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La création artistique Fiedler

1.2 L' ART ET LE CORPS

dernière révision : le 6 avril 2004

Pourquoi est-ce que Nishida pense que le corps et l’esprit forment une unité indissociable ? Dans L’auto-aperception dans l’intuition et dans 5

la réflexion (1917 *1), Nishida écrit :

« Ce qui unit notre corps et notre esprit est l’action volontaire (意志的行為 ishi-teki kôi) ; afin d’investiguer le secret de la relation mutuelle entre l’esprit et le corps (心身相関 shinshin sôkan*2), il est

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nécessaire de se baser sur l’analyse approfondie de notre volonté. Si on n’avait pas conscience de l’action volontaire, on considérerait son propre corps et les choses de la nature comme identiques, et il n’y aurait pas de raison particulière de penser que le corps et l’esprit possèdent un lien intime.»(NKZ 2,235-236, section 37)

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C’est la conscience que nous avons de nos actes intentionnels qui fait la différence entre notre corps et tous les autres corps ou objets du monde. Cette conscience de l’acte, Nishida l’appelle aussi auto- aperception (自覚 jikaku), la conscience de soi, non-intellectuelle et non- 20

conceptuelle, mais agissante. De ce fait, nous proposons la traduction auto-aperception. C’est la conscience qui importe dans la connaissance que nous pouvons avoir du lien corps-esprit, mais cette conscience est maintenue et unifiée par la volonté sous-jacente.

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« Que l’on pense que notre corps est différent des objets de la nature, et que l’on pense qu’il est une seule unité qui possède le sens d’un particulier, à savoir qu’il est un corps individuel, cela est basé sur l’unité du concept de finalité. [Il y a deux façons de voir les choses], la

1 自覚における直観と反省 Jikaku ni okeru chokkan to hansei, 1917, dans NKZ 2. 2 Nous reviendrons sur le terme 心身 plus loin.

façon mécanique (機械論的 kikairon-teki*3), qui analyse les phénomènes

en éléments individuels et qui ramène chaque chaîne (連鎖 rensa) à une loi universelle ; et la façon téléologique qui reconnaît un seul sens dans le tout qui s’établit selon les chaînes [résultant] d’une telle causalité mécanique (機械的 kikai-teki). Les deux façons de voir possèdent des 5

directions opposées l’une à l’autre. Néanmoins, quand on éclaircit suffisamment le point de vue de ces deux façons de voir, elles ne doivent pas obligatoirement être en contradiction l’une avec l’autre. Considérer une certaine pièce de marbre comme une œuvre d’art, ou la considérer comme le matériau d’une expérience chimique, n’est aucunement en 10

opposition. Que notre corps possède un lien intime avec l’esprit, c’est [parce que] ce doit être un corps pensé comme une telle unité téléologique, teleologische Einheit. »(NKZ 2,235)

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Nishida donne 要 素   yôso par oppositon à 全 体 zentai, les éléments en contraste avec le tout. Le corps humain n’est pas un assemblage d’éléments, mais l’unité formée d’un corps avec un esprit et qui possède une finalité. Et cette finalité du corps provient de la volonté (意志 ishi) qui opère de concert avec le corps (cf. NKZ 2,238-239)

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La notion de volonté couvre chez Nishida aussi bien le champ sémantique de l’intention personnelle que celui du flux de la vie au sens d’élan vital. - Dans Art et morale, il poursuit sa réflexion dans le même sens de l’union du corps et de l’esprit :

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« Une telle position artistique – dans laquelle l’intuition est création – ne peut point être comprise tant qu’on considère les choses et le mental

3 La langue française ne distingue pas entre 機械論的 kikairon-teki et

機械的 kikai-teki (plus loin dans cette citation), alors que l’allemand traduit le premier par mechanistisch et le deuxième par mechanisch. Cf. ITJ 1925, page 186)

(心 kokoro) comme des réalités indépendantes, tant qu’on pense que le savoir et le vouloir sont des activités indépendantes. »(NKZ 3,274,chap.1.4)

Pour Nishida, notre corps est l’outil de la production artistique ; 5

notre corps est aussi le récipient de l’esprit ; notre corps semblerait également être l’expression d’un contenu spirituel du point de vue artistique, tout comme la pierre et l’eau en mouvement.

