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L’altérité mise à l’épreuve

Partie II. D’un soi divisé à une unification conciliatrice

Chapitre 1. L’altérité mise à l’épreuve

1. Les nouvelles de Leonard Woolf

Si la nouvelle « A Tale Told by Moonlight » a été écrite peu après le retour de l’auteur en Angleterre (en 1911), elle n’a été publiée qu’en 1921. Parue en édition limitée (300 exemplaires) et dans une collection intitulée Stories of the East, elle ne connut pas un accueil très favorable du public. Elle fut également ignorée par la critique littéraire. Néanmoins, ces dernières années ont vu l’émergence d’un intérêt grandissant pour les nouvelles de Leonard Woolf. Notons que de multiples études ont choisi d’aborder les nouvelles et romans de Woolf à travers le cadre fourni par les études coloniales. En effet, nombreux sont les critiques qui considèrent ses œuvres littéraires comme condescendantes et en harmonie avec le discours colonial. À titre d’exemple, et toujours dans l’optique de rendre compte du nombre de critiques qui considèrent l’écrivain anglais comme un défenseur du colonialisme, nous pouvons évoquer Elleke Boehmer et Douglas Kerr268. Parmi les analyses qui insistent sur une attitude complaisante de Woolf vis-à-vis de l’empire britannique, nous ne mentionnerons que brièvement celle d’Elleke Boehmer qui qualifie « A Tale Told by Moonlight » de cynique269. La nouvelle a été également remarquée pour son attitude sympathique ainsi que pour son ambivalence270 jugée problématique par certains critiques271. Nous soutenons que l’ambivalence du récit, loin d’indiquer l’adhésion de l’écrivain britannique aux valeurs coloniales, est révélatrice de sa position critique vis-à-vis de l’empire ainsi que de l’ambiguïté inhérente au discours colonial. Analysant les écrits politiques de Leonard Woolf et tout particulièrement ses propositions pour le LPACIQ (Labour Party Committee on International Questions), Luke Reader soutient qu’au lieu de questionner l’empire, Woolf a tenté d’apporter des réponses aux questions impériales272.

268 Douglas KERR, « Stories of the East: Leonard Woolf and the Genres of Colonial Discourse », op. cit., Douglas KERR, « Colonial Habitats: Orwell and Woolf in the Jungle », op. cit.

269 « a cynical colonial romance ». (BOEHMER, Empire, the National, and the Postcolonial, 1890-1920: Resistance in Interaction, op. cit., p. 185). Boehmer qualifie « The Two Brahmans » de fable (Ibid., p. 185). 270 Mervyn DE SILVA, « Introduction II », Diaries in Ceylon, 1908-1911, Dehiwala, Tisara Press, 1983, pp. xlviii–lx. ; Catherine NELSON-MCDERMOTT, « Visions of an Incurable Rationalist: Leonard Woolf’s Stories of the East », op. cit.

271 Catherine NELSON MCDERMOTT, universitaire canadienne et spécialiste du Groupe de Bloomsbury, considère cette ambiguïté comme problématique. (« Visions of an Incurable Rationalist: Leonard Woolf’s Stories of the East », op. cit., p. 213). Dans sa préface à la dernière édition de cette nouvelle, Glendinning interprète la nouvelle de Woolf à la lumière de l’expérience de l’auteur avec des prostituées ceylanaises. (Victoria GLENDINNING,« Preface », A Tale Told by Moonlight, London, Hesperus, 2006, pp. vii–x.)

272 Luke Reader explique la position de Leonard Woolf vis-à-vis de l’empire dans ces termes : « By making colonial freedom or autonomy contingent upon adaptability towards European civilizational norms, figures

Notre objectif est de montrer que cette ambivalence est due à la volonté de l’auteur de mener une réflexion approfondie sur son passé colonial ainsi que sur son désir de mettre à nu la complexité des rapports entre le colonisé et le colonisateur, démarche qui le conduit à se remettre profondément en question. En outre, le récit est marqué par une approche narrative qui favorise l’impersonnalité273, c’est-à-dire une volonté d’effacer sa propre présence dans le texte. Toutefois, la présence auctoriale se fait sentir à travers les indices autobiographiques (les opinions de l’auteur que nous pouvons reconnaître au détour des lignes). Comme nous le montrerons, le lecteur attentif pourrait repérer des traces d’une présence autobiographique de l'auteur. Nous proposons de lire cette tentation de l’impersonnel comme une ouverture à l’autre qui se traduit par une mise à distance des souvenirs de l’écrivain, comme s’il s’observait lui-même jouer un rôle dans sa propre nouvelle.

