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Chapitre II : La déité de l’être éternel

2. L’unicité et la simplicité de Dieu

2.2. L’argument avicennien de l’unicité de Dieu

Bien que la quatorzième épître et le chapitre 36 contiennent des preuves de longueur dissemblable, ils sont concordants sur l’argumentation essentielle qui rappelle la preuve d’Avicenne. Cependant, cette preuve à teneur avicennienne, telle qu’elle est élaborée dans ces deux écrits, est fort loin de la technicité qui caractérise les développements d’Avicenne sur le sujet. Notre auteur fait l’économie de la plupart des subtilités techniques présentes chez Avicenne pour n’en présenter, en fin de compte, que la quintessence compréhensible par un non-initié à la philosophie. Bien que toujours enclin à une complexité extrême quand il s’agit de l’unicité de l’être divin, Avicenne n’a pas toujours restitué exactement la même preuve dans ses divers écrits. Nous trouvons dans ses ouvrages des variations condensées ou détaillées sur les modalités d’individuation de deux existants nécessaires. Il développe une version relativement longue dans al-Mabda’ wa-l-ma‘ād, reprise telle quelle dans la Nağāt. Ensuite, une version légèrement différente est développée dans la Šifā’ et le Dāneš-nāme. Finalement, une version extrêmement condensée est proposée dans les Išārāt. Il est presque impossible de savoir avec certitude si l’un ou plusieurs de ces ouvrages ont servi de source

320 Tamhīdāt, 337, 7-13 ; 338, 1-11 : « L’existant se divise en un et multiple, dirons-nous. L’un se dit dans le sens propre du terme et dans le sens figuré. L’un dans le véritable sens du terme s’accorde au sens (ma‘nā) et il existe à trois niveaux. Le premier niveau, qui est la vérité des vérités, concerne l’un dans lequel ne se trouve aucune pluralité, ni en acte, ni en puissance. Et cela est comme le point (al-nuqṭa) et comme l’essence du créateur, le Très-Haut, et c’est ce que nous appelons la substance/l’atome isolé (ğawhar fard). Ce point n’est ni divisible, ni est sujet à la division. Il est donc exempt de toute pluralité, dans l’existence, en possibilité, en puissance, en acte. Il est un et il est l’essence du créateur, le Très-Haut. Le deuxième niveau est un par l’association, et c’est ce en quoi ne se trouve pas de pluralité en acte, j’entends par là dans le monde corporel, mais en lui se trouve la multiplicité en puissance, c’est-à-dire la puissance divine. Et ce niveau est celui des lumières pulvérisées à partir de l’essence de Dieu, le Très-Haut. Elles se solidifient parfois et s’en détachent, et c’est ce qui s’appelle le corps. Et si elle est isolée et continue, elle s’appelle la substance isolée, le sens de substance étant ce qui n’a pas besoin d’un autre pour subsister. Le troisième niveau des existants est ce qui est le reflet de ces deux types d’existants évoqués, et c’est le sens qu’on accorde au monde. Ensuite, il se divise en terrestre (mulkī) et céleste (malakūtī), le céleste est le monde des esprits et ce qui appartient à l’autre monde. Et il y a ce qui s’appelle ce monde et c’est le monde d’ici-bas. Connais tout ce que j’ai évoqué par un exemple (miṯāl) et c’est le point de hā, l’autre est le point de ṭā, l’autre est le point de lā, l’autre est sur le point de nūn, l’autre est sur le point de yā, et l’autre est sur le point de dāl. Et certains sont sur le point de ğīm ». Nous avons préféré ne pas suivre la traduction de Tortel et donner la nôtre. Voir le sous-chapitre « L’objet de la création : le monde et ses composants » dans la partie suivante pour plus d’explication sur ce passage.

