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Le bien de l’enfant : un argument peu développé dans les débats

3. UNE RÉGLEMENTATION FUTURE : L’ÉPOPÉE DE L’INITIATIVE ET DU

3.4. A NALYSE CRITIQUE

3.4.4. Le bien de l’enfant : un argument peu développé dans les débats

Les débats exposés ci-dessus sont centrés sur la question principale de l’égalité entre femmes et hommes, les aspects financiers de la mesure ainsi que l’impact des congés liés

139 Cf. supra 3.3.

140 MÜLLER/RAMSDEN, p. 63ss.

141 Cf. infra C, p. 40.

142 Cf. infra 4.2.2.

143 Cf. infra C, p. 42.

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à la naissance d’enfants sur l’emploi des jeunes parents. Un nombre écrasant d’études empiriques se focalisent donc sur ces indicateurs. Néanmoins, le congé accordé aux parents touche également, évidemment, l’enfant lui-même. Les États doivent donc également prendre en compte ce facteur quand ils édictent des politiques familiales. Le Conseil fédéral et le comité d’initiative mentionnent rapidement que le congé paternité serait bénéfique pour les enfants, et semblent d’ailleurs s’accorder sur ce point.144 Toutefois, une argumentation plus détaillée permet de mettre en lumière la nécessité, du point de vue du bien de l’enfant, de l’introduction d’un congé paternité et de contrer de façon plus vigoureuse encore les réticences du Conseil fédéral.

Le NORDIC COUNCIL OF MINISTERS, composé de représentants de la Norvège, de la Suède, de l’Islande, de la Finlande et du Danemark a ainsi chargé un groupe de chercheurs de se pencher, en 2011 déjà, sur les interactions entre l’égalité des sexes et le bien de l’enfant.145 Le premier constat, qui oriente l’entier du rapport, est celui que les premières années de la vie des enfants sont fondamentales et que c’est au cours de celles-ci qu’ils développent un attachement profond envers leur entourage.146 En effet, c’est durant ces premières années que le cerveau se développe le plus rapidement et que les bases qui servent ensuite à l’enfant à acquérir des aptitudes cognitives et sociales sont créées.147

Certaines études ont démontré que les enfants soumis, durant ces premières années de vie, à des traumatismes importants sont exposés par la suite à des risques de développement social et émotionnel anormal, pouvant se traduire par des maladies, handicaps, problèmes sociaux voire même un décès précoce.148 Ainsi, le début de la vie des enfants est une phase cruciale pour le développement cognitif et émotionnel, qui nécessite que la qualité de leur garde soit optimale dans leurs trois premières années de vie, que ce soit à domicile ou en institution selon les âges.149

Dans ce contexte, la question des congés accordés aux parents à la naissance est fondamentale pour garantir le bien de l’enfant. En effet, non seulement le fait de bénéficier de la présence des deux parents à la naissance est positif pour l’enfant, mais il est aussi désormais avéré que ces effets influencent l’enfant sur le long terme, bien au-delà de la durée du congé.150 Ainsi, l’octroi de congés prolongés à la naissance diminue le taux de mortalité des enfants en bas-âge étant donné que la mère peut allaiter et que les deux parents sont plus à même de surveiller le nouveau-né et d’acquérir un équipement favorisant sa santé et sa sécurité.151

Ensuite, il est nécessaire que l’enfant établisse une relation stable avec ses deux parents pour qu’il puisse convenablement développer ses aptitudes cognitives. À cette fin, l’enfant doit bénéficier de 20 semaines de prise en charge par ses deux parents.152 Une

144 CONSEIL FÉDÉRAL, Message concernant l’initiative, FF 2018 3825, 3834 ; SECRÉTARIAT DE LASSOCIATION «LE CONGÉ PATERNITÉ MAINTENANT !»,p. 6.

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séparation plus précoce aurait pour effet d’affaiblir la relation fraîchement construite entre les parents et l’enfant. En revanche, après 20 semaines, la séparation d’avec les parents est positive étant donné qu’elle leur permet d’augmenter leur niveau de satisfaction (en reprenant une activité professionnelle et en interagissant avec d’autres adultes) si bien qu’ils stimulent plus l’enfant lorsqu’ils sont avec lui.153