« Du point de vue artistique, aussi bien les pierres qui tombent que 10

l'eau qui coule sont toutes l'expression d'un contenu spirituel*4, bien que nous considérions que la pierre et l'eau en elles-mêmes soient non- conscientes.*5 En revanche, notre corps (身体 shintai) peut, d'une part, du point de vue artistique être perçu comme l'expression d'un contenu

4 精神的内容 seishin-teki naiyô ; à l’époque de Nishida, 精神 seishin avait quatre sens possibles : l’esprit, le mental, le psychisme, le moral. 精神的 seishin-teki nous pose le dilemme de la traduction : spirituel ou mental. Spirituel a en français une connotation non désirée pour le propos, alors que mental a une acception trop large, pas confiné à l’esprit seulement, comme nous le ressentons dans le mot « mentalité » qui fait appel aux us et coutumes, donc à l’être (corporel) dans une société, et non seulement à une condition de vie intellectuelle. En allemand, seishin correspond à Geist, et seishin-teki à geistig, mot qui nous fait défaut en français.-

Pour la curiosité du lecteur, on peut rappeler que chez les penseurs présocratiques, on trouve de telles idées animistes ou hulozoïstes (qui pensent que la matière est vivante) dans les fragments de textes qu’on a d’eux. - Dans la pensée japonaise, on peut trouver ce type de nature vivante dans le Shintô 神道. L’auteur de cette thèse ne connaît pas l’influence réelle de ces courants de pensée sur la philosophie de Nishida.

5 無意識 mu-ishiki , « non-conscience » ou « inconscience », souvent considérée comme la conscience la plus fondamentale par Nishida en ce qu’elle permet l’interaction spontanée avec le monde selon le type de l’expérience pure (純粋経験 junsui keiken). Mais ici, mu-ishiki semble être employé dans le sens littéral de "ne pas être doté de conscience". Selon une communication personnelle de F. Girard, le bouddhisme connaît l’expression de mujô 無情, qui signifie « non doté de sensibilité », « non doté de faculté mentale, de pensée, d’esprit, de vie », ce qui inclut aussi la conscience, et qui s’applique généralement au végétal et au minéral. Il est possible que Nishida ait eu ce terme à l’esprit. – A la page 280 (NKZ 3,chap.1.5), Nishida écrivait : « Bergson distingue deux sortes de non-conscience et dit que l'une est la <conscience nulle>, l'autre la <conscience annulée>. La première est le véritable rien (無 mu), la deuxième est l'effacement réciproque de deux chiffres, l'un positif, l'autre négatif, qui s'opposent. Etre en état de conscience nulle, c'est être comme la pierre qui ne sait pas qu'elle tombe.[…] » Le mu-ishiki de notre passage pourrait être interprété comme une conscience nulle.

mental, et d'autre part, il peut être considéré comme étant directement l’organe d’un contenu mental.» (NKZ 3,353,chap.5)

Notre corps est à la fois l'outil par lequel nous entrons en contact avec le monde, et en même temps il est l'habitat de la réflexion sur le 5

monde. Même si Nishida écrit que le corps peut être pensé comme un contenant, nous sommes en droit d'interpréter ce corps comme étant pénétré et animé par le mental plutôt que d’être le contenant du mental : il s'agit de mettre l'accent sur le fonctionnement du corps et de l'esprit ensemble comme un corps-esprit . Dans le corps au sens de corps-esprit, 10

l'accent n’est mis ni sur l'intellect ni sur le mental, mais sur les compétences de la personne dans sa globalité qui se déclinent en différentes facultés telles que la sensation, la perception, la réflexion, le mouvement.

