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L'apprentissage d'une langue maternelle est implicite

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L'acquisition d'une deuxième langue : un processus implicite ou explicite ?

2.1 L'apprentissage d'une deuxième langue est-il si- si-milaire à celui de la langue maternelle ?

2.1.1 L'apprentissage d'une langue maternelle est implicite

Les recherches en acquisition d'une L1partent du constat que cet apprentissage se fait sans (grand) apport de règles. Les enfants apprennent plus que ce qu'on leur enseigne : ils sont capables de faire des abstractions et des généralisations sans ex-plications métalinguistiques. Un des arguments majeurs de la grammaire générative est celui de la pauvreté du stimulus, qui veut que les enfants apprennent plus ce que ce qui gure dans l'inputqu'ils reçoivent. Les théories génératives postulent un module cérébral spéciquement dédié à l'acquisition du langage, le language acqui-sition device, qui fait appel à des structures grammaticales innées et universelles. L'input ne servirait alors qu'à déterminer plus précisément quels paramètres de la grammaire universelle (Universal Grammar ou UG) sont activés dans la langue à laquelle l'enfant est exposé, et donc à faire des choix parmi toutes les possibilités de UG (voir Zyzik (2009), Rothman et Slabakova (2017) etWhite (2015) pour des comptes rendus de l'approche générativiste de l'acquisition du langage).

Des théories plus récentes postulent au contraire que l'acquisition d'une langue se fait par des processus cognitifs qui sont communs à d'autres types d'apprentis-sage, et qui sont fondés sur l'input. Ainsi, d'après Hulstijn (2005), l'apprentissage précoce d'une L1 s'appuie sur un apprentissage statistique implicite, mais une partie des connaissances peut prendre une forme déclarative plutôt que procédurale. Les enfants combinent par la suite des processus d'apprentissage explicites et implicites. Mais qu'est-ce que l'apprentissage statistique implicite ? Pour Hamrick (2014), il existe plusieurs hypothèses :

1. Il s'agirait d'une capacité à faire des inférences statistiques complexes de ma-nière inconsciente. Cela est cependant considéré comme peu probable.

2. Il s'agirait d'une capacité à prédire inconsciemment les dépendances entre dif-férents éléments. Certains chercheurs ont tenté d'implémenter cette hypothèse, par exemple dans des réseaux récursifs simples (Simple Recurrent Networks,

voir Cleeremans et McClelland,1991 et Elman,1990). Ces modèles

computa-tionnels connexionnistes peuvent apprendre à prédire la lettre suivante dans une séquence à partir de calculs statistiques ; ils sont ainsi capables d'acquérir des contraintes syntaxiques.

3. Plutôt qu'un mécanisme d'apprentissage statistique prédictif s'appuyant sur les probabilités transitionnelles, il s'agirait d'une sensibilité à la fréquence de certains groupes d'éléments dans l'input. Ces groupes sont identiés comme des unités : ce sont des chunks3. Ce modèle a été conrmé par des données

piriques : l'émergence de connaissances liées à la formation de chunks permet de rendre compte de ce qui est observé chez les enfants et les adultes en cours d'acquisition d'une langue pour la segmentation des mots et le traitement des syllabes.

Apprentissage statistique veut-il nécessairement dire apprentissage implicite? Les deux courants théoriques ont longtemps eu une littérature séparée. Pourtant, de nombreuses similarités existent entre les deux formes d'apprentissages : elles sont automatiques, fortuites, et prennent place sans que le locuteur en soit conscient

(Perruchet et Pacton, 2006). Elles n'impliquent pas nécessairement l'abstraction de

règles : il a été observé que les participants des études en apprentissage de gram-maires articielles n'ont pas besoin d'extraire les règles pour réaliser une bonne performance sur la tâche ni même pour transférer les connaissances ainsi acquises à de nouvelles formes qui dièrent en surface de celles de l'expérience (Conway

et Christiansen, 2006; Kachinske et al., 2015; Vokey et Higham, 2005). Elles ont

également des objectifs similaires, et s'intéressent aux mécanismes d'apprentissage communs au langage et à d'autres domaines (Frost et al., 2015) qui opèrent dans des situations d'apprentissage fortuit et non supervisé :  [their objective is] the study of domageneral learning mechanisms acting on attended information in in-cidental, unsupervised learning situations  (Perruchet et Pacton, 2006, p.234). Les deux théories se rejoignent également sur leur actuelle question de recherche : plutôt qu'apprentissage implicite ou statistique, il s'agit de connaitre la véritable nature de ces processus, c'est-à-dire font-il appels à des chunks ou au calcul de probabilités transitionnelles ?

