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Dans le sillage des représentations afférentes au modèle du parti de masse, la direction du PS proclame l’autonomie nécessaire du parti vis-à-vis du gouvernement. Cette revendication inévitable n’en était pas moins pratiquement irréaliste. Elle doit se lire comme une concession à la culture partisane, concession pourtant contredite par les faits et qui n’ira pas sans peser sur le fonctionnement même du siège.

1. Légitimité partisane ou élective ?

Avec l’arrivée aux responsabilités, c’est bien d’abord la question de la légitimité d’action des représentants socialistes au pouvoir qui est posée. Or, pour les dirigeants du parti, c’est justement parce qu’ils disposent d’une représentativité électorale que le parti doit soutenir ses représentants :

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Le terme de différenciation est entendu ici dans le sens d’une spécialisation organisationnelle des tâches entre les différentes instances évoquées.

« Les socialistes sont mobilisés pour mettre en œuvre le programme ratifié par une large majorité de Français. Tel est notamment le rôle des élus et des membres du gouvernement. [...] On ne peut réduire les élus ou les ministres à de simples exécutants des décisions du parti. Un élu socialiste est un militant et le représentant des citoyens dans leur ensemble. Un ministre socialiste est un militant et un dirigeant du pays tout entier. Un gouvernement animé par des socialistes est d’abord le gouvernement de la France »

Contribution du courant mauroyiste, congrès de Valence in Le Poing et la Rose, n°93 Août 1981, p. 11.

La légitimité proprement partisane, réaffirmée par principe, est donc battue en brèche au nom de la représentativité des gouvernants, induisant une interdépendance entre le parti et le gouvernement favorable à ce dernier. Emergent alors dans les débats internes des références à une notion de parti de gouvernement retraduite, principalement par les nouveaux ministres, en termes de soutien à l’action gouvernementale :

« Quel est l’enjeu de ce congrès ? Les institutions sont majoritairement entre nos mains : Présidence de la République, Gouvernement, Assemblée Nationale. Nous détenons la majorité absolue. Aucun incident institutionnel n’est normalement possible. Nous avons la durée pour réussir, et elle sera diablement utile devant les difficultés qui viennent. La principale, et je dirais même la seule condition pour la poursuite de notre politique, vient donc du parti lui-même et de son entière cohésion ».

L. Fabius in Congrès de Valence, op. cit., p. 309.

Le constat s’impose ainsi de lui-même quant au rôle du parti : le PS doit être un instrument de mobilisation des masses, voire un outil de propositions. L’idée d’un contrôle sur le gouvernement disparaît, elle, progressivement. Cette fonction de mobilisation lui est d’ailleurs clairement assignée par F. Mitterrand lui-même : « Le Parti socialiste, pour cela, a un grand rôle à jouer ; principale force du changement, il doit être capable d’expliquer, d’éclairer les choix du gouvernement et de convaincre »438.

Les leaders du parti vont imposer l’idée du soutien de principe du parti envers le gouvernement en conciliant la posture autonome du parti revendiquée en son sein et les conséquences pratique de la direction des institutions nationales. Dans un premier temps donc, la réalité des rapports entre le parti et le gouvernement est moins envisagée dans ses conséquences pratiques que sur le fond. Cette étape est d’autant plus nécessaire que le souci d’affirmer une pratique renouvelée du pouvoir condamne de fait toute comparaison à l’identique avec la situation des partis au pouvoir antérieurement :

«Le Parti socialiste est-il parti au pouvoir ? Parti du pouvoir ? Ou parti de pouvoir ? Si l’on retenait au moins implicitement, la conception « parti au pouvoir », cela reviendrait à dire que l’instance suprême du gouvernement est le bureau exécutif du Parti socialiste, relayé par le groupe parlementaire. Ce qui serait contraire aussi bien à la constitution qu’à la réalité politique. Il ne saurait non plus, devant les difficultés du temps, se résigner à n’être que le « parti du pouvoir », héraut de décisions qui le dépasseraient. La Vème République, à ses débuts, a connu le « parti du pouvoir » : ce fut l’UNR. [...] Quoi de commun entre ce parti godillot et le PS ? La réalité du PS d’aujourd'hui ne peut donc se laisser enfermer dans ces deux clichés. Il est plutôt « parti de pouvoir », c'est-à-dire une formation politique qui concourt, avec d’autres, et

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plus que d’autres, aux choix que fait chaque jour le gouvernement. Il partage ce privilège avec les autres partis de gauche ».

