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L’accroissement avancé : l’encadrement légal de l’exécution de la privation de liberté

Titre I./ L E DROIT À LA SÛRETÉ

B) L’accroissement avancé : l’encadrement légal de l’exécution de la privation de liberté

187. L’accroissement du contrôle fondamental de l’exécution de la

privation de liberté. Si l’exécution de la privation de liberté a traditionnellement échappé à

un encadrement juridique ferme, à cause du défaut de la qualité des normes ou des manques du contrôle juridictionnel, et même si l’encadrement supra-légal n’est pas encore vigoureux, l’aménagement de la privation de liberté727

, le placement dans un régime juridique dérogatoire par rapport au droit commun du fait de sa sévérité accrue728, les atteintes aux libertés fondamentales du détenu causées par les sujétions de la privation de liberté729, l’adéquation du régime de privation de liberté au but de la privation de liberté730, la compatibilité de l’état de santé731 et les conditions matérielles de détention732 subissent désormais l’influence des principes fondamentaux. Le champ de la légalité a aussi progressé en la matière, augmentant l’intervention législative et permettant le contrôle de la qualité de la loi.

727

Les principes gouvernant l’aménagement de la peine privative de liberté demeurent souples, même s’il s’enrichissent au fil du temps, tandis que la judiciarisation de la matière a été périlleuse [v. infra, n° 657 et s.], que la décision d’aménagement de peine échappe en principe au contrôle européen sur le fondement de l’article 5 [v. infra, n° 810], que son contrôle sous l’angle de l’article 6 demeure exceptionnel [v. infra, n° 834 et s.], que la peine privative de liberté non aménageable reste admise dans les standards supra-légaux [v. infra, n° 770 et s.], que l’application du principe de non-rétroactivité soulève encore des interrogations [v. infra, n° 208] et que le contrôle de la Cour de cassation du contentieux de la libération conditionnelle, certes en accroissement, demeure léger [v. infra, n° 1045].

728

Pour le contrôle européen conciliant de l’isolement pénitentiaire, v. infra, n° 546 et s.

729 L’ouverture du recours en excès de pouvoir et l’amélioration des sources de la légalité ont toutefois permis une amélioration de leur délimitation et de leur contrôle juridictionnel [v. supra, n° 162].

730 Pour les timides avancées de la Convention européenne des droits de l’Homme et l’admission du principe en droit français, v. infra, n° 476 et s.

731 Pour la consécration d’un droit à la libération par la Cour européenne des droits de l’Homme et son application en droit français, v. infra, n° 564.

732 Pour le standard européen des conditions de détention dignes, v. infra, n° 525 et s. Pour le contrôle réalisé par le juge national, v. infra, n° 940 et s.

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188. La compétence minimale : l’aménagement des peines. Le Conseil

constitutionnel733, lors de son examen sur la loi pénitentiaire734, a dégagé deux poches de compétence législative, sans raisonner sur le principe particulier de la légalité de la privation de liberté. Le Conseil dégageait d’abord au profit du législateur la compétence « [des]

conditions et [des] modalités d’exécution des peines privatives de liberté dans le respect de la dignité de la personne », en se fondant sur l’article 34 de la Constitution, texte de droit commun de la compétence législative, qui vise « les règles concernant le droit pénal et la procédure pénale ». Cette première réserve est d’apparence large, notamment par la référence à la dignité, en écho au contrôle européen des conditions matérielles de détention735, sauf qu’en écartant par principe le régime disciplinaire de celle-ci, les conditions matérielles n’apparaissent pas non plus s’y intégrer. La formulation employée se limite en conséquence à attribuer au législateur la compétence des mesures d’aménagement des peines, et la référence à la dignité sert plutôt à borner la limite de la compétence législative, qui ne saurait limiter l’aménagement de la peine privative de liberté au point d’édicter une peine par nature inhumaine ou dégradante736.

