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Le bloc de devenir

La conception guattaro-deleuzienne de la minorité et les études gramsciennes de la culture subalterne se croisent sur le point où l’on conçoit la minorité et la subalternité comme devenir, et encore ce croisement nous permet de commencer à relire les Cahiers de

prison dans la perspective guattaro-deleuzienne comme nous l’avons fait dans le chapitre

précédent. Cette relecture nous conduit à découvrir un aspect plus fondamental du devenir chez Gramsci aussi bien que chez Deleuze et Guattari : une coexistence de deux pôles

asymétriques, qui est impliquée dans ce double mouvement, le devenir-minoritaire de la majorité et le devenir-minoritaire de la minorité, par lequel les auteurs de Mille plateaux

définissent le concept de « bloc de devenir » dans le 10e Plateau. Dans notre traduction

guattaro-deleuzienne de la conception gramscienne de la philosophie de la praxis comme continuum, nous avons déjà trouvé un double mouvement gramscien qui pourrait être formulé dans les termes suivants : le devenir-subalterne de la culture supérieure et le

devenir-supérieur de la culture subalterne. Nous développerons cette traduction dans ce

chapitre, en recherchant certaines connexions conceptuelles entre le bloc de devenir et le concept gramscien de « bloc historique ». La première section sera réservée à une reproblématisation du bloc de devenir pour le définir par ce que nous venons d’appeler « double mouvement » du devenir-minoritaire. Il s’agira avant tout de distinguer la « formule pure » et la « formule générale » du devenir qui apparaissent respectivement dans le 1er Plateau sur le rhizome et le 10e Plateau sur le bloc de devenir. Le passage de la

première formule à la deuxième implique le problème de la constitution d’une majorité, par l’analyse duquel nous pourrons relever une coexistence de la majorité et de la minorité. Dans la deuxième section, nous relirons les textes gramsciens sur le bloc historique, en les traduisant dans la perspective du devenir étudié dans la première section. Pour cela, il faudra d’abord un examen critique sur les interprétations marxistes post-gramsciennes du concept de bloc historique pour détacher celui-ci des malentendus sur la théorie gramscienne, notamment pour mettre un terme à la critique althussérienne de l’« historicisme absolu ». Ensuite, nous proposerons une relecture sorélienne et bergsonienne de la notion de « bloc » qui se trouve à un carrefour terminologique et philosophique de courants de pensée de la fin du XIXe siècle au début du XXe siècle. Cette relecture nous

bloc de devenir, et de le concevoir comme multiplicité par laquelle la politique, l’histoire et la philosophie forment une continuité.

Ce que nous entendons par « traduction », ce n’est pas simplement la cherche de ressemblances ou de correspondances entre certains concepts gramsciens et des concepts guattaro-deleuziens. L’enjeu est de montrer d’une part que le bloc historique est constitué par le double mouvement du devenir de la même manière que celui-ci forme le continuum de la philosophie de la praxis, et d’autre part que le bloc historique et le bloc de devenir divergent stratégiquement. Nous reprenons ainsi l’hypothèse de la coexistence antinomique des stratégies. Ces deux conceptions du bloc témoignent de cette coexistence, dans la mesure où elles supposent leur propre double mouvement. En supposant la constitution d’une majorité, le bloc de devenir consiste en devenir-minoritaire de cette majorité et des points mineurs que celle-ci inscrit dans le « système-point » molaire . Ce qui compte, c’est 1

qu’il ne nie pas la constitution de la majorité : d’où la différence entre les deux formules du devenir, entre le rhizome et le bloc de devenir. Le bloc historique requiert une coexistence du devenir-supérieur de la subalternité et du devenir-subalterne de la supériorité : en tant que « forme nécessaire du bloc historique » , l’hégémonie ne se forme pas sans devenir-2

subalterne, folklore ou populaire. Or, la formation d’une hégémonie prend le devenir- supérieur pour fin de la stratégie, et le devenir-subalterne pour moyen. Le bloc historique porte sur la constitution d’un système majeur, et à cet égard, il est conçu comme stratégie majoritaire qui contient en elle-même la stratégie minoritaire comme devenir-subalterne. C’est là que divergent la stratégie gramscienne et le devenir-minoritaire : que celui-ci opère comme stratégie minoritaire, cela signifie qu’il constitue un bloc de devenir contre le système majeur pour tracer une ligne de devenir qui passe entre les points inscrits dans ce système.

