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Plusieurs facteurs inuencent le succès de l'ac- l'ac-quisition de la morphosyntaxel'ac-quisition de la morphosyntaxe

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Acquisition et traitement de la morphosyntaxe en L2

5.2 Plusieurs facteurs inuencent le succès de l'ac- l'ac-quisition de la morphosyntaxel'ac-quisition de la morphosyntaxe

5.2.1 Diérences individuelles

5.2.1.1 Compétence et exposition

La compétence est parfois invoquée contre l'idée de période critique pour ex-pliquer les diérences observées entre apprenants et natifs. Certains la considèrent comme plus inuente que l'âge d'acquisition sur le traitement morphosyntaxique (Bowden et al., 2013; Ojima et al., 2005) et sur les réponses neuronales aux incon-gruités grammaticales (Roncaglia-Denissen et Kotz,2016). En eet, les bilingues pré-coces et tardifs semblent activer les mêmes aires cérébrales pour leurs deux langues lorsque leur compétence est susamment élevée (voir Roncaglia-Denissen et Kotz,

2016). Qu'elle soit plus importante que l'âge d'acquisition ou non, la compétence globale en L2 est bien évidemment liée à la maitrise de la morphosyntaxe : les apprenants ayant un niveau plus élevé sont plus sensibles aux violations morpho-syntaxiques (Ojima et al., 2005; Rossi et al., 2006; Sagarra et Herschensohn, 2010;

Tanner et al.,2009). Mais plus que la compétence langagière globale, la compétence

spécique à la structure cible inuence les réponses à un jugement de grammatica-lité et les réponses en potentiels évoqués. Par exemple, dans White et al. (2012), la compétence spécique à la structure (morphologie du passé) déterminait l'amplitude de la P600.Caarra et al.(2015) notent que la P600 est inuencée par la capacité à détecter explicitement les anomalies grammaticales, alors que la LAN dépend plus particulièrement de la durée de l'immersion. La durée d'exposition naturelle à la

L2 joue en eet un grand rôle dans la maitrise de la morphosyntaxe. Dans une expérience de lecture à son propre rythme, Pliatsikas et Marinis (2012) ont ainsi montré que les participants ayant été exposés à la L2 dans un contexte naturel (en immersion) avaient un traitement plus proche de celui des natifs que les apprenants ayant eu une exposition en classe uniquement. C'est également ce que montre la série d'expériences réalisées par Morgan-Short et ses collègues (Morgan-Short et al.,

2015a, 2010, 2012) : le type d'exposition à la L2 inuence le type de mécanismes

recrutés pour la traiter (voir Chapitre 4 Section4.3.2, p.84). De manière générale, plus le temps d'exposition est long, meilleure est la maitrise de la L2 en général et de la morphosyntaxe en particulier (Gillon-Dowens et al.,2010;Gruter et al.,2012). Il est cependant dicile de distinguer de manière able les eets de l'exposition de ceux de la fréquence, les deux facteurs étant généralement confondus.

5.2.1.2 Capacités de mémoire

Plusieurs études s'intéressent également au rôle des aptitudes dans les diérents types de mémoire pour expliquer la variabilité observée entre les apprenants dans la maitrise de la morphosyntaxe. Comme les locuteurs natifs, les apprenants ont besoin de bonnes capacités de mémoire verbale pour maintenir en mémoire de tra-vail des représentations linguistiques formelles pendant plusieurs syllabes ou mots an de pouvoir interpréter correctement les phrases.Brooks et al. (2006) soulignent que les besoins en mémoire de travail sont plus grands pour apprendre, extraire et intégrer les indices syntaxiques signalant les rôles grammaticaux sur des longues distances (par exemple pour l'ordre des mots ou l'accord entre sujet et verbe) que pour apprendre les indices locaux (par exemple l'accord entre déterminant et nom). Or, les apprenants enL2 ont plus de mal avec les processus syntaxiques impliquant des dépendances longue-distance (Felser et al.,2003).Ellis et Schmidt(1997) notent d'ailleurs que les capacités de mémorisation à court et à long terme prédisent le score à un jugement de grammaticalité mais uniquement pour les phrases contenant des dépendances longue-distance (non locales). La mémoire verbale est réduite en L2

par rapport à la L1 (McDonald, 2006), ce qui explique ces dicultés particulières. De plus, les capacités de mémoire de travail varient grandement entre les appre-nants, ce qui contribue à la variabilité des performances observées (Hilton, 2006).