1. « A Tale Told by Moonlight »

« A Tale Told by Moonlight » se compose d’un récit-cadre interrompu par un récit enchâssé. Le premier conte a pour décor l’Angleterre édouardienne tandis que le second se déroule dans un cadre colonial. Un narrateur anonyme ainsi que ses amis métropolitains sont réunis chez un romancier nommé Alderton. Une fois le dîner terminé, le groupe décide de sortir se promener sous un ciel étoilé. Enchantés par la nature, ils marchent en silence quand soudain, ils voient surgir un couple le long du fleuve. Le groupe entend le couple murmurer puis s’embrasser. Ce simple événement provoque une discussion au sujet de l’amour appelé ici « the great passion » ou « the real thing ». Tout le monde se montre enthousiaste et évoque ses propres aventures amoureuses sauf Jessop qui reste silencieux avant de s’opposer à cette vision d’amour qui est, selon lui, une pure invention des romanciers. Pour Jessop, l’amour

associated with anti-imperial thought articulated a form of rhetoric imbricated with imperialist themes, thoughts, and assumptions. The consequence was that Woolf and his colleagues ultimately sought to answer imperial questions, not to question imperialism itself ». (Luke READER, « Not Yet Able to Stand by Themselves »: Leonard Woolf, Socialist Imperialism, and Discourses of Race, 1925-1941, Trans-Scripts, N°1, 2011, pp. 102–130 ; pp. 124–125).

273 Le terme a été utilisé par l’auteur français, Gustave Flaubert dans sa correspondance avec Louise Colet. La théorie de l’impersonnalité, plaide pour un effacement de la personnalité de l’auteur de manière à rendre l’auteur invisible. Dans la tradition anglophone, c’est T. S. Eliot, qui dans son célèbre essai « Tradition and the Individual Talent » (1919), jette les bases de la théorie de l’impersonnalité. (Voir T. S. ELIOT, « Tradition and the Individual Talent » (1919), Selected Essays, London, Faber & Faber, 1999, pp. 13–22.). Chez Leonard Woolf, la recherche de l’impersonnel se décline en références explicites à la présence du passé (The Village in the Jungle, « Pearls and Swine », « A Tale Told by Moonligh »), aux rapports qu’entretiennent individualité et tradition (« Three Jews ») ; et plus implicitement à la dépersonnalisation, voire au renoncement au moi (The Wise Virgins).

n’est qu’une passion charnelle vouée à disparaître au bout d’un certain temps : « A boy kissing a girl in the moonlight and you call it love and poetry and romance. But you know as well as I do it isn’t. It’s just a flicker of the body, it will be cold, dead, this time next year » (« ATTBM », 4). Selon lui, le véritable amour, « the real thing » est étrange et ne survient que très rarement : « The real thing », it’s too queer to be anything but the rarest ; it’s the queerest thing in the world » (« ATTBM », 5). Il poursuit son argument en racontant une histoire qu’il considère comme étant vraie, mais rare. Il raconte alors les aventures de son ami Reynolds, romancier de renom qui lui rendit visite à Ceylan. Afin de lui montrer la vie orientale (« life in the East »), Jessop l’introduisit dans les clubs anglais où il fit la connaissance d’hommes et de femmes qu’il n’apprécia guère :

I introduced him to scores of men who asked him to have a drink and to scores of women who asked him whether he liked Colombo. He didn’t get on with them at all, he said “No thank you” to the men and “Yes, very much” to the women. He was shy and felt uncomfortable, out of his element with these fat flannelled merchants, fussy civil servants, and their whining wives and daughters. (« ATTBM », 7)