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directe à ‘Ayn al-Quḍāt. Il aurait pu connaître certains éléments de la preuve à partir de l’Iqtiṣād de Ġazālī, où son maître reprend dans la terminologie du kalām quelques-uns des aspects de la preuve d’Avicenne. Un autre ouvrage du corpus ġazālien, le Maqāṣid lui a très certainement servi de source d’inspiration, sans que l’on puisse dire que la version de

Maqāṣid soit reproduite telle quelle par ‘Ayn al-Quḍāt. La preuve qu’il a présentée semble

être une synthèse en quelque sorte simple et toutefois complète des versions diverses qu’il a pu lire dans les ouvrages d’Avicenne et/ou de Ġazālī, exception faite d’un ouvrage d’Avicenne, probablement pseudépigraphique, al-Risāla al-‘aršiyya fī tawḥīdihī ta‘ālā

wa-ṣifātihī 321

dont la preuve de l’unicité du nécessairement existant contient beaucoup d’affinité

avec celle que nous retrouvons dans ces deux écrits de notre auteur.

Lisons d’abord la preuve telle qu’elle apparaît dans le chapitre 36 du Zubda :

On ne peut absolument pas imaginer la dualité au sujet du nécessaire car il n’est pas possible que deux choses existent et que chacune d’elles soit nécessaire par son essence. Car il est indispensable qu’entre chacune des deux choses existe une différence selon un aspect (muġāyira fī šay’in), sinon leur dualité ne se réalisera pas. Si deux nécessaires avaient existé, ils devraient être différents selon un certain aspect. Ainsi ce qui les différencierait devrait être soit nécessaire (ḍarūrī) pour tout être qui est nécessaire par son essence, soit il ne devrait pas être nécessaire. S’il était nécessaire, il serait indifféremment existant dans les deux nécessaires; et s’il n’était pas nécessaire, il exigerait que son existence soit causée par une cause, alors que le nécessaire est loin d’être ainsi322

. Si cela ne te suffit pas sur cette question, tu dois chercher dans les livres où les auteurs en ont abondamment parlé. Mon temps ne me permet pas de dire plus que ça, et mon but dans ce livre n’est pas de le rallonger par des choses sur lesquelles les savants ont apporté la démonstration et qu’ils ont résolues. Cela doit être cherché dans sa propre source323.

Et la preuve parue dans la quatorzième épître:

Ô cher ami ! […] Sache qu’il est absolument impossible qu’existent deux existants différents, de sorte que l’un ne soit pas l’autre et que tous les deux soient éternels. Car la dualité se conçoit par la différence des attributs. La différence au sujet de deux [existants] éternels ne s’obtient pas par les [attributs] essentiels. Elle s’obtient donc par les accidentels. Or, les attributs accidentels sont impossibles pour [l’existant] éternel, puisqu’ils doivent avoir des causes en dehors de l’essence de [l’existant] éternel, et tout ce qui est qualifié ainsi est adventice et non pas éternel. Il faut avoir, à cet endroit, quatre connaissances en détail, pour comprendre ce que j’ai écrit : [1] une connaissance est qu’il faut nécessairement la différence des attributs pour que la dualité existe ; [2] la deuxième connaissance est que la différence des attributs s’obtient, ou bien par les essentiels, ou bien par les accidentels ; [3] la troisième connaissance est que la différence des deux [existants] éternels ne vient pas des

321 D. Gutas considère que ce livre est une œuvre pseudépigraphique dont l’attribution à Avicenne demande examen. Voir Avicenna and the Aristotelian Tradition, p.535. Yaḥyā Mahdavī ne questionne pas la validité de son attribution à Avicenne, mais souligne les différentes formes sous lesquelles le titre est enregistré dans la tradition manuscrite. Selon lui, ce texte se trouve tel quel dans Īḍāḥ barāhīn mustanbaṭamin masā’il ‘uwayṣa. Cf. Mahdavi, Fesrest-e moṣannafāt, p.179, et Anawati, Essai de bibliographie avicennienne, pp.242-243.

322 Cf. Nāme-hā, I, 118-119.

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attributs accidentels ; [4] la quatrième connaissance est que la différence des deux [existants] éternels issue des attributs accidentels est également impossible324.