Brooks et al. (2006) rappellent également que l'allocation de ressources

attention-nelles est cruciale pour pouvoir traiter plusieurs tâches en même temps, ce qui est nécessaire pour la compréhension du langage. Ainsi, plus un individu peut maintenir de représentations actives enmémoire de travail, mieux il peut détecter et comparer les motifs sous-jacents. La composante exécutive de la mémoire de travail verbale pourrait donc également être impliquée dans les diérences de performance entre les apprenants. En outre, le niveau de compétence peut également interagir avec les capacités cognitives : l'expérience de Morgan-Short et al. (2014) montre que les capacités enmémoire déclarativeprédisent le développement de laL2aux stades ini-tiaux de l'apprentissage alors que les capacités en mémoire procédurale sont liées à la performance dans les stades naux, ce qui concorde également avec les prédictions du modèle Déclaratif / Procédural. Les auteurs notent que lamémoire déclarativeet lamémoire procédurale expliquent une grande partie de la variance observée dans la performance de leurs apprenants ayant atteint une compétence élevée dans la langue articielle de l'expérience. Ces capacités peuvent également interagir avec le type d'input : l'étude de Brill-schuetz et Morgan-Short (2014) montre que de meilleures capacités de mémoire procéduraleconduisent à de meilleures performances au juge-ment de grammaticalité après un entrainejuge-ment proposant une exposition implicite à la langue articielle. Outre la mémoire, les capacités cognitives générales telles que reétées par les EEG quantitatifs au repos prédisent bien la vitesse d'apprentissage d'une seconde langue (Prat et al.,2016).

Ces diérences individuelles peuvent jouer un rôle important et moduler les eets des autres paramètres expérimentaux. Dans notre étude, la compétence, la quantité de l'exposition à la L2et l'âge d'acquisition sont contrôlés via les critères d'inclusion des participants. D'autres facteurs entrent également en jeu dans la maitrise de la morphosyntaxe et peuvent faire l'objet de manipulations expérimentales, notamment les propriétés spéciques à l'input.

5.2.2 Propriétés de l'input

5.2.2.1 Complexité de la structure

Certaines structures semblent plus diciles à apprendre que d'autres : par exemple, le système casuel des pronoms en anglais parait poser moins de dicultés que le passé, quelle que soit la langue maternelle de l'apprenant (Sato et Felser, 2008). Selon DeKeyser (2005), trois facteurs inuencent la diculté d'apprentissage d'une structure grammaticale :

 La complexité de la forme.  La complexité du sens.

 La complexité de la relation entre forme et sens, c'est-à-dire la transparence de cette relation et l'importance de la forme pour interpréter le sens.

La complexité de la forme peut être dénie de plusieurs manières (voirHousen et al.,

2005). L'approche psycholinguistique associe complexité avec diculté de traite-ment et d'acquisition. Une dénition linguistique, en revanche, prend en compte la dimension structurelle : une structure est plus complexe si elle implique plusieurs constituants, des dérivations à partir d'une structure originelle, ou des éléments marqués plutôt que les éléments par défaut. Une autre possibilité est de comprendre la complexité comme fonctionnelle : dans ce cas, elle sera due à la multiplicité des correspondances possibles entre forme et fonction et à la distance entre les deux éléments liés par une dépendance. Ainsi, si un morphème a plusieurs allomorphes ou s'il est homophone avec d'autres morphèmes grammaticaux, comme c'est le cas par exemple du -s de troisième personne singulier et du pluriel en anglais, la relation entre forme et sens sera plus complexe et plus dicile à établir  on rejoint là le troisième point soulevé par DeKeyser.

Toutes ces dimensions peuvent entrer en compte et contribuer à la complexité de la forme et donc à la diculté de son apprentissage. Les études montrent que les apprenants tendent à ignorer les indices morphologiques, particulièrement au début de leur apprentissage (DeKeyser, 2005; Gor, 2010), pour se reposer sur des indices plus saillants et plus facilement interprétables comme des adverbes, d'autant plus si la relation forme-sens est complexe et peu saillante.

5.2.2.2 Type d'input

Le contenu de l'input lui-même peut avoir une incidence sur la maitrise de la morphosyntaxe. Ainsi, le développement grammatical de l'apprenant est corrélé au développement lexical : posséder une masse susante de vocabulaire est indispen-sable pour avoir assez de données pour en extraire les régularités morphosyntaxiques

(Bates et Goodman, 1997).

Comme détaillé dans la Partie 1 (voir Section 4.3.2p.84), le type d'inputaecte aussi la maitrise de laL2 en général mais aussi de la morphosyntaxe en particulier. Par exemple, Toth (2000) estime que les gains en morphosyntaxe obtenus par ses participants sont dus à l'exposition journalière à la langue via la situation d'ins-truction. D'un autre côté, des mécanismes neurocognitifs diérents et plus proches de ceux des natifs sont recrutés par les apprenants ayant été exposés à un input

implicite (Morgan-Short et al., 2010, 2012). Nous renvoyons les lecteurs au Cha-pitre4Section4.3.2(p.84) pour une revue détaillée des eets de l'inputexplicite et implicite sur la maitrise de la L2.