Projet de motion des courants A, B et C, comité directeur des 10-11 septembre 1983, Sténotypies OURS, p. 48.

La notion de « parti de pouvoir » renvoie à l’acceptation de la primauté des institutions de la Vème République, acceptation qu’il s’agit de concilier avec l’idée d’une indépendance maintenue du parti en tant qu’institution autonome du gouvernement. Ainsi, l’organisation centrale doit être une instance autonome par rapport au gouvernement mais se doit de soutenir ce dernier. Pour résoudre cette contradiction, il faut donc accréditer l’idée que le PS, en tant que parti de gouvernement, ne saurait être assimilé à un parti godillot (l’UNR dans l’extrait)439 puisqu’il est soucieux du maintien de sa culture partisane. Membres du gouvernement et de la direction du parti insistent, dans ce but, sur la durée offerte au parti par les résultats électoraux :

« Nous devons [...] nous adapter à une véritable révolution culturelle, à un véritable basculement de nos idées en ce qui concerne nos relations au pouvoir. Quelles étaient jusqu’ici les idées dominantes dans la tradition socialiste sur ce point, en tout cas en France ? La gauche vient au pouvoir pour peu de temps. Elle vient pour changer et non pas pour gérer. [...] La durée, qui nous a été donnée par les institutions, par la force de la tradition démocratique dans notre pays, par l’impact de notre victoire de 1981, change radicalement cette vision des choses. […] Au lieu de n’avoir en tête que la réforme, voilà qu’il nous faut aussi maîtriser la gestion

»

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.

L. Jospin, Congrès national de Bourg-en-Bresse des 28-30 octobre 1983, Sténotypies OURS, p. 134.

Ce faisant, les leaders socialistes accréditent le ralliement à la pratique des institutions et aux contraintes qu’elles supposent. Ils considèrent que les effets institutionnels de la double victoire électorale aux présidentielles et aux législatives s’imposent au parti. Défendre l’idée que le PS ne saurait « être aux ordres »441, favorise donc une lecture intrapartisane d’un parti autonome. En revanche, cette autonomie n’est pensée qu’en principe et dans l’intégration paradoxale d’un rôle de soutien du parti à l’égard du gouvernement. Autrement dit, c’est essentiellement à travers sa vocation doctrinale et en tant que garant de l’identité socialiste que le parti est envisagé :

« Le président de la République, le gouvernement, par la force des choses, sont des gestionnaires et ce n’est pas péjoratif. C’est sur les résultats de leur gestion que nous serons tous jugés, mais le parti doit aussi continuer à assurer le débat interne. [...] Il doit rester un lieu de proposition, de créativité et d’utopie. Le Parti socialiste doit continuer à donner place à l’imagination et au rêve »

D. Cacheux, Mauroyiste, Congrès de Valence, op. cit., p. 301.

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Cette posture est exemplifiée par la prise de parole de J.-P. Chevènement, lors du Congrès de Valence : « Il est peut-être plus facile de clamer que le Parti socialiste n’est pas un parti godillot. Mes chers camarades, ce n’est pas à la portée de tout le monde d’être « godillot ». C’est une belle et bonne chaussure avec laquelle d’ailleurs beaucoup d’entre vous ont fait bien des kilomètres ! » : J.-P. Chevènement in Congrès de Valence, op. cit., p. 336.

440 De même lors de ce congrès, P. Mauroy estime que : « Nous nous sommes installés dans la gestion, parce que nous nous

sommes installés dans la durée », P. Mauroy, ibid., p. 268.

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« [Le PS est] un agent actif ; et « actif » cela veut dire que l’on n’est ni négatif, ni complaisant ! Au demeurant, nous ne sommes, quant à nous, socialistes, ni l’un ni l’autre » : J. Poperen, comité directeur du 13 décembre 1981, Archives OURS.