189. L’acquisition de l’aménagement des libertés fondamentales au cours

de la privation de liberté. La même décision dégageait une deuxième réserve de compétence

législative, tenant aux « droits et libertés dont ces personnes continuent de bénéficier dans les limites inhérentes aux contraintes de la détention »737. Le Conseil constitutionnel consacrait

733

Cons. const., déc. n° 2009-593 DC du 19 nov. 2009 portant sur la loi pénitentiaire : J. O., 25 nov. 2009, p. 20222 ; RSC, 2010, p. 217, obs. B. DE LAMY ; AJDA, 2009, p. 2425, obs. P. WACHSMANN. Le législateur avait ainsi défini les deux sanctions les plus graves, le placement en cellule disciplinaire et le confinement en cellule individuelle ordinaire, en détail, définissant sa durée, les garanties l’entourant et les restrictions aux libertés fondamentales engendrées par les sanctions. Pour le reste, il avait renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de déterminer le régime disciplinaire des personnes détenues, de fixer le contenu des fautes et les différentes sanctions disciplinaires encourues selon le degré de gravité des fautes commises, de préciser la composition de la commission de discipline ainsi que la procédure applicable.

734 Loi n° 2009-1436 du 24 nov. 2009 pénitentiaire : J. O., 25 nov. 2009, p. 20192 ; D., 2010, p. 31, comm. M. HERZOG-EVANS ; RSC, 2010, p. 190, comm P. PONCELA ; RFDA, 2010, p. 15, comm. F.FÉVRIER ;

AJDA, 2010, p. 494, comm. C.-M.SIMONI ; Procédures, comm. n° 21, note J.BUISSON ; Dr. pén., 2010, ét. n° 2, obs. J.-P. CÉRÉ ; JCP, 2009, I, n° 552, comm. J.-P. CÉRÉ ; RSC, 2010, p. 444, obs. E.GALLARDO ; AJP, 2009, p. 473, obs. É. PÉCHILLON ; AJP, 2009, p. 483, comm. M. HERZOG-EVANS (spéc. sur l’aménagement des peines) ; AJF, 2009, p. 484, obs. M. HERZOG-EVANS (spéc. sur le maintien des liens familiaux).

735 V. infra, n° 525 et s.

736

V. infra, n° 794 et s. Si le Conseil constitutionnel semble en conséquence s’inscrire directement dans les pas de la Cour européenne des droits de l’Homme et de son contrôle de la peine perpétuelle incompressible sur le fondement de l’article 3 [v. infra, n° 786], elle cristallisait aussi un contrôle limité.

737 La délimitation du placement en cellule pénitentiaire, soit la définition des fautes, demeure de la compétence du pouvoir réglementaire. La décision du Conseil constitutionnel semblait a contrario adopter une vision large de la compétence législative. Le placement en cellule disciplinaire apparaît lui-même comme une atteinte aux libertés fondamentales du détenu puisque son principe et sa durée doivent être déterminés par le législateur, ce qui conforte la vision faisant du régime dérogatoire de la détention non pas une modalité d’exécution particulière d’un cas de privation de liberté mais une privation de liberté à part entière. Concernant la décision de placement,

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définitivement pour la personne privée de liberté le maintien de ses droits et libertés fondamentaux et chargeait le législateur de réaliser la conciliation entre l’exercice de ceux-ci et leurs restrictions imposées par les sujétions de la détention. Si la décision concernait les condamnés et que le Conseil se gardait de bien de généraliser son raisonnement et d’en donner précisément son fondement738, celui-ci repose logiquement sur l’article 34 qui donne compétence au législateur pour fixer les règles concernant « les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques », et en conséquence, le principe doit être élargi à tous les cas de privation de liberté739. Dans cette optique, la loi pénitentiaire a aménagé différentes libertés, améliorant les sources du droit pénitentiaire740. Une telle réserve de compétence est de nature à accélérer la constitutionnalisation de l’exécution de la privation de liberté741.

190. Néanmoins, la loi a habilité le pouvoir réglementaire à définir, dans une large mesure le droit disciplinaire, le progrès des sources restant sur ce point limité742. Le pouvoir réglementaire a usé de sa compétence pour définir des sanctions touchant au droit à la propriété, ou au droit à l’accès à l’information743

. Le juge administratif a validé cette compétence, interprétant restrictivement la réserve législative dégagée par le Conseil constitutionnel, en estimant que le pouvoir réglementaire est compétent pour adopter des dispositions pénitentiaires portant atteintes aux droits et libertés à deux conditions, d’abord que ceux-ci puissent supporter par principe des sujétions, ce qui était exclu pour l’interdiction des traitements inhumains et dégradants, mais permis pour le droit de propriété ou le droit à l’accès à l’information, ensuite que les dispositions ne portent pas atteintes à la « substance »

le Conseil constitutionnel semblait également inclure dans la compétence législative des garanties incluses dans le procès équitable, comme l’exercice des droits de la défense ou le droit au juge [« qu'il garantit le droit de la personne détenue d'être assistée d'un avocat au cours de la procédure disciplinaire et le droit d'une personne placée en quartier disciplinaire ou en confinement de saisir le juge des référés en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative »].

