewitzienne. Lorsque l’on envisage le devenir-minoritaire comme stratégie, son concept de stratégie n’est jamais défini comme une utilisation des moyens aux fins. Toutefois il ne s’oppose pas simplement au concept clausewitzien, car il se trouve dans la réarticulation radicale de la Formule clausewitzienne. Comme nous l’avons montré dans les analyses précédentes sur l’appropriation et la désappropriation de la structure stratégique, la Formule comporte déjà les possibilités d’une auto-transformation radicale. Le but de ce chapitre est de conceptualiser la stratégie guattaro-deleuzienne qui s’appellera « pure stratégie », expression utilisée pour désigner l’« espace nomade » ou « nomos » du point de vue de la théorie des jeux . Pour parvenir à ce 2

concept, il convient d’explorer brièvement les axiomes et les propositions du 12e Plateau.

Dans la mesure où l’État et la machine de guerre sont considérés comme « deux grands agencements anthropomorphes et alloplastiques » , ils ne sont pas seulement des objets 3

politiques ou militaires. C’est pourquoi Deleuze et Guattari supposent les Propositions I, II, III et IV qui « attestent » l’Axiome I dans différentes disciplines ou dimensions : la

É. Balibar, « Guerre et politique : variations clausewitziennes », op. cit., p. 203.

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MP, pp. 436-437.

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MP, p. 639.

mythologie, la théorie des jeux, l’ethnologie, l’épistémologie et la noologie (pour la même 4

raison, le concept de « pure stratégie », qui se définit par contraste du Go et des Échecs, n’est pas seulement un concept de la théorie des jeux). L’Axiome II affirme, du pointe de vue anthropologique, l’origine nomade de la machine de guerre : « la machine de guerre est l’invention des nomades (en tant qu’elle est extérieure à l’appareil d’État et distincte de l’institution militaire). À ce titre, la machine de guerre nomade a trois aspects, un aspect spatial-géographique, un aspect arithmétique ou algébrique, un aspect affectif » . Les 5

Propositions V, VI et VII rendent compte respectivement de ces trois aspects. Notre étude sur la pure stratégie renverra au premier aspect spatial-géographique, car elle consiste à tracer l’espace nomade contre celui d’État, ou le nomos contre la polis. La Proposition VIII selon laquelle la métallurgie constitue par elle-même un flux de matière accomplit l’Axiome III et sa grille hjelmslevienne . 6

Enfin, pour conclure le 12e Plateau et passer au 13e Plateau, Deleuze et Guattari posent

les questions sur l’appropriation du point de vue de « l’histoire universelle » (ou plutôt du point de vue anthropologique) : « comment l’Etat va-t-il s’approprier la machine de guerre, c’est-à-dire s’en constituer une, conforme à sa mesure, à sa domination et à ses buts ? Et avec quels risques ? » En synthétisant l’Axiome I et l’Axiome II ainsi que les propositions 7

précédentes, ils y répondent avec trois hypothèses de la machine de guerre :

1) la machine de guerre est l’invention nomade qui n’a même pas la guerre pour objet premier, mais comme objectif second, supplémentaire ou synthétique, au sens où elle est déterminée à détruire la forme-Etat et la forme-ville auxquelles elle se heurte ; 2) quand l’Etat s’approprie la machine de guerre, celle-ci change évidemment de nature et de fonction, puisqu’elle est alors dirigée contre les nomades et tous les destructeurs d’Etat, ou bien exprime des relations entre Etats, en tant qu’un Etat prétend seulement en détruire un autre ou lui imposer ses buts ; 3) mais, justement, c’est quand la machine de guerre est ainsi appropriée par l’Etat

On pourrait considérer l’attestation comme une espèce de « méthode ». Dans la mesure où il s’agit des

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agencements, leurs axiomes constitutifs et leurs aspects ne sont pas délimités dans certaines disciplines particulières. C’est pourquoi ils ne peuvent être qu’attestés ou témoignés par différents disciplines, dimensions, auteurs, théories, études, modèles, etc. C’est l’une des fonctions de la « machine abstraite ».

MP, p. 471. 5 MP, p. 518. 6 MP, p. 520. 7

qu’elle tend à prendre la guerre pour objet direct et premier, pour objet « analytique » (et que la guerre tend à prendre la bataille pour objet) . 8

Il s’ensuit une simultanéité de trois opérations :

Bref, c’est en même temps que l’appareil d’État s’approprie une machine de guerre, que la machine de guerre prend la guerre pour objet, et que la guerre devient subordonnée aux buts de l’État . 9