Enfin, la question du développement des facultés émotionnelles et sociales se pose surtout dans le cadre du congé accordé au père car il permet d’améliorer la qualité de la relation avec l’enfant.154 Ainsi, une étude publiée en 2009 a démontré que, plus le congé pris par les pères était long, plus les heures consacrées à une activité professionnelle diminuaient à mesure que l’enfant grandissait – et ce même en cas de divorce des parents – ce qui prouve que le congé octroyé au père a bien un effet sur le long terme.155 Les pères ayant bénéficié d’un congé à la naissance de leur enfant négocient plus leurs modalités de travail, ayant plus recours à des horaires flexibles, à des choix professionnels plus conciliables avec leur vie de famille, réduisant leur temps de travail les week-ends et le soir, ce qui leur permet, in fine, de s’investir plus activement dans l’éducation des enfants, influençant positivement leur développement.156

Naturellement, cet impact positif dépend du type de soins prodigués par le père à ses enfants pendant son congé, ce qui repose sur la longueur du congé lui-même.157 Typiquement, un père se retrouvant seul à la maison avec un enfant alors que la mère reprend une activité professionnelle à plein temps prendra plus conscience des responsabilités à assumer et prendra en charge l’enfant de façon plus adaptée et autonome.158 Ce constat semble favoriser la prise d’une partie du congé en un bloc, afin que le père développe des aptitudes éducatives autonomes. Une certaine flexibilité est néanmoins nécessaire pour permettre aux parents de se constituer des options sur mesure pour prendre soin de leur enfant.159

Ainsi, le NORDIC COUNCIL OF MINISTERS démontre que le bien de l’enfant est central dans les débats sur les congés liés à la parentalité. En effet, des études – moins nombreuses que celles dédiées à des thématiques d’égalité des sexes – prouvent que le bien de l’enfant est maximisé par la présence des deux parents à sa naissance, et que ces effets perdurent tout au long de sa vie notamment au vu de son développement intense et rapide dans les premières années, nécessitant toute l’attention et les soins possibles par les deux parents.

Il aurait donc été souhaitable de voir cet argument plus approfondi dans les débats, car s’il semble exister un consensus sur ce point en Suisse, son analyse détaillée met en lumière la nécessité d’instaurer un congé paternité non seulement du point de vue de l’égalité des sexes mais également du point de vue du bien de l’enfant.

153 NORDIC COUNCIL OF MINISTERS, p. 120.

154 NORDIC COUNCIL OF MINISTERS, p. 122.

155 NORDIC COUNCIL OF MINISTERS, p. 123.

156 NORDIC COUNCIL OF MINISTERS, p. 124.

157 NORDIC COUNCIL OF MINISTERS, p. 124.

158 NORDIC COUNCIL OF MINISTERS, p. 124.

159 NORDIC COUNCIL OF MINISTERS, p. 125.

23 3.5. Synthèse

En résumé, les institutions politiques suisses – le Conseil fédéral en particulier – demeurent plutôt frileuses à l’égard d’un congé paternité. Même si le Contre-Projet prévoyant 2 semaines de congé était adopté par votation populaire, il ne s’agirait que d’une modeste avancée sociale en comparaison avec d’autres pays, comme la suite de l’analyse le démontrera.160 Cette avancée représenterait néanmoins un pas de plus sur la longue route vers le bien de l’enfant, vers l’égalité des sexes et vers une suppression de la répartition des tâches stéréotypée.

Comme le souligne PERRENOUD, il reste donc encore beaucoup à faire dans ce domaine en Suisse.161 Néanmoins, certaines entreprises privées et institutions étatiques prennent déjà des initiatives individuelles en termes de congé paternité et forgent ainsi, par la force de l’exemple et de l’expérience positive, un changement de mentalité prometteur. C’est à l’analyse de ces initiatives que la section suivante est consacrée.

4. Les initiatives des institutions suisses et dans le secteur privé

Comme le soulignent le Conseil fédéral ainsi que Roland BÜCHEL, conseiller national de l’Union Démocratique du Centre saint-gallois s’opposant au congé paternité, chaque employé pourrait négocier un congé paternité avec l’employeur ou sciemment rechercher des entreprises qui l’ont mis en place.162 Il s’agit dès lors d’analyser si le marché du travail offre une telle possibilité aux travailleurs.

