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II/ Cadre théorique

3. L’alternance codique

L’existence de plusieurs langues en Algérie rend le contact entre elles inévitable, de cette cohabitation est née l’alternance codique (code switching).

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J .Virasolvit : « La dynamique des représentations sociolinguistiques en contexte plurilingue : le cas de Tanger », p56.

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En effet, c’est avec une grande liberté que le locuteur fusionne entre plusieurs langues dans un même énoncé.

Le schéma d’alternance codique qu’on propose d’étudier concerne deux langues : l’arabe dialectal et le français pratiqués par les jeunes étudiants de l’université de

Constantine.

L’alternance codique à été longtemps considérée comme une aberration commise par les locuteurs qui ne savent pas faire la séparation entre les différentes langues. Les chercheurs qui se sont penchés sur le phénomène (Fishman1965, Labov1966, Bloom et Gumperz1972, Gardner Chloros1985) le considèrent plus tard comme une véritable stratégie communicative.

Au sens le plus large, on définit le code switching comme un passage d’une langue à une autre, dans une situation de communication donnée, certains mots obéissent aux règles de la première langue, les autres aux règles de la seconde. On va essayer dans ce qui suit de présenter quelques définitions afin de cerner au mieux cette notion.

3.1. Définitions de l’alternance codique

L’alternance codique se définit par John Gumperz (1979), qui est sans conteste le principal initiateur des études sur le code switching,comme : « La juxtaposition à l’intérieur d’un même échange verbal de passage ou le discours appartient à deux systèmes ou sous-systèmes grammaticaux différents. Le plus souvent l’alternance prend la forme de deux phrases qui se suivent. Comme lorsque le locuteur utilise une seconde langue soit pour réitérer son message soit pour répondre à l’affirmation de quelqu’un d’autre»26

. Il souligne que dans le cas de l’alternance codique« les éléments des deux langues font partie du même acte de parole minimal »27, et que « les parties du message sont reliées par des

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J.J Gumperz cité par M-L. Moreau :« Sociolinguistique, concepts de base » ,p33

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rapports syntaxiques et sémantiques équivalents à ceux qui relient le passage d’une même langue »28

Il existe un rapport beaucoup plus complexe entre l’usage langagier et le contexte social « les normes ou les règles sociales qui régissent ici l’usage langagier, du moins à première vu, semblent fonctionner plutôt comme des règles grammaticales »29faisant « partie des connaissances sous-jacentes que les locuteurs utilisent pour produire un sens »30

Gumperz affirme que l’alternance codique n’est juste qu’ « une technique de communication que les locuteurs utilisent comme stratégie verbale »31, elle est basée sur le fait que dans une société existe des variétés linguistiques qui portent des connotations différentes, l’alternance codique joue alors un rôle dans la définition et la négociation des relations interpersonnelles.

A l’instar de Gumperz , Shana Poplack définit l’alternance codique comme : « la juxtaposition de phrases ou de fragments de phrases, chacun d’eux est en accord avec les règles morphologiques et syntaxiques ( et éventuellement phonologiques) de sa langue de provenance. L’alternance de codes peut se produire à différents niveaux de la structure linguistique ( phrastique, intra-phrastique , interjective) »32

Dans ce cas, il est essentiel de respecter les structures syntaxiques et morphologiques des deux langues, l’auteur souligne que cela peut concerner aussi bien une phrase qu’une partie d’une phrase, pourvu que les énoncés alternés répondent aux normes : syntaxique, morphologique, et phonologique de l’une des deux langues.

28

J.J .Gumperz cité par M-L. Moreau ,ibid. p33.

29

J.J .Gumperz cité par M-L .Moreau., ibid. p34. 30

J.J .Gumperz cité par M-L. Moreau, ibid. p34

31

J.J .Gumperz :« sociolinguistique interactionnelle : une approche interprétative » Université de la Réunion, p75

32

S .Poplack : « Conséquences linguistiques du contact des langues :un modèle d’analyse variationniste, langage et société »p43.cité par .Marie-Louise Moreau « Sociolinguistique ,concepts de base » ,p32.

