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Chapitre I. Le contexte antillais

1. L’espace « Caraïbe »

Ce chapitre, qui permet de situer le lieu d’où on parle, présente l’archipel des Antilles, qui s’étire le long de la zone de subduction située sur la partie Est de la plaque tectonique de la Caraïbe. L’archipel est une suite d’îles situées entre la Floride (États-Unis), le Yucatan (Mexique) et le Venezuela. Elles dessinent un arc de cercle composé par les Grandes Antilles comprenant Cuba, la Jamaïque, l’île d’Hispaniola (divisée entre Haïti et la république Dominicaine) et Porto Rico, et les Petites Antilles, réparties entre Porto Rico et l’Amérique du Sud (Perrot-Minot, 2015, p. 1). La Martinique et la Guadeloupe et ses dépendances font parties des Petites Antilles. Elles appartiennent au groupe des Îles du Vent, entre Porto Rico et la Trinité, et sont exposées au souffle de l’alizé du Nord-Est. Elles font face aux Îles dites Sous le Vent, c’est-à-dire l’ensemble des Antilles néerlandaises et vénézuéliennes qui bordent la côte du Venezuela.

Quand commence l’histoire de ces îles ?

S’il a été dit que ces îles étaient occupées par des Sauvages, sans culture, vivant dans un état d’oisiveté, on constate qu’à la fin du XVe siècle, à l’arrivée des explorateurs européens à l’archipel antillais, ces terres insulaires étaient constituées « des sociétés villageoises et complexes, des cultures variées, et des populations denses et mobiles » (Perrot-Minot, 2015, p. 1). Tant C. Colomb, les acteurs des colonies espagnoles que les premiers missionnaires témoignent des fréquents trajets en pirogue des habitants entre les îles, et, entre les îles et le continent (Chevillard, p. 26).

Si on se réfère à la recherche archéologique, nous avons affaire à des révélations, puisque les recherches montrent « une société précolombienne vibrante et créative » (Honychurch, 2004, p. 4). Bien que les sites autochtones soient rares, à cause des méthodes de construction et de fabrication des abris qui dépendaient pour la plupart de matériaux organiques, il existe des sites de "terrains de jeu de balle" cérémoniels à Cuba, en République Dominicaine et à Porto Rico (Honychurch, 2004, p. 4). Également, il a été découvert, le plan général de l'unique maison communale précolombienne dans les Petites Antilles, sur l'île de Saint-Eustache (Honychurch, 2004, p. 4).

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C’est par le biais de la région du Delta de l'Orénoque et du fleuve que les Petites et Grandes Antilles ont un rapport avec le continent. Ce fleuve a été un élément essentiel qui a permis la communication et, l'échange des colons précolombiens de la Caraïbe (Honychurch, 2004, p. 4).

Les recherches archéologiques sont toujours à décrire les grandes lignes migratoires, les itinéraires des échanges commerciaux et les invasions avant l'arrivée des Européens. En effet, les révisions se font assez fréquemment en fonction des nouveaux matériels archéologiques (Honychurch, 2004, p. 5).

Différents styles de poteries permettent « de constituer la base théorique sur les réseaux régionaux et les frontières culturelles chronologiques » (Honychurch, 2004, p. 6). Ce peuplement, très ancien dans les Grandes Antilles date de plusieurs millénaires avant J.C. Dans les Antilles, les vestiges archéologiques les plus anciens ont été mis à jour à Trininad. Les établissements les plus anciens ont révélé « un outillage en coquillage, en pierre et en os, qui est rattaché à la tradition « Ortoiroïde ».

À Saint-Domingue, des sites découverts montrent un peuplement qui remonte à plus de 4000 ans avant J. C. C’est un peuplement qui a fait suite à plusieurs migrations (Adélaïde- Merlande, 1994 p. 20). Mais la plus grande migration a conduit des groupes d’origine mongoloïde du Nord-Est de la Sibérie jusqu’à l’Amérique du Sud. Le type physique des Arawak ou des Caraïbes ou Kalinas montre bien cette lointaine origine mongoloïde (Adélaïde-Merlande, 1994 p. 20). Si des migrations maritimes par le Pacifique avaient pu se faire, elles demeurent sans grande importance.

Certains indices archéologiques laissent penser que les Petites Antilles ont été peuplées avant les grandes îles des Caraïbes. Ces indications témoignent que l’installation de l’homme se fit au cours du 5ème millénaire avant J. C. Des objets trouvés dans différents sites archéologiques appartiennent à des hommes ignorant la poterie. Il s’agit plus particulièrement d’une période pré-céramiste précisant l’absence de poteries. Dans plusieurs lieux comme Trinidad, Martinique, Guadeloupe, des traces montrent la présence de ces populations précéramiques. Ces peuples sont présents à Saint-Christophe (Saint Kitts) vers 2000 avant J. C., à Antigues vers 1800 avant J. C.

