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En entreprenant ce travail de recherche, on s’est fixé comme objectif d’enquêter sur les pratiques langagières des jeunes algériens. On a voulu comprendre les règles qui régissent le fonctionnement de l’alternance codique arabe dialectal/ français chez cette catégorie de locuteurs, d’où la question de départ : Pourquoi les jeunes pratiquaient –ils l’alternance codique ?

Afin d’analyser et de décrire cette forme de langage, des données ont été recueillies auprès d’informateurs sélectionnés. On s’est basé sur un corpus de douze enregistrements effectués auprès de douze étudiants du département de français à l’université de Constantine (les étudiants préparaient tous une licence en français).on espérait ainsi que cet échantillon humain soit représentatif de la jeunesse algérienne.

Pour répondre aux différentes interrogations, on a formulé plusieurs hypothèses dont les plus importantes sont :

-L’alternance codique est une pratique qui permet aux jeunes de se démarquer du reste de la société, le discours produit est un message livré à l’appréciation de l’autre. L’alternance codique devient alors une stratégie de communication ayant pour finalité « plaire » à son interlocuteur voir d’attirer son attention.

-l’alternance codique est un phénomène qui résulte de la compétence ou de l’incompétence des jeunes dans une langue ou dans une autre.

Après l’analyse des données, on a fait le bilan de la recherche et présenté les résultats obtenus.

En premier lieu, le dépouillement des enregistrements a permis de constater que tous les jeunes locuteurs étaient bilingues, et qu’ils utilisaient chacune des langues qu’ils parlaient pour des raisons et dans des situations bien définies. Toutefois, il existe des situations dans lesquelles plus d’une langue sont alternées (arabe dialectal/ arabe classique/ français).

En ce qui concerne ces langues, il s’est avéré que les jeunes les utilisaient de manière inégale. En effet, l’analyse a certifié d’une part la dominance de l’arabe dialectal par rapport au français, d’autre part l’importance de l’emploi de l’alternance codique arabe dialectal /français dans les échanges des jeunes. De plus, on n’a constaté que l’arabe classique était en quelque sorte marginalisé, car considéré comme une langue principalement réservée à l’écrit et employée dans des domaines bien précis : religion, administration, institution……etc.

En deuxième lieu, on s’est appuyé sur les travaux de Poplack et de Gumperz pour effectuer une classification des types et des fonctions de l’alternance codique. Dans cette partie du travail, l’analyse des données a permis de dégager l’importance de l’alternance intraphrastique par rapport aux autres types d’alternances.

En troisième lieu, on a effectué une classification des éléments linguistiques susceptible de déclencher l’alternance codique arabe dialectal/ français. Ces éléments se présentaient sous forme de substantifs, d’adjectifs, ou de connecteurs. Il était évident que ces éléments ne remettaient pas en cause la syntaxe de l’arabe dialectal. Bien au contraire, ils s’imbriquaient et se coulaient en elle très harmonieusement.

Enfin, l’analyse des données a permis de mettre en avant les raisons qui poussaient les jeunes à alterner, dont les plus importantes :

-Les jeunes ont recours à l’alternance codique arabe dialectal/ français car ces deux langues reflètent le paysage linguistique actuel de l’Algérie. D'une part, l’arabe dialectal est la langue maternelle, la langue comprise et employée dans la vie quotidienne, d’autre part le français qui n’est pas considéré comme une langue étrangère, bien au contraire, elle est ancrée dans la réalité algérienne, elle se maintient dans les filières de prestige, à l’heure actuelle à l’université, elle facilite l’accès à la science et à la technologie. Elle permet également « l’ouverture sur le monde ».C’est aussi la langue de la liberté moins

susceptible d’être soumise aux censures. C’est une langue où on peut parler de tabous et d’amour.

La langue française permet également aux jeunes informateurs de marquer leur appartenance à une communauté moderne ou « branchée », de s’affirmer en tant qu’individus pouvant comprendre et s’exprimer en français puisqu’il s’agit d’étudiants du département de français.

-Il y a alternance quand le mot où le terme technique n’existe pas n’a pas d’équivalent dans la langue maternelle. On cite à titre d’exemple le vocabulaire relatif à l’informatique, à la technologie ou au domaine médical. Les jeunes essayent alors de pallier une déficience lexicale.

- L’emploi de l’alternance codique arabe dialectal/ français est manifestement lié à un sentiment d’insécurité linguistique. La langue française est convoitée dans les discours des jeunes algériens, mais face aux normes qui régissent cette langue des sentiments de peur, d’hésitation et d’incertitude s’installent vite d’où le recours à la langue maternelle plus sécurisante.

-On a pu constater que dans certains cas l’alternance n’impliquait pas forcément une stratégie d’ordre particulier. Elle peut bien évidemment procurer un plaisir. Selon Dominique Caubet120 le mélange peut être très drôle et la créativité en matière de mélange très plaisante, la dimension ludique de l’alternance codique permet donc aux vrais bilingues d’éprouver une joie à jongler avec les langues qu’ils ont à leur disposition et par la même occasion de renforcer un sentiment de complicité et d’appartenance à un groupe.

- d’après notre étude, on a pu constater que l’alternance codique se révèle anarchique et donc dépourvue de règles rigides comme le souligne Laroussi « Ceux qui formalisent des règles pour l’alternance de codes oublient souvent qu’ils ont affaire à un phénomène oral et conversationnel par excellence dont les motivations sont complexes et dépassent largement le cadre strictement

120

D .Caubet :« Comment appréhender le code-switching », Comment les langues se mélangent.

syntaxique»121, il ajoute « l’alternance de codes a lieu presque à n’importe quel endroit de la chaine parlée»122

-L’alternance codique offre aux jeunes une plus grande spontanéité avec l’absence de normes rigides et parfois contraignantes.

En somme, l’utilisation de l’alternance codique arabe dialectal / français est un parler profondément ancrée dans la réalité économique, sociale et culturelle du pays, de ce fait elle reflète les tensions que traverse l’Algérie actuelle, et participe comme on l’a déjà dit à la quête identitaire.

Les jeunes n’hésitent pas à adapter les langues dont ils disposent à des besoins nouveaux et cela sans complexes vis-à-vis de chacune des langues.

On ne conclut pas ici en disant simplement qu’il y a effectivement une alternance codique dans le parler des jeunes algériens, mais on a essayé de rendre compte des motivations, des fonctions et des stratégies qui impliquaient ce phénomène. On pense que les résultats auxquels on est parvenu ne sauraient être généralisés compte tenu des limites quantitatives et spatio-temporelles des enquêtes.

Enfin, sans prétendre épuiser le sujet, on voulait par ce modeste travail apporter une contribution à l’étude des pratiques linguistiques plurilingues des jeunes locuteurs algériens.

121

F .Laroussi : « La problématique du plurilinguisme et du pluriculturalisme », Université de Rouen. http://www.univ-rouen.fr

122

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