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La prise en compte administrative des interdépendances hydrauliques et le souci de réguler leurs effets s’affirment en France, au niveau central, à la fin des années cinquante91. Cette avancée n’est pas propre au cas français, mais relaie un courant de pensée institutionnalisé au début de la décennie, aux États-Unis. L'économie des ressources naturelles s’y développe en effet dès 1950-1952 au sein, notamment, d’un centre de recherche proche du gouvernement des États-Unis (la fondation Resources for

the Future, basée à Washington), en réponse à la nécessité de gérer et de mobiliser plus

efficacement les matières premières dans le contexte de la guerre froide92.

91 On pourrait certes faire remonter à une date antérieure le souci de gestion de certaines dimensions de l’élément « eau » (par exemple, dès l’affirmation d’un pouvoir central, l’effort colbertien pour développer les voies navigables ; ou les différentes programmes de développement hydraulique au XIXeme siècle ; Dereix, Hague). Néanmoins, l’inclusion de l’ensemble des usages au sein d’un même cadre de saisie est caractéristique de la période contemporaine.

92 Ce « think tank » indépendant est créé sur la base des conclusions d’une commission présidentielle, instituée par H. Truman en 1950. La principale préoccupation du gouvernement est alors d’assurer la sécurité des Etats-Unis, au plan énergétique (pétrole notamment). Les centres d’intérêt de « Resource for the Future » se déplacent par la suite, suivant l’émergence des politiques environnementales dans les années 70. La fondation est toujours très active à l’heure actuelle dans l’ensemble de ces domaines (voir

www.rff.org). Voir également, Reuss, M. (1992). «Coping with uncertainty : social scientists, engineers and federal water resources planning.» Natural resources journal 32(hiver) page 125. L’auteur mentionne la profusion de livres, au début des années 50, sur la nécessaire gestion rationnelle des ressources naturelles du « monde libre », non-communiste.

En France, la question des pollutions engendrées par la croissance et l’urbanisation accélérée des années d’après-guerre fait partie des préoccupations sociales et politiques importantes de l’époque. Au milieu des années 50, le caractère limité et non inépuisable des ressources naturelles disponibles, en particulier de l’eau, est un thème récurrent, exemplifié par des évènements catastrophiques recevant une couverture médiatique nationale93. À l’occasion du changement de régime lié à la naissance de la Veme République, un groupe de jeunes hauts fonctionnaires pousse à la création d’un cénacle administratif spécialisé au sein de l’État sur le problème de l’eau. Certains d’entre eux se sont d’ailleurs inspirés en partie des expériences américaines durant des séjours d’étude. D’abord simple commission spécialisée du Commissariat au Plan (« Commission de

l’eau » créée le 24 juillet 1959) ce cercle de réflexion bureaucratique s’institutionnalise

sous la forme du « Secrétariat pour la prévention et l’étude des problèmes de l’eau » (SPEPE)94. La question de la régulation des interdépendances hydrauliques, envisagée de façon très large, est ainsi posée très tôt au sein de ce cénacle administratif. Son travail aboutit à un projet d’action législative dans le domaine de l’eau qui vient traduire cette volonté de redéfinir l’eau comme une ressource à gérer.

Aboutissement de ce processus, la loi sur l’eau du 16 décembre 1964 (ou plus précisément « sur la répartition des eaux et la lutte contre la pollution ») est considérée depuis comme le document fondateur de la politique de l’eau en France. Ce texte législatif tente en effet d’inaugurer un traitement bureaucratique unifié de l’élément aquatique, jusqu’alors régulé par des corpus législatifs et réglementaires séparés (relatifs à la navigation, à l’hydroélectricité, aux cours d’eau ruraux, à l’extraction des matériaux dans les lits des cours d’eau, à la santé publique, etc.), dont la juxtaposition apparaît pour les promoteurs de la loi comme contraire aux règles d’une bonne gestion.

