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Titre I./ L E DROIT À LA SÛRETÉ

B) Un droit ignoré

149. Le maintien de l’emprisonnement contraventionnel. Le pouvoir

réglementaire prenait dès le 8 septembre 1975 un décret504 maintenant l’emprisonnement contraventionnel505. Et les juridictions judiciaires506 et administratives507 se fondaient sur la théorie de l’écran législatif, pour refuser d’écarter les peines d’emprisonnement contraventionnel réglementaires, la décision du Conseil constitutionnel se trouvant « affectée d’une ineffectivité totale au plan contentieux »508, peu avant l’adoption du nouveau Code pénal509.

150. Le maintien des pratiques. La pratique du petit dépôt510 a aussi

longtemps été admise en dehors de toute base légale. Ces privations de liberté « qui n’ont pour but que la commodité et le confort d’une certaine organisation judiciaire »511, dénuées de toute base légale, divisaient la doctrine512. La jurisprudence du fond validait cette

annotations sous l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, in Code constitutionnel, Litec, 2005.

503 J. RIVERO, op. cit.

504 Décret n° 75-840 du 8 sept. 1975 complétant par un 13èmement l’art. R. 38 du Code pénal concernant la distribution sur la voie publique de prospectus, tracts et écrits du 8 sept. 1975 : J. O., 10 sept. 1975.

505

Une circulaire du 18 janv. 1974 du garde des sceaux enjoignait les magistrats du parquet de continuer à requérir l’emprisonnement contraventionnel.

506 Cass. crim., 26 févr. 1974, Schiavon : Bull. crim., n° 273 ; D., 1974, jur., p. 273, avis A.TOUFFAIT ; RSC, 1974, p. 555, obs. J. LARGUIER ; D., 1974, jur., p. 279, obs. R. VOUIN.

507

CE, 3 févr. 1978, CFDT et CGT : Rec. CE, p. 47 : RDP, 1979, p. 539, obs. M.WALINE ; AJDA, 1978, p. 388, obs. M. DURUPTY. M. le professeur Waline qualifiait la solution d’« inattaquable sur le plan strictement juridique ».

508 M. DURUPTY : op. cit.

509

Art. 1er de la loi n° 93-913 du 19 juil. 1993 reportant l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal : J. O., 20 juil. 1993.

510 Celle-ci résidait dans le maintien en détention du suspect à la fin de sa garde à vue, jusqu’à sa comparution devant le procureur de la République ou le juge d’instruction, ou plutôt jusqu’à ce que le magistrat soit disponible, la rétention dépassant le simple temps du trajet, notamment lorsque la garde à vue s’achevait dans la nuit.

511 L.REMPLON, « La rétention du suspect » ; JCP, éd. G., 1978, I, n° 2916.

512 Un auteur tirait des termes mêmes des dispositions du Code de procédure pénale une distinction entre les différentes catégories de gardes à vue, pour inclure ou exclure, dans la mesure, le temps de transport entre les locaux de police et le palais de justice [A. BESSON, op. cit.]. D’autres approuvaient la non imputation du délai de défèrement dans la garde à vue, pour préserver le temps de l’enquête [V. LESCLOUS et C.MARSAT, « Garde à vue : défèrement au parquet » ; Dr. pén., 1997, chron. n° 27, ou P.GAGNOUD, « Les nullités de la garde à vue : essai d’un bilan » ; Gaz. Pal., 2000, chron., p. 2175]. Un autre enfin préférait défendre l’inclusion du défèrement

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pratique513, comme la Cour de cassation, sans véritable contrôle d’abord514. Elle se montrait plus rigoureuse ensuite, sans pour autant remettre en cause la pratique, en trouvant son fondement dans « l’ordre donné par le juge d’instruction »515, ou dans « l’ordre donné par le procureur de la République de faire déférer une personne à l’issue de sa garde à vue »516, relativisant son effort de défense de la légalité de la privation de liberté, entrevu dans la décision Friedel517. La rétention aux fins de défèrement était finalement légalisée par le législateur en 2004518. En 1975, la découverte à Arenc d’un centre de détention clandestin519, dans lequel étaient privés de liberté des étrangers en instance d’expulsion, révélait une autre pratique. Une nouvelle pratique se développait concernant l’étranger, dont l’entrée sur le territoire était refusée, consistant à le détenir en zone internationale, dans un régime défini par une circulaire du ministre de l’intérieur de 1990520

. Plus récemment et malgré la consécration

dans le délai de garde à vue, afin d’assurer une meilleure protection de la liberté individuelle [M.-J. ESSAID, La présomption d’innocence, Édition Laporte, 1971].