Comme le passage le suggère, Reynolds ne se sent pas à l’aise en compagnie de ses compatriotes. Par la suite, et toujours dans le but de lui révéler la vie en Orient, Jessop le conduit dans une maison close où il rencontre Celestinahami, une fille de joie aux yeux noirs et mélancoliques. Reynolds tombe éperdument amoureux d’elle et l’épouse pour ensuite se rendre compte de l’impossibilité de toute communication avec elle. Lassé de Celestinahami, Reynold obtient le divorce grâce à l’aide d’un avocat local et procède également à un acte de donation. Peu après son départ, le corps sans vie de la jeune fille est retrouvé flottant sur la mer près de son bungalow. À ce moment précis de son récit, Jessop cesse de parler et cède sa place au premier narrateur. Le récit laisse le lecteur non averti indécis quant à l’intention de l’auteur et sa position vis-à-vis de l’empire et de ce peuple colonisé. De la même manière, le conte ne précise pas si c’est Reynolds ou Celestinahami qui a rencontré l’amour.

Nous pensons que l’ambiguïté qui anime le texte de Leonard Woolf, loin d’être un simple indicateur de l’attachement de l’auteur à l’impérialisme britannique, est révélatrice de son attitude ambivalente vis-à-vis de ce dernier ainsi que de son élan en direction de l’autre oriental. En effet, cette ambiguïté, comme nous tenterons de le montrer, parcourt le récit entier et permet la mise en place de l’approche subversive de Woolf vis-à-vis de l’empire britannique. Pour illustrer notre propos, nous aurons recours au concept de la vulnérabilité de Guillaume Le Blanc ainsi qu’aux théories d’Edward Saïd concernant l’orientalisme. Dans « A Tale Told by Moonlight », Woolf se livre à une réflexion

approfondie sur son passé impérial et expose la vérité cachée sur la présence anglaise à Ceylan. L’omniprésence de l’ambiguïté dans le récit, sa structure narrative complexe ainsi que la diversité des voix narratives seront traitées en premier pour ensuite étudier la façon dont Woolf aborde les vies vulnérables. La technique narrative utilisée par Woolf dans « A Tale Told by Moonlight » lui permet d’exprimer ses doutes quant à la légitimité de sa propre présence à Ceylan et l’impact qu’elle peut avoir sur la population locale. L’ambivalence du récit devrait être comprise comme une tentative d’objectivité auctoriale qui entraîne tout à la fois l’effacement et l’exposition de l’auteur. Son approche des vies invisibles dans la nouvelle sera également abordée comme une approche singulière et subversive permettant de mettre à nu la vie des sujets coloniaux ainsi que leur existence précaire. La théorie de l’hybridité de Bhabha nous aidera à mieux mettre en évidence la résistance latente du texte à l’égard de toute catégorisation fixe.

Pour commencer, le dispositif d’encadrement, qui permet à Woolf d’intégrer plusieurs récits à l’intérieur d’un seul, prête à équivoque dans la mesure où cette même technique a été utilisée pour la première fois par Joseph Conrad dans son célèbre ouvrage de 1899, Heart of Darkness. Le chef-d’œuvre de l’écrivain britannique a fait l’objet de critiques sévères en raison de son traitement du peuple indigène. Dans une conférence intitulée « An Image of Africa », Chinua Achebe accuse Joseph Conrad de racisme : « Conrad was a bloody raciste274 ». Le cadre colonial du deuxième conte, accompagné de l’emploi de cette méthode narrative associée à Conrad, encourage une lecture coloniale de la nouvelle de Woolf. Qui plus est, l’usage du double narrateur, également emprunté à Conrad, est source de confusion, car l’histoire de Celestinahami et Reynolds est relatée par un témoin indirect. La première histoire a pour cadre l’Angleterre édouardienne et la deuxième Colombo, la grande capitale du Ceylan. La mise en narration est conduite par le biais de deux narrateurs indépendants. Le premier narrateur établit le décor et introduit Jessop. Par la suite, Jessop prend en charge la narration pour ensuite disparaître avant de réapparaître à la fin de la nouvelle.