L’essentialisation de ces fonctions nécessairement dévalorisées en période d’exercice du pouvoir entretient ainsi un flou quant à la fonction réelle de l’organisation centrale et, par là, quant à ses rapports avec le party in the public office. A l’affirmation du rôle du parti en tant qu’acteur autonome s’oppose celle d’un parti nécessairement en soutien du gouvernement, et donc dépendant de lui. Pour cette raison, la question du rôle du parti reste encore posée :

« Il faut savoir [éviter] toute fausse note dans les rapports qui existent entre l’Etat, le gouvernement, le Parti, le groupe socialiste. [...] C’est le président de la République qui fixe les orientations, cela est indiscutable. C’est le gouvernement qui les met en œuvre. C’est le groupe parlementaire qui, par ses propositions, par ses amendements, par ses modifications, peut modifier quelque peu le sens et le cour des choses. [...] C’est enfin le parti qui, par sa faculté d’édifier ce [nouveau] projet, de proposer, doit fixer les perspectives d’avenir à moyen et à long terme. Ce problème institutionnel est posé et nous devons trouver ce rapport juste entre Parti, Etat, gouvernement, groupe parlementaire »

D. Cacheux, Congrès de Valence, op. cit., p. 301.

2. Myopie organisationnelle ou aveuglement culturel ?

La persistance du « problème institutionnel » indique en creux les ressorts de la dépendance organisationnelle du PS à l’égard du pouvoir exécutif après 1981. Elle est entretenue par le maintien artificiel d’une conception de la forme partisane qui n’a plus cours : le refus catégorique de voir les ministres siéger au sein des instances nationales en est l’illustration. Question essentielle pour les partis de masse d’origine externe, la participation des parlementaires et a fortiori des membres du gouvernement aux instances nationales du parti renvoie à l’autonomie organisationnelle de celui-ci442. En 1981, la culture partisane produit tous ses effets, conduisant la direction à refuser catégoriquement la présence des ministres au secrétariat national et au bureau exécutif. Cette décision, fruit d’un maximalisme doctrinal, est unanimement approuvée et L. Jospin, devenu Premier secrétaire, la fait aisément accepter au sein du parti :

« C’est une attitude de principe : les ministres ne peuvent plus être membres du secrétariat national et du bureau exécutif mais restent membres du comité directeur. La séparation parti gouvernement doit exister. Que les ministres assistent au bureau exécutif ou pas ? Il ne serait pas normal que les ministres viennent quand ils le veulent. Mais si tel ou tel ministre souhaite venir exposer un problème, il peut en faire la demande ou vice versa, on peut faire la demande auprès d’eux »

L. Jospin, bureau exécutif du 27 mai 1981, Sténotypies OURS.

Ce refus de voir les ministres siéger dans les instances nationales entérine cependant la marginalisation du PS vis-à-vis du gouvernement. Et, pourtant, l’autonomie de principe du parti est décrétée non seulement par rapport aux ministres mais également vis-à-vis des parlementaires. Lors du même bureau exécutif, L. Jospin expose sa volonté de faire respecter dans ces instances la limitation du nombre de parlementaires443 ; volonté exaucée puisque les députés ne représentaient que 48 % et

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Cf. Duverger (M.), Les partis politiques, op. cit., p. 279 et svtes.

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Le rôle des parlementaires en son sein est ainsi une des questions récurrentes qui agitent le parti : il a fallu attendre 1913 pour que des parlementaires soient acceptés à la CAP (Commission administrative permanente, l’organe directeur de la

44 % du bureau exécutif en 1981 et 1982, pour 32 et 29 % au secrétariat national aux mêmes dates, contre 50 % autorisés444.

Cette revendication d’autonomie formelle a toutefois pour effet pervers de contribuer à la marginalisation politique du parti notamment parce qu’elle est redoublée par une marginalisation des ressources partisanes face à celles du party in the public office. Affirmer l’indépendance du parti suppose de pouvoir s’appuyer sur une organisation suffisamment puissante pour la faire valoir, ce qui fait précisément défaut à l’organisation socialiste. Ainsi, pour Laurence Morel, une véritable fusion existe entre le gouvernement et les instances dirigeantes du parti : treize membres des instances dirigeantes de 1979 deviennent ministres sous le gouvernement Mauroy445.