513 TGI Paris, 25 mars 1989 : inédit, cité par V. LESCLOUS et C.MARSAT, op. cit. – CA Dijon, 5 avr. 1993 :

inédit. La juridiction validait une telle détention de deux heures, « compte tenu du temps qu'il avait fallu aux magistrats du Parquet et de l'instruction pour prendre connaissance d'un dossier volumineux et complexe ». – TGI Paris, 19 août 1997 : inédit, cité par V. LESCLOUS et C.MARSAT, op. cit. Le juge arguait du fait qu’« aucun texte ne réglemente le délai raisonnable et nécessaire à la présentation d’une personne gardée à vue après l’expiration de cette mesure, devant le procureur chargé de procéder à son interrogatoire », pour admettre la rétention factuelle.

514

Cass. crim., 25 oct. 2000, n° 00-83.253 : Bull. crim., n° 316 ; RSC, 2001, p. 407, obs. D. N. COMMARET. Dans cette affaire, le juge du fond avait validé une détention de douze heures au-delà du terme de la garde à vue, jugée conforme à l’article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, au motif que la durée n’était ni déraisonnable ni disproportionné, au regard « de la complexité de la procédure, du nombre de personnes déférées et de l'importance des formalités en résultant, le tout eu égard à la gravité des faits de la cause et aux impératifs de sûreté qui pouvaient en résulter ». La Cour de cassation validait une nouvelle fois la rétention, dès lors que la durée de la garde à vue, prise isolément, ne dépassait pas la durée légale, et que les suspects avaient été placés immédiatement à la disposition du juge.

515

Cass. crim., 25 nov. 2003, n° 03-85.076 : Bull. crim., n° 221 ; Dr. pén., 2004, comm. n° 42, obs. A. MARON ;

RSC, 2005, p. 381, J.BUISSON ; Procédures, 2004, comm. n° 60, note J.BUISSON. En l’espèce, le petit dépôt avait duré une vingtaine d’heures. La Cour d’appel avait, quant à elle, choisi de fonder la rétention factuelle sur les pouvoirs innomés du juge d’instruction de l’article 81 du Code de procédure pénale. Le requérant avait visé dans son pourvoi l’article 5 § 1er

de la Convention européenne des droits de l’Homme, visant plus particulièrement les « voies légales », l’interprétant comme exigeant « un fondement textuel ».

516 Cass. crim., 4 janv. 2005, n° 04-85.986 : inédit.

517 V. supra, n° 144.

518

Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité : J. O., 10 mars 2004, p. 4567 ; D., 2004, p. 1910, comm. B. DE LAMY ; JCP, 2004, I, n°132 et 134, comm. J. PRADEL ;

RSC, 2004, p. 675, obs. B. BOULOC ; AJP, 2004, p. 235, note D. MIEN et J.-F.BARRE (spéc. sur les droits de la défense) ; AJP, 2004, p. 181, note É. VERGÈS (spéc. sur la notion de criminalité organisée) ; AJP, 2004, p. 261, comm. A. GIUDICELLI (spéc. sur la garde à vue) ; AJP, 2004, p. 228, note M. SCHWENDENER (spéc. sur les pouvoirs d’enquête) ; D., 2004, p. 2589, M. GIACOPELLI (spéc. sur l’aménagement des peines) ; JCP, 2004, I, n° 140, note P. BONFILS (spéc. sur le droit des mineurs). V. spéc. sur ce point, P. GAGNOUD, « Le délai de présentation devant le procureur de la République à l'issue de la garde à vue : la pratique du "petit dépôt de nuit" enfin légalisée » ; Gaz. Pal., 3 juin 2004, p. 2.

519 Situé dans le port de Marseille, le centre avait été installé en 1964 [voir A.PANZANI, Une prison clandestine de la police française : Arenc, Maspero, 1975, 102 p.].

520 Circulaire du ministre de l’intérieur du 26 juin 1990, non publiée. Celle-ci organisait, à mots couverts, le régime privatif de liberté : « l’étranger qui fait l’objet d’un refus d’entrée et qui est en attente de départ a le

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législative du maintien en zone d’attente521, une nouvelle pratique tenait dans la consigne du passager clandestin dans une cabine du navire par lequel il était arrivé sur le territoire, jusqu’à son départ, en dehors de tout cadre légal522, créant de véritables « zones d’attentes parallèles »523.

