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L’attitude : information essentielle en énergétique et en dead reckoning

Le calcul de l’attitude est l’un des objectifs majeurs dans le projet NaviMeles et plus précisément dans ce travail. Nous nous sommes intéressé en premier lieu à cette problématique puisque l’estimation précise de l’attitude nous permet par la suite d’atteindre deux autres objectifs de ce projet : l’évaluation du travail mécanique et des dépenses énergétiques de l’animal pendant ses mouvements quotidiens ainsi que le calcul de sa position après reconstruction de son parcours.

En effet, une fois l’attitude calculée, nous pouvons disposer d’une estimation de l’accélération propre instantanée par divers procédés théoriques (voir ci-dessous), au pas d’échantillonnage des capteurs inertiels. Celle-ci est dénommée par les biologistes l’accélération dynamique corporelle ou encore DBA45

. Elle correspond pour le physicien à l’accélération propre du mobile. Dans l’application à l’animal, cette accélération est schématiquement la résultante des forces de propulsion (dérivée du travail musculaire), des forces de frottement et du poids apparent (en milieu aquatique, le poids moins force la d’Archimède). Ainsi, indirectement, l’accélération propre est un reflet de l’activité musculaire de l’animal et du travail mécanique associé. La relation entre la dépense énergétique de l’animal et DBA est encore plus indirecte, car une grande proportion de l’énergie chimique investie par l’organisme dans l’activité locomotrice est perdue sous forme de chaleur. Néanmoins, en utilisant une moyenne de la somme des valeurs absolues des trois composantes axiales du DBA sur un pas d’une à deux secondes, dénommée depuis ODBA46, Rory Wilson a démontré (sur différentes espèces animales) l’existence d’une bonne corrélation entre cet index de l’accélération propre et la dépense énergétique de l’animal en mouvement sur un tapis roulant (la dépense énergétique étant mesurée par la respirométrie (Wilson et al., 2006 ; Wilson et al. 2008 ; Shepard et al., 2008 ; Soresina, 2010). Comme nous le verrons plus en détail, cette approche reste assez simplificatrice, pour des raisons théoriques et métrologiques. Sans discuter des différentes limites biophysiques, physiologiques et biomécaniques de la relation métabolisme énergétique - dépense locomotrice - dépense mécanique, il existe un raccourci rapide, pour le physicien, entre cet index ODBA (qui ne correspond même pas mathématiquement à une norme vectorielle) et les données brutes calibrées des accéléromètres et des magnétomètres utilisées dans ces applications. En reprenant brièvement les travaux du Bio-logging présentés précédemment, nous pouvons remarquer qu’il existe une relation intrinsèque entre l’estimation de l’attitude et celle des trois composantes de l’accélération propre. Par exemple, dans (Watanabe et al., 2005 ; Sato et al., 2003) l’accélération propre donnée par le terme (MNB

φ ζ ψ a, ,

), projetée dans le système de coordonnées mobiles

 

B , est extraite en faisant la différence point par point de mesure entre le signal brut de l’accéléromètre et l’accélération statique donnée par le terme (MNB

φ ζ ψ G, ,

) et calculée

45 DBA : Dynamic Body Acceleration

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en utilisant un filtre passe-bas. Par la suite, il devient facile de déduire le vecteur accélération propre a. Cette même procédure a été reprise dans (Wilson et al., 2008 ; Shepard et al., 2008) sauf que le calcul de l’accélération statique (MNB

φ ζ ψ G, ,

) est effectuée à l’aide d’une moyenne déroulante. Par souci de rapprochement avec la littérature du Bio-logging, nous avons gardé dans ce mémoire le vocable DBA pour représenter la norme vectorielle de l’accélération propre (quelque soit le mode d’estimation des trois composantes du vecteur), qu’il ne faut pas confondre avec l’ODBA. Rappelons une dernière fois que pour passer des trois composantes de l’accélération propre à l’index ODBA, ces auteurs n’utilisent pas un calcul de norme vectorielle.

Un autre aspect très important de l’utilité du calcul de l’attitude apparaît dans la possibilité de déduire la position de l’animal à partir de cette information par une technique de reconstruction de la trajectoire ou dead reckoning (Wilson et al., 2007). En effet, les travaux présentés dans (Mitani et al., 2003 ; Elkaim et al., 2006 ; Elkaim et al., 2008 ; Wilson et al., 2007 ; Wilson et al., 2008) utilisent un capteur de vitesse pour mesurer la vitesse de nage et un capteur de pression pour déterminer les profondeurs suivant Z. En se servant des informations de l’attitude (angle de lacet), de la vitesse, de la position suivant Z et de la position précédente, il est possible de déduire la nouvelle position de l’animal.