4.1. Les initiatives dans le secteur public

4.1.1 Le congé paternité en faveur du personnel de la Confédération

Le 31 août 2011, le Conseil fédéral a publié un Message concernant la modification de la Loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (LPers)163 afin de permettre à la Confédération, en sa qualité d’employeur, de « réagir plus rapidement aux changements » et de disposer « d’un droit du travail moderne et compétitif ».164 Ainsi, le Message a proposé de modifier l’art. 17 LPers afin d’y prévoir une base légale expresse selon laquelle le Conseil fédéral peut, en matière de personnel de la Confédération, réglementer la question du congé dit « parental », c’est-à-dire le congé maternité, le congé de paternité ainsi que le congé en cas d’adoption.165

En effet, à teneur du droit en vigueur en 2011, l’Ordonnance du 6 décembre 2001 du Département fédéral des finances (DFF) concernant l’ordonnance sur le personnel de la

160 Cf. infra 5.

161 PERRENOUD, Durées du travail, p. 657.

162 CONSEIL FÉDÉRAL, Message concernant l’initiative, FF 2018 3825, 3838 ; Débat entre Lucie ROCHAT et Roland BÜCHEL : [https://www.rts.ch/info/suisse/10849684-referendum-lance-contre-le-conge-paternite-federal-juge-trop-couteux.html] (28.03.2020).

163 RS 172.220.1.

164 CONSEIL FÉDÉRAL, Message concernant une modification de la loi sur le personnel de la Confédération, FF 2011 6171, 6172.

165 CONSEIL FÉDÉRAL, Message concernant une modification de la loi sur le personnel de la Confédération, FF 2011 6171, 6185.

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Confédération (O-OPers)166 ne prévoyait qu’un congé paternité de 5 jours sans toutefois se fonder sur une base légale spécifique (art. 40 al. 3 let. b aO-OPers).167

Ainsi, le 31 mai 2013, le DFF a modifié l’art. 40 al. 3 let. b O-OPers en prévoyant que les employés bénéficieraient d’un congé paternité de « 10 jours de travail à prendre, en bloc ou séparément, durant les 12 mois après la naissance d’un ou de plusieurs enfants […] ».168 Cette disposition est entrée en vigueur le 1er juillet 2013 mais a été modifiée le 26 novembre 2013 afin de l’appliquer également en cas de naissance de l’enfant du partenaire enregistré (art. 40 al. 3 let. b O-OPers actuel).169 Cette modification est entrée en vigueur le 1er janvier 2014.170

Actuellement, les employés de la Confédération sont donc mieux lotis que les employés soumis au régime de l’art. 329 CO. La Confédération s’est en effet dotée d’un congé paternité afin d’être un employeur plus moderne, comme le reconnaît Conseil fédéral, et donc plus compétitif. Ce sont donc des considérations économiques qui ont motivé la décision d’instaurer un congé paternité, sans qu’aucun argument lié au bien de l’enfant ou à l’égalité des sexes ne soit formulé.

4.1.2. Le congé paternité en faveur du personnel des institutions cantonales Tous les cantons ont adopté une réglementation s’agissant du congé paternité accordé à leur personnel en cas de naissance d’un enfant.171 Néanmoins, ces réglementations varient beaucoup. Le canton d’Obwald est le moins généreux et ne prévoit un congé payé que de 1 jour, limitant ainsi une éventuelle application de l’art. 329 al. 3 CO permettant d’octroyer, dans certaines circonstances, un congé de 2 jours.172 Vient ensuite le canton de Soleure, qui n’octroie que 2 jours de congé payé, suivi de Schwytz et de l’Argovie, qui prévoient 3 jours.173 Les cantons de Glaris, Appenzell Rhodes-Intérieures, les Grisons, Zurich, Lucerne, Uri, Nidwald, Zoug, Fribourg, Bâle Campagne, Schaffhouse, Saint-Gall, Vaud, Appenzell Rhodes-Extérieures et la Thurgovie, c’est-à-dire la majorité des cantons suisses, prévoient quant à eux un congé payé de 5 jours.174

Il convient de souligner que, depuis 2016, les cantons d’Appenzell Rhodes-Extérieures et Rhodes-Intérieures, Glaris et la Thurgovie ont augmenté leur congé de 2 à 5 jours, tandis que Nidwald l’a augmenté à 5 jours également, alors que ce canton ne prévoyait qu’un

166 RS 172.220.111.31.

167 CONSEIL FÉDÉRAL, Message concernant une modification de la loi sur le personnel de la Confédération, FF 2011 6171, 6185.

168 CONSEIL FÉDÉRAL, Message concernant l’initiative, FF 2018 3825, 3826-3830 ; DÉPARTEMENT FÉDÉRAL DES FINANCES, Ordonnance du DFF concernant l’ordonnance sur le personnel de la Confédération (O-OPers), Modification du 31 mai 2013, RO 2013 1605, 1609.

169 DÉPARTEMENT FÉDÉRAL DES FINANCES, Ordonnance du DFF concernant l’ordonnance sur le personnel de la Confédération (O-OPers), Modification du 26 novembre 2013, RO 2013 4401, 4401.

