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L’erreur : Définition, Évolution et Typologie

II.2 L’erreur à travers les différentes méthodologies

Nous allons tenter dans ce qui suit de donner un bref aperçu sur les différentes conceptions de l’erreur dans les productions écrites à travers les différentes méthodologies qu’a connu l’histoire de l’enseignement-apprentissage des langues étrangères.

II.2.1. La méthodologie traditionnelle

Selon cette méthodologie, la priorité est accordée à l’écrit, dont l’enseignement-apprentissage se basait essentiellement sur des exercices de traduction des textes littéraires et sur la mémorisation des structures linguistique (les phrases) et du lexique spécifique à chaque thème.

Dans cette méthodologie, en plus d’être passif, l’apprenant n’a pas le droit de faire des erreurs écrites dans sa réponse. Il n’a pas le droit de douter de l’efficacité du maître ou du savoir proposé, même si ce dernier n’est pas adapté à son niveau d’assimilation.

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L’erreur écrite n’est pas admise, l’apprenant n’a pas le droit aux erreurs, qui sont corrigées immédiatement par l’enseignant sans aucune explication, ni analyse, ni implication de l’apprenant qui ne comprendra jamais où est son erreur.

L’erreur dans cette méthodologie est considérée comme une infraction à la langue normée. Elle est synonyme d’échec et doit être sanctionnée. L’erreur est négative et est sous la responsabilité de l’apprenant.

II.2.2. La méthodologie directe (MD)

La méthodologie directe est constituée globalement en opposition à la méthodologie traditionnelle vers la fin du 19ème siècle. L’écrit n’est pas privilégié dans cette méthodologie, il est vu comme une activité subsidiaire à l’oral. Les règles grammaticales y étaient enseignées implicitement.

Comme dans la méthodologie traditionnelle, l’erreur est sous la responsabilité de l’apprenant qui doit normalement l’éviter. Il n’a pas été assez motivé et performant et l’erreur est à sa charge. L’enseignant quant à lui à fait ce qu’il devait faire, c'est-à-dire transmettre l’information, donc l’erreur n’est pas sous sa responsabilité.

L’erreur est vue comme un signe de faiblesse, elle n’a aucune place dans le processus d’apprentissage. Elle est sanctionnée et chassée dès son apparition, sans pour autant comprendre les causes de son apparition.

II.2.3. La méthodologie audio-orale (MAO)

Cette méthodologie est venue en opposition aux deux méthodologies précédentes. Elle est née dans les années 40 aux Etats Unis d’Amérique d’abord puis elle s’est répandue en France à partir de 1965.

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L’apparition de la méthodologie audio-orale est purement pragmatique. Elle s’inscrit dans un contexte de guerre, et où apprendre des langues étrangères était une priorité surtout la langue anglaise.

Selon cette méthodologie, l’apprentissage d’une langue étrangère se ferait en mettant en place des habitudes et des automatismes dans un environnement programmé, et cela à travers l’imitation d’un modèle donné par l’enseignant en tant que maître détenteur du savoir.

Comme son nom l’indique, cette méthodologie a privilégié l’oral par rapport à l’écrit. L’accès à ce dernier se faisait par le biais des exercices structuraux fondés sur la transformation et la substitution. Etant donné que l’apprentissage de la langue étrangère est basé sur la répétition et l’imitation des structures linguistiques correctes, l’apprenant n’avait pas le droit à l’erreur. Elle est interdite qu’elle soit phonétique ou grammaticale.

L’erreur est assimilée à un « bogue », dont l’origine serait selon Astolfi un défaut de planification commis par l’enseignant soit une inadaptation de son cours par rapport au niveau réel de ses apprenants. L’erreur commise est grave parce qu’elle peut être apprise, donc il faut penser dès le début à l’éviter, et doit absolument être bannie.

La méthodologie audio-orale ne tente ni d’analyser l’erreur ni de la tolérer, et l’enseignant doit systématiquement la corriger.