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« Notre contenu mental fonctionne et devient actualité par le corps. De plus, dans l’activité créatrice de l’artiste, le contenu personnel *6 devient directement l’activité du corps, se rend compte de soi-même et entre dans son propre monde. Le corps est le point d’union de divers mondes*7 au sein du monde matériel. » (NKZ 3,353-354,chap.5)

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En japonais, il y a deux kanji pour désigner le corps:

karada ; TAI - corps, corps-chose, être en soi, substance (en allemand : Körper) ; et 身 mi ; SHIN - corps-chair, corps- vie, personne, condition (en allemand : Leib ; en sanskrit : kaya, le corps 25

au sens de système organique). Le composé des deux idéogrammes, 身体 se lit shintai et nous le traduisons par corps.*8 La plupart du temps,

6 Takahashi donne "Persönlichkeit" pour "contenu personnel" 7 Les mondes spirituel, esthétique, créatif, expressif, conscient etc.

8 Pour la distinction entre « Leib » et « Körper », voir Hermann Schmitz, "Gefühle als Atmosphären und das affektive Betroffensein von ihnen", dans Zur Philosophie der Gefühle, Hrg. H.Finkel-Eitel, G.Lohmann. Frankfurt a.M., Suhrkamp, 1993. – En français, nous n'avons malheureusement pas d'équivalent pour « Leib ».

Nishida utilise le composé shintai (身体), parfois aussi nikutai (肉体 niku, la chair, la viande + karada) pour parler du corps.

Dans le Iwanami Dictionnaire de la philosophie *9, notre référence privilégiée pour les questions de vocabulaire parce que Nishida avait 5

contribué à sa rédaction, shintai 身体 n’est pas indexé en temps que notions philosophique*10, pas plus que 体 karada, 肉体 nikutai et 人体 jintai (le corps humain). *11

En repérant shintai dans le contexte d’Art et morale, il nous est 10

permis de dire que Nishida emploie ce mot pour parler du « corps-esprit » dans la mesure où la distinction en corps et esprit comme deux entités séparées est étrangère à la pensée japonaise. Afin de rendre compte de

9 岩波哲学辞典 Iwanami Tetsugaku Jiten, Tôkyô 1922, 2e édition 1925.

10 On y trouve néanmoins 身体美 shintaibi, avec les traductions Bodily beauty, beauté du corps, Körperschönheit (page 527), et 身体魂 shintaikon, Corporeal soul, âme corporelle, Körperseel[e] (page 526). Ainsi que 人体測定 jintaisokutei dans le sens d’anthropométrie ou de tests anthropométriques, concernant les mesures du corps humain (page 570, au milieu).

11 En Europe, Descartes (1596-1650) distinguait le je-esprit du corps-matière ; et seulement bien plus tard, Nietzsche, Bergson, Valéry, Sartre, Husserl valorisent à nouveau, après des siècles de dépréciation, le corps comme partie intégrante et indispensable du "je". Valéry et Sartre vont aussi loin que de mettre en évidence l'exclusivité du corps individuel d'accéder à l'expression, ils le nomment "mon corps", mais ils retombent néanmoins dans la conception dualiste de Descartes du corps et de l'esprit, du corps mécanique et du corps sujet.

Chez Sartre, l'antagonisme esprit - corps matériel, subsiste; pour lui, c'est la même chose que de toucher sa propre main, ou de toucher la main d'un autre ou de toucher un objet, et il nie ainsi le phénomène de la "double sensation" du toucher de son propre corps. Si la main gauche prend la main droite, la main droite est un objet pour Sartre qui ne tient pas compte que la main droite elle-même est partie du corps et que son toucher déclenche une sensation simultanée à celle ressentie par la main gauche. Sartre, attaché à la dichotomie corps - esprit, refuse aussi ce que Husserl appelle "sensuelle hylê", qui peut se définir comme une sorte de conscience corporelle kinesthésique. Sartre reste ainsi cloîtré dans un univers de pensées où le monde, le corps et l'esprit sont en conflit. Vu l’influence de Sartre sur toute une génération de philosophes en France, on peut se demander comment l’idée d’un corps-esprit mise en avant par Nishida, sera reçue.

Nishida, dans son attitude critique vis-à-vis de la philosophie occidentale dès sa première œuvre publiée (Etude sur le bien, 1911), tente de transcender précisément ces oppositions et de proposer une approche plus globale (corps-esprit), plus harmonieuse et

ces deux aspects conjugués du physique et du mental qui caractérisent le corps selon Nishida, nous traiterons désormais le corps dans le sens de « corps-esprit ». Cette entité du corps-esprit fait partie du monde, et en même temps elle est mise en recul par rapport au monde dans une position observatrice.