MP, pp. 358-360.

1

Q10 I, §12.

§1. Le double mouvement du « bloc de devenir »

Formule générale et formule pure du devenir

Entre L’Anti-Œdipe (1972) et Mille plateaux (1980), Deleuze et Guattari ont écrit deux autres livres : Kafka, pour une littérature mineure et Rhizome (qui est repris dans le 1er

Plateau) qui comportent un passage ou une rupture entre les deux volumes de Capitalisme

et Schizophrénie. Kafka et Rhizome traitent tous les deux de l’un des thèmes les plus

guattaro-deleuziens, celui du « devenir ». Cependant ils semblent respectivement présenter deux aspects différents du devenir, car les plans qu’ils tracent pour concevoir le devenir ne sont pas les mêmes. Dans le 1er Plateau, intitulé « introduction : Rhizome », les auteurs

illustrent la notion de devenir avec cet exemple biologique si célèbre, un « devenir-guêpe de l’orchidée » et un « devenir-orchidée de la guêpe ». Lorsqu’une orchidée attire une guêpe mâle, on dit qu’elle « imite » une guêpe femelle. Mais les notions d’« imitation » et de « mimétisme » n’ont de certaine valeur que dans la mesure où elles signifient un « parallélisme entre deux strates ». Devenir, ce n’est pas imiter ni leurrer. Cela ne veut pas dire que l’orchidée devient « réellement » une guêpe . Il n’est pas question d’opposer 1

« devenir en réalité » à « imiter », mais de savoir la réalité des mouvements réciproques de déterritorialisation et de reterritorialisation :

L’orchidée se déterritorialise en formant une image, un calque de guêpe ; mais la guêpe se reterritorialise sur cette image. La guêpe se déterritorialise pourtant, devenant elle-même une pièce dans l’appareil de reproduction de l’orchidée ; mais elle reterritorialise l’orchidée, en en transportant le pollen . 2

Si l’orchidée forme un calque de la guêpe, c’est qu’elle se déterritorialise et reterritorialise la guêpe ; elle ne reste donc pas dans le calque, mais « fait carte avec la guêpe au sein d’un rhizome » . Nous pourrions décrire ces mouvements avec la formule suivante : x se 3

déterritorialise, en reterritorialisant y sur une image (« calque » ou « pollen ») formée par x, et réciproquement. C’est ce que nous appelons « formule pure » du devenir (nous

expliquerons dans la section suivante pourquoi elle s’appelle « pure »).

Cf. « Réalité du devenir-animal, sans que l’on devienne animal en réalité » (MP, p. 335).

1

MP, p. 17.

2

MP, p. 20.

Or, cette illustration, qui est l’un des exemples biologiques de l’« évolution aparallèle » , 4

ne présente qu’un aspect particulier du devenir. En concluant leur parcours vers le concept de « bloc de devenir » dans le 10e Plateau, Deleuze et Guattari reprennent cet exemple :

Dans la ligne ou le bloc de devenir qui unit la guêpe et l’orchidée se produit une commune déterritorialisation, de la guêpe en tant qu’elle devient une pièce libérée de l’appareil de reproduction de l’orchidée, mais aussi de l’orchidée en tant qu’elle devient l’objet d’un orgasme de la guêpe elle-même libérée de sa propre reproduction . 5

Il s’agit du même exemple dans les deux passages cités, mais les manières dont ces derniers le formulent ne sont pas les mêmes. Si on les relit avec attention en gardant à l’esprit la différence entre ces deux passages, on observe certains changements subtils, mais décisifs entre le concept de rhizome et celui de bloc de devenir qui sont respectivement élaborés dans les 1er et 10e Plateaux. Nous avons dégagé du premier passage cité la formule pure,

alors que le second passage peut être simplifié par la formule proposée par François Zourabichvili : « x ne devient pas y sans qu’y pour son compte ne devienne autre chose ». Nous l’appellerons « formule générale » du devenir (la distinction entre les deux formules du devenir correspond à celle de Zourabichvili entre le « cas général » et le « cas restreint ») . 6

MP, pp. 17-18.

