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I.3. D ESCRIPTION DU TERRAIN D ’ ETUDE

I.3.4. L’ambivalence de la Garonne

Souvent personnifiée, « Garonne » est devenue un élément au double visage, à la fois source de richesses et de désagréments pour ceux qui peuplent ses berges. Les eaux de la Moyenne Garonne se nourrissent de trois sources : la fonte des neiges des Pyrénées, l’eau de ses principaux affluents des deux rives (l’Ariège, le Tarn et le Lot) et l’eau de pluie (SMEAG, 2003).

La richesse de la Garonne...

La présence de l’eau a toujours attiré l’homme, tout comme les terres alluviales qui la bordent. Cette partie de la Garonne mobile et débordante est attractive pour de nombreuses activités économiques et récréatives. Le fleuve est propice à la navigation commerciale et touristique, à l’extraction des granulats de son lit, aux activités de loisirs telles que la pêche et les sports nautiques. Mais la conquête majeure qui concerne ses berges est agricole.

23 Une populiculture intensive occupe de nos jours la plaine inondable de la Garonne débordante. Pourtant, la peupleraie n’était pas destinée à s’installer durablement sur cette terre. P. Deffontaines (1932) nous explique comment a été conquis le bord de la Moyenne Garonne.

L’objectif principal était alors d’accumuler la terre alluviale sur les berges en vue d’accueillir des cultures céréalières. La terre a d’abord été rehaussée en coupant les saules sauvages de la ripisylve, qui formaient alors des taillis qui retenaient la terre. Par la suite, des ormeaux ont été plantés au Moyen-Âge, puis abandonnés au profit de saules cultivés, mieux adaptés à la navigation tractée à l’époque par une corde, le long d’un chemin de halage. Le peuplier leur a succédé et a permis de faire des cultures intercalaires entre les rangs de peupliers, notamment du maïs. Une fois les arbres devenus grands, leur ombre couvre les cultures sous peupleraies et on arrive, avant qu’ils ne soient coupés, à un régime de prairies sous arbres. Après plusieurs années de plantation de peuplier, le sol surélevé permettra de faire définitivement de la culture céréalière. Le peuplier n’était, à cette époque, qu’un vecteur transitoire permettant de « ronger » l’excès de fertilité de la terre pour ces futures cultures. «

Un véritable système d'assolement agroforestier, arbre/culture/prairie » (Le Floch et Deuffic,

1999) destiné à stabiliser les berges fut donc mis en place, comme l’a explicité P. Deffontaines.

Aujourd’hui, à l’amont de la confluence du Tarn, la ripisylve naturelle a régressé (81% en deux siècles) à la faveur de la culture de peupliers, qui privilégie seulement quelques cultivars. Avant la Révolution Française, les peupliers noirs, le peuplier d’Italie et de Caroline prédominaient. Depuis 1968 et aujourd’hui encore, deux cultivars de peupliers hybrides priment : le cultivar femelle I214 et le cultivar mâle I45/51 (Muller et al., 2002).

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Fig. 2. Évolution des principaux cultivars de peupliers en Moyenne vallée de Garonne Source : Muller et al., 2002

Même si l’homme est souvent intervenu pour tirer le meilleur parti de la Garonne, notamment en colonisant les berges par une espèce végétale, le peuplier, cette conquête de l’espace riverain reste modérée car « Garonne » a conservé son caractère vivant et imprévisible.

...n’est pas sans désagréments

La vallée de la Garonne est un vaste champ d’expansion des crues et des inondations. Elles ont parfois même été dévastatrices, comme en 1875. Plus récemment, les crues de 1930, 1952 et 2000 restent mémorables. En Garonne débordante, les populations riveraines ont donc dû s’y adapter et s’en protéger.

Pour ce faire, un projet de fixation des berges du fleuve a été engagé par le département du Tarn-et-Garonne en 1959 (Valette et Carozza, 2010). La portion de Garonne qui nous intéresse n’est cependant pas équipée de digues ou de barrages, contrairement aux autres parties de son cours. Malgré tout, la construction d’enrochements et d’épis a permis de stabiliser les berges du fleuve, de favoriser l’atterrissement, de maîtriser les mouvements des courants, limitant ainsi l’érosion des berges. L’extraction massive de granulats dans le lit mineur de la Garonne est accusée d’avoir enfoncé et incisé son lit, entre 50 cm et 1 mètre 70 ces cinquante dernières années (SMEPAG, 1989).

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Photo 2. Enrochements des berges de Finhan Photo 3. Epis sur la rive gauche, à Mas-Grenier

En conséquence, les terres alluviales auparavant inondables se trouvent surélevées par rapport au lit de la Garonne et peuvent de moins en moins recevoir ses débordements. La moindre fréquence des crues contribue à l’assèchement du milieu (Muller et al, 2002). La configuration du fleuve a changé d’aspect, la sinuosité et l’instabilité du fleuve étant fortement atténuées. Il se trouve maintenant plus rectiligne et moins long (SMEAG, 2008a).

Les dynamiques écologiques et fluviales de la Garonne ont été profondément simplifiées du fait de l’artificialisation progressive des berges. En cherchant, dans le même temps, à s’approprier le fleuve et à s’affranchir de ses désagréments, les hommes ont modifié cet espace pour satisfaire leurs besoins.

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C

HAPITRE

II

LE RAMIER

:

UN ESPACE DOUBLE

Photo 4. Vaste peupleraie à Mas-Grenier

27 Pour parler de leurs expériences à l’espace riverain, certains habitants font

spontanément appel au terme vernaculaire « ramier », plus souvent employé au singulier qu’au pluriel. Il s’agit des personnes installées depuis longtemps dans le secteur de ces villages et qui en sont pour la plupart originaires.

Au cours des entretiens, ils ont été invités à expliciter ce que le « ramier » représente pour eux, un exercice qui a souvent généré des hésitations.

Nous découvrirons d’abord les éléments historiques de base qui structurent le ramier aux yeux des enquêtés (II.1). Nous verrons ensuite que des éléments plus récents composent aussi la vision actuelle qu’ils ont de l’espace (II.2) et contrarient leur représentation du ramier, fondée sur une époque idéalisée (II.3).

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