• Aucun résultat trouvé

II. 3.3.1.1.d. La quatrième phase

II.3.3.3. L’aire culturelle

L’abandon d’un type territorial de base primaire se produit lorsque plusieurs unités qui correspondent à celui-ci, se trouvant identifiées dans leur ensemble comme une unité plus grande, comprise dans d’autres « limites relativement infranchissables » de portée plus grande que celle de l’intérieur, finissent par assumer une dimension de territoire plus étendue que le précédent dans la conscience du territoire de chacun de ceux qui appartiennent à cette unité d’échelle plus grande.

Pour que cela se vérifie, il faut donc que cette dimension plus étendue corresponde à une portion de territoire délimitable par des confins naturels, une forme quelconque d’émergence territoriale, qui ait aussi visuellement une autonomie par rapport au territoire environnant. Dans une aire ainsi faite, une plus grande possibilité d’échange se réalisant entre ses habitants qu’entre ceux-ci et ceux qui les entourent, il se forme un lien particulier, un code global de comportement, une coutume, une langue : bref, une aire culturelle différenciée des autre.

93

Conclusion de la première partie :

Le déroulement de notre recherche consistait à savoir d’où est venue exactement la notion d’"espace public", étant donné que son emploi fréquent par les architectes et les urbanistes cache une part importante de ses diverses significations et laisse entendre qu’elle est propre à l’architecture et à l’urbanisme. Ce qui conduit à une mauvaise façon de circonscrire une notion et savoir ce quelle doit désigner dans la ville. En ce qui concerne cette notion, il s’agit, prioritairement, de distinguer et ne pas mélanger les discours, car la rigueur méthodologique requiert, en premier lieu, cette condition.

Notre recherche consistait à éclaircir et définir un concept, à savoir l’« espace public », celui-ci est, depuis quelques années, tombé dans le langage courant et devenue sujet à équivoque. Quand un mot tombe dans le langage courant il devient un signifiant à plusieurs signifiés et un concept difficile à saisir par les spécialistes dans les différents domaines qui ont pour but ou pour souci de comprendre une catégorie liée à ce concept.

L’"espace public" est considéré comme un instrument de la connaissance, c'est-à-dire, il permet de rendre compte d’un ou de plusieurs aspects de la réalité et pour que cette saisie du réel, à travers une notion, soit possible et réalisable, il faut faire la part des choses. C'est-à-dire, il faut voir exactement ce que désigne ce concept dans un tel ou tel autre domaine. Donc, la difficulté de ce concept réside dans le fait que lorsqu’un chercheur choisit pour thème l’espace public, finit, souvent, par mélanger les discours et prendre comme si l’espace public est un concept déjà acquis et qu’il faut juste travailler sur le réel, appliquer ce concept à une ville ou à un espace public quelconque.

Mais en vérité, le concept n’est jamais saisi et si on veut l’appliquer à la ville, il faut savoir faire les distinctions possibles. C'est-à-dire donner aux autre domaines, chacun la part qui lui revient de ce concept et appliquer les différents résultats ou les différents modèles théoriques et voir, sur la base de la cohérence du modèle, quels sont les éléments qui manquent à la réalité ou quels sont les facteurs qui l’empêchent de s’aligner au modèle.

Certainement, il y a ici un risque, car le concept d’"espace public" est devenu un idéal-type et il est lié à l’histoire du continent européen. Quand on l’applique à d’autres pays ou à d’autres milieux, ne sommes nous pas en train de forcer la réalité à se conformer à un modèle ? Mais quand on veut ramener à une connaissance, c'est-à-dire à des concepts, le réel, on est contraint de trouver des liens ou des relations entre le réel et un modèle théorique ;

94

c’est notre seule chance, c’est d’ailleurs la seule possibilité. Mais il est aussi possible de partir d’un certains nombre d’éléments qui sont schématiques ou hypothétiques d’une notion et faire une approche empirique sur un cas bien précis, historiquement et spatialement donné, et construire, de manière inverse le modèle théorique.

Mais pour ce qui est du notre, nous nous sommes retrouvés dans une position qui est la suivante : choisir de travailler sur l’"espace public" et d’une manière directe et presque spontanée, on accepte d’emblée que tous les espaces dans la ville ; les espaces urbains extérieurs qu’ils soient des places ou des rues ou même des espaces vides ou interstitiels, tous forment des espaces publics. Et tout à coup, on commence, par exemple, selon certaines idées qui reviennent souvent, de parler de pratiques sociales, d’ambiances, d’image, de perception, de représentation, de symboles,… de quelques mots qui ne sont pas tout à fait saisis, mais qu’on les exploite comme s’ils sont déjà saisis et compris.

Une définition que nous avons retenu exprime peut être de façon lucide ce genre de positions « (…) l’une des principales tâches de l’architecte réside dans la définition et l’agencement (selon des critères non seulement physiques mais aussi fonctionnels, symboliques, esthétiques…) d’un ensemble « d’objets spatiaux » : des éléments matériels (qui génèrent la forme) et immatériels (qui génèrent des espaces de vie et renferment un message). L’espace public est de ce fait interprétation, signification et expression d’une intentionnalité ; c'est-à-dire espace de représentation mentale. »87

Cependant, notre position consiste à ne pas mettre la charrue devant le bœuf, mais plutôt voir ce que la catégorie "public" désigne quand on l’applique à un seul aspect du réel et en tenant compte d’une seule variable. A titre d’exemple, quand on parle de l’espace public, il est nécessaire de situer et déterminer le sens du "public" que nous avons exploité et associé à la notion d’"espace". Si on considère le sens juridique, on va voir qu’est ce qui fait que certains espaces sont différents des autres par rapport à leur statut juridique, puis il y’aura une autre notion qui va surgir, construite aussi avec le mot "public" et plus ancienne, celle-ci est la notion de « domaine public ».

