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L’accroissement timide : l’encadrement supra-légal de la privation de liberté de police

Titre I./ L E DROIT À LA SÛRETÉ

A) L’accroissement timide : l’encadrement supra-légal de la privation de liberté de police

164. La large consécration constitutionnelle de la privation de liberté de

police. Le Conseil constitutionnel estime que, « si l’article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire575, il n’impose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté »576. Le rejet d’un tel monopole est logique, dès lors que l’attente de la décision préalable de l’autorité judiciaire, a fortiori du juge judiciaire, pourrait compromettre l’efficacité de la protection de l’ordre public. Le rejet par principe d’une telle autorisation préalable est toutefois regrettable, dès lors qu’elle ne compromet pas toujours l’efficacité de l’action des forces de police. Le droit français ne connaît donc pas de théorie de mandat judiciaire d’arrestation, ni de cas d’entrée en privation de liberté réservé au titre d’un tribunal : la privation de liberté de police est largement consacrée. La première véritable intervention du juge judiciaire, pour opérer le contrôle de la nécessité de la privation de liberté, en dehors du contrôle en temps réel de l’autorité judiciaire577, sera le plus souvent décalée de l’arrestation578

et même de l’adoption du titre pérenne de privation de liberté579.

575 Cette dernière affirmation est relativisée par la propre jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a admis, pour un cas de courte privation de liberté de police, l’absence de contrôle de l’autorité judiciaire [Cons. const., déc. n° 2012-253 QPC du 8 juin 2012, [M. D.] : J. O., 9 juin 2012, p. 9796 ; Gaz. Pal., 5 juil. 2012, p. 11, comm. S. DETRAZ ;LPA,25mars2013,p. 4,chron. V. TELLIER-CAYROL].

576

V. par ex. Cons. const., déc. n° 2011-174 QPC du 6 oct. 2011, [Mme P.] : J. O., 8 oct. 2011, p. 17017 ;

Dr. admin., 2011, comm. n° 99, comm. C. LANTERO ; JCP A, 2012, n° 2040, comm. É. PÉCHILLON. Cette formule est désormais classique [Cons. const., déc. n° 2010-71 QPC du 26 nov. 2010, [Mme S.] : J. O., 27 nov. 2010, p. 21119 ; Dr. Famille, 2011, comm. n° 11, note I. MARIA ; RFDA, 2011, p. 951, chron. A. PENA ;

JCP, 2011, n° 189, note K. GRABARCZYK ; AJDA, 2011, p. 174, X. BIOY. – Cons. const., déc. n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011, [M. B. et autre] : J. O., 10 juin 2011, p. 9892 ; Constitutions, 2011, p. 400, obs. X. BIOY ;

RFDA, 2012, p. 629, K. BLAY-GRABARCZYK]. Dans une formule plus ancienne, le Conseil constitutionnel énonçait déjà que « si la compétence pour décider du maintien peut être confiée par la loi à l'autorité administrative, le législateur doit prévoir, selon des modalités appropriées, l'intervention de l'autorité judiciaire pour que celle-ci exerce la responsabilité et le pouvoir de contrôle qui lui reviennent » [Cons. const., déc. n° 92-316 DC du 20 janv. 1993 portant sur la loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques : J. O., 22 janv. 1993, p. 1118 ; consid. n° 15]. Le principe ressortait déjà implicitement de sa décision de 1980 dans laquelle le Conseil constitutionnel validait le mécanisme de la rétention administrative, alors que la décision de placement était laissée à l’autorité administrative [Cons. const., déc. n° 79-109 DC du 9 janv. 1980 portant sur la loi relative à la prévention de l'immigration clandestine et portant modification de l'ord. n° 45-2658 du 2 nov. 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers et portant création de l'office national d'immigration : J. O., 11 janv. 1980, p. 84].