La régulation transversale des interdépendances entre usages de l’eau doit alors être garantie par différents outils assurant la prise en compte de la circulation hydraulique : un système de taxes (« redevances ») sur les usages (pollution, prélèvement, rejets, modification du régime des eaux) et de redistribution des sommes perçues pour financer les équipements de dépollution (Agences financières de bassin) ; la réalisation

93 Le livre d’I. Cheret, « L’eau », paru en 1967 rappelle en rassemblant de façon condensée les principales étapes et lieux de cette prise de conscience, cumulant les exemples de problèmes, griefs, conflits, tensions, mobilisations locales autour du thème de l’eau. Voir le chapitre 1 « L’eau va-t-elle manquer un jour ? » 94 On trouvera dans plusieurs ouvrages une présentation plus détaillée de cette période. Notamment, Loriferne, H., dir (1987). 40 ans de politique de l'eau en France. Paris, Economica.

d’inventaires nationaux de pollution des eaux superficielles ; la mise en place d’institutions locales réalisant des travaux publics d’aménagement des rivières et de développement de la ressource (Établissements publics de bassin) ; diverses mesures d’ordre réglementaire permettant un contrôle accru de l’ensemble des prélèvements et des rejets dans le milieu (« Zone spéciales d’aménagement des eaux » ; autorisation des captages au plan de la gestion quantitative ; système de « décret d’objectif de qualité » pour le contrôle des milieux et de leur pollution ; interdiction de certains produits toxiques).

Paradoxalement, cette reconnaissance législative et réglementaire de la solidarité entre usagers ne signifie pas pour autant une reconnaissance juridique de l’unité de l’eau comme élément naturel, ou a fortiori comme milieu vivant95. De façon révélatrice, le premier article de la loi ne reconnaît que les différents usages que la puissance publique se donne pour objectif de concilier, faisant figurer les besoins du milieu naturel aquatique parmi une série plus vaste d’activités (incluant l’irrigation, la navigation, l’industrie). Une proposition antérieure de rédaction de cet article (disposant que « les eaux superficielles, souterraines, ou eaux de la mer territoriale constituent un bien commun qui appartient au patrimoine national ») est ainsi rejetée. La reconnaissance explicite des entités hydrauliques comme unités de gestion administrative est écartée au profit d’un énoncé mettant l’accent sur la pluralité de ses usages.

Privée d’un objectif propre et de buts explicites, la mise en œuvre de la loi durant les années suivantes et la décennie soixante-dix ne peut que se plier aux objectifs plus généraux des politiques de croissance économique alors prédominants, via le développement de l’urbanisation, l’industrialisation du pays et la construction des infrastructures. Dans ce cadre il s’agit d’abord de « rationaliser » l’usage des eaux - le mot revient régulièrement 96 – rôle imparti à la puissance publique face à la pluralité des intérêts en compétition. Les différents outils d’intervention administratifs prévus dans la loi sont donc pensés en relation avec les objectifs de croissance économique et visent à assurer le partage optimal d’une matière première devenue une ressource limitée. L’eau,

95 Voir la position de J.L Gazzaniga sur ce point, considérant que la loi de 1964 n’a que très peu modifié, par son contenu, le cadre juridique préexistant. La faible portée de cet effort ayant été par ailleurs encore restreinte par l’absence d’une vraie « politique de l’eau » selon ses termes, c’est à dire d’une base administrative garantissant la mise en œuvre des textes (in L’eau, usages et gestion, Litec, 1998, page 20) 96 Sur ce thème, on peut consulter un document édité en 1978, qui synthétise cette tendance rationalisatrice s’exprimant dans nombre de textes d’application, circulaires ou commentaires de l’époque. CEFIGRE- ITCWM, Compte rendus et mémoires du séminaire sur l'utilisation rationnelle de l'eau. Sophia-Antipolis, France, CEFIGRE, 308 pages.

sa qualité ou la préservation d’un état donné, n’apparaissent pas comme relevant d’un intérêt général supérieur s’imposant transversalement aux différentes activités.

