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Partie II : ACV dans le domaine de construction - Application à un complexe souterrain

2. Littérature de l’ACV dans le domaine de construction

2.1. ACV d’ouvrages de construction aériens

2.1.1. ACV Bâtiment

Kohler a commencé le développement de la méthode d’ACV pour les bâtiments [Kohler, 1986], il a fait l’ACV d’un bâtiment en prenant en compte la construction, l’entretien et la démolition. Plus tard, le projet européen REGENER [Peuportier, 1997] a permis de proposer les grandes lignes d’une méthodologie pour l’application de l’ACV à l’échelle d’un bâtiments, et d’étudier l’intérêt de l’intégration des énergies renouvelables au bâti. Par la suite la phase d’usage a été de plus en plus prise en compte.

Les recherches de l’évaluation des impacts environnementaux liés à un bâtiment par l’ACV a été poursuivie par [Peuportier, 2003], ces impacts sont sur plusieurs échelles (planétaire, régionale, locale, et à l’échelle du bâtiment lui-même). Peuportier a évalué les différents aspects de la construction, l’exploitation et l’utilisation d’un bâtiment et en incluant différentes « éco-techniques32 » liées à l’amélioration de la qualité d’usage des bâtiments, ensuite plusieurs projets expérimentaux ont été présentés. On peut également citer la thèse de Lasvaux qui a fait une application de l’ACV au secteur du bâtiment [Lasvaux, 2010], dans le but de comparer les méthodologies appliquées et d’évaluer les tentatives de simplification du processus d’établissement d’une ACV, un des enjeux majeurs de la

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démarche pour favoriser son implémentation généralisée. Au niveau mondial, il existe des travaux principalement au Canada, en Australie, en Nouvelle Zélande et aux États-Unis [IEA, 2004].

2.1.2. ACV d’ouvrages du génie civil

Les enjeux environnementaux tout au long du cycle de vie des ouvrages du génie civil dédiés au transport et à la mobilité urbaine sont divers [Le Feon, 2014] : citons par exemple les émissions de gaz à effet de serre (GES), les polluants réglementés des transports (les oxydes d’azote, NOx), le monoxyde de carbone (CO), les particules fines, les composées organique volatils, etc. En France, un travail a été mené par un groupe de l’agence française du génie civil (AFGC) pour créer une base de données environnementale (DIOGEN33), relative aux matériaux constitutifs des ouvrages de génie civil sur le territoire national.

Concernant un ouvrage du génie civil, l’unité fonctionnelle doit désigner l’ouvrage dans son ensemble, elle doit aussi porter une projection de son usage pendant une durée prédéfinie, parce qu’il représente une partie importante de ces impacts.

ACV du terrassement

Les travaux du terrassement accompagnent souvent la construction des ouvrages du génie civil, ils ont fait l’objet de plusieurs études, dont une qui consiste à modifier la configuration du sol en extrayant, déplaçant, amoncelant des terres [ATILF, 2000 ; Capony, 2013]. L’unité fonctionnelle considérée, dans ce cas, correspond à un kilomètre de terrassement [Anderson et al, 2003 ; Hoang, 2005 ; Mroueh et al,

2001] pour une durée de service de 40 ans par exemple [Stripple, 2001].

ACV de ponts

Concernant les ponts, les études d’ACV dans la littérature visent à comparer les impacts environnementaux liés aux différents types de ponts [Collings, 2006 ; Horvath et al, 1998 ; Itoh et al,

2003 ; Thiebault, 2010], aux matériaux composants le tablier [Kendall, 2004 ; Keoleian et al, 2005 ;

Lounis et al, 2007] ou aux structures innovantes [Bouhaya et al, 2009]. Plusieurs études relatives

présentent clairement l’unité fonctionnelle d’un pont, elle considère la longueur de la traversée ou du tablier [Bouhaya et al, 2009 ; CIMbéton et al, 2010 ; Hammervold et al, 2009], le type du pont étudié (unité de produit) [Bouhaya et al., 2009 ; CIMbéton et al., 2010], et la durée de vie d l’ouvrage (unité de temps) [Bouhaya et al, 2009 ; CIMbéton et al, 2010 ; Hammervold et al, 2009 ; Thiebault, 2010 ; Kendall, 2004].

