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L’erreur : Définition, Évolution et Typologie

II.6 Les sources des erreurs dans les écrits

II.6.4 La sur-élaboration de la langue

C’est lorsque l’apprenant tente de pratiquer la langue étrangère soigneusement, d’une manière formelle, l’énoncé produit est grammaticalement correct mais il peut être incorrect ou inacceptable par rapport à la situation ou au contexte, comme par exemple « Pourriez-vous me dire quelle est la saveur de votre gâteau ? » pour demander simplement « quel goût à ce gâteau ? »

115 II.7 Les théories des erreurs

Il semble bien que les erreurs aussi bien que l'inadéquation des messages ne peuvent être détectées que par des techniques de reconstitution et de comparaison. C'est cette comparaison qui constitue le terrain sur lequel l'analyse des erreurs et l'analyse contrastive se rencontrent et ont souvent été confondues à cause des erreurs interférentielles.

Il est indéniable qu'il existe une relation entre les différences qui séparent deux langues en contact dans un processus d'apprentissage et la manière dont l'apprenant assimile la langue cible. Le facteur le plus important déterminant la facilité et la difficulté dans l'acquisition des structures d'une langue étrangère est leur similarité ou leur différence par rapport aux structures de la langue source. Toutefois, les ressemblances partielles peuvent se révéler dangereuses pour un apprenant débutant lorsque les langues sont génétiquement proches. Les erreurs interférentielles sont pour la plupart générées par la proximité des convergences et des divergences des deux idiomes en contact. James Reason affirmera même que l'unique raison d'être de l'analyse contrastive est précisément l'existence des erreurs interférentielles.

Mais si l'analyse des erreurs et l'analyse contrastive présentent des zones communes (l'analyse des erreurs interférentielles), elles présentent également des zones de complémentarité : l'analyse contrastive entreprend de faire une comparaison systématique des deux langues pour isoler les aires des erreurs éventuelles, tandis que l'analyse des erreurs inclut aussi les erreurs qui ne sont pas dues à l'influence de la langue source, les erreurs internes.

Notons aussi, que l’analyse d’erreur est apparue en didactique à la suite de l’analyse contrastive. Elle a elle-même cédé la place à l’étude de l’interlangue et des parlers bilingues.

116 I.7.1 Analyse contrastive

L’approche contrastive a commencé aux États-Unis entre 1915 et 1933 d’abord dans le cadre de l’enseignement de la langue maternelle puis dans celui des langues étrangères. Il s’agissait de chercher les causes des difficultés d’apprentissage.

C’est grâce à Lado que cette théorie s’est développée en réaction aux lacunes enregistrées dans l'enseignement des langues étrangères. Elle se base sur un double ancrage théorique : « D’une part, la linguistique structurale américaine qui conduit à la comparaison

de différents niveaux langagiers de la langue source et la langue cible (phonologique, morphologique, grammaticale, lexico-sémantique) et, d’autre part, la psychologie béhavioriste. » (Marquilló, 2003 : 63).

Plusieurs solutions ont été envisagées pour essayer de déterminer ce qui faisait obstacle à l’enseignement-apprentissage. Les recherches ont pu montrer que l’acquisition d’une langue étrangère est plus ou moins conditionnée par la langue maternelle de l’apprenant. La langue maternelle fut dès lors prise en considération par rapport à la langue seconde. Plusieurs questions se sont posées : la langue maternelle est-elle un facteur facilitant l’apprentissage ou un de ses obstacles ? Quel rôle joue-t-elle dans le processus de l’enseignement-apprentissage ? De quelle façon peut-elle influencer sur l’acquisition d’une langue seconde ?

L’analyse contrastive est basée sur la linguistique contrastive. Cette dernière se définit comme une sous-catégorie de la linguistique qui s’intéresse à la comparaison de deux ou plusieurs langues ou sous-systèmes de langues afin de déterminer les ressemblances et les différences entre les langues en question.

Selon Galisson et Coste, l’analyse contrastive est « une méthode fondée sur les

descriptions linguistiques. Celle-ci a pour but de mettre en évidence les différences entre deux langues, en comparant la langue source à la langue cible, afin de rendre possible ainsi

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l’élaboration de méthodes d’enseignement mieux appropriées aux difficultés spécifiques que rencontre une population institutionnelle d’une langue maternelle donnée dans l’apprentissage d’une langue étrangère spécifique. ». (Galisson et Coste 1976 :200).

