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Chapitre 4 : Le criblage des mécanismes moléculaires par les méthodes omiques

I. Approche protéomique

I.1. d L’analyse en spectrométrie de masse

La spectrométrie de masse doit son succès à John Fenn et Koichi Tanaka, prix Nobel de chimie en 2002, qui ont mis au point les nouvelles techniques d’ionisation douce : l’ionisation Electrospray (ESI) (Fenn et al., 1989) et le Matrix Assisted Laser Desorption Ionization (MALDI) (Karas and Hillenkamp, 1988), largement exploitée aujourd’hui en biologie. Ces deux techniques permettent le transfert des molécules intactes en phase gazeuse.

Un spectromètre de masse comprend les éléments suivants : un système d’introduction de la substance à analyser, une source (sous vide ou à pression atmosphérique, par ionisation ou par désorption) pour transformer les analytes de la forme ionique à l’état gazeux, un ou plusieurs analyseurs pour séparer les divers ions produits en fonction de leur rapport masse/charge ( m/z), un détecteur pour transformer les ions en un signal électrique et enfin, un système de pilotage de l’instrument et de traitement des données acquises fournissant le spectre de masse.

Le spectre de masse obtenu est représenté sous forme d’un diagramme bidimensionnel : le rapport masse/charge est porté en abscisse et l’abondance des ions est portée en ordonnée.

50 Lors d’une analyse du protéome d’un échantillon donné, on combine, à la fois, la séparation des protéines et la spectrométrie de masse qui se décline en trois types : la spectrométrie de masse simple (MS), la spectrométrie de masse en tandem (MS/MS) ou à fragmentation successives (MSn) (Figure 16).

Le premier mode de spéctrométrie, la MS, simple permet une acquisition en mode balayage (scan) ou en mode de détection d’ions sélectionnés (selected ion monitoring, SIM). Le balayage scan consiste en une acquisition des spectres de masse qui seront acquis sur une plage de rapport m/z. Alors que le mode SIM est plus spécifique et détecte uniquement les ions sélectionnés à un m/z caractéristique des substances à analyser.

Figure 16 Illustration de la diffèrence de configuration des éléments composant un spectromètre de masse MS (conventione) et MS/MS (en tandem).

Le deuxième mode MS/MS et le troisième MSn se distinguent du premier mode d’acquisition par la nécessité de l’activation des ions (augmentation de leur énergie interne). Celle-ci peut être assurée par différents moyens : la collision par gaz (CID, collision induced dissociation), la technique SORI (sustained off resonance Irradiation), les techniques ECD (Electron capture

dissociation) et ETD (electron transfer dissociation) et la technique IRMPD (infra red multi photon dissociation).

La première étape consiste, donc, à isoler les ions d’un même rapport m/z (ion parent ou précurseur) et de les fragmenter. La deuxième étape est l’analyse des ions produits (ions fils). Cette analyse peut être réalisée : soit en mode balayage, soit en ne sélectionnant qu’un seul ion fragment (SRM, selected reaction monitoring). Le mode d’acquisition MSn se caractérise par une fragmentation de l’ion fils n fois.

Par la diminution du bruit de fond, le mode d’analyse SRM augmente la sensibilité et la spécificité (Kuhn et al., 2004; Anderson and Hunter, 2006). En effet, il est peu courant que

51 deux molécules aient la même valeur de masse à la fois pour les ions précurseurs comme pour les ions fils. Le mode SRM est ainsi adapté à la quantification d’une molécule particulière déjà caractérisé et à sa quantification tel que les molécules d’intérêt ou les métabolites (Zweigenbaum and Henion, 2000; Zhang, Bartels and Stott, 2004; Wang, Whiteaker and Paulovich, 2009).

i. Les méthodes de fragmentation

Afin de comprendre la structure et la composition d’un peptide, une dissociation est appliquée Celle-ci fragmente les peptides, pour qu’elles puissent être analysée par le spectromètre de masse par la suite, selon les règles de fragmentation. Une nomenclature a été établie avec des ions C-terminaux (x, y, z) et N-terminaux (a, b, c) (figure 17). En conséquence, l’ions parent, déterminé en analyse spectrale MS et sélectionné en MS/MS, se transforme par fragmentation en un ensemble de pics fragments dont les ions y et b sont en général majoritaires dans les modes de fragmentations classiques. Ces pics représentent "l'empreinte" de la molécule, permettant l’identification de la séquence peptidique. De plus, cette fragmentation permet de confirmer des caractéristiques telles que les groupes moléculaires et les marquages, les modifications et les produits de dégradation. La fragmentation dépend de plusieurs paramètres incluant la composition et la nature de l’acide aminé, la taille du peptide, le mode d’excitation, l’instrument utilisé et l’état de charge de l’ion (Palzs and Suhal, 2005).

Figure 17 Schéma de fragmentation séquentielle des peptides obtenue par CID à basse et haute énergie. R correspond à la chaîne latérale de l'acide aminé(Palzs and Suhal, 2005)

Plusieurs techniques ont été développées au fil des années, la plupart dépendent d’un analyseur de masse particulier et certaines sont couplées à un mode d’ionisation spécifique. Il est courant de multiplier les dissociations afin de confirmer l’identité d’un composé.