Nous constatons que le dispositif d’encadrement est accompagné d’une exposition très discrète du passé colonial de l’auteur, ce qui lui permet de se dévoiler tout en restant en retrait. En effet, les différents personnages du récit héritent de différents traits de caractère de Leonard Woolf, comme si l’auteur souhaitait se rendre invisible en leur attribuant différentes parties de son identité présente et passée. Jessop est décrit comme étant un ancien agent colonial à Ceylan. De plus, comme le premier narrateur le laisse entendre, Jessop n’est

pas apprécié de tous, car il a sa propre manière de révéler des vérités brutales : « many people did not like Jessop. He had rather a brutal manner of sometimes telling brutal things–the truth, he called it » (« ATTBM », 7). La ressemblance entre Jessop et Woolf est telle que la phrase d’ouverture de la nouvelle aurait pu être un extrait de la biographie de l’auteur.

En outre, les indices autobiographiques, indiquent une ressemblance non négligeable entre le romancier anglais et Reynolds, qui lui aussi est écrivain : « he was a thin feeble-looking chap, very nervous, with pale face and long pale hands » (« ATTBM », 6). En effet, la nervosité de Reynolds est telle qu’elle rappelle le tremblement intense des mains de Woolf lui-même. D’autres faits tirés de son vécu tels que son amour pour Gwen275 ainsi que sa courte période de concubinage avec une femme burgher à Jaffna le rapprochent également du personnage de Reynolds (LLW, 107). Qui plus est, ses trois interlocuteurs sont calqués sur les membres du groupe Bloomsbury, à savoir Alderton le romancier, Pemberton le poète

et Hanson Smith le critique276. Rappelons-nous qu’au moment de son départ pour Ceylan,

l’une des valises de Leonard Woolf contenait les œuvres complètes de Voltaire. Comme Woolf l’explique de manière satirique dans Growing, ces ouvrages étaient censés l’aider à mieux se préparer à ses futures fonctions : « All that I was taking with me from the old life as a contribution to the new and to prepare me for my task of helping to rule the British Empire was 90 large, beautifully printed volumes of Voltaire and a wire-haired fox terrier » (G, 12). Robson, dans « A Tale Told by Moonlight », incarne cette naïveté du colonisateur.

Le dilemme de Reynolds est celui d’un intellectuel anglais comme Woolf qui se sent perdu face à son amour pour une prostituée cinghalaise avec laquelle il ne peut pas communiquer et sur laquelle il projette tous ses fantasmes. Par ailleurs, la réaction de Reynolds vis-à-vis des Anglais reflète le sentiment d’aliénation que Woolf a dû éprouver au contact de ses compatriotes anglais rencontrés à son arrivée à Ceylan277. Tout comme Woolf,

275 Woolf a écrit le passage suivant concernant son désir pour Gwen : « I am beginning to think it is always degraded being in love: after all 99/100ths of it is always the desire to copulate, otherwise it is only the shadow of itself, & a particular desire to copulate seems to me no less degraded than a general ». Voir Leonard WOOLF, Letters of Leonard Woolf, op. cit. p. 107.

276 Voir Anindyo ROY, « “Telling Brutal Things”: Colonialism, Bloomsbury and the Crisis of Narration in

Leonard Woolf’s “A Tale Told by Moonlight” », Criticism, Vol. 43, N°2, 2001, p. 189–212.

277 Comme Woolf le note dans son autobiographie, la société anglaise à Ceylan est régie par des règles sociales strictes qui déterminent le comportement d’individus apparentenant aux différentes classes sociales : « The British were divided into four well-defined classes: civil servants, army officers, planters, and business men. There was in the last three classes an embryonic feeling against the first. The civil servant was socially in many ways the top dog; he was highly paid, exercised considerable and widely distributed power, and with the Sinhalese and Tamils enjoyed much greater prestige than the other classes […] White society in India and Ceylon, as you can see in Kipling’s stories, was always suburban. In Calcutta and Simla, in Colombo and