Le facteur explicite / implicite peut également moduler l'eet d'autres facteurs de complexité (Ellis,2009b). Les éléments qui font qu'une structure particulière est plus ou moins dicile à apprendre dépendent du type d'input. Si l'input est implicite, ces éléments sont : la fréquence de la structure, sa saillance, sa charge fonction-nelle (à quelle point cette structure est indispensable pour interpréter la phrase), sa régularité, et sa facilité de traitement. En revanche, si l'input est explicite, les facteurs cruciaux sont non seulement ceux liés à la complexité de la règle (saillance perceptive et charge communicative, contraste avec la règle correspondante en L1) mais aussi ceux aectant l'explication elle-même : clarté, intelligibilité et facilité à être mémorisée (Housen et al., 2005). Ainsi, on peut attribuer au passé régulier un score explicite élevé, puisque la règle de composition est simple à formuler et régulière (ajouter -ed au radical). En revanche, son score implicite est faible : la structure n'est pas saillante et sa charge fonctionnelle est réduite, puisque la tempo-ralité est généralement également établie à l'aide de d'adverbes ou d'autres locutions temporelles. À l'inverse, le placement des adverbes a un score explicite bas, la règle étant dicilement verbalisable, mais un score implicite haut puisque ces indices sont saillants. Il faut noter en revanche que le score implicite ou explicite d'une structure ne garantit pas que son acquisition sera meilleure dans le contexte correspondant : le passé régulier a beau avoir un score explicite élevé, son acquisition par l'instruction est loin d'être facile, rapide ou garantie. Selon la formulation de Krashen (1982), on aura donc des règles faciles à acquérir implicitement mais diciles à apprendre explicitement ( easy to acquire but hard to learn ) et inversement. L'interaction entre le type d'input et la structure linguistique peut également être modulée par la compétence de l'apprenant, comme dansMorgan-Short et al. (2010), où ces trois facteurs inuencent les réponses en potentiels évoqués.

Le type d'input(explicite ou implicite) et son contenu jouent donc un rôle impor-tant dans la maitrise de la morphosyntaxe, et inuencent également les mécanismes neurocognitifs recrutés pour traiter la L2. Ces observations donnent lieu à la pre-mière question de recherche guidant cette expérience :

QR 1 : Les entrainements de type explicite et implicite, visant à simuler les conditions d'apprentissage en instruction et en immersion, sont-ils ecaces chez des apprenants ayant déjà un niveau intermédiaire dans leur L2?

 Ces entrainements ont-ils le même eet et la même ecacité chez ces participants au niveau de la détection comporte-mentale de violations morphosyntaxiques ?

 Ces entrainements peuvent-ils encore inuencer diérentiel-lement les processus neurocognitifs alors que les participants ont déjà des connaissances dans leur L2?

Cette expérience vise ainsi à étendre les connaissances actuelles en matière d'in-uence du type d'entrainement sur le traitement morphosyntaxique enL2 connais-sances essentiellement fondées sur des langues (semi-)articielles  à une langue naturelle (l'anglais) et à des apprenants n'étant pas de vrais débutants. Les partici-pants visés sont des apprenants tardifs de l'anglais ayant un niveau intermédiaire. La compétence spécique à la structure pouvant, nous l'avons vu, moduler les résultats obtenus, celle-ci a été collectée au moyen de jugements de grammaticalité et de tests de connaissances métalinguistiques.

5.2.3 Similarité entre première et deuxième langue

Nous avons vu dans le Chapitre2Section 2.2.2(p.30) que les eets de transfert de la L1 vers la L2 sont attestés, notamment pour la phonologie ou le lexique. Ces eets peuvent également moduler la réussite de l'acquisition du système morpho-syntaxique en L2. D'après le modèle de compétition de MacWhinney (2005a), les eets de transfert en morphosyntaxe seront principalement dus aux indices sur les-quels les apprenants s'appuient pour interpréter l'input. En eet, le modèle postule que l'apprentissage d'une seconde langue est issu de la compétition entre plusieurs signaux indiquant des correspondances forme-fonction : le signal qui  gagne  la compétition et qui est choisi pour interpréter le message est celui qui est le plus fort. Chez les adultes, la force du signal dépend surtout de sa abilité (signale-t-il toujours la même fonction ?) et de son importance pour l'interprétation (la même fonction est-elle signalée par d'autres indices, par exemple lexicaux ?). Au début de l'apprentissage, les signaux issus de laL1sont utilisés en priorité. Les indices les plus ables et saillants de la L2 sont appris et utilisés en premier pour l'interprétation.

