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3. Les gueules cassées

3.2. Les blessures maxillo-faciales et leurs complications

3.2.2. Classifications des blessures maxillo-faciales

3.2.2.3. Blessures en fonction du siège

3.2.2.3.3. Lésions de l'étage inférieur de la face

L'étage inférieur de la face est délimité par la commissure labiale en haut et la région hyoïdienne en bas. La mandibule, élément principal de l'étage inférieur de la face, est un os qui va être très facilement sujet aux fractures. Les blessures de cet étage et plus particulièrement de la mandibule vont être les blessures les plus fréquentes et les plus importantes des blessures de la face pendant la Grande Guerre.

Le type de blessure de l'étage inférieur de la face va dépendre encore de la vitesse et du projectile : les blessures seront différentes si le projectile vient heurter la mâchoire en fin de course ou par ricochet, ou bien s'il vient frapper la mâchoire à pleine vitesse avec une force de pénétration extrême. Les lésions peuvent alors aller de simples fractures de la mandibule, sans plaies des parties molles à des lésions beaucoup plus complexes.

On observe plusieurs types de fractures mandibulaires : d'avant en arrière, les fractures symphysaires, les fractures de la branche horizontale mandibulaire, les fractures de l'angle mandibulaire (gonion), les fractures de la branche montante et enfin les fractures condyliennes. On retrouvera le plus fréquemment des fractures bilatérales quasi symétriques associées à des fractures multiples de tous types. Le traitement chirurgical associé à une bonne rééducation permet une consolidation correcte. Le délabrement des parties molles, souvent à l'origine de séquelles esthétiques et fonctionnelles est plus difficile à gérer.

Les atteintes fonctionnelles sont directement liées à l'atteinte des nerfs dentaires, des glandes salivaires et du nerf facial en particulier.

Le Professeur Morestin décrit bien une mutilation antérieure :

« Autre type (de blessure) : plaie transversale basse, le projectile, balle ou éclat d'obus frappe perpendiculairement ou sans une obliquité légère l'arc horizontal de la mâchoire, fracture l'os, brise une ou deux dents, passe à travers la cavité buccale en déchirant la langue, heurte encore l'arc horizontal en provoquant une nouvelle fracture, encore plus complexe et comminutive que la première, détruisant un grand nombre de dents et une large étendue de l'os, et finalement fait issue

en déterminant de vastes déchirures des parties molles. La conséquence la plus immédiate du traumatisme est la chute antérieure de la mâchoire ; celle-ci est attirée en bas et en arrière par les muscles qui y prennent insertion. Les dents qu'elle supporte ne peuvent plus rentrer au contact, ne s'articulent plus avec les dents de la mâchoire opposée... »

Si le projectile frappe le corps du maxillaire sur toute son étendue et entraîne une perte de substance de la symphyse maxillaire, les dégâts sont assez étendus :

« Que le projectile passe encore un peu plus en avant, toujours en direction transversale, et nous aurons un autre type, également très commun, offrant lui aussi de grandes difficultés de traitement. La partie moyenne de l'arc horizontal est réduit en miettes et souvent détruite sur une étendue de deux ou trois travers de doigts. Les incisives, les canines sont brisées ou emportées ; la lèvre inférieure, les téguments du menton sont hachés et déchiquetés et leurs débris pendent misérablement éparpillés autour du foyer béant. La salive coule perpétuellement hors de la bouche ; la langue qui a perdu son attache antérieure, est attirée en arrière par ses muscles postérieurs. Elle tend à tomber dans le pharynx et à masquer l'orifice supérieur du larynx. ». (H.Morestin )

Le projectile possédant une trajectoire latérale, transfixiante transperce la face de part en part. On observe souvent une fracture de la branche horizontale mandibulaire, souvent bilatérale avec un délabrement de la région parotidienne, mais également de la région massétérienne et jugale.

J Prudhomme décrit bien le faciès caractéristique du blessé : « Généralement, aussi bien à l'orifice d'entrée qu'à l'orifice de sortie, on observe une fracture esquilleuse, s'étendant la plupart du temps jusqu'à l'angle de la mâchoire et s’accompagnant du côté de l'orifice de sortie d'un éclatement plus ou moins considérable de la joue. La bouche est ainsi traversée de part en part, avec ou sans déchirure de la langue, fracture ou non des bords alvéolaires et des dents. La physionomie du blessé est tout à fait caractéristique : le corps du maxillaire, détaché de ces deux branches montantes, pend en laissant la bouche béante, par lui s'écoule une salive très visqueuse mélangée de sang […] pour qui l'articulation des mots et la mastication sont devenues choses impossibles... »

Les traits de fracture ne sont pas réguliers et la perte de substance osseuse est assez rare dans cette zone. L'articulé dentaire est modifié. La glande parotide, le canal de Sténon, le nerf facial et le plexus artério-veineux sont souvent touchés également. On observe également souvent de larges communications entre la cavité buccale et les plaies.

Les fractures du condyle mandibulaire, uni ou bilatérales, sont également très fréquemment rencontrées. Les fractures se situent fréquemment au dessus du col du condyle et les lésions articulaires sont très rares. Les délabrements sont très limités et les pertes de substance sont rares. Les fractures mandibulaires dans leur ensemble entraînent souvent la perte de plusieurs dents.

Figure 45 : Fracture du maxillaire inférieur avant et après intervention. Moulage en cire réalisé dans le service du Dr Mazure, 1916, MSSA, MA, 1509 à 1509 bis. (illustration personnelle : photographie prise lors de l'exposition temporaire « Une armée qui soigne. Le Service de Santé des

Armées durant la Grande Guerre », du 1er Octobre 2014 au 4 Octobre 2015. Musée du Service de Santé des Armées).