Scotton et Ury définissent le code switching comme « l’utilisation de deux variétés linguistiques ou plus dans la même conversation ou la même interaction»33, ils précisent que : « l’alternance peut porter seulement sur un mot ou sur plusieurs minutes de discours »34et que « les variétés peuvent désigner n’importe quelles langues génétiquement différentes ou deux registres d’une même langue.»35 . Dans cette définition les auteurs prennent en considération le « switch » entre deux langues ou deux registres d’une même langue, mais ils excluent l’utilisation de mots isolés, d’emprunts intégrés ou de phrases.

Valdès Fallis définit le code switching comme « le fait d’alterner deux langues au niveau du mot, de la locution, de la proposition ou de la phrase »36 .Ici l’auteur indique la nature des éléments qui interviennent dans le code switching mais cette définition a été jugée trop brève pour rendre compte d’un tel phénomène.

P.Gardner Chloros pense qu’ « il ya code switching parce que la majorité des populations emploie plus d’une langue et que chacune de ces langues a ses structures propres ; de plus, chacune peut comporter des dialectes régionaux aux sociaux, des variétés et des registres distincts dans un discours ou une conversation.»37 Cette définition insiste sur deux points :

1. le code switching implique l’usage de deux systèmes linguistiques indépendants l’un de l’autre, ou de deux variétés d’une seule et même langue. 2. le code switching se produit lors d’un discours ou dans une conversation. De ce fait, on peut dire que ce phénomène est étroitement lié au changement de thème de discussion, et au locuteur. Quand il s’agit par exemple de nouvelles technologies ou d’un sujet d’actualité, le sujet parlant algérien utilisera automatiquement la langue française.

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Scotton et Ury cité par B .Zango., P .Blanchet : « Le parler ordinaire multilingue à Paris :Ville et alternance codique, pour une approche modulaire»,p19

34

B .Zango., P .Blanchet .ibid p19 35

B .Zango., P .Blanchet . ibid. p19

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B .Zango., P .Blanchet .ibid p19

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Mercé Pujol déclare que l’alternance codique est « la juxtaposition de phrases ou de fragments de phrases, cohérents et fidèles aux règles morphologiques et syntaxiques de la langue de provenance »38

L-J Calvet pense que l’alternance codique « implique l’existence de deux codes que l’on peut délimiter, décrire séparément et entre lesquels le locuteur se déplace, passant de l’une à l’autre comme on allume ou éteint l’électricité (c’est le sens en anglais du verbe « to switch on or off », les locuteurs font donc du code switching sans le savoir, comme monsieur Jourdain faisait de la prose.»39. En conclusion on peut dire que l’alternance codique est une stratégie de communication spécifique aux bilingues, utilisée à l’oral. Elle permet d’exprimer des intentions, des attitudes, de parler naturellement et spontanément.

3.2. L’alternance codique : les différentes approches

Si l’on se réfère au dictionnaire de sociolinguistique, Ndiassé Thiam40

distingue plusieurs approches en définissant l’alternance codique :

1. L’approche dite fonctionnelle ou situationnelle relative aux travaux de John Gumperz et dont l’objet principal est l’analyse des effets du contact de langues ainsi que l’étude des fonctions conversationnelles et pragmatiques des alternances codiques comme élément modulateur du discours

2. L’approche linguistique ou structurale qui s’inscrit essentiellement dans la lignée de la sociolinguistique variationniste de William Labov, cette approche accorde une importance aux règles formelles régulière dans les segments mixtes, et essaye de déceler les contraintes qui régissent l’alternance codique.

38

M.Pujol : « L’alternance de langues comme signe de différenciation générationnelle », in langage et société n°58, p40

39

L-J Calvet dans :« Un siècle après le cours de Saussure : la linguistique en question » par Blanchet P, Calvet L-J, Robilard D, p25.

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3. Les approches de type psycholinguistique comme celle de Carolle Meyers-Scotton développée à partir des travaux de Gumperz , cette approche stipule que les motivations de l’alternance codique sont occasionnelles, accidentelles, et Idiosyncrasiques dépendantes de l’activité langagière du sujet parlant. Cette sorte d’alternance nécessite des capacités linguistiques développées de la part du locuteur.

4. L’approche taxinomique qui a pour objectif principal de lister les fonctions