4

MP, p. 360.

5

Sur la distinction entre ces deux cas :

6

Deleuze et Guattari insistent constamment sur la réciproque du processus et sur son asymétrie : x ne « devient » pas y (par exemple animal) sans qu’y pour son compte ne devienne autre chose (par exemple écriture, ou musique). Se mêlent ici deux choses qu’il ne faut pas confondre: a) (cas général) le terme rencontré est entraîné dans un devenir expressif, corrélat des intensités nouvelles (contenu) par lesquelles passe le terme rencontrant, conformément aux deux faces de tout agencement (cf. le thème « on ne devient animal que moléculaire », MP, 337) ; b) (cas restreint) la possibilité que le terme rencontré soit à son tour rencontrant, comme dans les cas de co-évolution, de sorte qu’un double devenir a lieu de chaque côté (cf. l’exemple de la guêpe et de l’orchidée, MP, 17) (F. Zourabichvili, Le vocabulaire de Deleuze, Paris, Ellipses, 2003, p. 30).

Cf. la formule de Pasolini : « une langue X, qui n’est autre que la langue A en train de devenir réellement une langue B » (MP, p. 134).

La différence la plus apparente entre la formule pure et la formule générale se trouve dans le fait que le devenir conçu par la seconde a des « segments » dont l’enchaînement est

dans un seul sens :

Nous nous trouvons pris dans des segments de devenir, entre lesquels nous pouvons établir une espèce d’ordre ou de progression apparente : devenir-femme, devenir- enfant ; devenir-animal, végétal ou minéral ; devenirs moléculaires de toutes sortes, devenirs-particules . 7

Les segments ou « quantums » du devenir ne sont pas simplement des types ou des exemples, car leur enchaînement a une « espèce d’ordre » : le devenir-femme est le premier et la « clef » des autres devenirs ; le devenir-imperceptible est la « fin immanente du devenir » . Chaque segment n’est qu’un parmi les autres, aucun n’a d’importance 8

exclusive. Toutefois, il importe que Deleuze et Guattari attachent différentes questions à chaque segment qui joue son propre rôle. Notamment, c’est le devenir-animal comme « segments occupant une région médiane » , dont le rôle est de s’enchaîner avec le devenir-9

femme et de se précipiter vers la fin du devenir. C’est pourquoi les réflexions guattaro- deleuziennes sur l’enchaînement du devenir commencent toujours par le devenir-animal, bien que celui-ci ne soit pas le premier segment. Ce n’est pas un hasard si le 10e Plateau

commence par les premières sections sur le devenir-animal et aboutit au devenir-musical. Deleuze et Guattari introduisent dans Kafka le devenir-animal en tant que celui-ci trace une ligne de fuite contre l’Œdipe, alors qu’il n’est pas l’un des thèmes principaux de

Rhizome. C’est une nouveauté du Kafka, parce que ce qui s’engage dans la tâche d’anti-

Œdipe, ce n’est plus le schizophrène, mais le devenir-animal. Voilà un privilège des réflexions guattaro-deleuziennes sur la littérature : c’est toujours à travers elles (Kafka, le 10e Plateau et Critique et clinique) qu’ils découvrent le devenir-animal qui s’enchaîne avec

le premier segment du devenir, traverse la frontière entre l’humain et l’inhumain et se

