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Partie I : Evaluation environnementale des projets urbains

3. Méthodes d’évaluation environnementale

3.3. L’Analyse de Cycle de Vie (ACV)

L’ACV est une méthode permettant d’évaluer les impacts potentiels d’un produit ou d’un service tout au long de son cycle de vie, depuis l’extraction des matières premières jusqu’à l’élimination des déchets. Le système étudié est défini par une unité fonctionnelle qui sert de référence et qui représente une quantification de la fonction du produit évalué.

La méthode d’ACV est régie par la série de normes NF EN ISO 14040 [AFNOR, 2006a] et NF EN ISO 14044 [AFNOR, 2006b]. Les étapes obligatoires (Figure 27) pour la réalisation d’une ACV sont identifiées dans ces normeset détaillées dans la suite.

Figure 27 : Cadre de l'ACV [AFNOR, 2006a]

3.3.1. Objectifs et champ d’étude

La norme NF EN ISO 14040 [AFNOR, 2006a] exige que les objectifs et le champ de l'étude d'une ACV soient clairement définis et cohérents avec l'application envisagée. L’ACV permet d’identifier les possibilités d’amélioration des performances environnementales dans toutes les étapes de vie du produit ; d’informer les décideurs dans un souci de planification stratégique et de préciser les interactions entre les procédés techniques les leurs effets sur l’environnement [Jolliet et al, 2010]. Il est recommandé de faire l’ACV en deux temps [Jolliet et al, 2010] : 1) Une évaluation préliminaire ou « screening » : réalisation d’une ACV de A à Z de manière rapide et simplifiée en évaluant l’ordre

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de grandeur des contributions de différentes étapes du cycle de vie. Elle est accompagnée d’une première étude de sensibilité définissant les points environnementaux clés de l’ACV. 2) Une analyse détaillée reprend les phases de définition des objectifs, d’inventaire et d’analyse de l’impact, en approfondissant les points ayant les plus grands impacts environnementaux. Cette étape débouche sur l’interprétation finale, complétée par une étude de sensibilité détaillée et l’estimation des incertitudes.

3.3.2. Inventaire des émissions et des extractions

La définition des objectifs et du champ d'étude fournit le plan initial pour la réalisation de la phase d'inventaire du cycle de vie d'une ACV [AFNOR, 2006b]. La norme NF EN ISO 14040 [AFNOR, 2006a] a précisé que l'inventaire doit inclure le recueil des données et les modes opératoires de calcul pour quantifier les intrants et les extrants pertinents d'un système de produits. L’inventaire permet de déterminer les quantités de matières et d’énergie extraites ainsi que les émissions dans l’eau, l’air et le sol.

Ce bilan énergie / matière est normalisé par rapport à l’unité fonctionnelle définie au préalable. Cette identification donne alors lieu à l’établissement d’un diagramme de flux de processus auquel sont associées les conditions de fonctionnement du système. Le processus élémentaire correspond à la plus petite partie prise en compte dans l’inventaire du cycle de vie pour laquelle les données de flux entrants et de flux sortants sont quantifiées.

Les flux de produits, de matières ou d’énergie entrant dans un processus élémentaire sont nommés « intrants ». Les flux de produits, de matières ou d’énergie qui en sortent sont les « extrants ». Les flux intermédiaires correspondent aux flux de produits, de matières ou d’énergie intervenant entre des processus élémentaires du système étudié. Les flux élémentaires comprennent l’utilisation des ressources et les émissions dans l’air, l’eau et le sol associées au système dans la norme NF EN ISO 14044 [AFNOR, 2006b].

Selon Leroy, la collecte des données s’effectue souvent en deux étapes [Leroy, 2009] : Dans un premier temps, la collecte se base sur une analyse bibliographique afin de dresser un premier modèle sommaire du système. Puis une collecte de données plus spécifique est amorcée afin de combler les carences d’information et de valider la première ébauche. Pour ce faire et en fonction des objectifs de l’étude, ces données peuvent à nouveau être issues de la littérature ou être collectées auprès de l’industriel pour plus de spécificité.

3.3.3. Evaluation de l’impact environnemental

Chaque substance peut être comparée aux autres substances sur la base de sa capacité à endommager l’environnement. Lorsqu’une substance polluante est émise, elle a un cheminement dans l’environnement (changement ou transformation). Elle a finalement une conséquence, par exemple sur la santé humaine, ou sur la qualité de l’environnement, etc. Ce cheminement s’appelle « voie d’impact » (Impact pathway) [Jolliet et al, 2010]. Il s’agit de tous les processus environnementaux qui amènent la substance à son impact final.