Les expériences testant empiriquement ce modèle montrent que, lorsque les indices ne sont pas concordants (par exemple s'il y a une contradiction entre l'ordre des mots et les marqueurs grammaticaux pour déterminer l'agent et le patient d'une phrase), le temps de réponse est plus lent et le signal le plus fort est utilisé en premier. Au début de l'apprentissage, les apprenants utiliseront en priorité l'indice correspondant à leur L1(par exemple l'ordre des mots si leurL1 est une langue analytique comme l'anglais).

De fait, les eets de transfert positif et négatif en morphosyntaxe sont recon-nus. Plusieurs études ont montré que les apprenants peuvent transférer un système de surface congruent de la L1 vers la L2 : si les règles d'accord sont les mêmes par exemple, les réponses comportementales et en potentiels évoqués sont similaires chez les apprenants et les natifs (Bond et al.,2011;Foucart et Frenck-Mestre,2010,2012;

Sabourin et al., 2006). Les activations cérébrales sont également les mêmes lorsque

les structures de surface sont équivalentes (Roncaglia-Denissen et Kotz, 2016). En revanche, lorsque les structures morphosyntaxiques sont conictuelles entre L1 et

L2, les apprenants rencontrent plus de dicultés, ont des réponses cérébrales dié-rentes (Foucart et Frenck-Mestre,2010, 2012;Sabourin et Stowe, 2008;Tokowicz et

MacWhinney,2005) et obtiennent de moins bonnes performances à des jugements de

grammaticalité (Tokowicz et MacWhinney, 2005). La similarité avec laL1inuence l'amplitude de la P600 (Bond et al.,2011) mais aussi sa latence (White et al.,2012). Par conséquent, le succès dans l'acquisition de la morphosyntaxe enL2dépend éga-lement de la richesse morphologique des deux langues de l'apprenant (Gor,2010) : si l'apprenant a pour L1une langue morphologiquement riche comme le russe, il aura moins de mal à acquérir un système exionnel fourni que quelqu'un ayant pour L1

une langue comme l'anglais, même si la complexité et la prédictibilité du paradigme exionnel de laL2 auront également leur importance.

L'importance de l'eet de la L1 ne fait pourtant pas l'unanimité : certains in-sistent sur son rôle limité (Clahsen et al.,2010; Sato et Felser,2008). En eet, l'idée qu'il existe une trajectoire prédénie dans l'acquisition de la morphosyntaxe de la

L2, avec des étapes par lesquelles tous les apprenants passent dans un ordre xe, est considérée comme un  fait établi  parHulstijn et al.(2015). De même, VanPatten

et Williams (2015) estiment que la production des apprenants suit une trajectoire

prévisible, etOrtega(2009) considère que des preuves existent que le transfert depuis laL1 ne peut pas changer radicalement l'ordre d'acquisition de laL2.

Cependant, même si l'évolution de la maitrise de la L2 suit une trajectoire pré-établie, le transfert depuis la L1 peut jouer un rôle dans les dicultés rencontrées par les participants à un instant t, soit en facilitant l'acquisition d'une structure similaire, soit en donnant lieu à des interprétations erronées et en compliquant l'as-similation d'une structure conictuelle. Ces eets de transfert peuvent eux-même

interagir avec le type d'input. Un inputimplicite va favoriser le transfert, du moins au début de l'apprentissage, dès que la situation le permet : en l'absence d'indi-cations explicites, l'apprenant se repose d'abord sur le système qu'il maitrise, soit celui de sa L1. À l'inverse, un input explicite peut attirer l'attention sur les aspects problématiques de la L2et notamment les cas où la structure cible est diérente et où un transfert depuis la L1 n'est pas protable. Cette observation donne lieu à la deuxième question de recherche de cette expérience :

QR 2 : La similarité entreL1etL2de la structure cible interagit-elle avec l'ecacité du type d'entrainement (implicite ou expli-cite)

 a. sur le plan comportemental (sur la détection des vio-lations morphosyntaxiques) ?

 b. sur le plan électrophysiologique ?

Et, par conséquent, un entrainement implicite peut-il sure lorsque la structure cible fonctionne de manière conictuelle dans les deux langues de l'apprenant, ou un entrainement explicite attirant l'attention du par-ticipant sur les diérences avec sa L1 sera-t-il plus ecace ?

Pour examiner ces questions, nous nous intéressons à une structure qui permet de contraster la similaritéL1-L2: la morphologie du passé régulier en présence d'un auxiliaire, en utilisant des questions polaires au prétérit et au past perfect.

5.3 La morphologie des temps avec l'auxiliaire en

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