Pour les ponts, l’outil logiciel BridgeLCA34 a pour but d’évaluer les impacts environnementaux liés aux ponts, utilisant comme indicateurs : l’acidification, l’eutrophisation, le changement climatique, la destruction de l’ozone stratosphérique, la création d’ozone photochimique, l’épuisement des ressources abiotiques. L’ensemble du cycle de vie est évalué depuis la production des matières premières jusqu’à la fin de vie de l’ouvrage. Les données d’entrée sont les quantités de matériaux et d’énergie, et les distances de transport des matériaux de construction et d’entretien tout au long de la vie de l’ouvrage.

ACV des structures routières

La méthodologie de l’ACV a commencé à être appliquée sur les structures routières dans les années 90, elle a fait l’objet de plusieurs études visant à évaluer les impacts environnementaux des différentes

33 Développé par l’association française de génie civil (AFGC) en 2010 : (http://diogen.fr/)

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phases du cycle de vie des chaussées asphaltes et bétonnes [AzariJafari et al, 2016]. La différence significative entre ces études concerne essentiellement la définition de l’objectif et le champ d’étude de l’ACV ainsi que la collecte des données. Un rapport mené par Stripple a éclairé la possibilité d’appliquer l’ACV aux ouvrages de génie civil dédiés au transport, y compris les structures routières et ferroviaires, l’objectif de ce rapport était de traiter la partie environnementale de la procédure d’aide à la décision [Stripple et al, 2004].

Concernant l’ACV des structures routière, on peut repérer une revue récapitulative de la littérature et des recherches liées à l’ACV des chaussées, menée par Santero et al, elle fournit un résumé exhaustif des pratiques de l’application de l’ACV aux structures routières jusqu’à l’année de cette étude [Santero

et al, 2011], elle comprend également des recommandations et des actions à prendre en compte pour

toutes les phases du cycle de vie d’une structure routière.

D’autres études ont également appliqué l’ACV aux structures routières. elles ont focalisé sur : la comparaison entre plusieurs chantiers d’entretien routier, où les impacts environnementaux ont été quantifiés par l’ACV [Jullien et al, 2014] ;les impacts liés à la mise en œuvre des nouvelles technologies concernant les méthodes de construction, ou à l’utilisation des matériaux recyclés [Blankendaal et al,

2014 ; Wang et al, 2014 ; Anthonissen et al, 2015 ; Noland and Hanson, 2015] ; la modélisation des

impacts environnementaux liés aux travaux du terrassement des structures routières par l’ACV

[Capony et al, 2011].

Dans le domaine routier, l’outil logiciel SEVE35 est un éco-comparateur basé sur une architecture Internet. Il n’y a pas d’application à installer localement par les utilisateurs. SEVE permet de saisir les paramètres de chaque solution évaluée : nature des couches, constituants, condition de fabrication de la chaussée, composition des ateliers d’application, distances et modes de transports, etc. Sept indicateurs quantitatifs sont évalués : la consommation énergétique, l’émission de CO2, l’économie de ressources naturelles, la tonne kilométrique, et deux indicateurs déclaratifs : la gestion de l’eau et la prise en compte de la biodiversité. Ils sont présentés sur un modèle unique de document reprenant, de façon exhaustive, les hypothèses retenues et les impacts de chaque solution.

Le logiciel ECORCE (Cf. Outil logiciel ECORCE P.94) est également un éco-comparateur de la construction et de l’entretien de chaussées routières utilisant des indicateurs d’impacts tirés de la littérature scientifique notamment du domaine de l’ACV [Jullien et al, 2015]. ECORCE est utilisé partiellement dans le cadre de ce travail.