Si l’occupation de responsabilités au sein du parti a constitué une filière de recrutement abondamment sollicitée pour constituer le gouvernement en 1981446, la composition même du secrétariat national après cette date marque ce rapport de dépendance du parti envers le gouvernement. L’inégalité des positions entre les membres du gouvernement et les responsables du parti est en effet profonde. L’accession au pouvoir se marque d’abord par un profond renouvellement des instances du parti : en 1981, 14 des 28 titulaires (secrétaires nationaux adjoints compris) du secrétariat national sont des nouveaux membres. Parmi eux, sept accèdent au secrétariat national pour la première fois447. J. Poperen reste le seul leader de courant à n’avoir pas rejoint le gouvernement. Sur les 16 secrétaires nationaux, 7 disposent d’un mandat parlementaire et participent au premier cercle de leurs courants respectifs sans y occuper une position centrale. A l’image, pour le courant Mitterrandiste, d’André Laignel, député, conseiller général et maire, ou, pour les poperénistes, de Christine Mora député- maire, ces responsables doivent davantage leur désignation à ce poste à leur investissement dans le courant en tant que « lieutenants » qu’en tant que leaders de ceux-ci. Trois des autres membres sont des militants, (comme J. Pronteau aux « Etudes »), tandis que deux autres ne disposent que d’un mandat local (J-P. Bachy et M. Pezet). La faiblesse relative des ressources des membres du secrétariat national combinée à leur position « dominée » au sein des différents courants contribue ainsi à l’affaiblissement du secrétariat national vis-à-vis du gouvernement. L’idée s’impose d’ailleurs rapidement que « seuls restent au parti les seconds couteaux, en attendant pour eux d’obtenir un poste ministériel éventuel, au mieux souvent en tant que ministres délégués ou de secrétaires d’Etat »448.

SFIO), et leur nombre y a longtemps été strictement limité. Le Règlement intérieur de 1978 du PS dispose que les parlementaires peuvent librement accéder aux instances nationales sous réserve de ne pas composer la majorité de l’instance concernée.

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Statistiques calculées par l’auteur.

445

Morel (L.), « France : Party government at last ? » in Blondel (J.), Cotta (M.) (dir.), Party and government : an inquiry

into the relationship between governments and supporting parties in liberal democracies, op. cit., p. 43-44. Plus globalement,

Monique Dagnaud et Dominique Mehl indiquent que 22 membres du comité directeur de 1979 font partie du gouvernement en 1981, voir Dagnaud (M.), Mehl (D.), L’élite rose, op. cit., p. 52-53.

446 Seuls 6 des 36 ministres socialistes n’ont jamais occupés de responsabilités nationales, cf. Dagnaud (M.), Mehl (D.), ibid.,

p. 55.

447 Sawicki (F.), « The Parti socialiste : From a Party of activists to a party of government » in Ignazi (P.), Ysmal (C.) (dir.), The Organization of Political Parties in Southern Europe, London, Praeger, 1998, p. 79.

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C. Bartolone, entretien personnel du 26 novembre 2004. Le cas de P. Quilès fait ici figure d’exception puisque celui-ci accèdera dès 1983 au poste de ministre de l’Urbanisme et du Logement.

La dévalorisation du statut de responsable national est donc la conséquence organisationnelle du mouvement de translation qui a conduit les membres les mieux dotés et les plus investis dans l’organisation à intégrer le gouvernement :

« Comment voulez-vous qu’une entreprise continue à bien fonctionner quand ses meilleurs responsables la quittent par centaines ? C’est ce qui s’est passé en 81. Beaucoup de gars qui occupaient des responsabilités dans l’organigramme du parti, au niveau national ou local, ont été aspirés soit au gouvernement, soit à l’Assemblée. On avait besoin de toutes les compétences, alors il y a eu un phénomène en cascade : les ministres avaient besoin de collaborateurs, les députés d’assistants et donc tout ceux qui faisaient tourner le parti et qui avaient fait leur preuves sont partis. Il y a eu un appel d’air formidable dont le parti a eu du mal à se remettre. Mais dites-moi un peu, quelle entreprise pourrait se relever d’une telle ponction ? »

