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III. 1.3. « Des changements ? Non, pas vraiment. »

III.2. L A RECONQUETE DU BORD DE G ARONNE PAR LES ACTEURS INSTITUTIONNELS

III.2.1. Une ambition patrimoniale et sociale

Ces institutions parlent de changements écologiques dans un registre technique. Leurs connaissances se basent surtout sur les travaux de scientifiques et d’experts des cours d’eau. Ils disent même d’un géographe ayant travaillé sur la Moyenne Garonne qu’il est « une

couverture, quelqu’un qui nous dit si on est dans le vrai ou dans le faux. C’est quelqu’un à limite de presque objectif et c’est une plus-value pour nous dans notre comité de pilotage ».

Globalement, ils perçoivent un espace écologiquement altéré, tant du point de vue de la dynamique fluviale que de la faune et de la flore, qui en subissent les conséquences :

« Vu l’abaissement de la nappe d’eau et pas la diminution de la quantité d’eau, ce qu’il ne faut pas confondre, en gros le lit s’enfonce donc la hauteur descend et les peupliers sont sur des terrasses de plus en plus perchées, donc ont de moins en moins d’eau » - 15

« Il reste les reliques d’une Garonne débordante... malgré l’abaissement de la ligne d’eau, l’incision du lit, etc… » - 15

« On voit de plus en plus que la ripisylve naturelle, on passe à des bois tendres. Alors là, c’est purement naturaliste, autrefois c’était peupliers, saules, aulnes, tout ça, et aujourd’hui, ce sont des bois durs alors on trouve de plus en plus de chênes, d’ormes... » - 15.

A ces constats, s’ajoute l’idée que le bord de Garonne est aujourd’hui humainement délaissé :

« On s’est aperçu que les gens, tout comme beaucoup de villages, ont tourné complètement le dos à la Garonne pour s’en couper. Finalement, parer les risques et complètement oublier la culture garonnaise, la culture des sites... » - 15

« Les habitants ont oublié une dimension historique forte qui existait en bord de Garonne » (SMEAG, 2008b)

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« Le grand public n’y va plus. Ca devient un peu la chasse gardée, je dirais, de certains initiés. Je pense aux populiculteurs, aux pêcheurs, aux carriers. Et puis, ça devient plus isolé, il y a donc aussi des gens qui viennent faire des dépôts d’ordures... » - 15.

Pour faire face à ces problématiques, les institutions territoriales agissent en relation et se sont donné pour mot d’ordre la « réappropriation du fleuve par les habitants » et du « patrimoine vivant » qui y est lié c'est-à-dire, des aspects matériels et immatériels d’un milieu : le patrimoine naturel (faune, flore, fonctionnements écologiques) et culturel (patrimoine bâti, histoire locale, toponymie).

C’est ainsi qu’est né le projet de « sentier du corridor garonnais », mené par le Conseil général du Tarn-et-Garonne (CG). Il s’agit d’un projet départemental de création de chemins de randonnée. Soutenu par les communautés de communes, le Conseil Général s’est fixé l’objectif de créer un parcours qui longe au plus près le fleuve, sur un linéaire de 110 kilomètres. Une partie du sentier emprunte les chemins de petites randonnées communales préexistantes, créées il y a une dizaine d’années par les communautés de communes du département.

L’objectif est donc d’amener le « grand public » à se rapprocher de la Garonne, dans le cadre d’activités de loisir de plein air. Toutefois, leur ambition reste locale. Outre les « initiés » qui connaissent déjà le bord de Garonne, ce projet vise principalement les familles nouvellement installées dans les villages qui, d’après les collectivités territoriales, n’ont pas encore établis de lien avec le fleuve et qui sont « expatriés, déracinés de cette région » - 22. Elles souhaitent œuvrer pour la sensibilisation et l’éducation de ce public aux problématiques que le fleuve rencontre, en développant un « produit touristique ‘‘Garonne’’ » - 15. En leur ouvrant ainsi les portes d’un espace complexe à appréhender « de l’extérieur », elles espèrent rendre cette nouvelle population consciente de « son patrimoine » - 15 et de la Garonne, qui est « un bien commun, fragile et généreux » (SMEAG, 2008b). Le CG met en mots sa stratégie par la formule suivante : « prendre la petite porte locale pour expliquer la grande

histoire » - 15 et précise que cette démarche s’inscrit dans une politique de « développement durable » qui s’oppose à la « mise sous cloche de la nature ». Inviter les habitants à prendre

contact avec la Garonne a pout but de la rendre accessible physiquement et psychologiquement à tous et de développer une vision protectionniste de l’espace riverain « de l’intérieur ».

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62 Pour mettre en valeur des « sites d’intérêt patrimonial » - 15, une partie du sentier a déjà été ouverte et débroussaillée à l’aide d’ « un gros tracteur gyrobroyeur, qui passe dans la

ronce sans le moindre problème » - 15. En revanche, la lisière des chemins sera entretenue

selon une méthode de gestion différenciée, qui repousse la fauche après la floraison des espèces floristiques remarquables, comme les orchidées.

L’accueil des randonneurs a également été pensé en amont. Leur trajet sera suggéré par un parcours fléché « pour ne pas se perdre sur le sentier » - 15. Ils seront tenus de respecter une charte de bonne conduite, comme le propose la fédération française de randonnée :

Fig. 3. Extrait de la charte du randonneur. Source : FF de randonnée

Ainsi, les marcheurs et les cyclistes devront rester sur les chemins balisés pour eux, qui les guideront le long d’un « chapelet de sites » - 15, qui mettent en valeur les atouts naturels et culturels des bords de Garonne. A titre d’exemple, le vieux moulin à Finhan sera mis en scène par des panneaux explicatifs et des topoguides, qui reprendront les informations à connaître et les points de vue à ne pas manquer au cours du chemin.

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Photo 19. Le vieux moulin de Finhan, un élément du « petit patrimoine bâti »

Ce « balisage patrimonial » de l’espace vise à « conforter la route dans son rôle

d’instrument privilégié de découverte paysagère » (SMEAG, 2008b). Pour un membre de la

communauté de commune de Verdun-sur-Garonne, le sentier est une manière d’améliorer le « cadre de vie » - 22 de tous ceux qui vivent sur ce territoire commun.

Selon ces institutions, le sentier du « corridor garonnais » a aussi vocation à rapprocher « deux mondes différents » -15. Pour eux, le patrimoine du bord de Garonne doit être collectif, et non réservé à la connaissance des initiés. Les nouvelles générations d’habitants doivent aussi pouvoir avoir accès au sens du territoire, pour mieux s’y ancrer et le défendre. Pour le Conseil général, ce projet de sentier a, de surcroît, une ambition sociale : « ce n’est pas un bon moyen, c’est le seul moyen ! » -15 de faire se rencontrer ces personnes qui ont peu d’occasions de communiquer.

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