• Aucun résultat trouvé

2. Le front et les spécificités de la Première Guerre mondiale

2.3. Contexte médical et scientifique

2.3.1. L'anesthésie

Dans le domaine de l'anesthésie, des interventions jusqu'alors impossibles peuvent désormais être effectuées grâce à la synthèse d'anesthésiants dérivés de la cocaïne. A cette époque, la plupart des anesthésiants étaient déjà connus, comme la morphine, le chloroforme, le chlorure d'éthyle ou l'éther, c'est pourquoi l'innovation majeure dans ce domaine se caractérise par l'invention de nombreux appareils qui permettent de mieux les utiliser et par une meilleure indication du type d'anesthésie à réaliser : anesthésie locale ou loco-régionale, anesthésie générale.

2.3.1.1. L'anesthésie locale et loco-régionale [76]

Les premières anesthésies locales par infiltration(s) ont été éffectuées avec du Chlorydrate de Cocaïne en 1884 par Koller. Cependant le produit étant toxique, il ne sera plus utilisé par la suite. L'adrénaline est synthétisée en 1902 et c'est en 1904 qu’apparaît le premier anesthésique de synthèse (novocaïne).

L'anesthésie locale et loco-régionale restent préférées dès que possible à l'anesthésie générale responsable de nombreux chocs opératoires.

Les anesthésies loco-régionales sont très rares : l'anesthésie locale leur est préférée. Différents types d'anesthésiques adrénalinés sont utilisés : procaïne, sérocaïne, kélèné, stovaïne, néocaïne, novocaïne, cocaïne. [7] [28] [62]

L'anesthésie locale présente de nombreux avantages. Simple à réaliser et rapide, elle ne nécessite pas d'inhalations qui peuvent être rendues difficiles lors de blessures de la face. Cependant, les repères osseux peuvent avoir été détruits par les pertes de substance occasionnées par les blessures.

2.3.1.2. L'anesthésie générale [76]

2.3.1.2.1. Présentation et techniques utilisées

Responsable de nombreux accidents, elle reste réservée aux interventions lourdes comme dans le cas de ligature de gros vaisseaux, et des opérations de désinfections des grands délabrements (drainage, esquillectomie, régularisation des fragments osseux). [76]

L'anesthésie générale a la particularité d'être difficilement réalisable dans le cas d'obstructions ou de lésions des voies aériennes supérieures par graves blessures de la face. Le chirurgien a besoin d'accéder à la zone opératoire sans être gêné par les masques d'induction. Il existe alors de nombreuses modifications des méthodes d'anesthésie générale classique : [25]

- L'anesthésie intermittente au chloroforme : nous observons alors un roulement entre l'anesthésiste et le chirurgien. L'anesthésiste réalise l'induction au patient puis lui retire le masque du visage et laisse place au chirurgien qui réalise son intervention. Ce « roulement » se réalise toutes les 15 minutes environ.

- L'anesthésie par voie nasale ou trachéale est également pratiquée à cette époque. L'induction se fait directement dans les voies aériennes supérieures du patient grâce à un tube de caoutchouc relié à des appareils à induction.

- P Sébileau et F Lemaître préconisaient de réaliser une laryngotomie inter-crico-thyroidienne qui est une anesthésie à distance par voie laryngée avec un appareil à induction de Ricard. La respiration du patient est alors contrôlée pendant l'intervention et le chirurgien a la possibilité de pouvoir tamponner le sang dans le pharynx diminuant ainsi le risque d'asphyxie pendant l'opération et de broncho-pneumonie obstructive. [73]

Cette méthode était recommandée dans les cas d'occlusion buccale et pour les interventions sur le larynx ou la cavité bucco-pharyngienne. Sa réalisation consiste alors en une incision cutanée horizontale de 3 à 4 millimètres au niveau du milieu de l'espace inter-crico-thyroidien. L'anesthésiste y insère une canule trocart directement dans l'espace laryngé. Grâce à l'ajustage spécial de Sebileau-Lemaître, qui est prolongé d'un tube de caoutchouc, l'anesthésiste relie la canule à l'appareil d' Ombrédanne. Cette technique s'apparente à la trachéotomie.

- Un système de soufflerie à éther à partir d'un thermocautère peut être utilisé, les vapeurs étant dirigées vers le pharynx par une sonde endonasale. Ce procédé fut très vite abandonné.

- Le P. Delbet proposa l'emploi d'un petit tube coude (pipe de Delbet), dont l'extrémité élargie est destinée à coiffer la saillie du larynx, la branche longue buccale disposée sur le dos de langue, sort entre les incisives et est fixée à un long tube de caoutchouc qu'on peut également adapter à un appareil d'Ombrédanne. Son utilisation est simple : après avoir endormi le patient par un procédé traditionnel (compresse ou masque), l'anesthésiste dispose le tube (lorsque le larynx est bien coiffé) et y adapte un autre tube de caoutchouc qui va le relier à l'appareil. Les interventions sur la cavité buccale dans son ensemble ne sont pas possibles avec ce procédé. [8] [76]

De nombreux appareils d'induction ont vu le jour durant cette période de l'histoire : le masque de camus, le masque à chloroforme de type Guyon, l'appareil de Ricard, le masque d'anesthésie d'Ombrédanne.

Figure 19 : Masque d'anesthésie d'Ombrédanne Figure 20 : Masque de Camus tiré de www.histanestrea-france.org) [85] (tiré de www.histanestrea-france.org) [86]

Figure 21: Appareil de Ricard (tiré de www.hitanestrea-france.org) [84] E Soupapes

1 Ecrou molleté réglant l’arrivée du chloroforme 2 Obturateur réglant l’entrée de l’air

Les chirurgiens avaient déjà des connaissances approfondies sur la technique anesthésique et sur la physiologie du patient anesthésié.

Les 4 phases de Guedel étaient déjà connues : [59]

1. phase d'excitation accompagnée d'ivresse et de mouvements brusques 2. phase cérébrale avec perte progressive de la conscience

3. phase médullaire se décomposant en :

• une phase avec conservation des réflexes.

• puis disparition des réflexes (le dernier à disparaître est le réflexe oculopalpébral). 4. phase bulbaire avec atteinte des centres respiratoires et cardiaques.

2.3.1.2.2. Produits utilisés [59]

Déjà à cette époque, un grand nombre de produits aux propriétés anesthésiques étaient mis à la disposition du corps médical. [7][8][25][28][62][66][76]

Produits Avantages Inconvénients

Chloroforme - Administration facile (possible

par voie trachéale).

- Action longue (4 à 5 heures). - Action plus rapide et odeur plus agréable que l'éther.

- Peu toxique pour les poumons

- Risque de toxicité hépatique et rénale.

- Élimination lente.

Éther (historiquement premier produit anesthésique utilisé. Découvert par un dentiste nommé Horace Wells).

- Administration simple par inhalation (voie nasale ou trachéale).

- Produit préféré en chirurgie buccale et maxillo-faciale (action courte de 2 heures).

- Vasodilatations

- Complications pulmonaires comme la congestion (à éviter chez les patients cardiaques) - Produit extrêmement inflammable

Chlorure d'éthyle - Induction rapide mais de courte

durée (10 à 15 minutes). - Aucune toxicité et aucun retentissement sur la circulation. - Utilisé lors de plaies importantes.

- Très inflammable - Coût élevé

Protoxyde d'azote (gaz hilarant) - Action quasi immédiate et de très courte durée.

- Association possible au chloroforme sans complications pulmonaires

- Instrumentation compliquée d'où son usage restreint.