738 Il visait « ces » détenus.

739 En revanche, la limitation des droits fondamentaux, notamment pour la détention sûreté, pourrait être plus large que les seules contraintes de garde et intégrer aussi les contraintes liées à l’obtention de l’objectif poursuivi par la détention, par exemple l’objectif thérapeutique pour l’internement de l’aliéné.

740 Art. 22 et s. de la loi n° 2009-1436 du 24 nov. 2009 pénitentiaire [préc.].

741 Ainsi, le Conseil constitutionnel s’est récemment prononcé sur le travail pénitentiaire [v. infra, n° 505]. V. pour comparaison, concernant un droit plus riche, F.REVIRIEGO PICON et J.BRAGE CAMAZAN, « L'exécution des peines privatives de liberté en Espagne et le contrôle du tribunal constitutionnel » ; RSC, 2009 p. 623.

742 Art. 726 CPP. Le pouvoir réglementaire retrouvait ainsi compétence pour définir « les différentes sanctions disciplinaires encourues selon le degré de gravité des fautes commises », sans que « le placement en cellule disciplinaire ou le confinement en cellule individuelle ordinaire ne peuvent excéder vingt jours, cette durée pouvant toutefois être portée à trente jours pour tout acte de violence physique contre les personnes ».

743 Art. R. 57-7-33 CPP. La disposition créait les sanctions de l’interdiction de recevoir des subsides de l'extérieur, de l’interdiction d'effectuer des achats en cantine, ou encore de la privation de tout appareil acheté ou loué par l'intermédiaire de l'administration, cette dernière sanction pouvant notamment priver le détenu de son accès à l’information.

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de ces droits744. Le juge administratif se trouve en conséquence compétent pour contrôler en grande partie la délimitation abstraite des sanctions disciplinaires, dans un contrôle qui n’a pas permis de réduction notable745.

191. L’acquisition de la définition des conditions de placement dans un

régime juridique de détention plus sévère. Le contrôle constitutionnel, dans sa dernière décision sur l’internement des aliénés, a rappelé la compétence législative pour encadrer strictement les régimes dérogatoires au droit commun, lorsque, juridiquement, celui-ci aboutit à compliquer la libération746, compétence fondée sur l’égalité devant la loi privative de liberté : la dangerosité supérieure peut justifier le recours à un régime dérogatoire, pour lequel cependant le législateur doit faire un effort de définition des conditions de placement et octroyer des garanties à la personne concernée. Le défaut de qualité de la loi aboutissait à censurer la définition législative des Unités pour malades difficiles, définitivement supprimées par le législateur à la suite de la censure747, montrant l’utilité de l’extension de la légalité.

192. Les résistances : l’exclusion de la définition des conditions matérielles

de détention et du contenu de la détention. La décision du Conseil constitutionnel sur la loi

pénitentiaire, en excluant par principe la compétence du législateur pour la mise en cellule disciplinaire, sauf les matières qu’il réintégrait expressément par exception, soit la fixation de la nature des sanctions disciplinaires748 et les garanties juridiques s’appliquant à leur prononcé

744 CE, 17 juil. 2013, n° 357405, M. T. c. garde des Sceaux, ministre de la Justice : inédit ; Gaz. Pal., 26 sept. 2013, p. 16, obs. M. GUYOMAR.

745 Voir CE, 17 déc. 2008, sect. fr. OIP, n° 293786 : Rec. CE ; JCP, 2009, II, n° 10049, chron. S. MERENNE ;

AJDA,2008,p.2364,chron. M.-C. DE MONTECLER.

746 Déc. n° 2012-235 QPC du 20 avr. 2012 : préc. : « considérant qu'en raison de la spécificité de la situation des personnes ayant commis des infractions pénales en état de trouble mental ou qui présentent, au cours de leur hospitalisation, une particulière dangerosité, le législateur pouvait assortir de conditions particulières la levée de la mesure de soins sans consentement dont ces personnes font l'objet ; que, toutefois, il lui appartient d'adopter les garanties légales contre le risque d'arbitraire encadrant la mise en œuvre de ce régime particulier ». Le rapprochement de cette décision avec celle sur la loi pénitentiaire [déc. n° 2009-593 DC du 19 nov. 2009 : préc.] montre toutefois que la compétence législative du régime dérogatoire plus sévère suppose que le régime en droit aboutisse à restreindre la libération et ne constitue pas simplement une modalité d’exécution plus sévère.