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Cette circonstance a une retombée évidente en ce qui concerne le rôle du corps dans la création artistique. Le corps est d’emblée conçu comme une unité corps-esprit. A aucun moment, Fiedler n’admet la scission de cette unité dans sa réflexion sur l’art. Au contraire, pour 10

comprendre la création artistique, il est indispensable de prendre comme point de départ l’unité du corps-esprit :

« Afin de se libérer de ce renversement bizarre d’une relation pourtant naturelle, il faut abandonner toute séparation injustifiée entre nos 15

activités mentales et nos acitivités corporelles ; et nulle part ailleurs cette nécessité ne semble aussi évidente que lorsque nous considérons l’activité créatrice. »*12

Dans la préface au Recueil 2 des essais philosophiques*13, 20

Nishida écrit:

« Ce qu'on appelle vivre (生きる ikiru) ne réside pas dans un sentiment ni dans une intuition mystique, mais dans une œuvre objective (客観的制作 kyakkan-teki seisaku). C'est la raison pour laquelle notre vie 25

est pensée comme corporelle. » (NKZ 8,270)

autrement dynamique (le mouvement créateur à la place de l'opposition paralysante entre sujet et objet) de la compréhension du monde.

12 Fiedler, Der Ursprung der künstlerischen Thätigkeit, 1887, dans Marbach 1896, p.292. « Um von dieser sonderbaren Umkehrung eines natürlichen Verhältnisses sich frei zu machen, muss man jene unberechtigte Scheidung zwischen geistigem und körperlichem Thun aufgeben, und nirgends vielleicht ist die Notwendigkeit, dies zu thun, einleuchtender, als bei der Betrachtung der künstlerischen Thätigkeit. »

Seisaku a deux sens : celui de produit, d’œuvre achevée ; et celui de production, de création, d'œuvre au sens d'activité, das Schaffen en allemand. Depuis la première publication de Nishida en 1911, l'activité humaine - appelée expérience (経験 keiken) par Nishida à cette époque 5

- est à la fois une prise de conscience de la réalité, une expression du monde, et le biais par lequel la personne se constitue. Plus tard, dans son approche historique du monde qui date des années 1940, Nishida présentera le corps humain comme le carrefour ainsi que le médium des activités qui forment le monde .

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Parmi les activités humaines, l’activité créatrice occupe une place particulière et, de ce fait, les œuvres d'art occupent à leur tour une place particulière parmi les œuvres humaines ; elles sont les dépositaires de nos cultures respectives : au Japon, l'art est culture en mouvement, et il 15

est surtout un cheminement *14, c'est l'art en tant que pratique au travers du corps. Il ne s'agit pas de l'art posé en objet. Il n'y a pas de face à face statique avec l’art : le dynamisme et le mouvement caractérisent l’être humain dans son interaction avec l’œuvre d’art au sein de la création artistique. La création est un seul flux de vie ; l’artiste et son œuvre 20

deviennent un seul acte indivisible que Nishida appelle ugoki 動き . C’est ainsi qu’il traduit le terme bergsonien de « mobilité » qu’il donne en français dans le texte (cf. NKZ 3,271, chap.1.4). *15

La conception des œuvres d'art comme objets posés avec une 25

grande autonomie par rapport à leur environnement est un phénomène

14 Le kanji 道(michi / Dô le chemin, la voie) est contenu dans bien des noms de pratiques artistiques telles que 茶道 sadô la cérémonie de thé, 華道 kadô l’art floral, 書道 shodô la calligraphie etc. depuis l’époque Meiji (1868-1912).

15 P o u r l e l i e n e n t r e N i s h i d a e t B e r g s o n , c f . 長谷正當、「西田とベルクソン」、『西田哲学、没後五十年記念論文集』、上田閑照編 。

récent, c’est une conception de l’art comme art muséal. Cependant, l'œuvre d'art a de tout temps invité à la contemplation. Le regard, c'est-à- dire l'œil , est l'organe privilégié de la contemplation et il peut même prétendre à un certain degré de pureté parce qu'il ne touche pas son objet. Inversement, par cette vertu même - à savoir le non-toucher - il est 5

condamné à rester en dehors du monde de la création. Il serait condamné si l'œil ne communiquait pas avec la main, et si l'œil n'était pas interprété comme le-voir-qui-est-l'agir, une pensée qui sera développée par Nishida après 1923.