52 La dissociation induite par la collision (Collision induced dissociation), CID, se déroule en deux étapes. La première est la collision entre l’ion et le gaz cible (hélium, azote, argon). Cette étape induira l’excitation de l’ion résultant de la conversion d’une partie de l’énergie cinétique due à la collision de l’ion en énergie interne. La deuxième consiste en une décomposition unimoléculaire de l’ion activé par une rupture des liaisons. Ces fragments sont par la suite accélérés vers l’analyseur de masse. Lorsqu’ils sortent de la cellule de collision, ils seront analysés par le détecteur.

La CID en basse énergie est utilisée, par exemple dans les spectromètres de masse à triple quadripôle (QQQ), trappe ionique ou hybride en fournissant une énergie variant de 10 à 100 eV.

La collision à haute énergie, High Collision Dissociation (HCD), permet d’augmenter l’énergie cinétique de l’ion de l’ordre de kiloélectronvolt (keV). Ce mode a été initialement décrit sur un appareil LTQ Orbitrap par Olsen en 2007 (Olsen et al., 2007). Seuls les appareils hybrides ou électromagnétiques permettent de travailler à de hauts potentiels d’accélération.

L’excitation de l’ion est principalement électronique. Cette énergie acquise est par la suite redistribuée en énergie vibrationnelle qui entrainera la rupture des liaisons.

Comparé à un mode de fragmentation CID qui se déroule dans un piège linéaire, l’HCD se déroule dans un multipôle (Figure 19). L’HCD permet une diminution de la gamme de masse observée en MS/MS et permet donc l’observation des fragments de basse masse « low mass cut-off » (LMCO) qui est une des principales limites du CID. Cette caractéristique permet d’observer les ions rapporteurs utilisés en quantification par marquage (Figure 18). Ce mode de fragmentation est le plus adapté aux travaux menés lors de cette thèse.

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Figure 18 Spectres de masse obtenus après fragmentation en HCD par Orbitrap QExactive Plus, les ions rapporteurs sont clairement observés.

Lors de ce projet nous avons utilisé, un spectromètre de masse de la série orbitrap, qui permet d’avoir une grande précision sur les m/z et une meilleure résolution que le TOF.

L’orbitrap est un piège à ions utilisant un champ électrostatique et non pas un champ magnétique, dans lequel les ions se mettent en orbite autour de l’électrode centrale avec une fréquence en fonction de leur masse sur charge (m/z) (Scigelova and Makarov, 2006).

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Figure 19 Schéma d'un spectromètre de masse de type Orbitrap Q Exactive Hybrid Quadrupole (Michalski et al., 2011)

Le Q ExactivePlus (Figure 19), utilisé lors de cette thèse, permet une bonne couverture du protéome global et augmente la reproductibilité. Il est aussi très adapté à la quantification des ions de faible abondance dans des protéomes complexes (Makarov et al., 2000).

Dans l’orbitrap, les ions doivent être injectés rapidement. En effet, ils sont accélérés pour avoir une grande énergie cinétique et accéder au piège électrostatique en suivant un acheminement tangentiel par rapport à l’axe de l’orbitrap. L’orbitrap Q Exactive Plus fournit des courants ioniques élevés grâce à la lentille S et une rapide fragmentation des peptides.

Les ions produits par la source d’ions en continu sont transférés dans le C-trap. Ces ions commencent à perdre de l’énergie cinétique (potentiel appliqué environ 12V-15V) par la collision avec le gaz. Les ions sont pulsés vers l’orbitrap à travers un intermédiaire, qui est un piège de forme C (C-trap) et qui a pour effet d’accélérer et compacter le nuage d’ions. Ensuite, les ions entrent dans l’orbitrap où le voltage de l’électrode centrale a été appliqué auparavant (50-90 µsec). Lorsque les tensions sont stabilisées à 3,5kV, la détection de l’image issus des paquets d’ions est effectuée. Ces signaux sont amplifiés et transformés en spectre de fréquence via la transformée de Fourier (Michalski et al., 2011).

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I.1.e. L’identification des peptides

Les données brutes (raw data) générées par les spectromètres de masse modernes utilisés dans la protéomique à haut débit ne fournissent pas d'informations directement interprétables du protéome de l'échantillon analysé. Afin de déduire la composition protéique d'un échantillon, il faut, alors, avoir recours à des logiciels d’identification qui permettent d’identifier les peptides à partir de spectres de masse en tandem(Mueller et al., 2008; Vaudel, Sickmann and Martens, 2010).

Les bases de recherche comparent les spectres expérimentaux à des séquences protéiques théoriques obtenues à partir d'une base de données de séquences de protéines. En effectuant un traitement in silico des séquences théoriques, la digestion et la fragmentation de l'expérience réelle sont imitées par le logiciel. Par conséquent, les spectres théoriques sont générés et peuvent ensuite être comparés aux spectres obtenus expérimentalement (Figure 20).

La correspondance entre un spectre expérimental et un spectre théorique est appelée une correspondance peptide-à-spectre (PSM/ Peptide-to-Spectrum Match). Le résultat de base d'un moteur de recherche est composé d'une liste de plusieurs PSM candidats pour chaque spectre, avec des scores associés (généralement indiqués en e-value) qualifiant la qualité de la correspondance.

SEQUEST (Eng, McCormack and Yates, 1994) a été le premier algorithme largement utilisé à mettre en œuvre cette technique et a été rapidement adopté dans les pratiques de laboratoire courantes.

L’un des principaux défis de l’identification des peptides de données de protéomique en shotgun est l’identification de faux positifs. Leur présence est contrôlé a posteriori grâce à la FDR (False Discovery Rate) (Nesvizhskii, 2010).

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Figure 20 Workflow standard de la recherche de séquence dans la base de données (Verheggen et al., 2016).