Le premier groupe de population amérindienne que rencontrent les Espagnols en 1492 est celui des Taïnos ou Arawaks. Ils vivaient dans les Grandes Antilles, Puerto Rico,

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île de Saint-Domingue, Cuba et les Bahamas. Ramon Paré qui accompagnait C. Colomb lors de son deuxième voyage, a étudié le mode de vie, la langue maternelle parlée sur l’île, les cultures des Taïnos. Ces derniers vivaient dans de grands villages constitués de maisons familiales groupées. Ils pratiquaient une culture avancée, cultivaient des plantes racines, plus principalement le manioc, la patate douce et le chou des Caraïbes (taya). Ils cultivaient également le maïs, l'arachide, l’ananas, le coton, le tabac ainsi que d'autres plantes indigènes qui occupent une place importante dans leur pratiques ethnobotaniques (Honychurch, 2004, p. 7). Ils étaient potiers, tisseurs de coton, sculpteurs sur bois, d’os et de coquillage pour fabriquer des amulettes de perles et des objets religieux. Ils étaient vêtus de petits tabliers et s'ornaient de plumes.

Le groupe des Arawak le plus étudié est celui de l’île d’Hispaniola. En effet, il fut le premier à subir le choc de la colonisation européenne. Plus particulièrement le territoire de Marien qui comprenait toute la partie nord-ouest de l’île. Dans sa préface le Baron Émile Nau (1855, p. 12) écrit :

« Haïti a déjà suffisamment de titres à l’attention et a l’intérêt de la postérité, pour avoir été le premier berceau de la civilisation européenne en Amérique. Les premières denrées tropicales qui sont devenues aujourd'hui indispensables et d'un usage universel, c'est elle qui les a prodiguées. C’est là que la première église a été bâtie, et que la première semence du christianisme conquérant un monde nouveau a été répandue. Une race sociable et intéressante y a péri tout entière et sa poésie avec elle. Le premier essai de la colonisation qui a transformé cet hémisphère y a été tenté et y a réussi. L’esclavage africain avec ses horreurs a commencé sur ce sol ; mais les premiers cris de liberté en sont partis ; les premières chaines de la servitude y ont été brisées. Le premier peuple noir libre s'y est constitué ».

Adélaïde-Merlande avance que ce qui fut écrit à propos de ce groupe ne s’applique pas nécessairement aux autres groupes arawak des Grandes Antilles. Se référant à Las Casas, cet auteur précise que, lors de la découverte, Hispaniola dénombrait trois millions de personnes ; c’était un chiffre important pour l’époque. Les historiens contemporains l’ont admis en général. Le Baron Émile Nau, quant à lui, le chiffre à un million d’âmes en 1492, quinze années plus tard, il en restait soixante mille (Nau, p. 1).

Ce groupe était au stade néolithique agricole. Il utilisait la pierre polie comme outil de travail et vivait principalement de l’agriculture.

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On remarquera que « Taïno » comme « Arawak » et « Caraïbe » sont des noms donnés à ces populations par Colomb et les arrivants qui ont suivi. Ce sont plus des étiquettes de travail que le fruit d’une réflexion sur le nom que se donnaient elles-mêmes ces populations, ou des divisions culturelles qu’elles assumaient entre elles. Comme pour les Caraïbes qui s’appelaient entre eux « Callinago ». Leur vie a été étudiée en associant textes historiques et recherche archéologique (Honychurch, 2004, p. 6).

L’organisation sociale

La civilisation de Tainos était une « civilisation du nu ». Nau nomme ces âmes par le terme « naturel ». Ils avaient des chefs (Caciques) et des chamanes (behique, boyay). C'était les Caciques qui assuraient le gouvernement. Ils se répartissaient en Caciques régionaux, de district et de village. Les behiques ou boyay servaient chaque village, ils étaient divisés en natino et naboria. Ces derniers avaient été comparés à des nobles espagnols.

Dans l’organisation sociale, les Tainos d’Hispaniola vivaient en famille élargie, réunissant ceux appartenant à un même lignage. Cette famille constituait l’unité sociale de base et l’unité d’habitat (Adélaïde-Merlande, p. 24). Elle comprenait une vingtaine de personnes vivant dans des cases circulaires appelées caney ou bohio. Plusieurs bohios pouvaient constituer un « barrio », c’est-à-dire une réunion des membres d’un même clan et à leur tour, des barrios assemblés constituaient une « aldéa », une "agglomération" pouvant compter cinq cent à trois mille personnes. Suivant Adélaïde- Merlande, « il semble que l’habitat des Tainos d’Hispaniola ait été un habitat groupé, formé de nombreuses aldéas » (Adélaïde-Merlande, p. 25).