2.1.3. ACV Quartier

Dans une optique d’écoconception, la plupart des impacts environnementaux, liés aux bâtiments et aux systèmes urbains, se produit généralement en dehors de ces systèmes : dans les usines de fabrication des produits de construction, lors de la production d’électricité et d’eau potable, dans les équipements de traitement des déchets et des eaux usées, etc. Il convient également de citer le déplacement en milieu urbain comme une des pistes importantes de réflexion en termes d’impacts. Les modes de ce déplacement peuvent être classés en plusieurs catégories selon qu’ils sont individuels ou collectifs, terrestres ou guidés, relatifs aux personnes ou aux marchandises [Peuportier, 2013]. Un exemple d’une comparaison entre plusieurs ensembles urbains de densité et nature différentes

35 Système d’Evaluation des Variantes Environnementales, développé en 2009 par l’union des syndicats de l’industrie routière française (http://www.seve-tp.com/Security/UserLogin.aspx?ReturnUrl=%2fdefault.aspx)

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(maisons individuelles, tours, barres, terrasses, cité solaire de Fribourg - Allemagne), mené par Vorger

[Vorger, 2011], montre que la densité urbaine peut influencer fortement le mode de transport, en

effet la prise en compte du transport augmente d’environ 80% l’énergie primaire consommée dans le cas des maisons et de 40% dans les autres cas, pour une durée de vie de 80 ans. En ce qui concerne la contribution à l’effet de serre, l’augmentation est respectivement de 140% et de 20% (le transport pris en compte est un trajet domicile-travail identique de 14 km) [Peuportier, 2013].

En revanche, dans la phase de conception, les fabricants et donc les lieux de fabrications ne sont généralement pas encore connus. Or c’est durant cette phase que sont prises les décisions influençant le plus le bilan environnemental. Les données moyennées sont alors utilisées et la méthode d’ACV est la plus appropriée dans l’état actuel des connaissances. Cependant, cela n’empêche pas de réaliser une étude d’impact [AFNOR, 2013b] en complément, surtout si le bâtiment ou le quartier comporte une ressource de pollution importante comme une chaufferie de grande taille ou un axe de circulation très fréquenté [Peuportier, 2013].

L’application de l’ACV aux ensembles urbains a été étudiée par [Kohler, 2003 ; Popovici, 2006 ; Herfray

et Peuportier, 2010 ; Herfray, 2011]. Pour cette application, le problème est plus complexe que pour

le bâtiment par l’apparition de degrés de liberté supplémentaires dans le processus de décision (interaction entre les bâtiments, mutualisation des équipements et des réseaux, mobilité,…). On peut noter que l’aspect social acquiert un poids significatif par rapport au bâtiment seul [Cherqui, 2005]. Le projet ACV Quartiers36 est un projet de recherche industrielle subventionné par l’ANR et coordonné par ARMINES. Un modèle a été élaboré, incluant les bâtiments, les espaces publics (voiries, espaces verts…) et les réseaux (eau, chauffage urbain…). Afin de pouvoir étudier des quartiers à énergie positive, les besoins et productions énergétiques des bâtiments sont évalués heure par heure par simulation dynamique. Les résultats de ces simulations sont ensuite transférés à l’outil d’ACV des bâtiments.

Pour un ensemble urbain, l’ACV représente un outil intéressent et réputé pour la quantification des impacts environnementaux. La littérature de l’ACV dans le domaine de la construction s’est basée sur le fait de comparer plusieurs variantes d’aménagements ou méthodes de réalisation des ouvrages de construction. La littérature indique également la contribution importante des infrastructures du transport à ces impacts ; ainsi que l’importance d’une évaluation sociale accompagnant l’évaluation environnementale, cela est dû à la forte concentration de populations dans l’ensemble urbain, et au fait que ces populations sont directement concernées par ces impacts.

2.1.4. Cadre normatif de l’ACV des ouvrages de construction

Une nouvelle norme est disponible depuis août 2012 pour l’évaluation de la contribution d’un ouvrage de construction au développement durable au niveau du produit : la norme NF EN 15804+A1 [AFNOR,

2014a] (Contribution des ouvrages de construction au développement durable - Déclarations

environnementales sur les produits - Règles régissant les catégories de produits de construction+ Annexes nationales) qui remplace la norme NF P01-010 [AFNOR, 2004] . Cette norme européenne est

36 Projet de recherche a commencé en janvier 2009 et a duré 36 mois, il a été mené par ANR pour l’aide à l’écoconception des quartiers par l’analyse de cycle de vie : http://www.agence-nationale-recherche.fr/projet-anr/?tx_lwmsuivibilan_pi2[CODE]=ANR-08-VILL-0011