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A côté de la contemplation, le toucher peut être considéré comme une capacité créatrice, comme un savoir-faire, celui de communiquer et de s’engager de tout son corps, de tout son être, dans l'activité cognitive. L'œil effleure tandis que la main comprend.*16

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Or, le toucher - par contraste avec la pureté de la contemplation - peut évoquer l'impureté, la promiscuité, mais en même temps, le toucher est par excellence celui des sens qui nous rattache à la vie. Il n'y a pas de vie humaine, pas de survie humaine, sans le toucher. Il s'agit d'un sens fondamental chez toutes les espèces mammifères, et l'importance du 20

toucher est encore plus vraie pour l'être humain où il se décline en création.

« Dans notre auto-aperception, le fait de se trouver en face de la chose en soi qui ne peut être atteinte, c'est coïncider avec la chose en 25

tant que telle. C’est l’acte de connaître qui en tant que tel est le connaître.

16 Une de nos correspondantes met comme signature dans ses e-mails un proverbe dont elle dit qu’il est d’origine chinoise: « J'entends et j'oublie, je vois et je mémorise, je touche et je comprends. » Nous ne connaissons pas l’original chinois de ce proverbe. En revanche, Frédéric Girard nous signale : « L’expression bouddhique « appréhender la réalité et la vérité des choses en entrant en contact avec elles » est connue : 触事而真 (Traité de Sengzhao). Elle est assez souvent citée. Une autre aussi est connue du Zen : 触破 、 « par un contact, percer la vérité ». Le toucher, dans une de ses significations, est en effet synonyme d’impureté, peut-être par promiscuité linguistique (graphique et sémantique) : 濁 (nigoru) / 觸 = 触 (fureru). »

L'objet de cognition se trouve dans l'acte de cognition en tant que tel. L'acte de cognition, qui est un des aspects du moi pur, porte en lui un reflet (影 kage) du moi pur, et lorsqu’il construit à partir d'un certain a priori (アプリオリ apuriori), il ne possède pas son but (目的 mokuteki) dans une destination quelconque; c’est dans son acte lui-même qu’il recèle son 5

but authentique.» (NKZ 3, 529,chap.13.1)

La connaissance est ainsi définie comme un acte qui contient son propre objet - l’objet de la connaissance - en lui-même. Et cette définition met en œuvre le corps dans sa dimension d’outil, d’organe de la 10

connaissance et de la cognition.

Quand il parle du corps, implicitement, Nishida fait appel à l'espace. A ce propos, il donne deux précisions intéressantes dans l'essai La création artistique en tant qu'activité formatrice historique *17 :

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« Inutile de dire que l'art ne peut pas être séparé du problème de la forme. Or, si on considère que le vouloir artistique (芸術の意欲 geijutsu no iyoku) de l'Ouest saisit l'espace des choses, ne peut-on pas penser que le vouloir artistique de l'Est saisit l'espace du cœur? » (NKZ X,240) 20

Et à la page suivante :

« L'espace de l'art oriental n'est pas l'espace qui est en face du soi, c'est l'espace dans lequel se trouve le soi. » (NKZ X,241)

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La première citation accentue l’espace mental dans l’art japonais que Nishida contraste avec l’espace physique privilégie dans l’art

17 歴史的形成作用としての芸術的創作 Rekishi-teki keisei-sayô toshite no geijutsu- teki sôsaku, 1941, dans NKZ X,177-264 ; il s’agit du 3e de quatre essais du Recueil 4 des essais philosophiques, édité 1940-41 (哲学論文集第四 Tetsugaku ronbunshû daiyon). Cf. cette thèse, chapitre 1.1, note 22.

occidental. Toutefois, l’espace n’est pas exclusivement considéré comme mental par Nishida, tel que la deuxième citation l’indique : l’espace est un