577 V. infra, n° 615 et s.

578

V. sur la définition de l’arrestation, prise comme le début de la privation de liberté, supra, n° 28 et s.

579 Ce qui, pour la privation de liberté de police administrative, crée une chaîne plus longue, avant l’Habeas corpus : l’arrestation de police ouvre une garde provisoire, au terme de laquelle l’autorité de police administrative adopte le titre pérenne de privation de liberté, le premier contrôle du juge judiciaire intervenant ultérieurement. Le chaînage de la privation de liberté de police judiciaire est plus court, puisque l’arrestation de

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165. Même pour les mesures de sûreté, qui portent par nature un risque plus élevé d’arbitraire, le juge judiciaire ne bénéficie pas du monopole de l’adoption du titre pérenne de la privation de liberté580. Le juge judiciaire ne bénéficie du monopole d’adopter les titres pérennes de privation de liberté que pour la détention sanction581 et la détention

police ouvre la garde provisoire, au terme de laquelle le juge judiciaire intervient directement pour adopter le titre pérenne de privation de liberté.

580 La compétence judiciaire pour prononcer l’internement de l’aliéné, débattue déjà pour la loi de 1838 puis envisagée de nouveau en 1990, n’a jamais été consacrée, malgré de nombreux exemples en droit comparé. Le Conseil constitutionnel a maintenu le statu quo, alors que la loi a introduit un cas d’internement décidé par l’autorité judiciaire de l’aliéné irresponsable pénalement [art. 706-119 CPP. Voir S. DETRAZ, « La création d'une nouvelle décision de règlement de l'instruction : la décision d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental » ; RSC, 2008, p. 873 ; J. PRADEL, « Une double révolution en droit pénal français avec la loi du 25 févr. 2008 sur les criminels dangereux » ; D., 2008, p. 1000, spéc. deuxième partie ; K. LUCAS, « L'initiative de l'hospitalisation d'office : un pouvoir partagé au service d'un contrôle sanitaire et social renforcé » ; RDSS, 2010, p. 1077, spéc. deuxième partie]. Le prononcé de l’internement est alors décidé au cours d’une audience publique et contradictoire [v. l’art. 706-122 du CPP]. L’esprit d’un tel dispositif, plutôt que de renforcer la liberté individuelle, était surtout motivé par la volonté de créer une sorte de procès de l’irresponsable. Quant à la rétention de sûreté, si le Conseil constitutionnel notait la compétence judiciaire pour la prononcer au terme de la peine et les garanties procédurales prévues, il n’en faisait pas non plus une exigence constitutionnelle [déc. n° 2008-562 DC : préc. ; consid. n° 22].