MP, p. 333. 7 MP, pp. 340, 342. 8 MP, p. 304. 9

précipite vers la fin du devenir . Si l’on marque un point sur l’enchaînement pour séparer 10

l’humain de l’inhumain, le devenir-femme et le devenir-enfant relèveront de choses humaines : la femme, c’est la figure par excellence de la minorité humaine. Avec le devenir-animal en tant qu’il crée une « zone d’indiscernabilité » , on se trouve pris dans le 11

devenir-moléculaire et imperceptible par-delà les choses humaines. À cet égard, la notion de devenir-animal fait une double rupture. D’une part elle fait que la pensée guattaro- deleuzienne rompt avec tous les types d’anthropocentrismes occidentaux, aussi bien qu’avec les discours occidentaux de la minorité, qui ont pour objet les personnages de femme, d’enfant, de non-blanc, etc. D’autre part, elle marque une rupture interne que Viveiros de Castro met en évidence entre les deux volumes de Capitalisme et Schizophrénie : l’alliance extensive qui refoule ou limite la filiation intensive dans l’économie désirante

anthropocentrique de L’Anti-Œdipe est remplacée par l’alliance démonique ou le devenir

dans l’économie cosmique de Mille plateaux . 12

On ne met en vigueur la formule générale qu’à condition de la concevoir sur l’enchaînement du devenir : l’homme ne devient pas femme, sans que la femme ne devienne animal ; la femme pour son compte ne devient pas animal, sans que l’animal ne devienne moléculaire. Il importe qu’il n’y a pas de devenir-homme de la femme ni devenir- femme de l’animal : l’enchaînement du devenir dans un seul sens. Cependant cet enchaînement n’est jamais comme un processus linéaire, mais au contraire il fait des mouvements de « zigzag instantané ». Car, comme la formule générale le suggère, le devenir-animal de la femme est une condition ou un « moyen » du devenir-femme de l’homme . De la même manière, la formule générale se répète aux niveaux de micro-13

segments : on ne devient pas chien aboyant, mais chien moléculaire, en aboyant ; « le guerrier devient animal à son tour par contagion de la jeune fille, en même temps que la jeune fille devient guerrière par contagion de l’animal » . Dès lors, nous modifions la 14

Cf. le Chapitre premier du Critique et clinique :

10

L’écriture est inséparable du devenir : en écrivant, on devient-femme, on devient-animal ou végétal, on devient-molécule jusqu’à devenir-imperceptible. Ces devenirs s’enchaînent les uns aux autres suivant une lignée particulière, comme dans un roman de Le Clézio, ou bien coexistent à tous les niveaux, suivant des portes, seuils et zones qui composent l’univers entier, comme dans l’oeuvre puissante de Lovecraft » (CC, p. 11).

Idem.

11

E. Viveiros de Castro, Métaphysiques cannibales, op. cit., pp. 134-135.

12

MP, pp. 337, 341.

13

MP, p. 341.

formule générale proposée par Zourabichvili avec la nouvelle formule suivante : x devient

y, en même temps qu’y devient autre chose qui pour son compte sert de « moyen » du devenir-y de x. Cette dernière formule suppose donc une réciproque asymétrique du

devenir-y de x et du devenir-autre d’y. C’est exactement la formule de ce que Deleuze et Guattari appellent « bloc de devenir ». Le fait que cette réciproque asymétrique est un principe de l’enchaînement du devenir, nous en dégageons une proposition qui exprime la prémisse et à la fois la conclusion du devenir : « tous les devenirs sont déjà moléculaires » . 15

Constitution de la majorité : le Point central redondant

Or, si tous les devenirs sont déjà moléculaires, quelle nécessité y a-t-il de supposer l’« ordre » de devenirs qui n’est autre que la hiérarchie traditionnelle de la métaphysique occidentale : homme, femme, enfant, non-blanc, animal, végétal, minéral, etc. ? Pourquoi l’enchaînement de devenirs est-il dans un seul sens ? Si le devenir n’est que celui du rhizome, le mouvement réciproque de la formule pure sera suffisant pour indiquer des caractères du devenir. Pourquoi Deleuze et Guattari introduisent-ils dans le 10e Plateau le

bloc de devenir dont la formule générale distingue du rhizome ce dernier ? En somme, il est question de savoir quelles sont les caractéristiques du bloc de devenir et quelle est la différence entre la formule pure et la formule générale, différence qui suggère le développement conceptuel entre le rhizome et le bloc de devenir.

