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L’enseignement de la phytothérapie par les animaux : notion de zoopharmacognosie

Partie 2 : Contexte, méthodes et modalités de création

A. L’enseignement de la phytothérapie par les animaux : notion de zoopharmacognosie

Au fil de l’Histoire, les Hommes se sont transmis des savoirs sur les plantes médicinales et les ont enrichit grâce à l’étude de l’auto-médication des animaux dans la nature. A l’heure actuelle, de nombreux scientifiques travaillent sur ces comportements et c’est grâce à ces travaux que nombre de plantes médicinales sont encore découvertes.

En 1978, Daniel Janzen, biologiste, est le premier à suggérer que les animaux pourraient «soulager certains de leurs maux» via l’ingestion de plantes aux composés biologiquement actifs. Quelques années plus tard, la notion de zoopharmacognosie fut employée pour la première fois par le scientifique Wrangham. Issu des mots grecs « zoo » signifiant ‘animal ‘, « pharmaco » désignant ‘le remède’, et « gnosis », ‘la connaissance ‘, ce terme désigne l’observation et l’enregistrement des comportements des animaux malades.

Le coût pour un individu de ne pas se maintenir en bonne santé peut être très important et c’est ainsi que certains comportements observés dans la nature constituent la première ligne de défense contre l’attaque de certains pathogènes et parasites. En étudiant ces comportements, les Hommes ont beaucoup appris sur les plantes médicinales à travers l’histoire.

Les chercheurs se sont aperçu que certains animaux malades introduisirent dans leur régime alimentaire des plantes qui ne faisaient pas partie de leur alimentation quotidienne. Ces végétaux n’ont pas de bénéfice nutritionnel pour l’espèce animale et ne sont pas appétents.

Une étude a décrit une population de chevreuils ayant à leur disposition un aliment riche en tanins. La consommation moyenne a été de 28 g de tanins par kilogramme d’aliment ingéré. Les tanins ont tendance à irriter et dessécher la cavité buccale, ce qui fait que les aliments en contenant sont habituellement recrachés. Cette observation a servit de fer de lance à plusieurs travaux ensuite pour déterminer le rôle de ces tanins chez certains mammifères (Verheyden-Tixier et Duncan, 2000).

93 Les plantes consommées par les animaux malades sont peu appétentes pour la plupart et souvent amères. Habituellement, les plantes amères ne sont pas appréciées mais tout comme les patients humains malades, les animaux ont moins d’aversion pour les aliments amers lorsqu’ils sont souffrants. Plus le patient guérit, plus cette aversion pour l’amertume se fait de nouveau ressentir. Les mécanismes ne sont pas encore connus mais l’idée serait qu’il y aurait une attirance pour les aliments plus amers lorsque la maladie s’installe. En étudiant alors les plantes ingérées, les scientifiques se sont rendu compte que la plupart des plantes médicinales étaient amères. Que ce soit une simple coïncidence ou non, les recherches montrent que les animaux malades ingèrent des plantes non habituelles de leur alimentation quotidienne et stoppent ce régime une fois guéris (Engel, 2007).

La zoopharmacognosie a également permi l’étude de la toxicité végétale. Les nutriments sont souvent accompagnés de substances non nutritives qui sont bioactives et parfois toxiques. Cela dépend de la fréquence de consommation, de la dose et de la combinaison avec d’autres substances ingérées. Certaines plantes comme la vernonie commune (Vernonia amygdalina L.), en Tanzanie, est utilisée par les chimpanzés pour se débarrasser de plusieurs parasites pouvant causer la malaria, la leishmaniose ou encore la schistosomiase ou bilharsiose (maladie tropicale dûe à un vers hématophage). Cette plante contient sept glycosides stéroïdiens ainsi que quatre lactones sesquiterpènes, plus de la vernonioside B1 qui est extrêmement toxique pour les chimpanzés. Ces animaux ont donc la capacité à trouver des plantes qui leur permettent de guérir mais aussi de contrôler la quantité ingérée afin de ne pas s’intoxiquer dans le même temps (Ohigashi et al., 1994).

Afin de parer à cette toxicité naturellement présente chez certaines plantes, certains animaux ont trouvé le moyen de se protéger. En alliant des plantes médicinales et d’autres éléments comme l’argile, le Ara rouge contrôle la quantité de toxines ingérées. L’argile qu’il ingère lui permet de tapisser sa paroi digestive pour éviter l’effet caustique des plantes. De plus cet enduit d’argile permet de limiter la quantité de toxines végétales pouvant passer à travers la muqueuse et circuler ensuite par voie sanguine (Gilardi et al., 1999).

Les plantes sont parfois utilisées pour leurs propriétés astringentes. Certains grands singes : chimpanzés, gorilles etc… utilisent des feuilles rugueuses de façon bien particulière. Ils les évaluent avec leur main, bouche et langue, et alors que la feuille est toujours attachée, ils l’avalent sans même la mastiquer. Cela leur permet d’avoir un effet abrasif sur leur muqueuse digestive et de détruire certains vers (Bertiella studeri) qui s’enkystent à l’intérieur de celle-ci (Wrangham, 1995). Cette action physique des plantes est aussi utilisée chez certains ours bruns d’Alaska, avant d’entrer en hibernation (Engel, 2007).

Enfin, les oiseaux et les mammifères utilisent les plantes en usage externe ou dans leur propre habitat pour se protéger. En effet, durant la période de nidification, les étourneaux européens rapportent toute une sélection d’herbes aromatiques dans leurs nids. En Amérique du nord on a retrouvé de la carotte sauvage (Daucus carota L.), de l’achillée (Achillea millefolium L.), de l’aigremoine (Agrimonia parviflora L.), de la verge d’or (Solidago spp.) et enfin de la vergerette (Eligeron spp.), bien que ces plantes ne soient pas fréquentes dans les environs des nids. Ces plantes sont hautement aromatiques et les chercheurs ont montré que

94 les oisillons avaient de meilleures chances de survie lorsqu’ils naissaient dans ces nids. En effet, les plantes sont riches en monoterpènes et sesquiterpènes (myrcènes, pinènes et limonènes) qui sont bactériostatiques (pour Streptococcus aureus, Staphylococcus epidermidis, et Pseudomonas aeruginosa) et répulsives pour les acariens et les poux (Clark et Mason, 1985). Ainsi, les nids contenant cette sélection d’herbes aromatiques possèdent un environnement sain pour le développement des oisillons et améliore leur survit dès les premiers jours de vie.

Les comportements d’auto-médication s’expliquent souvent par le phénomène d’hédonisme : la recherche du plaisir et l'évitement du déplaisir. L’animal ingère une substance qui lui permet de retrouver rapidement une situation plus confortable (Engel, 2007). Cela ne signifie donc pas qu’il arrive à éliminer la cause à chaque fois ; les intoxications et addictions existent aussi dans les espèces animales domestiques et sauvages. L’habilité à réussir l’auto-médication nécessite des stratégies comportementales innées et des adaptations via l’apprentissage. On ne peut donc pas laisser les animaux malades trouver leur propre plante médicinale pour se soigner, d’autant plus que la domestication n’a pas sélectionné les individus pour leur habileté à s’auto-réguler et l’environnement domestique offre peu de situations pour réaliser des essais et des erreurs dans l’initiation à l’auto-médication.

L’auto-médication des animaux sauvages est donc un sujet très riche pour l’étude des plantes médicinales. Les recherches en la matière servent à découvrir de nombreuses plantes actuellement et font partie des fondements de notre éducation en matière de phytothérapie.