170 DÉPARTEMENT FÉDÉRAL DES FINANCES, Ordonnance du DFF concernant l’ordonnance sur le personnel de la Confédération (O-OPers), Modification du 26 novembre 2013, RO 2013 4401, 4402.

171 Cf. infra B Tableau 1, p. 36 ; PÄRLI, p. 948.

172 Cf. infra B Tableau 1, p. 36 ; PÄRLI, p. 949.

173 Cf. infra B Tableau 1, p. 36 ; PÄRLI, p. 948, p. 950.

174 Cf. infra B Tableau 1, p. 36.

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congé de 1 jour en 2016.175 Il y a donc une évolution, au cours des quatre dernières années, vers un congé plus généreux et dépassant la réglementation du CO dans ces cantons.

De plus, les cantons de Berne, de Bâle Ville, de Genève, du Valais, du Tessin et du Jura prévoient un congé payé de 10 jours, soit l’équivalent de la proposition du Contre-Projet.176

Ainsi, dans les administrations cantonales, un congé de 5 à 10 jours est la norme. Le seul canton prévoyant un congé paternité de 20 jours, correspondant au projet de l’Initiative, est le canton de Neuchâtel.177

En résumé, seuls deux des vingt-six cantons ne prévoient pas de congé plus avantageux que la solution prévue par le CO, ce qui dénote un certain changement de mentalité. Les réglementations diffèrent néanmoins beaucoup d’un canton à l’autre, si bien que la conciliation entre vie familiale et professionnelle ne sera pas facilitée de la même manière pour tous les pères. Il semble également peu plausible qu’un fonctionnaire cantonal déplace son centre de vie et déménage d’un canton à l’autre afin de bénéficier d’un meilleur traitement en matière de congé paternité. Le système actuel, permettant à chaque administration cantonale de régler la question pour autant qu’elle respecte le congé minimal d’1 ou 2 jours tel que prévu par le CO est donc source d’inégalité pour les employés dans les institutions cantonales suisses. Un plancher d’au moins 10 jours comme celui pour lequel la Confédération a opté permettrait de garantir un standard plus

« moderne » pour reprendre les termes du Conseil fédéral.178

4.1.3. Le congé paternité en faveur du personnel des institutions communales Les communes disposent également d’une marge de manœuvre pour régler le congé paternité de leur personnel. Celles qui font usage de cette possibilité sont en général généreuses, surtout lorsqu’il s’agit de grandes villes. Ainsi, comme le montrent les statistiques de Travail.Suisse, les villes de Zurich, Bâle, Delémont, Thoune, Köniz, Fribourg, Sion, Zoug et Soleure ainsi que les commues de Vernier et de Lancy prévoient un congé paternité payé de 10 jours, allant ainsi au-delà, pour certaines, de ce que les cantons dans lesquels elles se trouvent prévoient pour leurs propres employés.179

De plus, les villes de Genève, Berne, Lucerne, Neuchâtel, Lausanne, Bienne, Bellinzone, Saint-Gall et Aarau ont adopté un congé paternité de 20 jours, prévoyant ainsi d’elles-mêmes le congé que le comité d’initiative préconisait.180 Ainsi, comme le souligne Travail.Suisse, on constate parmi les grandes villes – qui constituent donc des communes – que l’adoption du congé paternité suit une courbe ascendante.181 S’il faut donc certes se

175 Cf. infra B Tableau 1, p. 36 ; PÄRLI, p. 948ss.

176 ASSEMBLÉE FÉDÉRALE, Loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité – Modification du 27 septembre 2019, FF 2019 6501, 6501 ; PÄRLI, p. 948ss ; Cf. infra B Tableau 1, p. 36.

177 Cf. infra B Tableau 1, p. 36.

178 CONSEIL FÉDÉRAL, Message concernant une modification de la loi sur le personnel de la Confédération, FF 2011 6171, 6172.

179 Cf. infra B Tableau 1, p. 36.

180 Cf. infra B Tableau 1, p. 36.

181 Cf. infra B Tableau 2, p. 3638 ;TRAVAIL.SUISSE, Factsheet, p. 4.

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réjouir de ce constat, nombreuses sont encore les communes qui prévoient soit des congés paternités bien inférieurs, soit qui ne contiennent aucune réglementation sur ce point. Les employés communaux dans les grandes villes bénéficient donc de conditions de travail plus modernes, mais il est regrettable que ce ne soit pas le cas sur tout le territoire suisse.