747 Loi n° 2013-869 du 27 sept. 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juil. 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge : J. O., 29 sept. 2013, p. 16230 ; Procédures, 2013, comm. n° 320 ; obs. J. BUISSON ;JCP, 2013, n° 1065, note M. PRIMEVERT ;Dr. famille, 2013, comm. n° 156, obs. I. MARIA.

748 Le Conseil constitutionnel rappelait que le renvoi législatif au pouvoir réglementaire ne pouvait aboutir à ce que celui-ci prévoit une mesure portant atteinte aux libertés fondamentales, même si nous avons évoqué plus haut l’interprétation limitative réalisée par le juge administratif de l’étendue de cette compétence législative.

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ou à leur application749, maintenait en conséquence la définition des conditions matérielles de détention, même dérogatoires au droit commun, dans la compétence réglementaire, solution qu’il faut sans doute étendre au contenu de la privation de liberté.

193. Le législateur ne retient cependant pas une compétence réglementaire totale, puisqu’il s’est approprié, en matière de détention sanction, la compétence pour définir la procédure de sélection de l’établissement approprié ou établir le principe de l’encellulement individuel750. Le législateur a au moins considéré qu’une matière résiduelle des conditions matérielles ou du contenu de la détention, de par leur importance, relève du droit commun de sa compétence et intègre « les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques »751. Les conditions matérielles de détention et son contenu, souvent considérés comme accessoires et hors de toute revendication des détenus, font désormais l’objet de nombreux développements juridiques, qu’il s’agisse de prévenir les atteintes à la dignité humaine752, ou de contrôler l’adéquation matérielle de la privation de liberté753, dans un contrôle qui tend à dresser des standards de plus en plus abstraits et détachés de toute subjectivité, au point que la norme privative de liberté peut en elle-même s’avérer contraire à la liberté fondamentale754, et la définition précise des conditions matérielles de détention devrait relever de la compétence législative.

749 Le Conseil constitutionnel empilait ces garanties sans effort de hiérarchisation : fixation de la durée maximale, assistance juridique lors du placement, recours juridictionnel contre la décision, durée réduite pour le mineur, organisation du droit au parloir, contrôle de la compatibilité médicale.

750 Art. 717 CPP et s.

751 Art. 34 de la Constitution.

752

V. infra, n° 519 et s.

753 V. infra, n° 476 et s.

754 Alors que le Conseil d’État était saisi de la réglementation de l’isolement judiciaire, prise en vertu de l’ancien article 728 du Code de procédure pénale, qui renvoyait à un décret pour déterminer « l'organisation et le régime intérieur des établissements pénitentiaires », le Commissaire du gouvernement MATTHIAS GUYOMAR estimait dans ses conclusions que cette disposition constituait sans doute un cas d’incompétence négative, au regard de l’article 34 de la Constitution, confiant au législateur l’aménagement des libertés fondamentales, disposition qui devrait donner compétence législative pour le régime de la détention presqu’en entier selon lui, sans pour autant que le juge administratif, en vertu de la théorie de l’écran législatif, ne puisse apprécier la constitutionnalité de la délégation [v. CE, sect., 31 oct. 2008, Sect. fr. OIP, n° 293785 : Rec. CE, p. 374 ; RFDA, 2009, p. 73, concl. M. GUYOMAR ; D., 2009, p. 134, note M. HERZOG-EVANS ; Gaz. Pal., 13 déc. 2008, p. 33, note M. GUYOMAR ; AJDA, 2008, p. 2389, chron. É. GEFFRAY et S.-J. LIÉBER ; AJP, 2008, p. 500, obs. É. PÉCHILLON ;Dr. admin., 2009, comm. n° 10, note F. MELLERAY].