L’argument, qui est une reductio ad absurdum, étudie le cas de deux existants, tous les deux nécessairement existants par soi et/ou éternels qui contiennent un aspect les séparant et assurant leur dualité numérique. Cet aspect, une différence intrinsèque des existants, appartient obligatoirement à l’une des deux catégories suivantes: ou bien il est essentiel/nécessaire, c’est-à-dire en rapport avec l’essence des deux existants, ou bien il est non-essentiel/accidentel, c’est-à-dire qu’il s’attache à eux d’une manière accidentelle. Ce point est expliqué par Avicenne et Ġazālī d’une manière à peu près semblable. ‘Ayn al-Quḍāt ne fait que les suivre sur cet aspect de l’argument :

Avicenne : Deux choses ne sont en effet deux qu’en raison soit de la signification, soit du support de la signification, soit de la position et du lieu, soit du temps et du moment ; en somme, du fait d’une cause quelconque. Deux choses qui ne diffèrent pas par la signification diffèrent seulement par quelque chose d’autre que cette dernière325

. Ġazālī : Les deux choses tantôt diffèrent par la différence de définition et de réalité essentielle, comme la différence du mouvement et de la couleur. Même s’ils se rassemblent dans le même lieu et dans le même instant, ils sont deux choses, car l’un est différent de l’autre par sa réalité essentielle. Si deux choses sont égales dans la réalité essentielle et la définition, comme la couleur noire, la différence entre elles sera ou dans le lieu ou dans le temps326.

‘Ayn al-Quḍāt : Le premier principe, sur l’explication du fait qu’entre deux choses la différence des attributs est indispensable : ô cher ami ! […] Sache que deux choses, adventices ou éternelles, ne peuvent jamais exister, sans que l’une possède un attribut que l’autre ne possède pas. Car si elles partagent tous les attributs, le nom du « deux » sera supprimé et le terme demeure sans signification. La différence entre l’homme et le cheval est apparente. La différence entre deux hommes réside nécessairement ou dans la couleur, ou la largeur ou la longueur, ou le temps ou le lieu. Si aucun attribut n’est différent, de sorte qu’il appartient à l’une et n’appartient pas à l’autre, ils sont un. S’il était possible que la dualité existe sans la différence des attributs, il serait également possible que quelqu’un montre un homme du doigt en disant qu’il est deux, mais qu’entre deux hommes n’existe aucune différence, ni selon la couleur, ni selon la figure, ni le lieu ni le temps, etc. Une telle chose est absurde327.

La pluralité numérique entre deux existants qui présentent des essences similaires est assurée par une dissemblance sur au moins un aspect de leurs qualités, faute de quoi la pluralité numérique ne serait qu’une illusion328. Avicenne opère une distinction entre la réalité

324

Nāme-hā, I, 118, 15-17 ; 119, 1-8.

325 Avicenne, Mabda’, 11, 17-19 ; tr. Michot, p. 12. Nağāt, 556, 4-7,

326 Ġazālī, Iqtiṣād, 74, 7-10.

327 Nāme-hā, I, 119, 10-17 ; 120, 1-4.

328 Pour l’absurdité de l’existence de la dualité sans la condition de la différence des attributs, voir Ġazālī,

Iqtiṣād, 75, 1-5 : « Supposer deux couleurs noires similaires dans une substance, dans un état, est absurde, car la

dualité [dans ce cas] ne se comprend pas. S’il était possible de dire qu’elles sont deux, sans aucune différence, il aurait été possible de montrer un homme du doigt et de dire qu’il est deux hommes, voire dix hommes, mais qu’ils sont identiques selon l’attribut, le lieu, et tous les accidents et les concomitants, sans aucune distinction. Or, cela est nécessairement impossible ». Aussi Ġazālī, Tahāfut, 86, 12-15 : « Si deux essences ne diffèrent pas,

