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CHAPITRE 2 ÉTAT DE LA QUESTION ET PROBLÉMATIQUE

2.1 R ECHERCHES MENEES AU C ANADA , AUX É TATS U NIS ET EN A USTRALIE

La population des régions rurales canadiennes vit un déclin depuis la Deuxième Guerre mondiale. La capacité des régions rurales à attirer des immigrants internationaux ou des migrants internes est ciblée comme l’une des seules façons d’accroître leur population (Bollman, 2007, en ligne). D’ici 2026, la croissance de la population canadienne dépendra de l’immigration puisque le nombre de décès sera supérieur au nombre de naissances (Bollman, 2007; ISQ, 2016). La majorité des immigrants en régions rurales au Canada sont arrivés après 1981, leur niveau d’instruction est plus élevé que la moyenne des résidents, leur chance d’employabilité serait assez bonne, mais plus la période d’arrivée est récente, moins les gains sont élevés (Beshiri, Alfred, 2002; Beshiri, 2004, cité dans Bollman, Beshiri, Clemenson, 2007, p.11). En région rurale, la main d’œuvre requise est autant spécialisée qu’ouvrière, notamment en raison de l’importance de secteur primaire, de l’exploitation des ressources naturelles et des exploitations agricoles (Beshiri, 2005, en ligne).

Des groupes de recherches se sont formés au Québec depuis les 20 dernières années pour encadrer, documenter et analyser les différentes problématiques entourant l’immigration au pays dans un contexte de déclin démographique.

Le Centre Metropolis du Québec sur l'immigration et les métropoles a mené des recherches sur la régionalisation de l’immigration entre 1996 et 2013, date à laquelle son financement s'est arrêté. Ce centre était un réseau international pour favoriser les échanges et la recherche sur l’immigration, la diversité et l’intégration dans un but d’élaboration de politiques publiques. Le projet international a permis à des chercheurs de plus de 20 pays de collaborer. L'Observatoire canadien de l'immigration dans les zones à faible densité d'immigrants s'est intéressé, entre 2004 et 2009 à la régionalisation de l'immigration. Cet observatoire, issu de l’Université de Sherbrooke, est né en 2004 pour mieux saisir les réalités politiques et les processus concernant l’immigration dans les régions canadiennes en dehors des métropoles. Plusieurs études de cas ont été réalisées sur l’intégration et la rétention des immigrants à Lac-Mégantic, à Sherbrooke, à Rawdon, à Thetford Mines et à Trois-Pistoles, entre autres. Il y a aussi le Ceetum, le Centre d’études ethniques des universités montréalaises. Il s’agit d’un regroupement interuniversitaire et pluridisciplinaire qui se spécialise dans les relations ethniques au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde, notamment en milieu scolaire.

Les études menées dans le cadre de ces groupes de recherche et les études récentes (Gagnon, 2017; Vatz Laaroussi, Bernier, Guilbert, 2013; Ouedraogo, 2012) démontrent les difficultés persistantes de rétention des immigrants dans les petites communautés, par manque d’emploi, de réseau social, de services, de repères culturels ou d’ouverture de la communauté.

Ces difficultés ne sont pas exclusives aux régions du Québec. La situation est semblable aux États-Unis (Johnson, 2003) et en Australie (Collin, 2007).

Aux États-Unis, « Johnson (2003) a expliqué qu'au cours des cinq premières années suivant leur établissement dans les collectivités rurales, la moitié des immigrants repartaient principalement à cause du manque d'emploi » (Ouedraogo, 2012, p.17). Entre les années 1970 et 2000, le portrait américain des régions rurales (localités de moins de 2500

habitants) et non métropolitaines (villes petites et moyennes de moins de 50 000 habitants) a fluctué de décennie en décennie.

Dans les années 1970, la tendance du déclin des zones non urbaines se renverse. Il y a deux phénomènes observés : le premier est le « non-metropolitan turnaround » que les observateurs attribuent en premier lieu à l’étalement urbain, mais qui se répercute jusque dans l’Amérique rurale profonde ainsi que le second, que l’on qualifie de « rural renaissance » qui signifie que la population agricole décline alors que la population rurale non agricole s’accroît (Kayser, 1988, en ligne).