Les Indiens bâtissaient des bourgades de plusieurs milliers d’habitants. Les habitations étaient solidement construites. Seules celles des Caciques ou des chefs étaient mises en valeur. Il n’existait pas de notion de propriété, aucune appropriation « tout était à tous. La propriété était commune : celle du sol indubitablement » (Nau, p. 55).

Selon É. Nau, ce peuple vivait des produits de la pêche, et de la terre. Pour la chasse, il utilisait des flèches, des sagaies, des frondes et des haches de pierre, il pêchait au moyen de rets qu’il tissait. Le coton, les épices se rependaient naturellement dans les forêts. Il se nourrissait de maïs, d’ignames, de manioc, d’ajes ou de patates. Une autre culture semble

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importante, c’est celle du tabac. En effet, il cultivait également du « cohiba » ou « cohoba » dont il fumait les feuilles séchées.

De cette culture de la terre, il en est sorti une reconnaissance se présentant sous la forme de culte adressé « soit à un mortel qu’il égale aux Dieux, soit enfin à la terre elle- même qu’il divinise » (Nau, p. 53). Les esprits étaient représentés dans tout ce qui était décoratif et artistique sous l’allure de zemis ayant la forme d'un cône sculpté de façon à former une figure à trois pointes. On exhumait les os des ancêtres, qui étaient conservés dans des paniers suspendus aux habitations.

Durant les cérémonies, la poudre issue des feuilles du cohoba était inhalée par des tubes. Danses et chants (areitos) jouaient un rôle important dans les cérémonies, ainsi que le jeu de balle.

Les Caciques

Dans la société Taino, il existait plusieurs groupes hiérarchiques, à la tête des chefs, appelés « Caciques ». Ces derniers réglementaient la distribution des travaux et la répartition des biens de consommation. Par leur statut, le Cacique disposait d’une partie du surplus de la production, mais ils n’étaient pas des propriétaires. Les Indiens étaient assujettis au commandement suprême du Cacique.

L’île d’Hispaniola était divisée en cinq grands territoires, commandés chacun par un Cacique principal. La puissance était héréditaire. Des Caciques secondaires gouvernaient d’autres territoires et payaient au Cacique principal des tributs de poudre d’or, de cohiba et de coton (Nau, p. 55). Le Cacique était le chef de la religion ; les prêtres ou butios accomplissaient leurs rites sous sa direction (Nau, p. 55). Selon Adélaïde-Merlande, « le cacique était responsable du culte d’une divinité dont il était censé descendre ». Le cacique jouait le rôle principal dans la cérémonie de la cohoba.

Identité caraïbe dans les Petites Antilles.

Le terme « Caraïbe » était une appellation générique signifiant « tous descendants des populations aborigènes qui occupaient les îles des Petites Antilles à l'époque de l'arrivée de Colomb » (Honychurch, 2004, p. 8). Les « Caraïbes » ne se donnaient pas ce nom. En reprenant ce terme, Colomb en fit le qualificatif des habitants qu'il rencontra lors

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de son second voyage (Honychurch, 2004, p. 8). Ils ont été diversement qualifiés de

canima, canybal, caraibe, carebie, caribbee, charaibe et cribe dans d’autres langues

européennes (Honychurch, 2004, p. 8). Le P. Raymond Breton en 1642 remarquait que le nom des « Caraïbes » était Callinago6 dans le « langage des hommes » et Calliponam dans « le langage des femmes » (Honychurch, 2004, p. 8). Toutefois, cette précision est controversée (Whitwhead, Taylor).

« Ces sauvages, nommés par nous Caraïbes, étaient de la même race que ceux qui, à la terre ferme du Sud, étaient connus des Européens sous le nom de Galibis. Mais, dit le père Raymond Breton (Dictionnaire Caraïbe), leur véritable nom était Callinago et ils ne se distinguaient entre eux que par ces mots : Oubao-banum, Bolouebanum, c'est-à-dire, des iles ou de la terre ferme » (Breton, p. 115).

« Les Caraïbes étaient en effet des Galibis qui s'étaient détachés du continent pour venir conquérir les Antilles, possédées alors par les indigènes appelés Igneris. Ils les avaient exterminés et n'avaient gardé que leurs femmes et leurs filles, qui avaient toujours conservé leur langage primitif » (Margry, 1863, p. 29).