M. Benassayag, entretien personnel du 22 octobre 2006.

Revendiquer l’autonomie du parti relève donc de la gageure. Tant du point de vue politique qu’organisationnel, l’organisation centrale n’a pas les moyens de ses ambitions. Le départ des principaux dirigeants du parti vers les instances étatiques rend inévitable la proclamation d’une autonomie que ceux-là même qui l’invoquent contredisent de par la faiblesse de leur capital politique. Les enquêtes conduites sur la composition des cabinets ministériels socialistes tant dans l’ouvrage collectif de P. Birnbaum que dans celui de M. Dagnaud et D. Mehl, insistent chacune différemment sur l’importance du parti comme lieu de sélection de ce personnel. Elles n’en évoquent cependant pas les conséquences après 1981. Dagnaud et Mehl mettent ainsi en évidence l’investissement partisan du personnel administratif, dont 28 % sont rangés dans la catégorie activistes, 33 % dans celle des militants et 30 % comme membres ou sympathisants. Ils soulignent le rôle joué par les commissions du parti, et notamment de la commission économique, comme lieu de recrutement ultérieur dans les cabinets ministériels. Les deux auteurs indiquent que près de 42 % des membres de cabinets les ont fréquentés449. Or, ce chiffre peut se révéler trompeur en ce qu’il laisse accroire que seuls les experts qui oeuvraient par conviction dans le parti l’ont quitté. En réalité, parmi les membres de cabinets figurent un nombre non négligeable de permanents qui participaient à la production de l’expertise mobilisée. Ces permanents représentent, d’après cette étude, 44 % des membres de cabinets participant au travail de commission450, soit 55 membres. Sur un nombre total de permanents oscillant autour de 140 membres, le départ de 55 d’entre eux matérialise bien l’affaiblissement de l’organisation centrale.

De plus, progressivement, l’investissement dans l’organisation ne donne plus accès aux échelons centraux du parti. Au contraire, l’accession aux instances dirigeantes dépend de manière croissante de la détention de positions électorales, notamment locales. L’investissement dans l’organisation apparaît par conséquent désormais comme un moyen de consolider une position

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Dagnaud (M.), Mehl (D.), op. cit., p. 356.

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électorale : parmi les membres du comité directeur de 1981 qui occupent la position de premier fédéral, 8 d’entre eux sur 20 sont des élus451, alors qu’ils ne sont que 2 sur 8 dans ce cas-là en 1977.

La composition du CD souligne cependant que 1981 n’est pas le point de rupture vers une nouvelle forme de compétition intrapartisane, mais bien le moment où les logiques partisanes et électives coexistent encore avant que la première ne s’essouffle définitivement au profit de la seconde. En 1981, seuls 41,5 % des nouveaux membres sont des élus, proportion qui grimpera dès 1983 à plus de 60 %. En revanche, 32 % sont des militants et 22 % des premiers fédéraux. Dès 1983, il apparaît en revanche que l’autonomie de l’organisation centrale vis-à-vis des élus ne trouve plus de réalité autre que discursive : 71 % des membres du CD sont des élus. Mieux parmi les membres qui siègent pour la première fois (21 membres), seuls 4 sont permanents ou premiers fédéraux, tandis qu’aucun impétrant en 1985 ne relève de ces catégories. Dernier point enfin, le poids des parlementaires dans l’instance ne cesse d’augmenter et franchit un seuil décisif à partir de 1983 : à cette date 51 % des membres du comité directeur sont des parlementaires. Cette évolution concourt d’ailleurs à renforcer l’autonomisation du groupe parlementaire, raison pour laquelle c’est bien progressivement celui-ci qui sera appréhendé comme le contrepoids du gouvernement452. Par conséquent, alors que l’organisation centrale subit une évasion de ses élites vers les sommets de l’Etat, elle connaît une homogénéisation de sa direction politique autour d’élus soucieux d’en maîtriser les rouages. Le maintien d’une autonomie fonctionnelle de l’organisation centrale du parti s’avère ainsi pratiquement irréalisable.

La culture partisane invoquée se heurte donc aux contraintes comprises par les dirigeants du parti comme relevant de ce que doit être un parti de gouvernement, contraintes renforcées par « l’économie partisane élective » qui s’impose depuis 1977. L’intériorisation d’une geste gouvernementale est alors facilitée par l’autonomisation ressentie comme nécessaire du party in the