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VI. Présentation des enquêtes et résultats

1. Comparaison des réalités éducatives en France et en Syrie

1.3. L’enseignement supérieur

Nous ne détaillerons pas toute l'organisation de l'enseignement supérieur syrien et français, mais allons nous concentrer sur ce qui se passe à l'université, plus spécifiquement au niveau de la Licence. Etant entendu que les deux pays fonctionnent selon le système LMD (Licence – Master – Doctorat) avec quelques différences au niveau du nombre d'années dans certains niveaux ou spécialités.

En Syrie en 2009, cinq universités publiques se partagent un demi-million d'étudiants dans, au total, 108 facultés et environ 20 instituts supérieurs24. La même année, le nombre d'étudiants français inscrits dans les universités de

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leur pays est de presque 1,5 millions d'individus25. La population syrienne est trois fois moins importante que la population française ; approximativement 62,5 millions d'habitants en France contre environ 23 millions dans l'Etat arabe. La proportion d'étudiants inscrits est donc la même dans les deux pays.

Par contre, en 2005, l'Etat syrien consacre 3,4% de son budget26 (15,9 milliards de livres = 0,251 milliards d'euros27) à l'enseignement supérieur. En France, pour l'année 2004, le budget est de 9.09 milliards d'euros28. Le budget français pour l'enseignement supérieur est donc d’à peu près 36 fois plus important que le budget syrien.

En 2003, le gouvernement syrien a voté un décret qui autorise les universités privées à s'ouvrir. Elles se partagent actuellement environ 30 000 étudiants29, mais sont encore limitée à l'organisation des Licences qui s'obtiennent, en Syrie, à Bac+4 minimum30. Un Master, uniquement réalisable dans le système d'éducation public sera donc obtenu à BAC+6, minimum.

Le taux d'étudiants qui poursuivent leurs études jusqu'en Master est assez faible ; ils sont 11 000 pour tout le pays en 200331. La même année, seuls 467 étudiants préparaient une thèse de doctorat en Syrie32. En France, pour l'année 2003, le chiffre est de 13 000 doctorants effectifs33. Toutes proportions gardées, le nombre très bas de masterants et de doctorants en Syrie pose question.

Malgré la stratégie du gouvernement syrien de démocratiser l'enseignement - de le rendre public et gratuit depuis les années 60 - et la population étudiante qui ne fait que croitre, nous observons une désaffection pour les cursus de spécialisation qu'ils soient de niveau Master ou Doctorat (Abdel-Wahid, 2009).

25 Source INSEE en ligne :

http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF07113

26 Voir la Fiche Syrie de l'Ambassade de France en Syrie. 27 Taux de change au 15 février 2011 (1€ = 63,17 SYP). 28

Info Ministère des affaires étrangères disponible en ligne :

http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/enseignement_superieur.pdf

29 Voir la fiche Syrie de l'Ambassade de France en Syrie.

30 Source : Arab International University – Institution privée - Damas 31 Nous n’avons pas trouvé de chiffres plus récents.

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Voir la Fiche Syrie de l'Ambassade de France en Syrie.

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Pourquoi les diplômés de Licence ne sont-ils pas attirés par une formation plus qualifiante, ni par le monde de la recherche ?

L'explication se trouve peut-être dans l'organisation même du système universitaire. En effet, l'étude de cas de Najib Abdel-Wahid sur l'enseignement supérieur en Syrie nous révèle des éléments qui, incontestablement, doivent jouer un rôle quant aux ambitions académiques des jeunes licenciés. Reprenant les termes d'Abdel-Wahid, "le système

éducatif souffre d'une sérieuse déficience dont les facteurs sont nombreux".

Dans son étude, il relève, entre autre, la fuite des compétences via l'expatriation des citoyens les plus qualifiés et le manque de formations appliquées.

Nous pouvons dès lors nous demander pourquoi un étudiant continuerait sa formation si, ni ses enseignants, ni la nature de la formation ne lui permettront d'être en meilleure adéquation avec le marché du travail.

En outre, Abdel-Wahid constate que les méthodes d'enseignement dans le supérieur (et nous l'avions déjà remarqué dans le scolaire) sont très traditionnelles, s'appuient essentiellement sur le manuel (jamais remis à jour), ne laissent pas de place à la recherche ni au travail d'équipe. Le niveau des programme est faible et le contenu dépassé, le salaire des enseignants est en baisse, l'accès aux ouvrages de références en langue étrangère reste indisponible. Cette dernière donnée implique une autre problématique : le nombre restreint de recherches qui se réalisent malgré tout est de niveau très faible.

A la lecture de ce passage, on se sent pris dans un cercle très vicieux duquel il semble difficile de sortir. Comment, en effet, donner l'envie à la population étudiante de continuer à se former ou de se lancer dans la recherche quand le système n'offre ni formation qualifiante, ni univers propice à la recherche théorique ?

Suite à ces constatations, la Syrie a décidé de prendre les choses en main. Dans son 10ème plan quinquennal (2006-2010), le gouvernement dit vouloir

"parvenir à un système éducatif plus productif, mieux adapté à notre temps et au marché du travail, disposer d'une institution qui crée plus d'emplois et qui dispense un enseignement pratique capable de former une main d'œuvre

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compétitive au niveau mondial." (cit. in Abdel-Wahid, 2009). Une des sept

stratégies mises en place pour y parvenir est d'ouvrir les universités sur l'extérieur. Ainsi, bien que démarrés avant le 10ème plan syrien, les projets de Masters conjoints et communs avec des universités étrangères entrent tout à fait dans la logique de modernisation de l'enseignement supérieur en Syrie. Les coopérations internationales universitaires sont nombreuses et touchent l'ensemble des pays du monde. Cela dit, la France garde une place privilégiée car c'est avec des institutions françaises qu'ont lieu la majorité des coopérations34.