Le principe de base de l’analyse contrastive a été énoncé par Fries : «Les matériaux

pédagogiques les plus efficaces sont ceux qui sont basés sur une description scientifique de la langue à apprendre, comparée à une description parallèle de la langue maternelle de l’apprenant.» (Fries ,1945 : 9). Cette idée a été développée et théorisée par la suite dans une

époque dominée par la psychologie du comportement, par Lado (1957) et Ferguson (1962) L’analyse contrastive a connu de bons résultats jusqu’aux années 70. Elle avait pour but essentiel de décrire des systèmes linguistiques en contact et de prédire les erreurs des apprenants. Elle fut pendant longtemps associée à la théorie behavioriste. Comme l’explique F. Debyser : « la théorie contrastive a pour fondements le structuralisme dans le domaine de

la linguistique et le behaviorisme dans le domaine de la psychologie. D’une part, elle tente de décrire les systèmes en contact et de prédire par conséquent les erreurs des apprenants, d’autre part, elle se fonde sur une vision voulant que le langage ne soit qu’un ensemble d’habitudes. Ainsi, selon cette théorie, dans l’apprentissage d’une L2, l’acquisition de bonnes

habitudes et un bon conditionnement basé sur stimulus-réponse-renforcement devaient permettre à l’apprenant de ne plus produire d’erreurs, sinon d’en produire moins ». (Debyser

F 1970 : 31).

Il s’agit là, évidemment, de l’époque des méthodes audio-orales et audio-visuelles, axées principalement sur l’oral suivi de la correction systématique de l’erreur. Dans cette perspective, les pédagogues devaient chercher à identifier l’erreur et, par la suite, la corriger. Mettant l’accent sur le rôle de la langue source dans l’appropriation de la langue cible, certains postulent que cette appropriation tient avant tout dans le transfert des habitudes développées dans la première. Les travaux de Lado (1957, 1964) illustrent la tendance forte

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de la théorie. Sur la base de la comparaison des structures de la source et de la langue-cible, il veut démontrer qu’on peut prédire et expliquer par conséquent l’apparition des erreurs d’un apprenant en fonction de la langue-source. De ce point de vue, l’hypothèse veut que

« plus la langue-cible est proche de la langue-source, plus l’acquisition de cette dernière sera facilitée car il ne fera que des transferts positifs. ». (Lado, 1964 :40).

Selon cette théorie, en situation d’apprentissage, quand les deux langues sont en contact, il y a automatiquement transfert, positif ou négatif, de certains aspects de langue source à la langue cible. Positif, si les deux langues présentent des structures semblables. L’acquisition de la langue seconde est ainsi déterminée par les structures de la langue que l’apprenant maîtrise déjà. Les zones où les deux langues en présence se différencient fortement sont cause de difficultés d’acquisition : il y a donc transfert négatif ou interférences de la langue maternelle sur la langue seconde. Le transfert peut se manifester à tous les niveaux, phonologique, morphologique, syntaxique ou sémantique. Les erreurs de l’apprenant sont expliquées par le transfert des habitudes linguistiques de la langue source à la langue cible.

La théorie de Lado (H. Besse et R. Porquier, 1984 : 202-206) peut être résumée comme suit :

* Lors de l’apprentissage d’une langue seconde, il y a transfert des caractéristiques formelles et sémantiques de la langue source dans l’apprentissage de la langue cible.

* La comparaison de l’ensemble des deux systèmes linguistiques permet de mettre en lumière et de prévoir tous les problèmes d’apprentissage.

* On peut établir des progressions sur la base des résultats tirés de ces comparaisons, compte tenu des différences et des similitudes entre la langue source et la langue cible.

* Ce qui est similaire est facile à transférer alors que ce qui diffère suscite de l’interférence et donc des erreurs, et fait ainsi obstacle à l’apprentissage.

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* Les méthodes de description des langues proposées par le structuralisme constituent les meilleurs outils pour l’enseignement-apprentissage de la langue cible.

L’analyse contrastive présente plusieurs avantages, qui sont la prise en considération du lien entre la description linguistique, la psychologie et la pédagogie, la mise en évidence des différences de structures phonologiques, morphosyntaxiques et lexico-sémantiques en comparant la langue maternelle de l’étudiant avec la langue seconde qu’il apprend afin de prévoir les problèmes susceptibles d’émerger au cours de l’apprentissage.

