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CHAPITRE III LA MÉTHODOLOGIE

3.1 L’approche méthodologique choisie

L’investigatrice de cette étude a privilégié une approche qualitative et inductive pour mener à bien cette étude. De l’avis de Marshall et Rossman (1989), ce type d’approche s’avère d’une grande utilité dans toute démarche visant à approfondir la compréhension des phénomènes complexes tels l’adaptation de conjoints de femmes ayant un cancer de l’ovaire. Soucieuse de fournir une explication théorique du processus d’adaptation de conjoints qui soit enracinée dans la réalité, l’investigatrice de cette étude a choisi spécifiquement une approche par théorisation ancrée pour guider sa recherche au plan méthodologique. Cette approche, largement utilisée dans une diversité de disciplines (sociologie, psychologie, éducation, anthropologie, économie, sciences infirmières), permet l’émergence de théories enracinées dans les données offrant non seulement une compréhension approfondie du phénomène étudié mais également un guide précieux pour l’action (Strauss et Corbin, 2004).

3.1.1 Les fondements épistémologiques, objectifs et démarche générale de la théorisation ancrée

La théorisation ancrée (grounded theory), élaborée par les sociologues Glaser et Strauss (1967), tire son origine de l’interactionnisme symbolique ainsi que du pragmatisme américain (Laperrière, 1997a; Paillé, 1994). Inspirée du pragmatisme, elle convient de la nécessité d’enraciner ses propositions théoriques dans la réalité d’où l’importance de l’observation in situ pour comprendre les phénomènes (Strauss et Corbin, 1990). De l’interactionnisme symbolique, alliant sociologie et psychologie, la théorisation ancrée

32 retient une vision spécifique du monde social selon laquelle l’individu construit sa réalité, entre autres à partir de schèmes sociaux, et agit en fonction de la signification ou de la valeur qu’il attribue au monde (Mead, 1934).

La théorisation ancrée vise la construction de théories empiriquement fondées à partir de phénomènes à propos desquels peu d’analyses ont été articulées (Laperrière, 1997a). Elle permet de pousser la démarche de recherche au-delà d’une analyse descriptive pour en arriver à livrer une théorie explicative du développement de la situation étudiée (Glaser, 1978; Paillé, 1994). Contrairement aux approches purement descriptives qui visent l’exhaustivité empirique, la théorisation ancrée cherche plutôt l’exhaustivité théorique, c’est-à-dire l’intégration, dans une même théorie, de l’ensemble des incidents concernant le phénomène à l’étude (Laperrière, 1997a). Cette approche méthodologique accorde une importance autant à la perspective des acteurs sociaux, dans la définition de leur univers, qu’aux contextes micro et macro-social dans lesquels s’inscrivent leurs actions (Laperrière, 1997a).

Le processus de collecte et d’analyse simultanées des données, cher à l’approche par théorisation ancrée et communément appelé la méthode de comparaison constante doit permettre de dégager les caractéristiques spécifiques des évènements particuliers ainsi que des interactions entre les divers éléments (Glaser et Strauss, 1967). L’analyse détaillée des données qualitatives qui résulte de cette démarche doit conduire, suite à l’intégration des données, à l’identification d’un ou de quelques processus dominants (Chenitz et Swanson, 1986; Laperrière 1997a). Paillé (1994) rappelle que l’explication théorique qui émerge de la théorisation ancrée doit demeurer fidèle à la perspective et à la compréhension des acteurs observés. La théorisation finale dégage le sens d’un phénomène en liant ses éléments dans un schéma explicatif (Paillé, 1994).

3.1.2 Le contexte social de la recherche

Depuis le début des années 2000, le cancer est devenu la première cause de mortalité au Québec surpassant les maladies cardiovasculaires (Gouvernement du Québec, 2007). Pour faire face à ce fléau, le ministère de la Santé et Services sociaux du Québec s’est doté d’un programme québécois de lutte contre le cancer dans lequel il énonce les

grandes orientations en matière de lutte contre le cancer (Gouvernement du Québec, 1998). Ce programme préconise une approche globale qui intègre l’ensemble des services et activités en matière de lutte contre le cancer pour répondre aux besoins des personnes et de leurs proches. Cette intégration des services en réseau repose sur différents éléments-clés, notamment la mise en place d’équipes interdisciplinaires aux différents paliers de services, l’intégration des infirmières-pivots à ces équipes, et des ententes de services entre les institutions et l’établissement d’un dossier oncologique pour faciliter le fonctionnement en réseau.

3.1.3 Le choix du milieu de la recherche

Notre projet de recherche émerge d’une préoccupation exprimée par les membres de l’équipe interdisciplinaire du Service de gynécologie oncologique d’un Centre hospitalier universitaire de la grande région de Montréal à l’automne 2005. Cette équipe, soucieuse de répondre aux besoins des proches des personnes atteintes d’un cancer, s’est montrée très intéressée à un projet de recherche visant à connaître plus à fond la réalité des conjoints de femmes atteintes d’un cancer de l’ovaire. Cet intérêt rejoignait les préoccupations de l’investigatrice, fruit de ses propres observations en tant qu’infirmière en oncologie dans un centre hospitalier universitaire de la métropole.

Le choix de ce milieu pour réaliser notre étude n’est pas fortuit. Le Service de gynécologie oncologique de ce centre hospitalier, reconnu comme centre suprarégional dans sa spécialité, offre des services de consultation et des traitements ultra spécialisés aux femmes atteintes d’un cancer gynécologique, et ce, en plus de mener des activités de recherche et d’enseignement. Chaque année, le Service d’oncologie-gynécologie de ce centre reçoit en moyenne 850 nouvelles femmes atteintes de cancers gynécologiques. Celles-ci proviennent du territoire montréalais ainsi que d’autres régions du Québec. En tant qu’équipe suprarégionale, le Service de gynécologie-oncologie de ce centre a développé une gamme de services ultra spécialisés en oncologie et en soins palliatifs, destinés aux personnes atteintes et à leurs proches, services non offerts par des équipes ayant un mandat local ou régional. L’interdisciplinarité est au cœur du fonctionnement de cette équipe, constituée d’une diversité d’acteurs (gynécologues-oncologues, infirmières,

34 infirmière-pivot, psychologue, travailleuse sociale, psychiatre, agent de pastorale, nutritionniste, sexologue, pharmaciens, ergothérapeute, stomothérapeute, conseillère en soins spécialisés en oncologie etc.). Au sein de cette équipe, l’infirmière-pivot (IPO) joue un rôle central dans le suivi de la clientèle. La participation des personnes atteintes de cancer et de leurs proches aux processus décisionnels et au processus de guérison est particulièrement valorisée au sein du Service de gynécologie-oncologie. Soucieuse de bien informer la femme atteinte d’un cancer gynécologique et ses proches, le Service de gynécologie oncologique a développé différentes stratégies d’information (trousse d’accueil incluant un guide d’information et des dépliants, séances d’informations préparatoires à la chirurgie pour les patientes et leurs conjoints, accès à un site internet). Enfin, à même ce centre, un organisme de soutien, coordonné par une équipe de bénévoles, est présent pour les personnes atteintes de cancer et leurs proches et offre une diversité de services (prêt de perruques, présentation de conférences, services de documentation, soutien psychologique, etc.)

3.2 LE DÉROULEMENT DE L’ÉTUDE