Une autre façon de reconstituer l’équation de mouvement à partir de l’attitude et de l’accélération propre est théoriquement possible, sans capteur de vitesse (double intégration de l’accélération propre). Cette solution n’a pas été envisagée encore dans la littérature du Bio-logging, bien qu’il existe quelques travaux appliqués à l’homme (Ladetto, 2003) se basant sur la reconstitution de la vitesse par intégration de l’accélération propre. Le problème majeur de cette approche réside dans la présence d’une grande dérive au niveau de l’estimation de la position. Cela est dû à la double intégration des erreurs additives commises lors du calcul de l’accélération propre. L’objectif à long terme du projet NaviMeles, qui dépasse le cadre de ce travail, est de coupler les données issues de l’unité inertielle à des points GPS peu fréquents afin de recaler les estimations de la position. Parallèlement, il est possible de confronter ces estimations à des données biologiques (variation possible de la vitesse dans une gamme biologique connue pour l’espèce étudiée par exemple) afin de corriger encore le calcul de la position.

Il est ainsi clair qu’une estimation imprécise ou erronée de l’attitude engendre par la suite des erreurs sur l’évaluation de la dépense énergétique et sur le calcul de la position. Gardons ici à l’esprit seulement l’idée suivante : la précision de l’estimation de l’accélération propre (DBA) et de la position dépend étroitement et en premier lieu d’une bonne estimation de l’attitude de l’animal en mouvement.

2.7. Conclusion

Ce chapitre a été consacré dans sa première partie à définir la thématique du Bio-logging. Ce champ d’application multidisciplinaire entre l’électronique embarquée et

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l’étude du comportement de l’animal dans son environnement constitue le cadre du travail développé dans ce livre. Nous avons ainsi présenté à cet effet une synthèse des différentes techniques d’enregistrement de données liées à l’animal ou à son environnement. Le but est de situer nos propres techniques par rapport à ce qui existe dans la littérature.

La deuxième partie de ce chapitre définit le projet NaviMeles ainsi que ses principaux objectifs. La reconstitution de la posture de l’animal représentera la problématique principale que nous traiterons dans ce livre. De cette problématique découleront deux autres objectifs essentiels pour les biologistes : l’évaluation d’un index du travail mécanique ou de la dépense énergétique de l’animal en mouvement et le calcul de sa position, ou la reconstitution de son parcours 3D.

Afin de bien mener la problématique centrale, nous avons dressé dans la troisième partie de ce chapitre une étude de l’état de l’art de l’estimation de l’attitude dans divers domaines de la littérature pour arriver à la fin à présenter son application en Bio-logging. Cela nous a permis de déduire les limites des méthodes utilisées jusqu’à présent dans ce domaine, qui se basent uniquement sur l’utilisation d’accéléromètre et de magnétomètre. Partant de ces inconvénients, et en faisant le lien avec les autres domaines d’application de l’estimation d’attitude, nous avons conclu qu’il était nécessaire d’ajouter une troisième modalité de mesure, à savoir un gyromètre, pour remédier au problème d’estimation de l’attitude observé pendant les phases dynamiques du mouvement de l’animal.

Dans la quatrième partie, nous avons classé les méthodes de reconstruction de l’attitude, basée sur l’utilisation d’une unité inertielle, en quatre groupes principaux. Notre choix s’est porté sur l’utilisation des observateurs et des filtres complémentaires grâce aux avantages qu’ils procurent par rapport aux filtres de Kalman. Nous avons clôturé ce chapitre en montrant l’utilité du calcul de l’attitude de l’animal dans l’évaluation de son index énergétique et la reconstitution de sa position (dead reckoning).

A ce stade, nous avons présenté les principaux éléments nécessaires pour appréhender au mieux la problématique centrale de l’estimation d’attitude et son application au Bio-logging. Ainsi, la suite des chapitres sera consacrée à la présentation de notre contribution dans ce domaine.

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Chapitre 3

Fusion des capteurs

pour la restitution de l’attitude : théories et

résultats de simulations