On est, ainsi, amené à analyser les fondements de cette notion, le particularisme du régime juridique à laquelle il est applicable et ce qu’elle peut désigner dans la ville ; et de

87 BOULEKBACHE-MAZOUZ Hafida, « Lire l’espace public pour mieux l’écrire », Études de communication [En ligne], 31 | 2008, mise en ligne le 01 décembre 2010. URL : http://edc.revues.org/index757.html, p. 02.

95

manière expérimentale, on peut projeter cette notion sur un territoire quelconque, on trouvera certainement qu’il y aura des espaces ou des composantes de ce territoire qui sont incorporées dans le domaine public, mais pour l’espace public elles ne constituent presque rien. Comme on l’a déjà vu, il est nécessaire de savoir quels sont les moments où les deux notions se rejoignent et quels sont les moments où les deux notions se différencient. Ainsi, et de manière successive, on va voir dans les autres disciplines, quels sont exactement le signifiant et le signifié, car ceux-ci varient sensiblement d’un domaine à l’autre et cette variation conduit souvent à installer la confusion.88

Pour lever cette confusion, il est nécessaire de réactualiser le sens du "public" par rapport à la ville. Quel est alors la relation entre l’espace public et la ville ? Dans quel sens réactualisé cette relation doit être envisagée ? Avant d’essayer de répondre à cette question on doit apporter quelques précisions. Avant tout, la ville est déjà un phénomène à "n dimensions"89 ; il est évident qu’il y a une infinité de dimensions et de manières de voir la ville et comprendre le phénomène urbain, dans la mesure où la ville constitue un objet pour un certain nombre de disciplines qui s’intéressent toutes à la ville, chacune selon son propre point de vue. Un spécialiste des sciences juridiques peut faire des distinctions, au sein de la ville, entre des territoires et d’autres en fonction de leur statut juridique ou de leur mode de gestion, par exemple. Un économiste a aussi son propre point de vue sur la ville comme support d’activités de production et d’échange, etc.

Dans notre cas, par rapport au concept que nous avons mis de l’avant, l’"espace public" ; la ville doit encore avoir un sens et ça dépend de notre façon de voir l’espace public lui-même, parce que ce dernier est une notion à plusieurs dimensions et lorsque nous sommes arrivés au sens spatial90 ou au sens « architectural et urbain », on doit ne s’intéresser qu’à l’aspect physique. A ce niveau, l’espace physique doit être abordé de front, car il existe, c’est la matière première qu’on peut représenter, démonter décomposer, recomposer et manipuler. C’est une attitude qui doit savoir mobiliser des outils qui donnent accès à une véritable

88 On voit que l'espace concret a été congédié. On voit aussi qu'une certaine confusion s'installe nécessairement si l'on veut cependant continuer à parler d'espace public réel tout en s'accrochant à des concepts qui l'ont évacué de l'analyse : "notion confuse", dit Isaac Joseph.

89 Emprunté à l’idée d’une histoire "à n dimensions" qui a été formulée par l’historien français Fernand Braudel, et a servi de programme à l’École dite "des Annales."

90 D’abord nous l’avons appelé spatial et puis nous avons renoncé, car l’"espace" aussi doit avoir plusieurs sens et plusieurs manifestations ; il est parfois employé métaphoriquement parfois concrètement et il est aussi sujet à de multiples interprétations.

96

connaissance théorique relative au monde architectural qui présente plus ou moins une certaine autonomie par rapport aux autres aspects, en l’occurrence le système fonctionnel ou les pratiques sociales. Ceci ne consiste pas à négliger ces derniers, car ils jouent, certainement, un rôle incontestable dans la dynamique des espaces publics.

Une simple démonstration peut rapprocher ce sens ; quand un parcours devient, à un moment donné, un support d’édification de part et d’autre de sa largeur ; quand une édification gagne progressivement ses marges, il y a émergence de l’espace public urbain. C’est dans cette optique que nous devons analyser l’espace public. Parce que nous croyons qu’il y a une nécessité de comprendre l’espace public séparément des autres aspects et puis dans un autre stade, ultérieur, nous pouvons surajouter ou annexer d’autres aspects à l’espace public analysé en terme concret et physique, uniquement.

D

98

CHAPITRE III. L’espace public en Algérie :

III.1. L’INTERPRETATION JURIDIQUE : Introduction :

Des questions soulevées par le droit dans le monde musulman, relatives aux statuts des espaces urbains et à la réglementation de leurs usages, remontent à une période bien antérieure à l’apparition de la notion du domaine public en Occident. Dans le monde musulman sunnite médiéval ces questions ont constitué un champ de réflexions juridiques et jurisprudentielles de la part des ulémas, fuqahas, et muftis. Comme la notion du domaine public n’existe pas en droit musulman, il existe néanmoins d’autres institutions de gestion du bien commun, comme al-hisba et al-waqf.

Cependant, l’interprétation juridique que rend possible l’espace public d’une quelconque réalité, ne peut se faire que rapportée à une notion juridique de même genre « domaine public ». Mais le fait que cette notion n’existe pas en tant que telle en droit musulman, nous amène à comprendre la façon d’appréhender les représentations juridiques de l’espace comme relevant d’un statut "public" hors de cette notion.

III.1.1. Spécificité de la conception juridique de la chose publique dans le