581

La réserve du prononcé de la détention sanction à l’autorité judiciaire ressort de la suppression progressive, en droit français, des sanctions disciplinaires privatives de liberté [v. infra, n° 368] et du rejet constitutionnel d’investir les autorités administratives indépendantes d’un tel pouvoir de sanction [Cons. const., déc. n° 89-260 DC du 28 juil. 1989 portant sur la loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier : J. O., 1er août 1989, p. 9676 ; RFDA, 1989, p. 671, comm. B. GENEVOIS ; consid. n° 6 : « considérant que le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dès lors, d'une part, que la sanction susceptible d'être infligée est exclusive de toute privation de liberté et, d'autre part, que l'exercice de ce pouvoir de sanction est assorti par la loi de mesures destinées à assurer les droits et libertés constitutionnellement garantis » ; v. aussi Cons. const., déc. n° 97-389 DC du 22 avr. 1997 relative à la loi portant diverses dispositions relatives à l’immigration : J. O., 27 avr. 1997, p. 6432 ; AJDA, 1997, p. 524, comm. F. JULIEN-LAFERRIÈRE ; JCP, 1997, II, n° 22890, obs. J.-C. ZARKA ; RDP, 1997, p. 931, comm. F. LUCHAIRE ; consid. n° 30.]. Cette dernière interdiction relevait d’un fondement incertain, sauf à considérer que la séparation des pouvoirs, principe utilisé par le Conseil constitutionnel pour admettre que l’autorité administrative puisse prononcer une peine autre que celle privative de liberté, soit aussi celui qui s’oppose à ce qu’elle en prononce une, fondement déconnecté de l’article 66. À l’intérieur du droit pénal, l’infliction d’une peine, quelle que soit sa nature, appartient au juge, en raison de la séparation des autorités chargées de mener l’action publique de celles de jugement, de la protection de la liberté individuelle et de la protection de la présomption d’innocence [Cons. const., déc. n° 95-360 DC du 2 févr. 1995 portant sur la loi relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative : J. O., 7 févr. 1995, p. 2097 ; consid. n° 6 ; Cons. const., déc. n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 relative à la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité : J. O., 10 mars 2004, p. 4637 ; RSC, 2005, p. 122, comm. V. BÜCK ; D., 2004, p. 956, note M. DOBKINE ; RSC, 2004, p. 725, comm. CH.LAZERGES ; JCP, 2004, II, n° 10048, obs. J.-C. ZARKA ; consid. n° 107]. La combinaison de ces deux principes revient quasiment à confier au juge pénal le monopole de la condamnation à une sanction privative de liberté. Les derniers développements constitutionnels rattachent désormais le principe de séparation des fonctions à celui de l’impartialité des juridictions [Cons. const., déc. n° 2011-200 QPC du 2 déc. 2011, [Banque populaire Côte d'Azur] : J. O., 3 déc. 2011, p. 20496 ; Constitutions, 2012, p. 337, obs.O. LE BOT ; RJEP, 2013, ét. n° 2, comm. B. GENEVOIS ; consid. n° 8 ; Cons. const., déc. n° 2011-147 QPC du 8 juil. 2011 [M. J.] : J. O., 9 juil. 2011, p. 11979 ;

RTD civ., 2011, p. 756, obs. J. HAUSER ; AJP, 2011, p. 596, obs. J.-B. PERRIER ; Dr. pén., 2012, ét. n° 8, comm. C. CLAVERIE-ROUSSET ; consid. n° 11], l’article 66 de la Constitution devenant inopérant à justifier la réserve au juge pénal de la peine privative de liberté. L’article 5 § 1er réserve quant à lui la privation de liberté « après condamnation » à la décision d’un tribunal.

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provisoire582, si bien que l’atteinte lourde à la présomption d’innocence apparaît comme le critère de sa réserve, plutôt que la gravité de l’atteinte à la liberté individuelle. Le législateur bénéficie en conséquence d’une large marge d’appréciation pour encadrer le début de la privation de liberté.

166. Le standard minimum supra-légal du premier procès de la privation

de liberté : le recours à bref délai. Si nous avons défini le terme de la privation de liberté de police par le contrôle de la nécessité de la privation de liberté réalisé par le juge de

l’Habeas corpus, celui de l’article 5 § 3 de Convention européenne des droits de l’Homme et celui de l’article 66 de la Constitution583

, celui-ci ne bénéficie pas non plus d’une assise supra-légale forte584. Seul le recours juridictionnel à bref délai de l’article 5 § 4 assure un contrôle juridictionnel large du placement en détention, dans le respect des grands principes du procès équitable et vient encadrer strictement le début de la privation de liberté, pour laquelle le législateur national585 bénéficie d’une large marge.

167. Le développement du contrôle européen de la procédure légale de

placement en internement de l’aliéné. La Cour européenne des droits de l’Homme s’appuie

sur une exigence supérieure de sécurité juridique spéciale à la privation de liberté586, fondée sur l’article 5 § 1er(587)

, pour intégrer dans la notion de régularité de la privation de liberté, au-delà du respect du droit national, le respect de garanties protectrices découvertes par la Cour elle-même588. Elle a dégagé l’obligation pour la norme privative de liberté de

582 Concernant la détention provisoire, dès 1981, le Conseil constitutionnel notait que le mandat de dépôt ne pouvait « être décerné que par un juge du siège », sans pour autant préciser le fondement de cette compétence [Déc. n° 80-127 DC des 19 et 20 janv. 1981 : préc. ; consid. n° 34].