4.2. Le congé paternité dans le secteur privé

4.2.1. Le congé paternité dans les CCT

Selon l’art. 356 al. 1 CO, « par la convention collective, des employeurs ou associations d’employeurs, d’une part, et des associations de travailleurs, d’autre part, [peuvent établir] en commun des clauses sur la conclusion, l’objet et la fin des contrats individuels de travail entre employeurs et travailleurs intéressés ». Les CCT ainsi conclues ont un effet « quasi législatif » envers les employeurs et les travailleurs (art. 356 al. 1 et 2 CO et art. 357 CO).182 En effet, les dispositions négociées et inclues dans les CCT sont ensuite partie intégrante du contrat individuel de travail de tous les travailleurs auxquels la CCT s’applique.183

Selon l’Office fédéral de la statistique, il y avait, en 2018, 581 CCT en Suisse applicables au total à 2'115'300 travailleurs.184 Les CCT sont donc une réalité touchant une part importante de la population en Suisse, dont les conditions en matière de congé paternité ont un réel impact d’un point de vue quantitatif.

Selon le comité d’initiative, plus de la moitié des jeunes pères soumis à une CCT ne bénéficient que d’un congé entre 1 et 3 jours à la naissance de leur enfant.185 En effet, Travail.Suisse a étudié 46 CCT couvrant 75-80% des employés bénéficiant d’une CCT et a démontré que seules sept prévoient un congé paternité de plus de 5 jours.186 Ainsi, plus de la moitié des salariés soumis aux CCT étudiées bénéficient d’un congé inférieur à 5 jours, tandis que les CCT plus généreuses ne touchent que 12% des travailleurs qui y sont soumis.187 De plus, lorsque le Conseil fédéral avait, en 2013, analysé 132 CCT en réponse au postulat FETZ, seules 35 CCT prévoyaient un congé en faveur du père à la naissance d’un enfant.188

Ainsi, la majorité des travailleurs soumis à une CCT en Suisse ne bénéficient pas de congé paternité et ne peuvent donc pas s’approprier un rôle actif dans l’éducation de leur enfant à l’heure actuelle.189 En effet, les solutions prévues par certaines CCT ne touchent qu’une minorité des assujettis.

182 CR CO I–AUBERT, CO 356 N 1.

183 BSK OR I-PORTMANN/RUDOLPH, CO 356 N 1; WYLER /HEINZER, p. 821.

184 OFS, Conventions collectives de travail, p. 1.

185 SECRÉTARIAT DE LASSOCIATION «LE CONGÉ PATERNITÉ MAINTENANT !»,p. 4

186 Cf. infra B Tableau 3, p. 37 ; CONSEIL FÉDÉRAL, Message concernant l’initiative, FF 2018 3825, 3830.

187 Cf. infra B Tableau 4, p. 37 ; TRAVAIL.SUISSE, Factsheet, p. 2.

188 Rapport 2013, p. 81ss.

189 PÄRLI, p. 951-952.

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4.2.2. Le congé paternité au sein des entreprises privées

Au vu de la situation légale actuelle, plusieurs entreprises en Suisse prévoient des congés plus avantageux que les simples 2 jours prévus par l’art. 329 al. 3 CO. D’après un sondage effectué par des journalistes de la Radio Télévision Suisse ainsi que d’après les statistiques de Travail.Suisse, les grandes entreprises octroient entre 1 et 126 jours de congé rémunéré aux jeunes pères.190 La rémunération étant à charge de l’entreprise, il n’est pas surprenant que les grandes structures soient en mesure de proposer de tels congés. Néanmoins, même au sein de ces puissantes structures, les différences sont notables étant donné qu’Emmi ne propose que 1 jour de congé alors que Novartis en propose 90. De plus, comme le souligne Travail.Suisse, « la plupart des PME sont encore au minimum légal d’un jour ».191

Pourtant, le congé paternité représente un réel investissement pour les entreprises, qui permet de recruter des talents, de les fidéliser et de les garder grâce à une politique familiale respectueuse leur permettant de concilier vie professionnelle et familiale. C’est la position notamment de Nestlé, qui prévoit 4 semaines de congé paternité afin de soutenir les parents et de se rendre encore plus attractive sur le marché du travail.192 Son employeur, qui a augmenté son congé paternité de 2 à 8 semaines rémunérées à 100%, dont sept sont à prendre en bloc durant les 18 mois suivant la naissance ou l’adoption, estime également qu’il s’agit d’un investissement répondant aux attentes de la nouvelle génération, ce qui permet de mieux recruter et de fidéliser les bons éléments pour accroître la productivité globale de l’entreprise.193

À l’occasion de notre discussion avec Johan EGGER, il est en effet ressorti que pour la

À l’occasion de notre discussion avec Johan EGGER, il est en effet ressorti que pour la