151. Le maintien de l’utilisation de fondements légaux ne prévoyant pas

expressément la détention. D’autres violations de la légalité de la privation de liberté reviennent à accepter que des pouvoirs de police judiciaire spéciaux induisent, même dans le silence de la loi, une privation de liberté, le temps nécessaire à leur exécution, comme cela a été reconnu pour le dépistage alcoolique du conducteur524, ou encore le dépistage de produits stupéfiants transportés in corpore525.

droit d’être libre dans la zone internationale, lorsqu’elle existe et qu’elle présente des installations convenablement adaptées aux types de surveillance et d’hébergement requis par l’étranger en cause. Il convient alors de pourvoir à son hébergement et de prendre des mesures nécessaires pour qu’il ne pénètre pas sur le territoire français ». La circulaire précisait que la « surveillance appropriée » ne pouvait se traduire par « un isolement complet des intéressés dans un local clos ». La circulaire consacrait le droit des étrangers « d’avertir ou de faire avertir la personne chez laquelle il a indiqué qu’il devait se rendre, conformément aux déclarations enregistrées dans la notification, son consulat ou le conseil de son choix ».

521 Loi n° 92-625 du 6 juil. 1992 sur la zone d’attente des ports et des aéroports et portant modification de l’ord. n° 45-2658 du 2 nov. 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France : J. O., 9 juil. 1992 ; D., 1993 p. 225, comm. M.-C. ROUAULT ;AJDA,1992,p.656,comm.F.JULIEN-LAFERRIÈRE.

522

Pour un exemple, v. T. confl., 12 mai 1997, pft Police c. TGI Paris, n° 03056 : Rec. CE, p. 1226 : AJDA, 1997, p. 635, chron. D.CHAUVAUX et T.-X.GIRARDOT ; RFDA, 1997, p. 514, concl. J.ARRIGHI DE CASANOVA ;

Gaz. Pal., 1997, jur., p. 393, comm. S.PETIT ;LPA,19janv.1998,p.15,comm. J.-P.MARKUS ;JCP,1997,II, n° 22861, comm. P. SARGOS. Sur ces pratiques répandues, voir les concl. de M. ARRIGHIDE CASANOVA ou encore le commentaire de S.PETIT.

523 J.-P.MARKUS, op. cit.

524 Cass. crim., 24 janv. 2007, n° 06-81.901 : inédit.

525 Cass. crim., 30 juin 1999, n° 98-86.791 : Bull. crim., n° 169 ; Dr. pén., 2000, comm. n° 11, obs. A.MARON ;

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152. La courte rétention factuelle de police : « nécessité fait loi ».

La jurisprudence a souvent validé les courtes privations de liberté de police, sans base légale, afin de réaliser un acte d’enquête sous contrainte, ou pour permettre la traduction de l’individu devant l’autorité judiciaire, ou pour permettre à l’autorité de police d’adopter la décision administrative servant de titre de privation de liberté. Néanmoins, elle a souvent posé l’exigence de nécessité comme condition de validité à ces courtes rétentions factuelles : celles-ci ne doivent pas dépasser la durée strictement nécessaire, ce qui permet de valider la privation de liberté de plusieurs heures526. L’effacement de la légalité, au nom de la nécessité, se retrouve d’ailleurs dans la jurisprudence européenne527

. L’admission de ces rétentions factuelles aboutit à priver la personne du paquet de droits. Si son exclusion apparaît logique pour la rétention d’une à deux heures, sauf pour l’information des raisons de l’arrestation528, sous peine d’allonger la durée de la privation de liberté, celle-ci est plus discutable au-delà, alors que la durée de la détention devient suffisante pour supporter l’exercice de ses droits529.