Le concept de bloc de devenir n’est pas le même que celui de rhizome. Leur différence se trouve dans le fait que le premier est caractérisé par la problématique de la majorité et de

la minorité. Le devenir est l’un des caractères essentiels du rhizome qui le mettent en

contraste avec l’arbre-racine. Dans la mesure où le devenir n’est que celui du rhizome, il n’est pas nécessaire de poser la question sur le devenir en termes de « majorité » et de « minorité ». En effet, ces termes ne sont même pas utilisés dans le 1er Plateau. Nous avons

appelé « formule pure » la conception rhizomatique du devenir, parce que cette conception n’a rien à voir avec la notion de majorité. En revanche, comme nous l’avons observé dans le Chapitre IV sur les deux conceptions de la minorité, la notion de devenir se rapporte intrinsèquement aux notions de « mineur », de « minorité » ou de « minoritaire » dans les 4e

et 10e Plateaux. La majorité, la minorité et le minoritaire ne se distinguent que du point de

vue du devenir : la majorité est un « mètre-étalon » ou « système homogène et constant »,

MP, p. 334.

tandis que la minorité comme un « sous-système » consiste à mettre en variation le système constant majeur ; le minoritaire comme « devenir potentiel et créé, créatif » se distingue de la minorité comme état définissable . La sous-section intitulée « Souvenirs et devenirs, 16

points et blocs » du 10e Plateau, qui reprend ces trois notions, commence par l’opposition

entre les notions de « majoritaire » et de « minoritaire » :

Pourquoi y a-t-il tant de devenirs de l’homme, mais pas de devenir-homme ? C’est d’abord parce que l’homme est majoritaire par excellence, tandis que les devenirs sont minoritaires, tout devenir est un devenir-minoritaire . 17

Il faut remarquer l’affirmation qu’il n’y a pas de devenir-homme. C’est la raison pour laquelle l’enchaînement de devenirs est dans un seul sens. Le devenir-femme est le premier segment ou la « clef » des autres devenirs, parce que c’est surtout l’homme qui doit devenir minoritaire, et que le premier devenir de l’homme est le devenir-femme. Qu’entendent les auteurs par « homme » ? Celui-ci n’est qu’une abréviation de cette liste que nous avons citée à maintes reprises, « Homme-blanc-mâle-adulte-habitant des villes-parlant une langue standard-européen-hétérosexuel ». Ce n’est pas seulement un ensemble de propriétés ou d’exemples de la majorité. Mais cette liste comme une « redondance » définit le système constant majeur dont le Point central organise l’opposition majeur-mineur et la distribue dans les « machines duelles » :

Essayons de dire les choses autrement : il n’y a pas de devenir-homme, parce que l’homme est l’entité molaire par excellence, tandis que les devenirs sont moléculaires. La fonction de visagéité nous a montré sous quelle forme l’homme constituait la majorité, ou plutôt l’étalon qui conditionnait celle-ci : blanc, mâle, adulte, « raisonnable », etc., bref l’Européen moyen quelconque, le sujet d’énonciation. D’après la loi d’arborescence, c’est ce Point central qui se déplace dans tout l’espace ou sur tout l’écran, et qui chaque fois va nourrir une opposition distinctive suivant le trait de visagéité retenu : ainsi mâle-(femelle) ; adulte- (enfant) ; blanc-(noir, jaune ou rouge) ; raisonnable-(animal). Le point central, ou troisième oeil, a donc la propriété d’organiser les distributions binaires dans les machines duelles, de se reproduire dans le terme principal de l’opposition, en même temps que l’opposition tout entière résonne en lui. Constitution d’une « majorité » comme redondance. Et l’homme se constitue ainsi comme une gigantesque

MP, pp. 133-134.

16

MP, p. 356.

mémoire, avec la position du point central, sa fréquence en tant qu’il est reproduit nécessairement par chaque point dominant, sa résonance en tant que l'ensemble des points se rapporte à lui . 18

L’homme est le standard sexuel qui nourrit la distinction entre « homme » et « femme », ou entre différentes sexualités ; l’européen blanc est le système anthropologique qui distribue les différences entre le blanc et le non-blanc. La majorité reproduit ainsi les points majeurs

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