583 Déc. n° 79-109 DC du 9 janv. 1980 : préc. ; consid. n° 4 : « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ».

584 La jurisprudence constitutionnelle a admis l’émoussement progressif de sa célérité [v. infra, n° 722 et s.], tandis que la jurisprudence européenne l’a toujours apprécié souplement, même si elle montre un resserrement dernièrement [v. infra, n° 828 et s.]. Le contrôle du juge de l’Habeas corpus n’a pas à respecter les grands principes du procès équitable [v. infra, n° 818 et s.]. L’étendue du contrôle, en droit français [v. infra, n° 920 et s.] et en droit européen [v. infra, n° 961 et s.], ne bénéficie pas non plus d’une protection forte.

585

La légalité organique a pourtant largement été violée dans le domaine de la privation de liberté de police [v. supra, n° 152].

586 CEDH, sect. V, 11 avr. 2013, Firoz Muneer c. Belgique, req. n° 56005/10 : « la Cour rappelle que, lorsqu’il s’agit d’une privation de liberté, il est particulièrement important de satisfaire au principe général de sécurité juridique ».

587 Lorsque la sécurité juridique des conditions pour placer en détention provisoire n’est pas assurée, la Cour fonde la violation de la Convention sur le fondement de l’article 5 § 3 [CEDH, sect. V, 26 mars 2009,

Krejcir c. République Tchèque, req. nos 39298/04 et 8723/05].

588

Cet enrichissement concerne pour l’instant principalement la pleine information du détenu des motifs de sa privation de liberté, renforcée par rapport aux seuls principes de l’article 5 § 2, par exemple en exigeant la notification du titre de détention pour l’étranger en détention administrative [CEDH, sect. I, 2 mai 2013,

Barjamaj c. Grèce, req. n° 36657/11 ; § 39] ou en sanctionnant le défaut de motivation des décisions rendues sur le maintien de la détention provisoire du suspect [CEDH, sect. III, 21 mars 2002, Stasaitis c. Lituanie,

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comporter des « garanties appropriées et […] une procédure équitable et adéquate »589, lors du placement en détention, destinée à lutter contre la détention arbitraire590. En l’état de sa jurisprudence, ces progrès concernent principalement l’internement de l’aliéné, pour lequel la Cour tend à imposer « Les principes pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale et pour l’amélioration des soins de santé mentale » adoptés par l’Organisation des Nations Unies591.

req. n° 47679/99, ou CEDH, sect. V, 1er mars 2007, Belevitskiy c. Russie, req. n° 72967/01, en angl., ou CEDH, sect. V, 11 févr. 2010, Sabirov c. Russie, req. n° 13465/04 ; § 34].

589 CEDH, 5 oct. 2004, H. L. c. Royaume-Uni, req. n° 45508/99 : Rec. CEDH, 2004-IX ; § 115. Pour un cas d’internement de l’aliéné, la Cour relevait l’absence dans la législation nationale de « procédure d’admission formalisée indiquant qui peut proposer l’admission, pour quels motifs et sur la base de quel type d’examens et de conclusions médicaux et autres », de « limite portant sur la durée, le traitement ou les soins », « de disposition spéciale prévoyant une évaluation clinique continue de la persistance du trouble ayant légitimé l’internement » ou encore « de désignation d’un représentant du patient pouvant formuler certaines objections et demandes en son nom ».

590 CEDH, sect. III, 26 juin 2012, Toniolo c. Saint-Marin et Italie, req. n° 44853/10, en angl. La portée de l’arrêt reste faible, à l’image de la décision H. L. c. Royaume-Uni [préc.], puisqu’en l’espèce, la détention était réalisée sans aucun statut légal précis.