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essentielle d’une chose, c’est-à-dire sa signification, et la matière qui lui offre un support, un détail que l’on ne trouve chez aucun des deux autres penseurs. En dehors de cette exception, les autres éléments énumérés se retrouvent chez Ġazālī et ‘Ayn al-Quḍāt. Ce dernier, aux deux éléments du lieu et du temps, ajoute également la couleur, la longueur et la largeur, certainement en vue de clarifier encore plus pour son lecteur la catégorie des qualités non-essentielles. Notons que ce que Ġazālī désigne comme la définition et la réalité essentielle, autrement dit les attributs essentiels, se divise, chez ‘Ayn al-Quḍāt, en deux sous-catégories qui sont les constitutifs (muqawwimāt) et les concomitants (lawāzim). La première distinction entre les deux existants nécessaires/éternels se fait ainsi selon un aspect qui leur est soit essentiel, soit concomitant :

Le deuxième principe, sur le fait que la différence entre les choses se fasse, soit ou par les essentiels, soit par les accidents : Sache que lorsque le qualifié possède un attribut sans lequel son existence ne se conçoit pas, cet attribut s’appelle « essentiel ». Si l’existence du qualifié se conçoit sans l’existence de cet attribut, il s’appelle « accidentel ». Dans cette terminologie technique, nous désignons les attributs constitutifs et les attributs concomitants comme « essentiels »329.

Examinons d’abord comment ‘Ayn al-Quḍāt définit les choses. La distinction fondamentale pour l’argument d’Avicenne, entre la quiddité et l’existence, est atténuée ici et apparaît de manière très implicite dans la définition que ‘Ayn al-Quḍāt donne des attributs essentiels, concomitants et accidentels330. L’existence d’une essence se conçoit, à condition que tout ce qui est essentiel pour elle soit présent. L’essence de l’homme sans l’animalité et sans la rationalité ne se conçoit pas. Outre cela, dans l’épître 95, ‘Ayn al-Quḍāt apporte des définitions plus détaillées qui ne laissent pas de doute sur le fait qu’il entend par essentiel la chose indispensable à la quiddité 331. Ainsi « ce qui est essentiel à l’existence d’un qualifié » se comprend comme ce qui est essentiel à la quiddité d’un qualifié pour qu’il puisse être conçu comme existant, tout ce qu’on peut désigner comme constitutifs pour son essence.

comme deux cas de la couleur noire, alors que le temps et le lieu coïncident, leur multiplicité devient impensable. S’il était possible de dire que dans un même temps et un même lieu, il y a deux cas de couleur noire, il serait également possible de dire à propos d’une personne qu’elle est deux personnes, mais qu’entre les deux n’existe pas de différence évidente », et Ġazālī, Maqāṣid, 62, 5-8 : « Il n’est pas possible que deux choses existent dont chacune soit nécessairement existante de sorte que toutes les deux soient subsistantes par soi et ne dépendent pas de l’autre. Car, ou bien elles se ressemblent sous tous les aspects, ou elles diffèrent. Si elles sont semblables sous tous les aspects, la pluralité serait vaine et la dualité ne se comprendrait pas ».

329 Nāme-hā, I, 120, 17-18 ; 121, 1-3.

330 Pour Avicenne les choses qui sont essentielles à la constitution de l’essence d’une chose ne sont pas forcément celles qui sont nécessaires à la réalisation de son existence extra-mentale. Par exemple, le fait d’être une couleur, en tant que notion universelle, requiert pour exister concrètement d’être blanche ou noire. Elle a besoin de différences pour être réalisée et, en ce sens, les deux lui sont nécessaires pour advenir à l’être. Or, ils ne lui sont point indispensables pour la constitution de son essence qui est le fait d’être une couleur de manière absolue. Voir Avicenne, Nağāt, 562-563 et Avicenne, Mabda’, 14-15.

331 Voir Nāme-hā, II, 325 : « Sache que l’attribut essentiel est ce sans quoi l’esprit ne peut pas appréhender la

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Notons que l’insistance de ‘Ayn al-Quḍāt sur les concomitants, en délimitant les choses, n’est pas anodine, puisque, dans la preuve qu’Avicenne développe, la concomitance est soulignée selon deux aspects.