Les dispositions de la loi concernant les Agences financières de bassin (AFB) constituent la principale concrétisation de ce programme d’action de 1964. Mis en place entre 1966 et 1971, le système qu’elles organisent est marqué dans sa conception comme dans sa mise en œuvre par la liaison qui est opérée entre les politiques de promotion du développement économique et la politique de l’eau. Les AFB s'inscrivent en effet par leur conception dans le mouvement modernisateur qu'incarne alors la DATAR, qui naît au même moment : plus spécialisées que cet établissement chargé de l’aménagement du territoire, les AFB doivent promouvoir le développement et l'équipement de la France en stations d’épuration, réseaux d’assainissement et réservoirs de stockage, assurant ainsi la disponibilité et la qualité de la ressource en eau.

Le constat du caractère limité de l’élément naturel, appréhendé comme composante de la sphère productive, ne conduit pas ici, comme une relecture contemporaine pourrait le laisser écrire, à donner à l’eau une valeur propre. La valeur économique qu’elle reçoit au travers des redevances, seule nouveauté réelle du dispositif des AFB, correspond à la rencontre entre une offre désormais limitée – la ressource n’est plus inépuisable – et les différentes demandes des activités productives. Il s’agit là de secteurs économiques déjà existants, comme l’industrie, la production d’énergie (hydroélectricité, nucléaire), l’agriculture, les services urbains (eau potable, assainissement) ou de secteurs émergents, tels ceux que la « civilisation des loisirs » doit faire naître. Nouveau ‘gisement de croissance’, l’activité de loisirs exige, elle aussi, des eaux de qualité permettant la contemplation esthétique ou l’usage d’agrément.

L'eau est perçue dans ce contexte comme une matière première (ou plus rarement un risque, comme dans le cas des inondations) qui peut devenir un facteur limitant de la croissance, objet principal des préoccupations des responsables politiques et administratifs. Il s'agit d'abord pour l'État de maintenir des conditions environnementales,

lato sensu, qui permettent de satisfaire aux exigences croissantes des activités

productives. La pollution d’une rivière due à l'évacuation d’eaux usées n'est perçue comme un problème qu'en regard des besoins concurrents de l'agriculture ou du secteur électronucléaire en développement. Les intérêts des milieux aquatiques sont à prendre en compte, selon la loi de 1964, mais en l’absence de marque de priorité, ils conservent la place marginale qu’ils occupaient jusque-là dans l’ordre des préoccupations publiques.

La définition d'un programme d'investissements en matière de dépollution vise à permettre la bonne coexistence de secteurs d'activités en plein développement, et dont les relations apparaissent potentiellement conflictuelles face à une ressource limitée. L'idée d'un système de redistribution financière ne naît donc pas de la volonté de porter le fer contre les pollueurs, en imposant des incitations négatives et des compensations face aux dégradations commises, mais plutôt de la nécessité de se doter d'un système de financement stable, permettant de concrétiser la politique d'équipement promue par certains acteurs de l'État central.

La mise en place des Agences financières de bassin, entre 1966 (date de leur décret de création) et 1971 (première année de fonctionnement) confirme cette orientation. Durant cette période, une relation de négociation s'établit entre la puissance publique et les principaux usagers (industriels, mais aussi collectivités locales pour les questions d'assainissement) au cours de laquelle se dessinent les contours d'un système de taxation économiquement et politiquement acceptable. L'imposition et ses modalités, tout d’abord, sont définies dans des échanges entre la puissance publique et les administrés. Le dispositif institutionnel entériné en 1964 confère aux redevables un contrôle sur le niveau et les formes de l'imposition, comme sur l'emploi du produit de la taxe. L'assiette, le taux et les différents coefficients constituant les redevances sont votés par les organes délibératifs des agences - les comités de bassins - qui réunissent les représentants de l'État, des collectivités locales et des usagers97. Un même partage du pouvoir existe dans la composition des conseils d'administration des Agences financières de bassin et dans leur « Commission des aides », où se décident les programmes de travaux à subventionner. Durant les années soixante-dix, les collectivités locales comme les industriels obtiennent également de bénéficier de conditions particulières d'imposition et de mesures d'accompagnement : pour les premières, la dissociation en 1974 du paiement des redevances - acquittées par les particuliers dans leurs factures d'eau - et du versement des subventions pour travaux - allouées aux collectivités chargées de l'épuration. Les industriels pour leur part bénéficient dès 1968 de programmes « d'aides au paiement des redevances », généralisés en 1972 sous la forme de « contrats de branche », qui doivent

97 Cette disposition est d'ailleurs à l'origine du constat d'inconstitutionnalité du système (Conseil Constitutionnel, décision n° 82-124 du 13 juin 1982 qui reste encore valide aujourd'hui.

faciliter leur mise à niveau en termes de dépollution et leur insertion progressive dans le système98.