Cet ensemble de l’hypothèse pose historiquement trois types de problèmes : les dangers, les formes concrètes et les moyens de l’appropriation (il faut traiter ces problèmes, en se référant à d’autres descriptions de l’histoire universelle, notamment celles des cinq « processus machiniques » et des trois grandes formes d’État, et encore en tenant compte de la Proposition XIV sur « Axiomatique et situation actuelle » ). Ils nous permettront 10

quelques remarques. En premier lieu, il y a plusieurs types de dangers ou de risques de l’appropriation. La machine de guerre en tant qu’invention nomade n’a pour objet la guerre qu’à condition de se heurter à la forme-État, c’est-à-dire que la guerre est son objet « supplémentaire ». C’est pourquoi, après avoir détruit l’appareil d’État et conquis ses terres, les nomades rencontrent une « hésitation » à cause de laquelle l’État peut retourner la machine de guerre contre les nomades. De plus, au moment où les nomades conquiert un État ou une ville, il y a un double danger comme Deleuze et Guattari l’illustrent avec les exemples de Gengis Khan et de Tamerlan : les nomades risquent de s’intégrer à l’appareil d’État qu’ils ont conquis, en même temps que celui-ci est menacé par une possibilité que les nomades retourneraient contre l’État la machine de guerre déjà appropriée par l’appareil d’État. Ce n’est pas seulement dans les études historiques sur l’Empire mongol qu’il s’agit de ce double danger, mais celui-ci pose toute une série de questions dans la coexistence de la stratégie majoritaire et de la stratégie minoritaire. En deuxième lieu, il est question des formes concrètes de l’appropriation : « mercenaires ou territoriaux ? Armée de métier ou armée de conscription ? Corps spéciaux ou recrutement national ? » Et surtout « encastement » ou « appropriation à proprement parler » ? Or, ces questions ne se posent 11

pas seulement sur le processus d’organiser l’institution militaire ; elles nous conduiront aux

MP, pp. 520-521. 8 MP, p. 521. 9 MP, pp. 542, 573, 575. 10 MP, p. 522. 11

problèmes des formes concrètes de la « puissance » appropriée que l’axiomatique mondiale dégage de la machine de guerre. En dernier lieu, Deleuze et Guattari répondent à la question clausewitzienne la plus essentielle — comment la politique d’État s’approprie-t- elle la guerre ? — en considérant « la territorialité, le travail ou les travaux publics, la fiscalité » comme moyens d’appropriation de l’appareil d’État . Clausewitz tente de 12

trouver sa réponse à cette question dans sa distinction épistémologique entre le concept pur et le réel, alors que les auteurs de Mille plateaux découvrent leur réponse du point de vue de l’histoire universelle.

Enfin de compte, si l’on imagine la machine de guerre non appropriée par l’appareil d’État, c’est-à-dire si la simultanéité des trois opérations s’annule, alors il s’ensuivra la Proposition IX qui est juste une expression simple de l’ensemble de l’hypothèse que nous venons de voir :

Proposition IX : La guerre n’a pas nécessairement pour objet la bataille, et surtout la machine de guerre n’a pas nécessairement pour objet la guerre, bien que la guerre et la bataille puissent en découler nécessairement (sous certaines conditions) . 13

Nous reviendrons à cette proposition dans les pages suivantes pour extraire des conséquences stratégiques de l’idée de la « guerre sans bataille ».

MP, p. 522.

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MP, p. 518.

§1. L’Idée de la stratégie pure

Réarticulation de la Formule : une nécessité de la machine de guerre

En confrontant l’ensemble de l’hypothèse de la machine de guerre avec leur relecture de

De la guerre, Deleuze et Guattari radicalisent l’axiome clausewitzien de la distinction entre

le réel et le concept pour retrouver l’extériorité de la machine de guerre, c’est-à-dire qu’ils passent à l’Idée pure qui n’a rien à voir avec l’expérience de la guerre. Pour cela, ils reviennent à la problématique clausewitzienne de la guerre absolue et la reformulent, en utilisant leur vocabulaire dans les dernières pages du 12e Plateau : 1) la guerre absolue est

un pur concept ou une « Idée non donnée dans l’expérience » ; 2) « ce qui est donné, ce sont les guerres réelles en tant que soumises à des buts d’États » ; 3) la guerre réelle oscille entre la guerre totale et la guerre limitée. La distinction entre la guerre totale et la guerre limitée n’est pas confondue avec celle entre la guerre absolue et la guerre réelle : la guerre totale et la guerre limitée, ces deux pôles entre lesquels la guerre réelle ne cesse d’osciller appartiennent toujours au réel. La guerre absolue n’est jamais identifiée à la guerre totale, mais à la guerre conceptuelle ou idéale . 1