Les résultats de l’inventaire conduisant à des impacts similaires sont regroupés dans des catégories d’impact à orientation « pression » nommées « catégories intermédiaires », pour lesquelles des

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indicateurs intermédiaires sont définis [Jolliet et al, 2010]. Une étape supplémentaire permet d’allouer ces catégories intermédiaires à une ou plusieurs catégories de dommages représentées par un indicateur de dommages. La Figure 28 montre la démarche générale de l’analyse de l’impact environnemental. Elle présente le schéma général du cadre méthodologique liant les résultats d’inventaire aux catégories de dommages à travers les catégories intermédiaires.

Figure 28 : Démarche générale de l'analyse de l'impact des émissions sur les sujets à protéger [AFNOR, 2006b] Les indicateurs d’impacts ou facteurs de caractérisation traduisent l’effet potentiel sur l’environnement d’une quantité de substance émise par un système. Ces indicateurs sont construits à partir des propriétés intrinsèques de la substance et, parfois, à partir des conditions des milieux impactés. Les caractéristiques d’élaboration de ces indicateurs sont regroupées dans un ensemble plus vaste appelé méthode de caractérisation [Jolliet et al, 2010].

Différentes méthodes d’évaluation des impacts ont été développées, elles permettent d’analyser les résultats de l’inventaire et d’évaluer leurs effets potentiels sur l’environnement. Elles modélisent également les voies d’impacts des différentes substances et relient chaque donnée d’inventaires à ses dommages environnementaux potentiels, sur la base de ces voies. L’évaluation des impacts du cycle de vie consiste à convertir les divers flux identifiés en phase d’inventaire en impacts environnementaux.

Il existe plusieurs méthodes d’estimation des impacts, toutes visent à transformer les données d’inventaire en dommages environnementaux potentiels. Le Tableau 7 fournit une liste non exhaustive de méthodes proposées entre 2001 et 2009.

Tableau 7 : Exemples de méthodes de calculs d’impacts

Méthode Orientation Références

CML2001 Problème [Guinée et al, 2001]

Eco-indicateur 99 Dommage [Geodkoop and Spriensma, 2001]

TRACI Problème [Bare, 2002]

IMPACT 2002+ Problème et dommage [Jolliet et al, 2003]

LIME Problème et dommage [Itsubo and Inaba, 2003]

EDIP 2003 Problème [Potting et al, 2005]

LUCAS Problème [Toffoletto et al, 2007]

ReCIPE Problème et dommage [Geodkoop et al, 2009]

Résultats d’inventaire du cycle de vie Résultats assignés à des catégories d’impacts Indicateurs de catégorie Catégories de dommages Modélisation quantitative des catégories

Association des indicateurs de catégories dans les catégories des dommages

Association des résultats d’inventaire

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3.3.4. Interprétation des résultats

Cette étape permet la validation des différentes étapes notamment en identifiant les éventuels problèmes rencontrés et en mettant en avant les points cruciaux de modélisation. Ainsi l’ensemble des hypothèses telles que la définition de l’unité fonctionnelle ou encore du périmètre d’étude sont vérifiées et validées en accord avec les objectifs de l’analyse. Il en va de même pour l’évaluation des données de l’inventaire qui requiert en général une évaluation qualitative. Pour clore cette phase, il convient de déterminer les enjeux significatifs. Ceux-ci peuvent comprendre les données d’ICV, les catégories d’impacts ou encore les contributions significatives à certaines phases de cycle. Ceci permet notamment au praticien de structurer ses résultats d’ACV et les données à l’origine de la modélisation dans la norme NF EN ISO 14044 [AFNOR, 2006b].

3.3.5. Outils logiciels

Les bases de données (ECOINVENT, INIES,…) fournissent, pour chaque produit ou procédé, un inventaire de cycle de vie indiquant les quantités des différentes substances puisées ou émises dans l’environnement. Des catégories d’impacts environnementaux sont ensuite évaluées. Dans ce travail on utilise le logiciel OpenLCA27 (Version 1.4.1) appuyé sur la base de données ECOINVENT28 et ECORCE29

(version M) qui est une application Java version 7 appuyé sur une base de données environnementales qui sont essentiellement issues des producteurs (FDES30) et des données publiées dans des revues scientifiques [Jullien et al, 2015]. Les deux logiciels et leurs bases de données sont détaillés par la suite. Outil logiciel « ECORCE » et sa base de données dédiée

Le logiciel ECORCE est un outil d’évaluation de la construction et de l’entretien de chaussées routières utilisant des indicateurs d’impacts tirés de la littérature scientifique notamment du domaine de l’ACV. Ce logiciel permet de saisir des informations sur les structures de chaussées, de couche de forme et de partie supérieure des terrassements (PST), des formules de matériaux routiers, des cas de traitement de sol, afin de comparer plusieurs variantes constructives de la phase de construction jusqu’à la phase d’entretien.