Par ailleurs, les agences financières de bassin gardent volontiers à partir de cette époque une certaine neutralité quand aux politiques à mener. Plus « banques de l'eau » que gestionnaires de la ressource, elles centrent leur activité sur la collecte des redevances et la redistribution des sommes levées, et laissent aux collectivités locales, aux usagers, et à l’État la charge de définir le contenu des actions en matière de dépollution, d’économies d’eau, ou de développement de la ressource disponible. Si les agences développent progressivement à côté des actions de financements et de subventions, le conseil, l’assistance et l’animation, elles se refusent, du moins pendant cette période initiale, à porter la responsabilité d’une politique définie localement, à l’échelle des rivières. De même, les Comités de Bassin, en tant qu’instances délibératives se focalisent principalement sur les paramètres de l’imposition et l’emploi du produit des taxes. La question de l’eau est donc traitée dans ces institutions sur un mode essentiellement technico-économique ; s'il y a bien une mise en commun des coûts liés à la ressource et l’installation d’un outil économique en appui, l’unicité de l’eau et l’identification d’objectifs globaux, liée à la solidarité entre usagers, demeurent extérieure à l’état de projets ou d’objets de discours.

La mise en œuvre du volet réglementaire de la loi est aussi marquée par le souci de conserver à la puissance publique des marges de manœuvre importantes dans le traitement des conséquences environnementales néfastes du développement économique. Les mesures les plus ambitieuses, visant à imposer des objectifs qualitatifs localement (décrets d’objectifs de qualité), restent ainsi inappliquées, à une exception prés et dans une configuration quasi expérimentale (sur la rivière la Vire, en Normandie)99. Cet échec a plusieurs causes, qui méritent examen du fait du caractère central de cette disposition dans la loi de 1964. La lourdeur de la procédure est la raison la plus souvent invoquée, du fait des nombreuses consultations locales exigées et du passage final du texte en Conseil d’État. Cependant, les difficultés politiques que pose la mise en œuvre de la mesure

98 Voir la présentation qui en est faite dans la synthèse, L'orientation et la mise en oeuvre de la politique de

l'eau en France, La Documentation française, 1973, p. 105-106. Voir également sur ce point P. Lascoumes, L’éco-pouvoir, op.cit, pages 175 et suiv.

99 Par un décret du 16 février 1977. Ce cas est choisi pour valider le dispositif et directement piloté par des hauts-fonctionnaires de l’administration centrale (notamment I. Cheret, F. Valiron, dans le cadre du SPEPE). L’opération fait partie des « 100 mesures pour l’environnement » (n°24) programme lancé en 1970 par le Ministère de l’Environnement.

semblent jouer davantage, à un double niveau : en premier lieu, l’action étatique suppose l’abandon de droits acquis, c'est-à-dire touchant à certains attributs du droit de propriété, en ce que certains utilisateurs peuvent voir remis en cause leur usage habituel du cours d’eau. La fixation d’un objectif de qualité rendu obligatoire par décret peut conduire de plein droit, sans enquête publique, au retrait d’une autorisation administrative ou à la modification de ses termes (concernant les rejets ou les prélèvements dans un cours d’eau) et suppose une série d’arbitrages, politiquement sensibles, entre les bénéficiaires de cette politique et ceux qui en supportent la charge. En second lieu, le décret d’objectifs de qualité impose à l’État des contraintes dans deux domaines : financier tout d’abord, l’assainissement étant en partie à la charge des ministères, ceux-ci se voient contraints de prendre des engagements financiers précis pour atteindre l’objectif fixé localement, ce qui instaure une décentralisation de fait 100 ; administratif ensuite, puisque le contrôle des dispositions du décret d’objectifs de qualité suppose un accroissement important des moyens alloués à la surveillance et à la police de l’eau, à la charge de l’État.