La naissance de la théorie contrastive a répondu aux attentes les plus vives des professeurs de langues vivantes. Ayant pour ambition de départ de comparer terme à terme les deux langues, et surtout leurs différences structurales, la théorie contrastive devait permettre la réalisation de nombreuses méthodes mieux adaptées aux difficultés spécifiques rencontrées par les apprenants de langues étrangères entre 1945 et 1965 aux Etats-Unis.

Toutefois l’analyse contrastive ne peut à elle seule couvrir toutes les erreurs que peuvent commettre les apprenants. Car toutes les erreurs ne viennent pas de l’assimilation de deux langues. Ainsi d’autres formes d’analyses apparaissent.

I.7.1.1 Critique de l’analyse contrastive

Selon la théorie contrastive, la comparaison structurale des deux langues permet de prévoir et d’identifier tous les problèmes liés à l’apprentissage. Mais il est clair que ce qui est en contact pour un apprenant à un stade donné d’apprentissage n’est pas les deux systèmes linguistiques mais bien plutôt la grammaire intériorisée de sa langue maternelle et ce qu’il acquiert, au stade où il est rendu, de la langue étrangère. Le transfert ne peut ainsi opérer qu’entre ce que l’apprenant a acquis, de sa langue maternelle et de la langue étrangère, et les données nouvelles.

Il arrive en outre que certaines fautes commises par des apprenants ne proviennent pas de leurs langues maternelles mais de ce que l’apprenant a acquis en langue-cible. Il s’agit de

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ce que l’on nomme erreurs intralinguales, d’ordre universel, qu’elles sont difficiles à éliminer. Prenons un exemple d’erreur fréquemment rencontrée chez les apprenants de la L2, la conjugaison erronée des verbes faire et dire à la deuxième personne du pluriel : disez, faitez, la généralisation de la forme de la deuxième personne du pluriel du français est la cause de ces erreurs.

Les défauts de l’analyse contrastive sont mis en lumière par divers constats empiriques. Ils portent surtout sur ses présupposés psycholinguistiques et le mécanisme de transfert invoqué. On constate d’abord le degré variable de transfert entre une habitude déjà ancrée chez l’apprenant et une nouvelle habitude à acquérir, comme l’observent H. Besse, R. Porquier (1984 : 202). Les études sur le transfert portaient rarement sur le transfert d’un système d’habitudes hautement élaboré à un système nouveau et différent, mais plus généralement sur le transfert de conduites élémentaires à d’autres conduites comparables et/ou complexe.

En d’autres termes, c’est au niveau de la langue maternelle de l’apprenant et de sa compétence provisoire qu’a lieu le transfert, non au niveau de deux systèmes linguistiques hautement élaborés. Le transfert n’est donc pas intersystémique. Il en résulte que l’analyse contrastive ne prévoit qu’une partie des difficultés d’apprentissage, et que plusieurs erreurs pourtant prévues ne se produisent pas.

Il est difficile pour un apprenant de langue étrangère d’effacer, de remplacer ou de modifier un système préalablement acquis (sauf en cas d’acquisition précoce), comme l’observe G. Oléron, « il est souvent difficile, au niveau de l’analyse des résultats, de

dissocier les effets positifs du transfert et ses effets négatifs. C’est leur résultante seule que l’on mesure» (G. Oléron, 1964 : 118, cité par H. Besse et R. Porquier, 1984 : 202).

Élaborée dans la perspective de la pédagogie behavioriste, l’analyse contrastive a mis l’accent plutôt sur l’enseignant et sur la méthode que sur l’apprenant. C’est pour cette raison

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que les innéistes critiquent l’analyse contrastive avec stimulus-réponse. Mais, en tant que description comparée de deux langues, et dégagée de son ancrage behavioriste initial, l’approche contrastive apparaît pédagogiquement utile. Si l’enseignant connaît la langue maternelle des apprenants, il peut s’y référer pour structurer son guidage pédagogique et éclairer par la suite l’apprentissage par des informations contrastives adaptées.

Les critiques énumérées reflètent plus ou moins les insuffisances ou les défauts de la théorie contrastive, notamment de la théorie forte. L’analyse contrastive a priori prétendait prévoir et cerner tous les problèmes d’apprentissage (R. Lado, 1957 : 10), alors que l’analyse contrastive a posteriori, visant le traitement des transferts effectivement observés chez les apprenants, entre dans le cadre empirique de l’analyse des erreurs.