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Que sont les connaissances explicites et impli- impli-cites ?

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Des connaissances explicites ou implicites ?

3.1 Que sont les connaissances explicites et impli- impli-cites ?

Pour savoir comment le type d'entrainement aecte le développement de connais-sances impliciteset deconnaissances explicites, il importe d'abord de dénir précisé-ment ces deux types de connaissances. Cette question est liée à celle de la nature de la compétence linguistique des locuteurs. Dans le courant générativiste, la compé-tence linguistique est comprise comme la capacité biologique à acquérir des langues.

Elle implique un module spécialisé pour le langage qui fait appel à une grammaire universelle. À l'inverse, le courant connexionniste postule que la compétence linguis-tique repose sur des mécanismes partagés avec d'autres domaines, et qui émergent avec le temps et l'usage. C'est un réseau de connections entre n÷uds dont la force est déterminée par l'input. Le consensus est que la compétence contient des connais-sances implicites, mais également explicites.

3.1.1 Diérences entre connaissances explicites et implicites

Quelle est donc la diérence entre les deux types de connaissances ? Pour Ellis

(2005b), la première diérence est le degré de conscience : il existe un continuum

entre le fait de reconnaitre instantanément qu'une phrase est agrammaticale, ce qui peut faire appel à des connaissances implicites, et avoir conscience de la raison pour laquelle c'est le cas, c'est-à-dire avoir des connaissances métalinguistiques sur la nature de l'erreur. Ellis(2005b) associe également connaissances expliciteset dé-claratives et connaissances implicites et procédurales, mais ce point est discutable et contesté par les tenants de diérentes versions du modèle Déclaratif / Procédural (voir 2.1.3etUllman,2004ouParadis,2009). La deuxième diérence entre connais-sances explicites et implicites réside dans le fait que les connaissances implicites

sont considérées comme plus stables (Reber et al.,1991). Les grammaires de l'inter-langue sont en grande partie systématiques, c'est-à-dire qu'elles suivent des règles. À l'inverse, les connaissances explicites sont réputées comme souvent imprécises et variables. L'accessibilité de ces connaissances dière également : si lesconnaissances implicites sont immédiatement accessibles, ce n'est pas toujours le cas des connais-sances explicites, qui demandent plus de temps et de ressources cognitives pour être récupérées. C'est pour cette raison qu'on considère souvent qu'un jugement grammatical en temps limité ne permet pas d'avoir accès aux connaissances expli-cites et qu'il fait appel aux connaissances implicites. Cependant, les connaissances explicitespeuvent en réalité être entièrement automatisées et accessibles presque im-médiatement (DeKeyser,2003; Suzuki,2017b) grâce à la pratique (Hulstijn, 2002). L'utilisation de ces connaissances varie ensuite selon le type de tâche et ses de-mandes. D'autre part, il est parfois possible de verbaliser  sous forme de règles  lesconnaissances explicites, même si ce n'est pas nécessairement le cas, alors que les

connaissances implicites ne sont jamais verbalisables. La composition de l'input n'a pas la même inuence sur les deux types de connaissances : par exemple, seules les

connaissances implicites sont sensibles aux eets de prototypes. Leur traitement est associatif et ascendant : il part des données (l'input et le contexte) pour en extraire les similarités (Paradis, 2009). En revanche, le traitement des données explicites est compositionnel et séquentiel. Il s'appuie sur des algorithmes issus des règles apprises. Il s'agit donc d'un traitement descendant, qui part des règles pour les appliquer aux données (Paradis, 2009).

Caractéristique Connaissances

Implicites (CI) ConnaissancesExplicites (CE) Conscience Intuitives, non conscientes Conscientes Type de

connaissance Connaissances procéduraleset associatives ou basées sur des règles

Connaissances déclaratives des règles, fragments ou items

Systématicité Variables, exibles mais

systématiques Non stables Accessibilité Accès par des mécanismes

automatiques Accès par des processuscontrôlés mais pouvant être automatisés

Utilisation des connaissances en L2

Accès pendant une

performance uente Accès lors de dicultés deplanication ou de problèmes avec les CI Verbalisables Non Oui

Quand peut-on

les acquérir ? Seulement pendant lapériode critique Toute la vie Dépendent du

contexte Oui  sensibles aux eetsde prototype Non  insensibles aux eetsde prototype Type de

traitement Ascendant. Parallèle etassociatif. Descendant. Séquentiel etcompositionnel. Tableau 3.1  Récapitulatif des diérences entre connaissances implicites et ex-plicites. Tableau adapté et enrichi d'après Ellis(2005b)

Quand la L2 est utilisée, les deux systèmes de connaissances coexistent séparé-ment (Hulstijn et al., 2015; Paradis, 2009). Certaines études empiriques montrent bien la séparation de ces deux systèmes : par exemple, Suzuki et DeKeyser (2017) ont observé que l'aptitude à l'apprentissage explicite ne prédit pas directement la performance sur les mesures d'apprentissage implicite. Ces aptitudes facilitent l'ac-quisition de connaissances implicites, mais seulement indirectement. De même, les aptitudes pour l'apprentissage implicitecontribuent peu à l'acquisition des connais-sances explicites.