Les types de matériaux utilisés sont principalement les granulats naturels, les liants, les matériaux bitumineux, les graves traitées aux liants hydrauliques, les bétons, les enduits bitumineux, les couches d’accrochage, les graves non traitées, les aciers et les sols non traités des terrassements. Les données d’entrée concernent la géométrie des couches de chaussée (épaisseur, longueur et largeur), la composition et la masse volumique des matériaux constitutifs des couches, les distances d’acheminement des matériaux, la consommation unitaire des engins de chantier [Jullien et al, 2015]. Le manuel de référence du logiciel ECORCE précise : qu’une méthode d’évaluation de tronçons routiers, modulaire, faisant appel à une démarche systémique et appelée méthode des modules

27 OpenLCA est un logiciel gratuit (http://www.openlca.org) pour quantifier les impacts environnementaux d’un produit tout au long de son sycle de vie, il est développé par GreenDelta. C’est une entreprise indépendante fondée en 2001 spécialiste de la consultation et programmation des logiciels du cycle de vie de produits, http://www.greendelta.com/ :

28 Base de données suisse qui regroupe les différentes données, élaborées selon une méthodologie harmonisée et disponibles sous un format unique. La plupart de données sont européennes, suisses ou allemandes. Elle est également la base de données la plus complète et la plus utiliséehttp://www.ecoinvent.org

29 Développé par l’Institute français de science, des technologies de transport, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR), anciennement LCPC : http://ecorce2.ifsttar.fr/presentation.php

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routiers est développée à l’IFSTTAR depuis 2002. Cette méthode vise à réaliser une évaluation globale, au sens du développement durable, selon deux volets :

- l’un désigné par le terme Module Routier Élémentaire (MRE). Il concerne des effets très globaux dans le temps et dans l’espace des pratiques de construction et de maintenance de routes, pour une durée de service à définir : terrassements, assainissement, chaussées. Dans le cadre d’évaluation environnementale des chaussées, le Module Routier Élémentaire (MRE) est un outil développé à partir de modules séparant chaussées et terrassement comme suit : La modélisation des différentes phases de construction/entretien de la chaussée : pour reconstituer les différentes couches de chaussée (technique de mise en œuvre et engins associés). Le calcul d’inventaire qui consiste à répertoire et à quantifier les flux de consommations et de rejets, d’une part entre les différents sous-systèmes identifiés, d’une autre part entre l’intérieur et l’extérieur du système.

- l’autre désigné par le terme de Module Routier Assemblé (MRA) qui se rapporterait à des effets locaux sur le territoire liés à l’insertion même de la route et aux services qu’elle rend.

Ce logiciel est donc capable de calculer, pour certains indicateurs, les impacts environnementaux liés aux chaussées utilisées dans les ouvrages souterrains linéaires (tunnels).

Outil logiciel « OpenLCA » et la base de données ECOINVENT

OpenLCA est est un logiciel Open Source fourni sans base de données, il est possible d’importer une

base de données sous les formats ecospold : ECOINVENT, ELCD31, etc.

La base de données ECOINVENT est une base de données générique d’inventaire de cycle de vie regroupant près de 4000 procédés [Frischknecht et al, 2007]. Cette base a été le fruit d’une collaboration entre différents organismes de recherche suisses. Les données contenues dans cette base ont une représentativité géographique mondiale, européenne ou suisse en fonction des procédés. Les modules d’inventaire sont fournis à la fois au format Ecospold et Excel. Chaque module contient des flux élémentaires d’émissions dans l’air, l’eau et sol ainsi que de consommations de ressources énergétiques, non énergétiques et d’usage du sol. Par ailleurs, douze méthodes d’analyse des impacts du cycle de vie sont implémentées dans la version 2.0. En outre, chaque module dispose de métadonnées permettant de renseigner les choix méthodologiques et les personnes responsables de l’étude ACV.

Ce logiciel avec sa base de données sont donc adaptés pour calculer les impacts environnementaux liés à l’ensemble du cycle de vie des ouvrages souterrains complexes.