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complétée d’une annexe nationale XP P 01-064/CN [AFNOR, 2014b]. Elle fournit une structure des Déclarations Environnementales des Produits (DEP) et la norme NF EN 15804+A1 [AFNOR, 2014a]

permet de s’assurer que les DEP sont obtenues, vérifiées et présentées de façon harmonisée. En parallèle, la norme NF EN 15978 [AFNOR, 2012a] définit la méthode de calcul de la performance environnementale au niveau du bâtiment. Ces nouvelles normes se distinguent des précédentes par la prise en compte d’un nouveau pan de la vie du bâtiment : les possibilités de recyclage ou valorisation des matériaux de construction en fin de vie via l’utilisation du module D.

La série des normes NF EN 15643évalue la contribution au développement durable des bâtiments. Elle fournit par sa première partie NF EN 15643-1 [AFNOR, 2010] un cadre méthodologique général comportant des principes, des exigences et des lignes directrices pour l’évaluation. Les méthodologies d’évaluation proposées pourraient également s’étendre à une évaluation du quartier et d’un environnement bâti plus large. La deuxième partie NF EN 15643-2 [AFNOR, 2011] met en évidence les principes et exigences de l’évaluation des performances environnementales des bâtiments. Elle précise que cette évaluation doit appliquer des mesures en rapport avec les aspects et les impacts environnementaux d'un bâtiment pendant la durée du cycle de vie du bâtiment. Elle doit s'appuyer sur l'analyse du cycle de vie conformément aux lignes directrices et aux exigences de la norme NF EN ISO 14044 [AFNOR, 2006b] et à d'autres informations environnementales quantifiables. La norme, NF EN 15643-2 [AFNOR, 2011], exclut l'évaluation de l'influence d'un bâtiment sur les impacts et aspects environnementaux liés à l'infrastructure locale au-delà de la parcelle, et sur les impacts et aspects environnementaux liés au transport des utilisateurs du bâtiment. Elle ne comprend pas non plus l'analyse des risques environnementaux.

La partie cinq prEN 15643-5 [AFNOR, 2016], toujours en élaboration en 2016, fait partie des normes fournies par le comité européen de normalisation (CEN/TC350)37. Elle s’intéresse à la contribution du génie civil au développement durable (Figure 29), et donc à l’évaluation des performances environnementale, sociale, économique.

37 CEN/TC 350 : comité européen de normalisation / comité technique : est responsable de l'élaboration de méthodes transversales normalisées d'application volontaire, pour l'évaluation de la contribution au développement durable des ouvrages neufs et existants, ainsi que de l'élaboration de normes relatives à la déclaration environnementale portant sur les produits de construction. Ces normes seront d'application générale (normes horizontales) et pertinente pour l'évaluation des performances globales des bâtiments tout au long de leur cycle de vie [http://www2.afnor.org/espace_normalisation/structure.aspx?commid=60462].

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Figure 29 : Prise en compte du génie civil dans les normes de la durabilité pour les ouvrages de construction (CEN/TC 350). (vert : volet environnemental, rouge : volet social, bleu : volet économique, noir : en élaboration). L’évaluation de la performance technique et fonctionnelle du génie civil ne fait pas partie de l’objectif de cette série de normes, par contre les caractéristiques techniques et fonctionnelles sont prises en considération pour identifier l’équivalent fonctionnel38. La méthodologie proposée prend en compte l’ouvrage du génie civil lui-même, sa zone d’influence, et l’usage de l’ouvrage. La partie « usage » (B-8

User’s use), des ouvrages d’infrastructure, est spécifiquement intégrée dans ce projet de norme, mais

pas encore détaillée.

Les normes présentées concernant les ouvrages de construction (bâtiments et ouvrage du génie civil), ne prennent pas en compte l’intégralité des aspects abordés dans le cadre de la thèse, mais elles représentent une base normative harmonisée avec le fond de ce travail. Ce travail prend en compte les normes de l’ACV NF EN ISO 14040 et NF EN ISO 14044, ainsi que les catégories d’impacts définies dans la norme NF EN 15804+A1. Il prend en compte l’usage de l’ouvrage souterrain comme recommandé dans le projet de norme prEN 15643-5.