Hulstijn (2015) met cependant en garde contre cette vision à deux systèmes

comme seule explication des phénomènes d'acquisition des langues. L'étude de

Su-zuki et DeKeyser(2017) révèle d'ailleurs l'existence d'un troisième type de

connais-sances : les connaissances explicites très automatisées (Highly Automatized Explicit Knowledge). Celles-ci sont conscientes mais peuvent être mobilisées très rapidement, contrairement aux connaissances explicites non automatisées. Bien qu'équivalentes sur le plan fonctionnel, elles sont bien diérentes des connaissances implicites qui

ne sont, elles, pas accessibles à la conscience. L'automatisation est un processus long et graduel, dû à la pratique et à l'exposition à la langue. Les connaissances explicites automatisées ne le sont pas toutes au même degré : il s'agit donc d'un ensemble de connaissances conscientes incluant diérents niveaux d'automatisation.

Suzuki et DeKeyser(2017) considèrent cette catégorie comme nécessaire pour mieux

comprendre la nature des types de connaissances linguistiques utilisées par les ap-prenants d'uneL2, notamment pour savoir à quel point la compétence est expliquée par les diérents types de connaissances. Cette troisième catégorie est également primordiale pour mieux comprendre les processus d'apprentissage de la L2.

Les connaissances explicites et implicites constituent donc deux pôles séparés. Mais entre les deux existe également une catégorie de connaissances explicites qui restent déclaratives, mais jouent un rôle similaire aux connaissances purement im-plicites en ce qu'elles sont accessibles très rapidement lors du traitement du langage sous pression de temps.

3.1.2 Mise en pratique dans les expériences

Pour tester ces connaissances, elles doivent être transformées en concepts analy-sables associés à des critères expérimentaux précis.Ellis (2005b) conceptualise ainsi les connaissances explicites comme impliquant des connaissances analysées et de la métalangue. Sept critères permettent de rendre compte desconnaissances explicites

en tant que connaissances analysées :

1. Le degré de conscience : pour être considérées comme explicites, les connais-sances doivent être conscientes, c'est-à-dire que le locuteur peut faire le choix de diriger son attention vers elles.

2. Le temps disponible pour réaliser la tâche : une pression de temps favorise l'utilisation de connaissances implicites (ou de connaissances explicites très automatisées).

3. L'objet de l'attention : la priorité de la tâche est-elle la uence ou l'exactitude ? Si la priorité est la uence, alors le participant se concentre sur la création du message pour donner de l'information et fait appel à des connaissances implicites; si la priorité est l'exactitude, le participant utilise sesconnaissances explicites pour se concentrer sur la forme.

4. Systématicité de la réponse : les participants devraient être plus constants lorsqu'ils s'appuient sur leurs connaissances implicites.

5. Certitude : si les participants sont très conants dans l'exactitude de leur réponse, leurs connaissances sont au moins partiellement explicites.

6. Métalangue : l'utilisation de métalangue est associée auxconnaissances expli-cites.

7. Âge d'apprentissage : les participants ayant appris uneL2 dans l'enfance sont plus susceptibles de faire appel majoritairement à desconnaissances implicites.

3.1.3 Lien avec la compétence en L2

On considère que les processus explicites et implicites ont tous deux un rôle à jouer dans l'acquisition et le traitement de la L2 (Metz-Göckel, 2014). Ils sont impliqués de manière dynamique dans l'apprentissage du langage. Comment peut-on alors les développer ? On cpeut-onsidère généralement que davantage d'expositipeut-on à et d'expérience avec laL2conduisent à une utilisation plus able desconnaissances im-plicites. L'expérience deSuzuki(2017b) le montre bien : les participants à cette étude ayant immigré depuis longtemps utilisaient majoritairement leursconnaissances im-plicites, alors que les participants ayant immigré plus récemment se reposaient sur des connaissances explicites très automatisées. Lorsqu'ils ont reçu une instruction formelle, les apprenants utilisent essentiellement leursconnaissances explicites (voir aussi Tagarelli et al., 2015). Même des locuteurs ayant reçu un apprentissage im-plicite possèdent un certain nombre de connaissances explicites. Bien que certaines études n'observent pas de connaissances conscientes à l'issue d'unapprentissage for-tuit et implicite (Francis et al., 2009; Leung et Williams, 2011; Rebuschat, 2009;

Williams, 2005), un certain degré de conscience est généralement observé lorsqu'il

y a un eet réel d'apprentissage, et une plus grande conscience est associé à un apprentissage plus poussé (Grey et al., 2014; Rebuschat et al., 2015; Rebuschat et Williams,2012;Rogers et al., 2016; Tagarelli et al., 2015). D'autre part, si le mode de traitement par défaut enL2est implicite (Doughty et Long,2003), les procédures explicites doivent intervenir périodiquement pour compenser l'inuence probléma-tique de la L1.

Les deux types de connaissances coexistent tout au long de l'apprentissage de la L2, et peuvent se développer séparément. Nous avons vu à l'issue du Chapitre 2

que l'instruction est nécessaire pour combler les lacunes de l'apprentissage adulte d'une L2 et contrer l'inuence de la L1. Or, l'instruction conduit plutôt au déve-loppement de connaissances explicites  et on observe souvent une distance entre les connaissances explicites et la performance réelle d'un apprenant. Les connais-sances explicitesacquises grâce à l'instruction peuvent-elles alors se transformer en

connaissances implicites? Cette question est l'objet d'un des débats fondateurs de la recherche en AL2 : le débat de l'interface.

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