526

Cass. crim., 24 janv. 2007, n° 06-81.901 : inédit : « les officiers et agents de police judiciaire qui procèdent aux vérifications destinées à établir la preuve de l'état alcoolique d'un conducteur, disposent du droit de retenir la personne concernée pendant le temps strictement nécessaire à ces opérations, sans être tenus de la placer en garde à vue ». La rétention factuelle avait duré quatre heures. – Cass. crim., 30 juin 1999, n° 98-86.791 : préc. : « la mise en œuvre de l'article 60 bis du Code des douanes, qui n'est pas subordonnée à la constatation d'un flagrant délit, permet une rétention de la personne soupçonnée pendant la durée nécessaire à son déroulement ». – Cass. crim., 4 janv. 2005, n° 04-85.986 : inédit : « l'ordre donné par le procureur de la République de faire déférer une personne à l'issue de sa garde à vue, en application de l'article 63, alinéa 3, du Code de procédure pénale, justifie la privation de liberté pendant le temps strictement nécessaire à sa présentation ». La rétention factuelle avait duré un peu moins de cinq heures. – CE, 13 mars 2013, Segura c. CH Charles Perrens, n° 348165 : inédit : « aucun texte n'exige que la demande d'admission soit formée avant le ou les certificats médicaux requis, pourvu que la personne souffrant de troubles rendant impossible son consentement et nécessitant des soins assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier ne soit retenue que le temps strictement nécessaire à la mise en place de la mesure et qu'au moment de l'admission prononcée par le directeur d'établissement, l'ensemble des éléments exigés aient été réunis ». La rétention factuelle avait duré deux heures.

527

V. supra, n° 21 et s.

528 Malgré tout, l’article 5 § 2 s’applique à cette rétention factuelle. Toutefois, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme se montre conciliante sur la célérité de l’information, validé même quelques heures après l’arrestation [v. infra, n° 264]. La Cour de cassation, dans une espèce, a rappelé que la rétention factuelle était soumise à l’information des raisons de l’arrestation, sanctionnant le juge du fond pour ne pas s’être « mieux [expliqué] sur les raisons qui empêchaient les agents […] d'informer plus tôt [la personne] des motifs de son interpellation et de sa rétention ». Elle semblait défendre plus fermement l’exigence textuelle de la Convention, qui vise « le plus court délai », sans circonstance plus exceptionnelle.

529

Le législateur semble pourtant limiter la consécration du paquet de droitsà la rétention qui dépasse plusieurs heures : la vérification d’identité de quatre heures n’est pas dotée de l’entier paquet [v. pour sa forme simplifiée, l’art. 78-3 CPP], pas plus que le régime dérogatoire de huit heures applicable à Mayotte [ibid.], tandis que la rétention du témoin durant l’enquête, limitée aussi à quatre heure, ne supporte aucun droit [v. les art. 62 CPP et 78 CPP pour l’enquête de flagrance et l’enquête préliminaire]. La plus courte rétention de l’adulte, dotée du plein

paquet, réside dans la rétention aux fins de la vérification du droit au séjour, d’une durée maximale de seize heures [art. 611-1-1 CESEDA]. La retenue du mineur de moins de treize ans, d’une durée de droit commun de douze heures, est en revanche pourvue du plein paquet [art. 4-I de l’ord. n° 45-174 du 2 févr. 1945 relative à l’enfance délinquante].

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153. Même à ce que le juge judiciaire réalise un contrôle rigoureux de la durée nécessaire530, l’admission de la rétention factuelle empêche le législateur de se saisir de sa compétence pour délimiter abstraitement la privation de liberté, dans le respect du droit de ne pas subir une rigueur non nécessaire531, et d’y fixer, par exemple, une durée maximale. Le défaut de légalité aboutit également à empêcher le contrôle en temps réel de l’autorité judiciaire532. Au moins les solutions françaises ne recourent pas à la solution artificielle consistant à rejeter la qualification de privation de liberté pour la contrainte de courte durée533, maintenant bon ordre dans la définition de la notion. La consécration législative de ces rétentions, dans leur étendue et leur soumission au paquet de droits, est sans doute souhaitable, même si les exemples montrent que le procédé reste d’un effet relatif quant à la protection de la liberté individuelle534.

530

Pour le contentieux le plus riche en la matière, concernant l’arrestation et la rétention factuelle de l’étranger dans l’attente de l’adoption contre lui de la décision de refus d’entrée sur le territoire et un bilan mitigé, v. infra, n° 279 et s.

531 V. infra, n° 452 et s.

532

V. infra, n° 615 et s. Le Conseil constitutionnel a toutefois reconnu que la courte privation de liberté de police pouvait être réalisée sans aucun contrôle de l’autorité judiciaire [Cons. const., déc. n° 2012-253 QPC du 8 juin 2012, [M. D.] : J. O., 9 juin 2012, p. 9796 ; Gaz. Pal., 5 juil. 2012, p. 11, comm. S. DETRAZ ; LPA, 25 mars2013,p. 4,chron. V. TELLIER-CAYROL ; consid. n° 8.]

