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INTRODUCTION GENERALE

I- 2 L’Afrique dans la mouvance de la « société de l’information »

« La véritable démocratie, c‟est l‟ordinateur et l‟Afrique ne demande qu‟une chose, c‟est d‟être à la table de la société de l‟information, comme tout le monde. En refusant au continent africain la sous-éducation, la sous-santé et toutes ces tares qui semblent vouloir l‟habiter éternellement, j‟exhorte les uns et les autres à combler le gap dans tous les domaines »119. Cet extrait de discours du Président Sénégalais donne la tonalité avec laquelle les acteurs politiques africains abordent la question globale de la société de l‟information et des NTIC dont l‟Internet. C‟est un positionnement emprunt d‟excès et de pondération qui a été facilité par un environnement institutionnel et international déjà acquis à la cause d‟une société de l‟information et à la portée de celle-ci en Afrique. La résolution 795 (XXX) de l‟ONU a eu pour objet la « Mise en place de l‟autoroute de l‟information en Afrique ». La résolution 812 (XXXI) quant à elle a porté sur la « Mise en œuvre de l‟initiative africaine à l‟ère de la société de l‟information (AISI) ». S‟y ajoutent les recommandations du Comité inter-agences des Nations unies sur l‟accès universel aux services d‟information et de communication, ACC (statement to basic communication and information services) pour constituer une première série de dispositifs relayés par l‟Organisation de l‟unité africaine (OUA) devenue UA (Union Africaine)120. Les implications ont été nombreuses au niveau des pays qu‟il s‟agisse de diagnostics sur l‟état des lieux des réseaux de communication, d‟échanges d‟expériences ou de projets de vulgarisation des nouvelles technologies. A la suite de l‟ONU et ses agences, de nombreux programmes internationaux de développement des NTIC ainsi que d‟autres manifestations de promotion ont vu le jour en Afrique par des organismes et des institutions aussi divers que la Banque mondiale, l‟Agence internationale de la francophonie (AIF), l‟Union internationale des télécommunications, les coopérations française et canadienne, le gouvernement américain, la fondation du Devenir (Suisse), etc. Le sous-titre d‟un dossier sur les NTIC en Afrique paru en 2000, relève cette tendance :

119 C‟est un extrait de discours de M. Abdoulaye Wade, Président de la République du Sénégal, cité par CHENEAU-LOQUAY (A.), « Comment les NTIC sont-elles compatibles avec l‟économie informelle en Afrique ? », in l‟Annuaire Français des Relations Internationales 2004-Volume 5, pp. 345-363.

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Conference Report, Global Connectivity for Africa : Issues and options, Addis Abeba, Ethiopia, june 2-4, 1998, 79 p. Sponsored by The United Nations Economic Commission for Africa, The World Bank Group, The Information for Development Program (Infodev), The International telecommunication Union, The African Development Bank, The Government of the Netherlands, Siemens ; Cosponsored by Teledesic, RASCOM, World Space, Iridium.

« Programmes internationaux : gare aux éléphants blancs »121. La décennie 1990 a vu se multiplier en Afrique et ailleurs, les discours, les rencontres, les actions et les projets sur le créneau des nouvelles technologies de la communication comme facteur essentiel du développement. Qu‟il s‟agisse des sud-africains Nelson MANDELA et Thabo MBEKI ou encore du malien Alpha Oumar KONARE, les illustres représentants de l‟Afrique ont saisi toutes les opportunités pour mobiliser une prise de conscience sur les enjeux des TIC et surtout interpeller la communauté internationale sur leur nécessaire greffe aux politiques publiques de développement plutôt que leur abandon à l‟unique sphère du marché122

. La participation de Thabo MBEKI, alors Vice-président sud-africain, à la conférence du G7 sur la société de l‟information de février 1995, a eu comme conséquence immédiate, l‟organisation d‟une conférence sur la Société de l‟information et le développement (ISAD) qui s‟est tenue à Midrand (Afrique du Sud) du 13 au 15 mai 1996123