Reynolds se sent mal à l’aise face aux questions récurrentes des hommes et des femmes anglais qu’il rencontre à Ceylan. De toute évidence, l’auteur préfère partager son identité entre des personnages différents dans le but de brouiller les pistes de lecture. Ceci rappelle la tendance de Leonard Woolf à se percevoir comme un acteur qui joue un rôle sur la grande scène de l’univers. Dans Beginning Again, le troisième volume de son autobiographie, l’écrivain britannique se décrit comme un intellectuel introspectif atteint de troubles de la personnalité multiples :

I was born an introspective intellectual, and the man or woman who is by nature addicted to introspection gets into the habit, after the age of 15 or 16, of feeling himself, often intensely, as ‘I’ and yet at the same time of seeing himself out of the corner of his eyes as a ‘not I’, a stranger acting a part upon a stage. (BA, 17)

Comme Woolf l’indique, dès l’âge de quinze ans, il se voyait agir sur la grande scène du monde, comme si son identité était partagée entre deux êtres. Leonard Woolf associe cette existence théâtrale à une sensation d’irréel : « […] then and all through my years in Ceylon, I felt a certain unreality, theatricality, as if out of the corner of my eye I observed myself acting a part » (BA, 16). La confrontation, dans « A Tale Told by Moonlight », des différentes périodes de sa vie—son séjour de sept ans en tant qu’administrateur à Ceylan et sa vie en tant qu’écrivain en herbe à son retour de Ceylan—effectuée par le biais de différents personnages, permet à Woolf de se mettre véritablement en scène en vue d’exposer l’« impérialiste inconscient » (BA, 25) qu’il était autrefois et de confronter celui-ci avec l’écrivain engagé et anticolonialiste qu’il est devenu. La technique narrative de Woolf est donc fondée sur une mise à distance des différentes facettes de sa personnalité, ce qui permet de créer une certaine impersonnalité au sein du récit. Cette technique permet de brouiller les pistes de lecture et crée ainsi une certaine ambivalence. En privilégiant deux voix narratives distinctes, Woolf crée la sensation, pour le lecteur, que le narrateur est au moins deux personnages différents, voire davantage. Qui plus est, la narration est enrichie par les voix de personnages qui apportent des témoignages essentiels à la compréhension du récit, créant ainsi un récit polyphonique.

Les éléments autobiographiques indiquent également l’amour de Leonard Woolf pour la vérité, « the truth » comme le précise le narrateur. Selon Victoria Glendinning, ce désir de

Nuwara Eliya, the social structure and relations between Europeans rested on the same kind of snobbery, pretentiousness, and false pretentions as they did in Putney or Peckham » (G, 16–17).

vérité est lié à la philosophie « des apôtres » (« the apostles278 ») dont faisait partie Leonard Woolf. Les apôtres de Cambridge formaient une société intellectuelle secrète de l’Université de Cambridge qui fut fondée en 1820 par George Tomlinson. Connue également sous le nom de « Cambridge Conversation Society », elle avait pour objet de débattre de sujets aussi divers que la vérité, l’éthique ou Dieu. Certains des plus éminents membres du groupe de Bloomsbury tels que John Maynard Keynes, Leonard Woolf, G. E. Moore, E. M. Forster, Rupert Brooke, Lytton Strachey et son frère James faisaient partie de cette société secrète. Dans une conférence donnée à l’Université de Cambridge, intitulée « Embryos or Abortions ? », Woolf affirme qu’une simple description des choses telles qu’elles existent dans le monde est sans valeur : « merely to give faithful descriptions of things as they are in the world is of no value279 ». Dans ce discours, Woolf envisage une forme moderne de la fiction qui serait à même de faire le distinguo entre le réalisme et la réalité tels qu’ils sont conçus par les apôtres : « Leonard, in this paper, envisaged a modern form of fiction which would demonstrate this distinction between realism and reality—the apostolic reality, a matter of perspective, universal truth, and the perception of links and connections between disparate happenings280 ». L’intérêt qu’éprouve l’auteur pour la vérité est lié à son penchant pour les expérimentations psychologiques. Woolf a aidé à mener une expérimentation psychologique intitulée « The Method ». Cette approche a été inventée par Lytton et Woolf lui-même. Selon cette méthode, la communication de vérités psychologiques entre amis