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CHAPITRE 4 CADRE MÉTHODOLOGIQUE

4.1 L’APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE

Nous avons choisi une approche qualitative (Paillé, Mucchielli, 2008; Grawitz, 2001) qui nous permet une souplesse dans la construction de l’objet de recherche, tout au long de sa progression (Pires, 1997), pour comprendre des phénomènes sociaux (Poisson, 1991), comme la régionalisation de l’immigration, les parcours des immigrants et le rôle des institutions dans une société et auprès d’individus.

L’approche qualitative est en croissance et en développement depuis les années 1980 au Québec. Elle est conçue pour recueillir des données sous forme de témoignages et pour donner un sens aux propos des acteurs lors de l’analyse (Paillé, Mucchielli, 2008, p.9). La question de la subjectivité est primordiale dans cette approche (Giraud, Raynaud et Saunier, 2014).

Les récits de vie (Bertaux, 2016) ont une perspective compréhensive et rétrospective, puisque les acteurs sont interrogés sur des événements survenus dans leur passé. Nous faisons appel aux mécanismes de mémorisation et d’appel au souvenir qui sont centraux dans la production des informations à recueillir (Couppié, Demazière, 1995). Avec l’approche qualitative, nous laissons place à l’interprétation des faits par les participants qui nous racontent les événements en se fiant à leur mémoire, à leurs souvenirs et aux émotions qu’ils ressentent des mois ou des années après l’obtention de leur diplôme collégial. Demazière (2003) souligne que les récits des parcours sont nécessairement teintés par les jugements de valeur, les évaluations et les anticipations, d’où l’importance de faire de la place à la subjectivité.

L’approche des récits de vie est biographique. Nous allons emprunter la métaphore de Pierre Bourdieu (1986) qui compare cette approche à un déplacement en métro. Dans un trajet de train, il y a un départ et une arrivée. Pendant le trajet, des personnes montent à bord et font un bout de chemin ensemble. Les voyageurs ne sont pas les mêmes au départ et

à l’arrivée. Il peut se produire des événements pendant le trajet. À la sortie, chacun bifurque et prend une direction. Toutefois, les parcours de vie sont plus malléables et ont une plus grande plasticité que le réseau de métro (Godart, 1989, cité par Bessin, 2009).

Le récit de vie n’est pas un simple récit biographique. Il s’agit d’« un modèle d’intelligibilité des individus dans ce qui constitue leur singularité sociale incorporée » (Giraud, Raynaud et Saunier, 2014, non paginé). Le modèle d’intelligibilité sert à expliquer et à donner un sens aux phénomènes sociaux.

Le récit de vie a trois fonctions : exploratoire, analytique et expressive (Bertaux, 2016). La fonction exploratoire permet au chercheur de se faire une tête sur l’objet de la recherche. Il procède, avec les premiers acteurs interviewés, à un tour d’horizon de l’objet étudié en les interrogeant et en recueillant leur perception d’événements ou de leur environnement. Les acteurs ont un vécu, des connaissances et parfois un certain pouvoir dans la société ou leur milieu, ce qui fait d’eux les experts de leur vécu ou d’un phénomène donné (Bertaux, 2016, p.53).

La fonction analytique permet au chercheur de se former dès les premiers entretiens à son sujet de recherche. L’écoute attentive des propos des interviewés lors des premiers entretiens est cruciale. Lors de ces premiers instants du terrain, le chercheur creuse, s’approprie son sujet et doit être attentif aux éléments d’information qu’il reçoit afin d’approfondir certains aspects et de poser de nouvelles questions au besoin pour bien maîtriser le sujet. « Les réécouter, les retranscrire, les lire et les relire, en commencer l’analyse dès le début de l’enquête » (Bertaux, 2016, p.55) permet au chercheur de se faire une représentation mentale de son sujet, de réajuster le tir s’il a commis des erreurs et de formuler plus justement son hypothèse de recherche. Commencer l’analyse dès la réalisation des premiers récits donne aussi au chercheur une perspective globale de l’entretien puisqu’il se remémore la qualité de la rencontre, ses impressions, ce qui l’a surpris ou choqué.

La fonction expressive enjoint le chercheur à insérer des extraits d’entretien, afin de donner l’effet d’un « ouvrage illustré » lorsqu’il présente ses données (Bertaux, 2016, p.57). Bertaux (2016) donne l’exemple de l’ouvrage dirigé par Pierre Bourdieu, La misère du monde (1993), où la présence des nombreux extraits des entretiens réalisés rend la lecture si captivante. C’est ce qui rend intéressante la lecture des données, qui lui donne une couleur et une personnalité.

Le choix des récits de vie comme cadre méthodologique, afin de nous en inspirer pour mener nos entretiens semi-dirigés, lié à notre cadre théorique sur les parcours de vie et les concepts d’institution, d’intégration et de rétention nous guident dans la construction de nos outils de cueillette. Les récits de vie nous permettent de constater quels sens les participants donnent aux événements qu’ils nous racontent.

La technique de collecte de donnée que nous privilégions pour recueillir des informations sur les expériences et la trajectoire migratoire est l’entretien semi-dirigé. Nous souhaitons enregistrer les récits de vie par les entretiens semi-dirigés. Lors de la préparation de l’entretien, nous avons misé sur des questions ouvertes afin que l’interviewé tienne des propos d’un style narratif. Nous misons sur l’écoute attentive des réponses et nous guidons le participant à travers des thèmes précis. « Le guide d’enquête doit évidemment être

évolutif : car à mesure que votre recherche avance vous ne vous poserez plus les mêmes questions qu’au début » (Bertaux, 2016, p.70). Il y a un récit de vie, selon Bertaux, dès que

le participant raconte au chercheur un fragment de son vécu, sous une forme narrative. Il s’agit d’une méthode qui permet une co-construction entre l’intervieweur et l’interviewé : « les uns apprenant des autres et rendant possible l’élaboration d’un nouveau discours, à propos du phénomène étudié » (Savoie-Zajc, 2003, p.293).

L’entretien semi-dirigé se déroule sous forme de conversation entre le chercheur et la personne qui détient un savoir lié à notre sujet de recherche. Nous orientons la conversation à partir de thèmes généraux, nous nous laissons guider par le contenu de l’échange, mais

nous dirigeons cet discussion. Dans cette approche, le chercheur guide la conversation et interagit à de nombreuses reprises avec l’interviewé. « Grâce à cette interaction, une compréhension riche du phénomène à l’étude sera construite conjointement avec l’interviewé » (Savoie-Zajc, 2003, p.296).

Nous avons choisi cette technique de collecte avec l’objectif de rendre explicite l’univers de la personne interviewée, de comprendre son monde, d’apprendre sur le phénomène étudié et d’explorer en profondeur, par un témoignage riche et senti, l’objet de recherche (Savoie-Zajc, 2003, p.297-298).