2.1.1.1 Que sont les chunks ?

Les chunks sont des groupes d'entités linguistiques qui peuvent correspondre à un mot mais aussi à des structures de taille supérieure (groupes de plusieurs mots) ou inférieure (syllabes, morphèmes, phonèmes). Par exemple, les formules sont des séquences d'éléments apparaissant fréquemment ensemble, et donc des chunks lexi-caux. Ce concept est notamment très présent dans les grammaires de construction (Ellis, 2005a). Une construction est une unité linguistique conventionnelle, intégrée comme connaissance grammaticale et représentée comme une unité indépendante dans l'esprit. Les constructions forment la base de la compétence grammaticale des individus : le locuteur a à sa disposition un grand nombre d'expressions plus ou moins pré-construites qu'il combine à l'oral pour former des phrases (Sinclair,1991, p.110),

certaines constructions dans l'input, et donc de processus statistiques. Cependant, l'apprentissage par chunks s'appuie sur l'extraction et la mémorisation de groupes d'éléments comme par exemple  How are you ? . Les calculs statistiques purs tels que conçus par les modèles computationnels s'appuient uniquement sur des calculs de probabilités transitionnels, c'est à dire la prédiction de l'élément suivant en fonction de la dernière unité rencontrée.

même si ces constructions peuvent apparaitre comme analysables en segments de taille inférieure. La similarité de la parole d'un apprenant d'une deuxième langue avec celle des locuteurs natifs ne se juge d'ailleurs pas uniquement sur la maitrise grammaticale mais aussi sur l'idiomaticité et la uence, deux compétences reposant sur l'utilisation d'idiomes et de collocations et donc sur le recours à des chunks. Chez les enfants, une grande proportion de la parole s'appuie sur des constructions et des motifs à trous, c'est-à-dire ayant un cadre xe avec des blancs à remplir, et donc reposant sur des chunks de un ou deux mots (Ellis, 2005a). Les chunks ont donc un grand rôle à jouer dans l'acquisition du langage, mais aussi dans son traitement par les adultes natifs. En eet, les études montrent que l'on traite plus facilement et rapidement le langage lorsqu'il se conforme à nos attentes et à nos prédictions, proba-blement à cause de notre analyse inconsciente des probabilités sérielles dans l'input

(Ellis,2005a) et donc de nos processus de chunking. Les constructivistes considèrent que c'est grâce à ce processus de découpage en chunks que des représentations hié-rarchiques sont formées, intégrant des dépendances structurelles et formant donc un système grammatical complet.

2.1.1.2 Découpage en chunks ou calculs de probabilités transitionnelles ? L'apprentissage implicite/ statistique se fait-il donc par recours aux chunks ou par calculs des probabilités de transitions ? Plusieurs hypothèses ont été proposées, résumées par Perruchet et Pacton (2006) :

1. Ce sont deux processus indépendants : la formation de chunks fait appel aux connaissances conscientes alors que les calculs statistiques sur les transitions mènent à une meilleure performance sur les tâches implicites.

2. Les chunks sont le seul processus ecace, et la sensibilité à la structure sta-tistique n'est qu'un dérivé du processus de découpage en chunks.

3. Ce sont deux étapes successives : les calculs statistiques sur les probabilités transitions se font dans un premier temps, et les chunks en sont ensuite dé-duits. Cette hypothèse est celle qui prévaut dans la recherche en apprentissage statistique. Les études suggèrent que, dans l'apprentissage de grammaires arti-cielles et les études utilisant un paradigme de tâches de temps de réaction en série (Serial Reaction Time tasks ou SRT), les participants font appel à la fois à des chunks explicites et à des probabilités de transition implicites (Chang et al., 2012).

L'apprentissage de la langue maternelle semble donc se faire grâce à la combi-naison de plusieurs processus implicites : des calculs inconscients eectués sur la structure statistique de l'input et l'extraction de chunks qui en résulte. Ces mé-canismes permettent l'émergence de structures préfabriquées qui facilitent et accé-lèrent le traitement et la production du langage. Mais qu'en est-il en deuxième

langue (L2)4?

2.1.2 L'apprentissage d'une deuxième langue : des mécanismes

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