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PARTIE 2 : un contexte d’actualité

2. Pour la liberté de choisir son avenir professionnel

2.2. L’AFEST reconnue dans la réforme de la formation

a) L’apprentissage en situation de travail : une problématique ancienne

Revenons sur une problématique ancienne d’apprentissage en situation de travail. Les dispositifs de formation ont évolué en fonction des contextes socio-économiques. Rappelons, dans un premier temps, que la transmission de savoir dans le cadre du compagnonnage était réalisée en situation, avec un maître qui guidait le compagnon dans l’acquisition du savoir.

Le travail est reconnu comme source de formation dans l’histoire, la transmission du savoir se faisant par les pairs. Le compagnonnage en est un exemple toujours d’actualité pour les métiers artisanaux et nécessitant des techniques ancestrales notamment dans le cadre des réhabilitations du patrimoine bâti.

L’approche clinique de l’activité que nous développerons ensuite, nous enseigne le lien indissociable entre activité et apprentissage (formel ou informel). Les dispositifs de formation aux métiers artisanaux ont été mis à mal lors de l’essor technico-industriel du XIXème s. Cette époque a laissé une place importante aux formations initiales notamment pour favoriser la transmission en masse des savoirs nécessaires aux nouveaux métiers. Mais parallèlement, des formations courtes formelles ou informelles se sont développées en industrie pour faire face à la productivité.

Dans les années 1960, l’encadrement, dans les entreprises, se voit confier « la responsabilité de la formation occasionnelle, sur lieu de travail, sur le tas » (Benielli, 1964)53. Les techniques pédagogiques en situation de travail se développement fortement : « il faut […] fournir aux futurs moniteurs une technique pédagogique simple, d’assimilation facile mais efficace, pour permettre des formations accélérées »54. Ces dispositifs permettent de répondre dans l’urgence aux besoins en compétences des industries.

Dans les années 1980, du fait des innovations technologiques et de l’évolution des métiers de service, « un nouvel équilibre s’est lentement mis en place entre le système éducatif, le système productifs et les processus individuels et collectifs d’apprentissage durant la vie active »55. Mais la floraison de « micro-savoirs spécifiques » accompagnant l’évolution des métiers a contribué à renforcer la place de la formation en entreprise.

b) Reconnaissance de l’action de formation en situation de travail

Les plans successifs de développement de l’alternance et la mise en place de la VAE en 2002 confortent la reconnaissance de l’acquisition de compétences en situation de travail. La réforme de la formation de mars 2014 donne une impulsion législative à la Formation en Situation de Travail (FEST). Cette réforme « promeut un usage plus stratégique de la formation au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation du parcours des actifs ». Comme nous l’avons exposé précédemment, la nouvelle définition de l’action de formation impulse la possibilité, pour les employeurs d’inscrire de nouveaux dispositifs de formation comme l’AFEST dans leur plan de développement des compétences.

Le Décret n° 2018-1341 du 28 décembre 2018 relatif aux actions de formation et aux modalités de conventionnement des actions de développement des compétences définit, par l’article D. 6313-3-2, les conditions de mise en œuvre de l’Action de Formation en Situation de Travail.

«1° L'analyse de l'activité de travail pour, le cas échéant, l'adapter à des fins pédagogiques ;

« 2° La désignation préalable d'un formateur pouvant exercer une fonction tutorale ;

« 3° La mise en place de phases réflexives, distinctes des mises en situation de travail et destinées à utiliser à des fins pédagogiques les enseignements tirés de la situation de travail, qui permettent d'observer et d'analyser les écarts entre les attendus, les réalisations et les acquis de chaque mise en situation afin de consolider et d'expliciter les apprentissages ;

« 4° Des évaluations spécifiques des acquis de la formation qui jalonnent ou concluent l'action. »56

53 Cité par Santelmann Paul. AFEST : quelques leçons d’une expérimentation prometteuse. Apprendre et se former en situation de travail. Éducation permanente, 2018, N° 216, p. 130

54 Ibid

55 Ibid p. 131

56 Légifrance, Service Public de la diffustion du droit [En ligne].

https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2018/12/28/MTRD1833743D/jo/texte. (consulté le 3 octobre 2019)

Il nous semble important, pour le lecteur, d’expliciter les quatre étapes qui jalonnent ce parcours.

- L’analyse de l’activité de travail pour l’adapter à des fins pédagogiques.

L’analyse peut être réalisée selon différentes méthodes. L’observation de la situation de travail est nécessaire pour identifier des objectifs de formation conforment au développement des compétences attendues. L’analyse permet en outre de vérifier si la situation de travail est formative car toutes ne le sont pas, selon le rapport d’expérimentation AFEST. Cette étape permet également de vérifier si la formation en situation de travail devra être complétée par d’autres modalités pédagogiques (temps théoriques, simulateurs, etc…). Le rapport d’analyse doit également mettre en évidence le temps dédié au référent AFEST pour la mise en œuvre de l’ingénierie mais également aux accompagnateurs formateurs (participation à la construction du dispositif, préparation des séquences formatives et temps d’animation).

- La désignation d’un formateur nommé accompagnateur dans notre mémoire.

Celui-ci doit être volontaire et formé aux méthodes pédagogiques. Il doit connaître et utiliser les techniques de l’AFEST c’est-à-dire savoir réfléchir et questionner l’apprenant en situation de travail.

Cela requiert une posture professionnelle spécifique que nous étudierons dans notre chapitre sur l’accompagnement. Le formateur doit être appuyé par le référent AFEST de l’entreprise ou par un organisme de formation extérieur pour acquérir la méthodologie nécessaire.

- Des phases réflexives qui peuvent se dérouler en situation de travail et/ou à distance de celles-ci. Cette étape doit permettre à l’apprenant de mettre des mots sur les compétences qu’il a mobilisées pour réaliser cette action. Cela favorise la prise de conscience, l’identification des raisonnements, des choix, des arbitrages et des décisions. Cette étape permet également de décomposer la situation de travail pour analyser sa pratique professionnelle. Cette phase permet de réfléchir à la résolution d’un problème rencontré et de l’envisager dans un contexte différent. L’accompagnateur doit donc aider l’apprenant à se projeter dans une situation future. Il est préconisé de faire un rapport écrit pour garder trace de la réflexion engagée. L’AFEST se déroule en binôme (un accompagnateur pour un apprenant). Cependant, il n’est pas exclu de compléter par des phases réflexives collectives.

- L’évaluation de la progression de l’acquisition de l’autonomie en situation de travail permet de conclure l’action. La conception d’un questionnaire de positionnement de l’apprenant en amont peut permettre de mesurer la progression de l’apprenant.

Pour favoriser la réussite d’un parcours AFEST, il faut en optimiser les conditions. Le salarié apprenant doit avoir le droit à l’erreur, il ne doit pas être soumis aux mêmes impératifs de travail pendant ce temps formatif, enfin, il faut mettre à disposition un accompagnateur pour un apprenant.

L’AFEST modifie l’organisation du travail et cela doit être pensé et planifié en amont pour identifier la période la plus favorable. C’est un véritable travail d’ingénierie pour le responsable formation de

l’entreprise ou le référent AFEST désigné. Le respect de ces conditions favorise l’attractivité de la formation car l’apprenant reste dans son environnement professionnel habituel. Cela permet ainsi de désacraliser l’entrée en formation.

2.3. Une attention soutenue vers les publics peu ou pas