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L’enfance du héros et l’apport des sources iconographiques

au nocturne, obtient des égards particuliers Un merveilleux de cette nature apparaît dans les

1.2.1. L’enfance du héros et l’apport des sources iconographiques

L’enfance d’Amphilochos ne fut jamais traitée dans les sources littéraires, pas plus que ne fut traitée celle de son père Amphiaraos d’ailleurs, et probablement parce cette période de sa vie ne contient aucun élément particulier à la compréhension de ses futures qualités de devin68 : c’est a priori dès sa naissance qu’il reçoit le don de la divination, transmis

héréditairement par son ancêtre Mélampous69. Cependant, plusieurs documents

iconographiques qui traitent le thème du « départ d’Amphiaraos vers Thèbes » font assurément figurer Amphilochos, représenté à un âge où il peut à peine marcher. Sur un cratère à colonnettes corinthien du musée de Berlin [Fig 1 et 1bis p. II] il semble être figuré sur la gauche de la scène assis sur les épaules d’une nourrice, levant les bras en direction de son père tout comme ses frères et sœurs, probablement pour signifier sa profonde tristesse de le voir partir à la guerre70. Amphilochos ne saurait être confondu ici

avec son frère plus âgé Alkméon complètement nu71, positionné juste derrière Amphiaraos

qui, lui, s’apprête à bondir dans le char conduit par son cocher Batôn. Quant à Ériphyle, leur mère, elle est en retrait sur la gauche et c’est la seule personne du groupe de gauche à

65 Adjectif qui signifie « oblique » ou « louche » en contexte oraculaire.

66 A. Carnoy, « Les noms grecs des devins et magiciens », LEC, 24, 1956, p. 102-103. 67 Fragment rapporté par Strabon, Géographie, 14, 5, 17.

68 Nous savons cependant qu’une pièce de Callistratos intitulée Amphilochos avait existé. Celle-ci,

malheureusement perdue, détaillait sans nul doute la vie du héros; James Diggle, Tragicorum

Graecorum : fragmenta selecta / edidit, J. Diggle. Oxford : Clarendon Press : Oxford University

Press, 1998. DID A 2b, 73 : Len. a. 418.

69 Amphilochos et le devin Mopsos sont en effet qualifiés de « devins de naissance » (οἱ μάντεις οἱ

γνήσιοι) par le scholiaste à Lycophron (440, 9).

70 Vicaire (loc. cit.) émet en outre l’hypothèse qu’il peut s’agir d’un geste qui viserait à tempérer

l’ardent désir de vengeance d’Amphiaraos contre sa femme.

71 Alkméon apparaît dans tous les récits un peu plus âgé que son frère. Voir par exemple Pausanias,

Description de la Grèce, 10, 10, 4, 8-9 : « καὶ Ἀλκμαίων, κατὰ ἡλικίαν ἐμοι δοκεῖν πρὸ Ἀμφιλόχου

ne pas lever les bras vers son mari : tandis que celle-ci tient dans sa main droite le maudit collier offert par Polynice, elle recouvre son visage d’un long châle à l’aide de la main gauche, une attitude de honte ou de profond malaise qui laisse transparaître ses récents méfaits. Sur ce même cratère, on ne distingue pas le nom d’Amphilochos ni celui de son grand frère alors que l’on repère aisément ceux de ses sœurs, Démônassa et Eurydice, celui de la nourrice, Ainippa, et enfin ceux de ses parents, Ériphyle et Amphiaraos72. Cet

Amphilochos en bas âge, porté sur les épaules de sa nourrice et assistant au départ de son père vers Thèbes, est aussi représenté sur une amphore tyrrhénienne, dans une scène identique à la première avec toutefois quelques variantes, comme l’absence très probable d’Ériphyle73 [Fig 2 et 2bis p. III]. Cette scène du départ d’Amphiaraos est aussi l’un des

tableaux qui figurait sur le fameux coffre de Kypsélos et dont Pausanias offre une description minutieuse74 : « Ἑξῆς δὲ Ἀμφιαράου τε ἡ οἰκία πεποίηται καὶ Ἀμφίλοχον φέρει νήπιον πρεσβῦτις ἥτις δή · πρὸ δὲ τῆς οἰκίας Ἐριφύλη τὸν ὅρμον ἔχουσα ἕστηκε, παρὰ δὲ αὐτὴν αἱ θυγατέρες Εὐρυδίκη καὶ Δημώνασσα, καὶ Ἀλκμαίων παῖς γυμνός […] Ἀμφιαράῳ δὲ ὁ μὲν τῶν ποδῶν ἐπιβέβηκεν ἤδη τοῦ ἅρματος, τὸ ξίφος δὲ ἔχει γυμνὸν καὶ ἐς τὴν Ἐριφύλην ἐστὶν ἐπεστραμμένος ἐξαγόμενός τε ὑπὸ τοῦ θυμοῦ, <…> ἐκείνης ἂν ἀποσχέσθαι ».

En suivant on a représenté la maison d’Amphiaraos et une femme âgée porte en ses bras Amphilochos encore tout jeune : devant la maison Ériphyle, debout, tient le collier; il y a auprès d’elle ses filles Eurydice et Démônassa, ainsi que son fils Alcméon, qui est nu […] Amphiaraos a déjà posé un pied sur le char, il tient son épée dégainée, il est tourné vers Ériphyle, et dans l’emportement de sa colère, <…> se contenir à son égard.

Cette description de Pausanias fait parfaitement écho aux scènes des deux premiers documents iconographiques : la présence d’Amphilochos n’y apparaît désormais plus comme une hypothèse. Pour les petits fragments en ivoire de figurines retrouvés à Delphes et un fragment de céramique de l’époque classique où figurerait Amphiaraos [Fig 3 et 4 p. IV], le problème s’avère plus délicat. En effet, sur le premier document, Amphiaraos, la main posée sur son fourreau, tourne la tête vers l’un de ses fils qui, porté par une femme, tend les bras vers son père en signe d’affection. Aucun indice ne permet de dire si l’on a affaire à Alkméon ou Amphilochos même si le fait qu’il soit en bas âge et porté par une

72 Pour la description complète du cratère, voir Ingrid Krauskopf, « Amphiaraos », LIMC, Tome I

(1/2), Zürich : Artemis Verlag, 1981-1999, p. 694.

73 Tous les personnages représentés sur cette amphore semblent soutenir Amphiaraos dans l’épreuve

qui l’attend, et il est peu probable qu’Ériphyle soit l’une des deux femmes représentées aux côtés du héros argien en raison d’une part de leur attitude compatissante, et d’autre part parce qu’aucune d’elle ne tient le collier de Polynice.

74 Pausanias, Description de la Grèce, 5, 17, 7-8. D’après la traduction de Jean Pouilloux, éd. Les

femme ferait plutôt pencher la balance en faveur du fils cadet75. Le problème d’identification des personnages est le même pour le second document : en effet Alkméon, comme son frère cadet, peut aussi être représenté porté par une femme [Fig 5 p. V]. Il ressort en tout cas de ces scènes une chose : Amphilochos apparaît beaucoup moins impliqué que son frère dans cette sombre histoire de vengeance familiale. Il n’est encore apparement qu’un petit enfant incapable de comprendre une intrigue qui le dépasse.