533

Ce que réalise implicitement la Cour européenne des droits de l’Homme en l’excluant parfois du champ de l’article 5.

534 La consécration législative du petit dépôt [art. 803-2 et s.] ou d’une rétention pour la vérification du droit au séjour [préc.] ont abouti à la définition de durées légales maximales confortables, vingt-heures pour la première et seize heures pour la seconde. Surtout, à la différence de la rétention factuelle, la jurisprudence judiciaire semble abandonner tout contrôle de la nécessité de la durée de la courte rétention autorisée par la loi après l’arrestation, au regard de sa jurisprudence en matière de garde à vue [Cass. mixte, 7 juil. 2000, n° 98-50.007 :

Bull. crim., n° 257 ; JCP, 2000, II, n° 10418, note O. GUÉRIN ; Procédures, 2001, comm. n° 17, note J. BUISSON ; RSC, 2001, p. 189, obs. A. GIUDICELLI].

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154. Le droit à la légalité dénié : la suprématie de l’intérêt pratique de la

détention sur la légalité. Si le principe de la légalité criminelle a été amputé du domaine des

contraventions par la Constitution, la légalité de la privation de liberté était au même moment oubliée, puis ignorée, malgré sa résurrection. Le principe n’a jamais véritablement reçu son plein effet, moins en tout cas que la légalité criminelle. Au-delà de la nécessité535, l’intérêt pratique de la privation de liberté, qui permet le contrôle de la personne privée de liberté, a toujours primé sur la légalité, alors que les principaux exemples de violation de la légalité ont concerné la détention moyen, sous le regard conciliant du juge judiciaire et du juge administratif. Le législateur apparaîtrait presque comme le meilleur gardien de la liberté individuelle, non seulement par la légalisation des rétentions factuelles, mais aussi par l’intégration au cas de détention nouvellement créé du paquet de droits536, s’il se montrait plus rigoureux dans la fixation du délai légal maximal. La relativité du droit à être privé de liberté selon une loi provient aussi de l’intervention du pouvoir réglementaire dans la délimitation de la privation de liberté.

535 V. supra, n° 152.

536

Ce qu’il a fait pour la garde à vue, la rétention administrative de l’étranger et le petit dépôt. Il a lui-même mis fin à la peine privative de liberté réglementaire. Pour un exemple récent, il a créé une nouvelle rétention de la personne, identifiée comme déjà condamnée à une peine privative de liberté, afin de procéder aux différentes vérifications nécessaires à une éventuelle mise à exécution [art. 716-5 CPP issu de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 : préc.]. Ce nouveau cas de privation de liberté est limité à vingt-quatre heures, et la personne qui la subit est pourvue du paquet de droits par renvoi aux droits de la garde à vue. Auparavant, un juge du fond avait validé une privation de liberté se fondant sur une fiche de recherche pour inexécution d’une peine d’emprisonnement, révélée par un contrôle d’identité, le temps strictement nécessaire aux vérifications nécessaires [CA Toulouse, 12 déc. 2001, n° 2001/01223 : Légifrance].

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LE DROIT À LA LÉGALITÉ MALMENÉ : LINTERVENTION DU POUVOIR

§ 2./

RÉGLEMENTAIRE DANS LA DÉLIMITATION DE LA PRIVATION DE LIBERTÉ

155. La compétence législative minimale : la détermination de l’étendue de

la privation de liberté. Le cœur de la protection abstraite de la liberté individuelle réside dans la délimitation stricte de la privation de liberté, soumise au droit de ne pas subir une rigueur non nécessaire537. Il revient au législateur de déterminer les conditions de fond et de forme qui délimitent la privation de liberté et forment sa régularité538. Il lui appartient en conséquence de définir les éléments constitutifs du comportement sanctionné de la privation de liberté539, de définir l’obligation dont l’exécution peut être forcée par la privation de liberté et de définir l’état de dangerosité autorisant le recours à l’internement de sûreté. Il lui revient aussi de déterminer les conditions du maintien en détention au fil du temps. Même pour cet aspect minimal, le droit à la légalité est malmené par l’intervention du pouvoir réglementaire. Deux exemples principaux peuvent être relevés : l’obligation réglementaire érigée en délit (A) et la délégation de compétence du législateur au pouvoir réglementaire (B).