Dans une étude menée par Johansen et Fuguitt (1983), il en ressort que les avantages liés au paysage, à la qualité de vie, aux prix des terrains combinés à la présence d’infrastructures en loisirs ont contribué à attirer de nouveaux arrivants dans les campagnes américaines et ont entraîné la création d’emplois dans le secteur des services et dans certaines industries (Kayser, 1988, en ligne). Ces fluctuations sont attribuables aux changements organisationnels, technologiques et environnementaux (Brown, 2002, cité dans Johnson, 2003, en ligne). Ces migrations ont été déclenchées par un besoin de main- d’œuvre et aussi, sur la côte ouest notamment, par l’attrait des paysages (Johnson, 2003, en ligne). D’autres migrations sont attribuables au retour dans leur région natale d’Américains âgés d’environ 40 ans, après une perte d’emploi, puisqu’ils ont toujours un lien familial sur place, un attachement et un sentiment d’appartenance (White, 1986, cité dans Kayser, 1988, en ligne). Dans tous les cas, l’accès à un emploi demeure un facteur clé d’attrait et de rétention de nouveaux résidents dans les régions.

En Australie, les constats démographiques sont qualifiés de préoccupants. À partir de la Deuxième Guerre mondiale, les immigrants et les migrants se sont davantage installés dans les zones urbaines, ce qui a créé des problèmes environnementaux (congestion, surpopulation, pollution et détérioration de la qualité de l’environnement) et un manque de travailleurs hors des grandes villes (Collins, 2007, en ligne).

Entre 1991 et 2000, la population des villes australiennes a augmenté de 1,3% alors qu’en zone rurale la croissance n’a été que de 0,1%. Cela a entraîné une pénurie de main- d’œuvre de toute sorte, que ce soit des spécialistes ou des travailleurs non qualifiés, et des impacts directs sur le développement économique des localités (Collins, 2007, en ligne).

La situation du racisme est aussi un facteur répulsif de la régionalisation de l’immigration. Dans une étude menée sur l’immigration des personnes issues des minorités visibles ou l’intégration des aborigènes dans une Australie blanche, le fait d’avoir l’assurance d’un statut dans la société d’accueil favorise la réussite de l’adaptation, ce qui n’est pas souvent le cas, ni des immigrants, ni des aborigènes qui ont des statuts surtout précaires (Hage, 1998, en ligne). Dans une étude sur la mobilité d’immigrants libanais, Hage s’est intéressé au multiculturalisme, à l’ouverture de la communauté et au racisme. Les racistes vivraient un état de « coincement » produit par la globalisation néolibérale, l’insécurité du marché du travail et l’arrivée de migrant puisqu’ils ont l’impression de ne pas pouvoir se sortir d’une situation sociale qui ne les satisfait pas et dans laquelle ils s’enlisent alors que les immigrants gravissent les échelons petit à petit pour améliorer leur sort (Hage, 2005, en ligne).

Comme au Canada, une politique de régionalisation de l’immigration a été mise en place en Australie dans les années 1990 (Golebiowska, 2011, en ligne). En 1996, les immigrants qui désiraient s’établir en région et qui possédaient des compétences professionnelles spécifiques ou qui étaient des entrepreneurs et qui désiraient s’établir en région obtenaient des points supplémentaires ce qui accélérait leur processus d’immigration. Cette mesure s’est aussi appliquée aux étudiants internationaux dès 2003. Entre 2000 et 2004, le nombre de visas accordés a bondi considérablement ; il a même septuplé dans certains programmes. Toutefois, au moment où Collins a fait son étude en 2007, un bon nombre d’immigrants ne vivaient plus dans leur région rurale australienne de départ.

Le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont cités comme étant les pays les plus novateurs dans le domaine de la sélection des immigrants dans un but de régionalisation et de compétitivité entre les régions hors des grands centres (Boulet, 2016; Wulff et coll., 2008 cités dans Belkhodja, Vatz Laaroussi, 2012; Hugo, 2008). Leur processus de recrutement s’appuie sur les profils des candidats qui correspondent aux qualifications des immigrants et aux besoins de main-d’œuvre des différentes régions.

2.2 LES FACTEURS D’ATTRACTION, D’INTEGRATION ET DE RETENTION DANS LA