Comme nous l’avons vu chez Clausewitz, son pur concept de guerre n’est pas formé par une opération d’abstraction des données historiques diverses, mais par une mise en place sur les pôles extrêmement opposés de l’expérience. Dès lors, il est douteux que ces pôles rompent complètement avec le champ de l’expérience, car il reste toujours des contiguïtés du concept et du réel. Surtout, la guerre absolue n’est pas un concept pur qui n’a rien à voir avec le réel, mais elle est un critère conceptuel pour analyser la guerre réelle, c’est-à-dire que l’objet cible du concept de guerre est, en dernière analyse, la guerre réelle. Par ailleurs, la notion clausewitzienne de « tendance naturelle » de la guerre suppose aussi une contiguïté du concept et du réel. Elle est la tendance philosophique, logique et donc conceptuelle, mais toujours celle de la guerre réelle. Bref, elle est une forme sous laquelle

le concept pur devient immanent au réel. En revanche, en appelant la guerre absolue « Idée

pure », Deleuze et Guattari la séparent absolument de l’expérience et de la guerre réelle. Leur notion de « pur » est beaucoup plus rigoureuse que celle de Clausewitz, au point que leur réflexion vise à penser l’Idée en tant que telle qui n’est plus un instrument théorique pour analyser le réel. Certes, on peut considérer cette relecture guattaro-deleuzienne de De

la guerre comme l’une des « variations sur un thème de Clausewitz », mais pourtant il faut

MP, p. 523.

la distinguer nettement d’autres variations. Car ce dont il s’agit dans les débats post- clausewitziens, c’est le plus souvent la possibilité réelle de la guerre absolue, tandis que Deleuze et Guattari ne s’intéressent pas à cette possibilité : ce qui compte, c’est de découvrir l’Idée de la machine de guerre, en poussant la guerre absolue jusqu’à sa forme purement idéale. Ainsi, une conclusion, qui exprime la thèse essentielle de la Proposition IX, se dégage de la reformulation de la guerre absolue :

En premier lieu, cette distinction d’une guerre absolue comme Idée, et des guerres réelles, nous paraît d’une grande importance, mais avec la possibilité d’un autre critère que celui de Clausewitz. L’Idée pure ne serait pas celle d’une élimination abstraite de l’adversaire, mais celle d’une machine de guerre qui n’a justement pas

la guerre pour objet, et qui n’entretient avec la guerre qu’un rapport synthétique

potentiel ou supplémentaire. Si bien que la machine de guerre nomade ne nous paraît pas, comme chez Clausewitz, un cas de guerre réelle parmi les autres, mais au contraire le contenu adéquat à l’Idée, l’invention de l’Idée, avec ses objets propres, espace et composition du nomos . 2

En analysant le paradoxe du concept clausewitzien de stratégie du point de vue guattaro- deleuzienne dans le chapitre précédent, nous avons déjà montré qu’il n’y a aucune structure de l’appropriation stratégique dans la guerre absolue comme pur concept, puisque la guerre ne se subordonne à la politique d’État que dans la guerre réelle : la guerre absolue se définit par la désappropriation stratégique. Clausewitz pense que celle-ci entraîne une guerre autonome qui n’est rien d’autre que la violence extrême. C’est parce qu’il suppose l’objectif

naturel ou conceptuel du moyen : la guerre a pour objet la violence aveugle dans son

concept ; le concept d’engagement définit son objectif naturel comme destruction de l’adversaire. Or, ces associations des moyens à leur objectif conceptuel ne sont pas nécessaires. Clausewitz ne nie pas lui-même que la guerre ait diverses natures : elle peut conceptuellement se définir par sa forme purement défensive, le concept d’engagement peut avoir la forme d’une simple observation militaire. Bref, si l’on ne tient pas compte de l’application du concept à l’expérience, si l’on envisage l’Idée pure de la guerre absolue qui se distingue radicalement de la guerre réelle appropriée par la politique d’État, il s’avérera alors qu’il n’est pas nécessaire de supposer l’objectif naturel ou conceptuel du moyen ; rien n’empêche de définir le concept de guerre comme « acte de non-violence », « défense absolue » ou « attente pure », le concept d’engagement comme « simple observation

MP, pp. 523-524.

militaire ». C’est l’appareil d’État qui définit l’objectif conceptuel du moyen pour l’imposer dans la réalité. Deleuze et Guattari reprennent la simultanéité des trois opérations d’appropriation :

C’est en même temps que l’appareil d’Etat s’approprie la machine de guerre, la subordonne à des buts « politiques », et lui donne pour objet direct la guerre . 3

La guerre n’est pas un moyen intrinsèque à la politique d’État, sa nature et son concept sont déterminés au moment où elle est appropriée par l’appareil d’État : la guerre offensive violente ou la guerre défensive non-violente, l’engagement pour terrasser l’adversaire ou l’engagement de simple observation armée. Si la violence extrême et la simple observation militaire sont les deux pôles extrêmement opposés du concept de guerre, l’appareil d’État en choisit un comme « étalon » de la guerre réelle.