L’apprenant est condamné dans cette méthodologie, et n’a aucune possibilité d’autonomie. Le développement de ses capacités cognitives est négligé, et quelques opérations intellectuelles sont exclues telle que la réflexion et l’analyse.

II.2.4 La méthodologie SGAV (Structuro-Globale-Audio-Visuelle)

La méthodologie SGAV est née eu Europe à partir des années 60. Elle s’est propagée, à peu près en même temps que temps que la MAO.

Cette méthodologie, consiste comme le précise J.P. Cuq : « en une approche

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la langue écrite » (Cuq JP, 2003 :221). La primauté dans cette méthodologie est donnée à

l’écoute puis à la parole, il fallait créer une sorte d’automatisme et de conditionnement dans lequel l’apprenant écoute puis parle. La lecture et l’écriture venait en dernier plan pour éviter l’apparition d’erreur. Et l’importance était de ce fait donnée à l’erreur orale au détriment de l’erreur écrite.

Cependant, si l’erreur surgit pendant la phase de la répétition, l’enseignant qui est responsable de l’erreur et c’est lui qui aurait dû l’éviter. Il va reprendre les énoncés erronés et l’apprenant doit répéter l’énoncé correct afin de bien le comprendre et le mémoriser. Donc l’erreur est tolérée au début de l’apprentissage. Une fois l’énoncé mémorisé l’apprenant n’a plus le droit à l’erreur.

II.2.5 L’approche communicative (AC)

Les fondements de l’approche communicative s’appuient sur plusieurs autres disciplines telles que : la sociologie, la psychologie, la didactique, la sociolinguistique, la pragmatique…Elle a connu un développement en France à partir des années 70, en opposition aux méthodologies audio-orale et audio-visuelle, réputées plus dogmatiques.

L’approche communicative adopte une approche cognitiviste qui s’intéresse aux capacités intellectuelles de l’apprenant, qui devient actif, responsable et dynamique dans son apprentissage.

Ainsi l’AC prône une pédagogie centrée sur l’apprenant et sur la description de ses besoins langagiers. La production écrite est revalorisée comme une compétence communicative à part entière. Elle se distingue aussi des autres méthodologies par le traitement de l’erreur et le statut accordée à celle-ci. L’erreur est considérée comme le signe d’un apprentissage qui se construit, un obstacle dans l’apprentissage qu’il faut analyser et surmonter, par opposition aux précédentes méthodologies qui le contournaient pour

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progresser. Astofli définit l’erreur comme étant « une difficulté objective pour s’approprier le

contenu enseigné. » (Astofli, J.P, 2005 : 23)

A ce moment l’apparition de l’erreur devient nécessaire et souhaitée, car elle est la preuve de l’évolution de l’interlangue. Elle donne lieu à une construction mentale d’une grammaire personnelle, donc les erreurs ressenties vont révéler des indices importants aux enseignants quant au stade du développement de la langue étrangère. Porquier précise que

« l’erreur est non seulement inévitable, mais normale et nécessaire, constituant un indice et un moyen d’apprentissage. On n’apprend pas sans faire d’erreurs et les erreurs servent à

apprendre. » (Porquier, 1977 : 28).

De ce fait les erreurs ne doivent pas être condamnées, au contraire, il faut les considérées comme « des symptômes importants d’obstacles auxquels la pensée de

l’apprenant est confrontée. » (Astofli, 2011 : 23). Pour assurer un meilleur apprentissage,

l’enseignant doit prendre en charge ces erreurs en proposant un traitement adéquat, en les intégrant dans le processus d’apprentissage et en les situant selon leurs différentes origines.

L’AC reconnait donc l’importance de l’erreur et lui attribue un statut positif, et elle devient une composante nécessaire et un repère facilitateur et pertinent dans le processus d’apprentissage des langues, notamment du FLE.

Nous constatons à travers ce bref aperçu que l’erreur est passée de la notion de défaillance à celle d’indice de l’apprentissage.