En résumé, la « procédure [est] lourde sur le plan administratif, (…) nécessite des

études techniques préalables importantes, des contrôles ultérieurs développés et est très contraignante sur le plan financier » 101. Il est révélateur que dans le cas de la Vire,

l’acteur moteur ait été l’AFB et non pas l’État, dont les échelons centraux comme locaux montrent de grandes réticences.

D’autres mesures également volontaristes de la loi de 1964 restent lettre morte pour des raisons similaires, telles les « zones spéciales d’aménagement des eaux », les

« établissements publics de bassin » ou la catégorie des « cours d’eaux mixtes ». Comme dans le cas précédent, les services étatiques ne se saisissent pas de ces dispositions alors que leur mise en œuvre demanderait de leur part un investissement important en temps et en moyens bureaucratiques. Dans certains cas, cependant, ce sont les textes réglementaires d’application qui font défaut, les différentes administrations centrales concernées ne rédigeant pas les décrets et circulaires nécessaires à la mise en œuvre de la loi.

100 C’est très précisément le caractère local de cette décision sur les objectifs de qualité, qui en s’imposant au niveau central (fixation et répartition des lignes de crédits pour l’assainissement) pose le plus de difficulté. (Entretien avec G. Salvetti, fonctionnaire de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, 2003).

101 Jean-Loup Garcin, « Les problemes de l’eau en France : les solutions administratives », Mai 1982, Note Ministère de l’Environnement., p. 12.

Par la suite, l’évolution ultérieure de ce cadre et les modifications apportées durant les années quatre-vingt ne changent pas la direction prise. Face aux constats d’échec, deux circulaires (en 1971 et 1978) offrent un substitut au dispositif des décrets d’objectifs de qualité, par le biais d’un système moins ambitieux de « cartographie d’objectifs de qualité ». Celles-ci sont de nature seulement indicative puisqu’il s’agit d’un « guide » pour l’administration102. Elles sont élaborées après recueil des avis d’un groupe large d’acteurs locaux « en concertation étroite avec les élus locaux et les représentants des diverses catégories d’usagers » (industrie, agriculture, pêcheurs, distributeurs d’eau, etc.) et rédigées dans un souci de « réalisme ». 103

En 1978, un nouveau dispositif montre une orientation centralisatrice plus poussée, en réponse aux exigences d’intervention nées de la sécheresse de 1976-1977 et aux fortes mobilisations dans le monde agricole. Un « schéma général d’aménagement à long terme et de développement des ressources en eau et de reconquête de leur qualité » est adopté en février 1978, précisant les grandes lignes d’action dans les domaines cités sur quinze ans. Des schémas locaux, par grande unité hydrographique, doivent préciser ces orientations, en procédant à une estimation des besoins futurs et en définissant les « objectifs de la politique de l’eau », au plan de la quantité comme de la qualité. Cette évaluation doit permettre de dresser la liste des équipements et le montant des investissements à réaliser à cette fin104. Cependant, ces « schémas d’Ornano », du nom du ministre de l’époque, demeurent dans leur quasi-totalité à l’état de projets inaboutis, une fois la mobilisation initiale retombée et les risques de pénurie d’eau écartés105.

Dans l’ensemble, l’eau est donc traitée à cette époque comme une question technique. Malgré l’intensité des conflits qui en émergent, les solutions opérationnelles recherchées privilégient donc une approche « rationnelle ». Il s’agit d’abord de répartir des coûts, des charges ou des bénéfices liés à la pollution/dépollution. La « politique », sous la forme

102 Les cartes servent de «guide pour l’administration, tant pour son action règlementaire que pour la programmation des équipements et doivent servir aux agences de bassin à moduler leurs redevances et leurs aides ». J.L Garcin, op cit. p 11.

103 Circulaire interministérielle du 17 mars 1978 sur les Objctifs de qualité. Il est recommandé de tenir compte des « possibilités techniques du moment », le type de polluants sur lequel on souhaite faire porter