C’est l’ensemble de l’hypothèse qui permet de radicaliser la distinction entre la guerre absolue et la guerre réelle. Mais cela ne veut pas dire que Deleuze et Guattari « créent » l’Idée pure de la machine de guerre pour la confronter à la Formule. Une implication remarquable de leur relecture de De la guerre, c’est que la Formule implique déjà une idée de la machine de guerre qui ne se réduit pas à la guerre réelle ni aux institutions militaires ou armées, bien que l’Idée pure au sens strict du terme ne soit pas explicitée dans la pensée de Clausewitz . Comme nous avons insisté à maintes reprises, si la guerre est une « simple 4

continuation de la politique par d’autres moyens », c’est qu’elle n’est pas intérieure à la politique ; l’extériorité de la guerre détermine toute la problématique clausewitzienne. Si 5

l’on pousse cette extériorité jusqu’à sa forme extrême ou absolue, la guerre deviendra autre chose que la « guerre » clausewitzienne : quelque chose d’extérieur à l’État, qui n’est pas la guerre, mais devient la guerre lors de l’appropriation par la politique d’État. C’est là que la machine de guerre se sépare de la guerre : la machine de guerre n’a pour objet la guerre qu’à condition d’être appropriée par l’appareil d’État. Ainsi, l’intérêt du 12e Plateau

MP, p. 524.

3

Toutefois, le terme de « machine de guerre » est remarquable dans De la guerre ; l’auteur l’utilise pour

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désigner l’autonomie de la guerre elle-même : « dans le chapitre sur la suspension de l’acte militaire, nous avons montré comment le pur principe d’hostilité, tel qu’il s’incarne dans son agent humain et dans toutes les circonstances qui composent la guerre, peut être suspendu et diminué par des causes inhérentes à la machine [Maschine] de la guerre elle-même » (C. Clausewitz, De la guerre, op. cit., pp. 317-318).

« Les guerres réelles sont toujours déterminées politiquement, non parce que la guerre est intrinsèquement

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ou essentiellement politique, mais au contraire parce qu’elle ne l’est pas » (G. Sibertin-Blanc, Politique et

s’oppose à celui de De la guerre, dans la mesure où Clausewitz s’intéresse en dernière instance à la question de savoir comment subordonner la guerre à la politique d’État, tandis que la question guattaro-deleuzienne est de savoir comment penser la guerre en tant qu’elle est extérieure à l’appareil d’État.

Or, s’il existe une guerre réelle ou conceptuelle sans violence, pourquoi faudra-t-il l’appeler toujours « guerre » ? Si la machine de guerre se distingue de la guerre, pourquoi s’appelle-t-elle la machine de « guerre » ? Parce qu’elle a pour objet « supplémentaire » ou « synthétique » la guerre, et que la bataille ou la violence sont le « supplément » de la guerre :

En second lieu, même dans la pureté de son concept, la machin de guerre nomade effectue nécessairement son rapport synthétique avec la guerre comme supplément, découvert et développé contre la forme-État qu’il s’agit de détruire. Mais, justement, elle n’effectue pas cet objet supplémentaire ou ce rapport synthétique sans que l’Etat, de son côté, n’y trouve l’occasion de s’approprier la machine de guerre, et le moyen de faire de la guerre l’objet direct de cette machine retournée . 6

La guerre que la machine de guerre effectue contre la forme-État n’a rien à voir avec la guerre clausewitzienne qui permet le modèle de la guerre moderne des États-nations. Son moyen ne serait pas l’engagement clausewitzien, mais la « non-bataille » ou la « guérilla ». Nous reviendrons à ce problème pour distinguer deux pôles de la machine de guerre.

L’objet positif de la machine de guerre

Revenons à la Proposition IX et aux trois problèmes par lesquels Deleuze et Guattari commencent leur argumentation pour l’extraire. Il s’agit d’abord de l’ambiguïté du terme « objet » :

Nous rencontrons successivement trois problèmes : la bataille est-elle l’« objet » de la guerre ? Mais aussi : la guerre est-elle l’« objet » de la machine de guerre ? Et enfin, dans quelle mesure la machine de guerre est-elle « objet » de l’appareil d’Etat ? L’ambiguïté des deux premiers problèmes vient certainement du terme objet, mais implique leur dépendance par rapport au troisième . 7

MP, p. 524.

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MP, p. 518.

Ces trois problèmes traitent successivement les rapports subordonnés de la bataille à la guerre, de la guerre à la machine de guerre et de la machine de guerre à l’appareil d’État. L’ambiguïté du terme implique que le plus essentiel est le troisième problème, c’est-à-dire que celui-ci détermine les sens du terme dans les deux premiers problèmes. Son ambiguïté nous a permis de généraliser et de formaliser la structure stratégique clausewitzienne, et ainsi nous avons emprunté le terme de façon à désigner le lien en général entre les moyens : ceux-ci ne sont pas directement subordonnés à la fin, mais celle-ci se les approprie en leur

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