Dans la preuve du Mabda’ et de la Nağāt, Avicenne étudie deux modalités selon lesquelles les deux existants nécessaires peuvent partager l’élément en commun qui est la nécessité d’existence, tout en étant séparés l’un de l’autre. Ces deux modalités sont : (1) la concomitance : la nécessité d’existence est un concomitant de la quiddité des deux choses, (2) l’identité partielle ou intégrale : la nécessité d’existence est la quiddité de l’existant qui est nécessaire, ou fait partie intégrante de cette quiddité. La concomitance de l’élément commun pour les deux existants est niée car elle suppose que l’élément non-commun, la quiddité des existants soit la cause de ce qui est concomitant. Or, le concomitant est supposé être la nécessité d’existence et l’acceptation de sa concomitance aboutit à admettre qu’elle a une cause. Ce qui est absurde332. Nous constatons que, dans ces ouvrages, c’est l’élément commun qui est conçu comme le concomitant de l’élément non-commun, tandis que, chez ‘Ayn al-Quḍāt, c’est l’élément non-commun, la différence entre les deux existants, qui est le concomitant de l’élément commun. Avicenne étudie cet autre aspect des choses dans les

Išārāt où deux sortes de relations, à savoir l’accidentalité et la concomitance sont envisagées

entre l’élément commun et l’élément non-commun des deux existants nécessaires individués. Selon lui, l’élément non-commun ne peut être le concomitant de la quiddité que les deux choses partagent puisque cela suppose qu’une quiddité ait des propriétés qui soient en permanence opposés. Autrement dit, les deux éléments, qui rendent les deux existants deux individus, doivent être opposés pour assurer la dualité foncière des deux existants. Un tel supposé doit être nié puisqu’il contredit le principe de tiers exclu333. Bien que ‘Ayn al-Quḍāt ne souligne pas explicitement la contradiction logique qu’entraînerait l’acceptation de concomitants différents à deux existants semblables, une telle chose peut être tout de même saisie de son explication. Pour lui, si les deux existants, ou l’un d’entre eux, disposaient d’un concomitant qui serait la source de leur dualité, ce concomitant devrait être semblable pour les deux, sinon cela aboutirait ou bien à la dissemblance de leurs essences, -chacun aurait une quiddité différente de par laquelle il disposerait d’un concomitant différent-, ou bien la même

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Avicenne, Mabda’, 12-13, Nağāt, 557-558.

333 Avienne, Išārāt, III, 37 ; Voir aussi Mayer, “Faḫr ad-dīn ar-Rāzī’s Critique of Ibn Sīnā’s Argument for the Unity of God”, p. 202 : « [ …] the uncommon factor might be a concomitant of the common factor. This, however, is absurd. Otherwise the common factor might have permanent properties at odds with one another. But this is impossible by the principle of the excluded middle”.

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quiddité aurait causé des concomitants différents. Cela est la contradiction soulignée par Avicenne.

L’autre volet de cette première modalité d’individuation des deux existants, qui touche à la différenciation par un aspect constitutif, est expliqué ainsi dans l’épître :

Le troisième principe, sur l’explication du fait que la différence entre deux éternels ne se fait pas par les attributs essentiels. Ô ami ! Lorsque tu connaîtras le sens des attributs essentiels, il sera facile pour toi de savoir qu’il n’est pas possible que deux éternels existent, de manière à ce que dans l’un existe un attribut qui n’est pas dans l’autre. Car l’existence du qualifié, sans l’existence de l’attribut essentiel est impossible. Or, comment peut-on imaginer l’existence de l’autre éternel sans cet attribut qui est essentiel ? C’est là une absurdité manifeste334.

Les deux existants ne peuvent différer par ce qui leur est essentiel. Car en supposant deux existants, tous les deux nécessaires, nous nous attendons à ce que la chose essentielle pour l’un, le soit également pour l’autre, comme l’a expliqué clairement Avicenne dans le Šifā’ :

Nous disons également que le nécessairement existant doit être une essence unique. Supposons en effet qu’il y en ait plusieurs et que chacun d’eux soit nécessairement existant. Il faut donc, ou bien que chacun d’eux, dans l’intention qui est sa quiddité, ne soit, d’aucune manière, différent de l’autre, ou bien qu’il diffère de lui. S’il n’est pas différent per se de l’autre selon l’intention qui est celle de son essence, et qu’il diffère