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194. Le rejet de l’effet attractif de la légalité de la privation de liberté. Si la

compétence législative en matière de privation de liberté s’est étendue, elle ne reçoit pas encore une pleine consécration, malgré l’existence de fondements larges. Le Conseil constitutionnel emploie exclusivement l’article 34 de la Constitution pour déterminer les compétences, disposition pourtant générale, par rapport aux fondements spéciaux de la légalité de la privation de liberté. Comme les textes fondamentaux de la privation de liberté n’ont pas reçu une acceptation large permettant de déroger aux principes généraux de répartition des compétences juridictionnelles755, les textes fondamentaux encadrant la privation de liberté ne reçoivent pas une acceptation permettant de déroger aux principes généraux de répartition des compétences entre le législateur et le pouvoir réglementaire. Le défaut culturel de légalité, en partie remis en cause, n’est pas éradiqué.

755

163

195. Le droit d’être privé de liberté selon une loi assurant la protection

contre l’arbitraire : l’avancée limitée. Le défaut de consécration supra-légale du paquet de

droits généré par l’arrestation nuance forcément la vigueur du droit d’être privé de liberté selon une loi assurant la protection contre l’arbitraire, malgré les avancées réalisées sur l’exécution de la privation de liberté. La généralisation du paquet est d’autant plus exceptionnelle, qu’elle résulte principalement de la seule volonté législative, investissant sur ce point son rôle de gardien de la liberté individuelle et elle constitue une rare manifestation d’éléments de la théorie générale établis par comparaison. Les deux points faibles de la légalité, soit l’encadrement de la privation de liberté de police et celui de l’exécution de la privation de liberté, demeurent à des degrés divers. Les différentes hésitations constitutionnelles et européennes à imposer le paquet, notamment par la notion de qualité de la loi, ne laissent toutefois guère de doutes sur sa consécration future, malgré le coup d’arrêt de la décision Simons et de l’arrêt Medvedyev de Grande chambre756. Le gage de qualité de la loi concerne aussi sa rédaction, celle-ci devant être prévisible.

756

165 LE GAGE DE QUALITÉ LIÉ À LA RÉDACTION : LE DROIT DÊTRE PRIVÉ DE

§ 2./

LIBERTÉ SELON UNE LOI PRÉVISIBLE

196. Une garantie du droit commun de l’atteinte à la liberté fondamentale.

La légalité criminelle impose au législateur de rédiger la loi pénale « en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire »757 et ouvre un contrôle désormais bien établi758. Plus généralement, la clarté et la précision s’appliquent à toute loi qui constitue une ingérence à une liberté fondamentale759. Le Conseil constitutionnel a dégagé les objectifs à valeur constitutionnelle d’« accessibilité » et d’« intelligibilité » de la loi, en dehors de l’atteinte directe à une liberté fondamentale760. La Cour européenne des droits de l’Homme a inclus l’exigence de qualité de la loi à chaque article qui conditionne la conventionnalité de l’ingérence à ce qu’elle soit « prévue par la loi »761 et se réfère à la notion de norme « prévisible » et « accessible »762. Les notions constitutionnelles de clarté et de précision ou les notions européennes de prévisibilité et d’accessibilité convergent vers la notion de prévisibilité de la loi763, qui fait partie du droit commun du contrôle de la norme attentatoire à

757 Déc. n° 80-127 DC des 19 et 20 janv. 1981 : préc. 758

La Cour de cassation, par l’exception d’illégalité, est compétente pour censurer des actes administratifs qui ne respecteraient pas le principe de clarté [Cass. crim., 1er févr. 1990, n° 89-80.673 : Bull. crim., n° 56 ; RSC, 1991, p. 555, obs. A.VITU]. La Chambre criminelle avait aussi développé très tôt un palliatif, pour écarter des textes estimés comme « vague » et ne formulant « aucune règle précise » [Cass. crim., 17 juin 1908 : Bull. crim., n° 317]. La Convention européenne des droits de l’Homme prévoit en son article 7 que « nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international ». La Cour européenne est ainsi à même d’opérer le contrôle de la qualité de la norme nationale pénale et rappelle que l’infraction doit être « clairement définie par la loi, condition qui se trouve remplie lorsque l’individu peut savoir, à partir du libellé de la clause pertinente et, au besoin, à l’aide de son interprétation par les tribunaux, quels actes et omissions engagent la responsabilité pénale » [CEDH, 25 mai 1993, Kokkinakis c. Grèce, req. n° 14307/88: Rec. CEDH, série A, n° 260-A]. La Cour de cassation a même directement réalisé le contrôle de la légalité de la loi pénale sur le fondement de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’Homme, réalisant de ce fait un contrôle de constitutionnalité