. La République sud-africaine a en outre accueilli en 1998 et 2001, les manifestations d‟ITU TELECOM pour l‟Afrique. Comme lors des précédentes éditions de 1990 au Zimbabwe et de 1994 en Egypte, ces rendez-vous de l‟UIT autour de thèmes porteurs d‟enjeux de développement pour l‟Afrique (soit en 1994, L‟intégration régionale et mondiale de l‟Afrique-un défi pour les télécommunications et le développement ; en 1998, Stratégies pour un développement durable), ont mis en exergue l‟apport certain des télécoms et plus globalement des TIC dans les scénarios de développement envisageables en Afrique dans un contexte de mondialisation, le gros écart qui sépare ce continent du monde industrialisé, l‟existence de solutions technologiques et de perspectives politiques engagées dans le resserrement des écarts et un meilleur arrimage de l‟Afrique à une société de l‟information véritablement mondiale124

. La volonté politique a été clairement affirmée comme l‟indiquent deux propos d‟Alpha Oumar KONARE malgré l‟étroitesse des capacités d‟action, au niveau des pouvoirs publics et des autres acteurs. D‟abord en octobre 1996, lors de la conférence sur l‟Afrique et les nouvelles technologies : « Si nous disons oui aux nouvelles technologies de l‟information, c‟est sans naïveté, car nous savons qu‟elles recèlent des enjeux considérables »125. Ensuite en novembre 2003, dans le cadre de la préface d‟une revue consacrée à la société de l‟information à la veille du sommet onusien qui fut consacré à ce thème : « Depuis plus d‟une décennie, les

121 Marchés tropicaux et méditerranéens, « Nouvelles technologies de la communication et de l‟information en Afrique », n° 2852, juillet 2000, p. 1298.

122 CHENEAU-LOQUAY (A.), « Entre local et global, quel rôle de l‟Etat africain face au déploiement des réseaux de télécommunications ? », in Afrique contemporaine, numéro spécial, 199, juillet-septembre 2001, pp. 36-37.

123http://www.telecom.gouv.fr/francais/activ/techno/clpresid.htm, 7 p, consulté le 07/09/1999. 124

http://www.itu.int/itunews/issue/2001/09/connecting-fr.html, 22p, consulté le 05/05/04.

Africains se sont engagés dans une nouvelle conquête, mettre les technologies de l‟information au service de leur développement. (…) Ces technologies doivent d‟abord aider les Africains (…) en faisant la promotion des grandes langues africaines porteuses de savoirs et de cultures. (…) La présence de contenus africains est la seule garantie du profit que nous pourrons tirer de la société de l‟information en devenir »126

. L‟effervescence d‟une appropriation nécessaire des TIC a été également portée par les acteurs de la société civile dans les pays développés vers les pays en développement. Fruit de la coopération suisse, ANAIS, projet et réseau, a consisté entre autre à s‟appuyer sur le milieu associatif pour permettre une plus grande vulgarisation sociale des usages d‟Internet. C‟est dans ce cadre que cette structure a organisé la rencontre de « Bamako 2000 » en février de la même année. Autour du thème des passerelles de développement offertes par Internet, les 1500 participants-dont une majorité d‟associations-devaient s‟efforcer d‟accorder leurs vues sur les TIC identifiées à la fois comme le moyen principal pour préparer l‟entrée dans la société de l‟information mais aussi le facteur clé, porteur de nouvelles possibilités de développement. Au terme de la rencontre, les principales conclusions suivantes ont émergé sur les TIC : élaborer des politiques de développement là où elles n‟existent pas encore, renforcer et étendre les stratégies d‟appropriation et de vulgarisation là où des bases ont été installées. Plusieurs rencontres tout aussi animées par le même esprit, se sont déroulées à travers le continent africain sur la base du mode de représentation pluripartite127. Ainsi, le rendez-vous de « Bamako 2002 » a servi de plate forme à la préparation africaine de la première phase du Sommet mondial sur la société de l‟information128

. La rencontre « d‟ACCRA 2005 » a servi de cadre à l‟Afrique pour réaffirmer sa volonté de participer pleinement à la deuxième étape du SMSI129. Avant ces échéances en effet, nombreuses ont été les occasions d‟esquisser des bilans de la situation africaine sur les divers aspects en débat (société de l‟information, NTIC, Internet, etc.). En août 2003, le contenu du premier numéro de la revue NETSUDS reprenait l‟essentiel des communications d‟un colloque consacré aux fractures numériques Nord/Sud

126 KONARE (A.O.) [Ancien président de la République du Mali et Président de l‟Union africaine], « Pas sans nos langues », in Annuaire suisse de politique de développement, 2003, Vol. 22, n° 2, p. XI (Dossier spécial, Société de l‟information et coopération internationale, DEVELOPMENT.COM).

127 Parmi les participants, on notait la présence des délégations des pays africains, de nombreux Etats étrangers, des représentants d‟organisations internationales africaines et internationales, du secteur privé et de la société civile.

128 Agence intergouvernementale de la francophonie [AIF], Qu‟est-ce que l‟Afrique apporte à la société de

l‟information ?, Atelier n° 2, Conférence régionale africaine préparatoire au SMSI Genève 2003/Tunis 2005,

26-30 mai 2002, 7p.

129 Par SMSI, il faut entendre Sommet mondial sur la société de l‟information ; [AIF], Les engagements d‟Accra

pour le Sommet de Tunis 2005, Conférence régionale africaine préparatoire au SMSI Tunis 2005, 04-février

retournées dans tous les sens au point qu‟elles ont été identifiées-toutes proportions gardées- dans les pays africains mais aussi dans des pays dits développés130. En novembre 2001, la semaine internationale sur l‟Afrique tenue à Bordeaux avait permis à des observateurs avertis d‟échanger leurs expériences et leurs points de vues dans le cadre de la table ronde n° 7, « Nouvelles technologies, nouvelles utopies ? ». Des évolutions de fond étaient réelles et observables dans le secteur privé (cas des télécentres et des cybercafés) et le secteur public (cas des campus numériques de l‟AUF). Malgré l‟existence de blocages importants et le côté idéologique des NTIC, les participants avaient conclu sur une note d‟espoir : « les NTIC sont porteuses de mutations bénéfiques pour l‟Afrique. Elles sont dans ce sens une utopie nécessaire, à condition que l‟Afrique et les Africains se donnent les moyens d‟en faire une opportunité et une chance »131. A quoi sert Internet en Afrique ? et L‟Afrique au cœur de la société de l‟information sont deux thèmes qui ont constitué respectivement le débat n° 330 et la tribune n° 340 de l‟Université d‟été de la communication d‟Hourtin d‟août 2001. L‟Afrique a-t-elle besoin d‟Internet ? fut le thème d‟un forum organisé en mai 2001 par Le monde Interactif. Contrairement à un scénario où le diagnostic des situations africaines a souvent été l‟unique œuvre des spécialistes du monde développé, l‟originalité de ces rencontres aura été l‟apport des analyses, des observations, des critiques et des expériences des africains vivant au quotidien les réalités et les mythes portés par les NTIC132. Cet élan socio-politique et cette mobilisation ont finalement rendu possible une participation reconnue et active de l‟Afrique dans l‟organisation du SMSI de Genève (décembre 2003) et de Tunis (novembre 2005), aussi bien en amont qu‟en aval. Au-delà de cet effort de participation et de proposition, les enjeux pour l‟Afrique tiennent dans sa capacité à tirer profit à grande échelle des bénéfices concrets des TIC et d‟une société de l‟information mondiale. C‟est dans le magma de ces processus croisés (Société de l‟information, NTIC, Internet et développement en Afrique : acteurs, dynamiques, problèmes et perspectives), que se situent au cas par cas de nombreux pays dont le Gabon.

130 NETSUDS, Les fractures numériques Nord / Sud en question, n° 1, août 2003, AFRICA‟NTI / CEAN-L‟Harmattan, Paris, 149 p.

131 MAKANGA BALA (M.P.) et AURORE (A.), Les nouvelles technologies de la communication au Sud

sont-elles de nouvsont-elles utopies ?, Table ronde n° 7-Document de synthèse, 19-23 novembre 2001, Bordeaux [Semaine

Universités, Coopération et Solidarités Internationales / Afrique Sub-saharienne /Dynamiques des Afriques],

www.afrique.poleuniv.u-bordeaux.fr .

132 Si on considère l‟exemple de l‟Université d‟été de la communication 2001, les contributions des membres du réseau AFRICA‟NTI ont mis en relief à travers des exemples précis (Sylvestre OUEDRAOGO et les usages du net au Burkina Faso, Rabia. ABDELKRIM-CHIKH et l‟activité de ENDA CYBERPOP au Sénégal), l‟idée qu‟en Afrique, Internet, au-delà des préjugés, sert de plus en plus à remplir des fonctions sociales polymorphes. De même, dans le cadre du forum du Monde Interactif, Olivier SAGNA a indiqué, que loin d‟être superflue, la mobilisation pour l‟Internet en Afrique, témoignait plutôt du fait que « le besoin est plus fort que dans les pays du Nord », www.lemonde.fr/lemondeinteractif, mai 2001.