591 La Cour a d’abord imposé l’exigence d’un avis médical dès le placement, sauf urgence, auquel cas l’avis doit être réalisé immédiatement après l’arrestation, puis tout au long de l’internement [voir H. L. c. Royaume-Uni :

préc. ; § 120 et infra, n° 416 et s.]. Elle a ensuite transposé des garanties contenues dans le recours à bref délai, pour les imposer plus précocement. L’aliéné doit être entendu au cours de la procédure de placement, ou alors être personnellement représenté [CEDH, sect. I, 2 mai 2013, Zagidulina c. Russie, n° 11737/06, en angl.]. La Cour évoque même l’exigence d’un contrôle judiciaire de l’internement de l’aliéné directement sous l’angle de l’article 5 § 1er, indépendamment du recours à bref délai de l’article 5 § 4, ouvrant la porte, pour ce cas de détention au moins, à la consécration d’un Habeas corpus prétorien [CEDH, sect. V, 22 nov. 2012,

Sykora c. République Tchèque, req. n° 23419/07, en angl.]. Dans une hypothèse dans laquelle l’avis médical n’était pas suffisamment explicite, la Cour reprochait même aux autorités internes de ne pas avoir réalisé une enquête sérieuse et recueilli des témoignages, pour établir les troubles mentaux [CEDH, sect. V, 26 mai 2011,

Tupa c. République Tchèque, req. n° 39822/07, en angl. ; § 57]. Prudemment et progressivement, la Cour, à l’image de sa démarche concernant les Règles pénitentiaires européennes [v. infra, n° 522], tend à intégrer dans sa jurisprudence les Principes pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale et pour l'amélioration des soins de santé mentale, adoptés par l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies le 17 décembre 1991, dans sa résolution n° 46/119. Ainsi s’y réfère-t-elle pour exiger que l’opportunité de mesures moins sévères à l’internement, par exemple une période d’observation non privative de liberté, soit examinée par les autorités saisies du placement [CEDH, sect. II, 2 oct. 2012, Pleso c. Hongrie, req. n° 41242/08, en angl. ; § 68, ou encore CEDH, sect. III, 19 juil. 2011, L. M. c. Lettonie, req. n° 26000/02, en angl.]. Elle s’est référée au même texte pour poser l’exigence d’une expertise médicale objective vis-à-vis de l’établissement sanitaire dans lequel est interné l’aliéné, ou l’importance d’une procédure d’appel en la matière [CEDH, sect. V, 19 avr. 2012, M. c. Ukraine, req. n° 2452/04, en angl. ; § 62 et s.]. Il ressort de cette jurisprudence que si la violation d’un principe du texte international ne suffit pas à entraîner la violation de la Convention, l’ensemble de la procédure de placement en internement [et même du maintien] est globalement confronté à ces principes pour établir si la procédure présente des garanties suffisantes pour écarter l’arbitraire.

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168. Vers l’encadrement supra-légal strict de la privation de liberté de

police. La poursuite de cette construction, au nom de la qualité de la loi, pourrait aboutir au

meilleur encadrement de la privation de liberté de police, particulièrement déficient592, qu’il s’agisse de l’insuffisance des garanties entourant la capture et l’adoption du titre administratif de privation de liberté (1), ou du défaut de valeur supra-légale du paquet de droits généré par l’arrestation (2).

L’encadrement déficient de la privation de liberté de police : l’insuffisance 1)

des garanties entourant la capture et l’adoption du titre administratif de privation de liberté

169. L’arrestation de police : le point de départ de la privation de liberté de

police. L’arrestation de police, celle qui fait débuter la privation de liberté de police, se distingue de l’arrestation judiciaire, non pas que cette dernière soit décidée par l’autorité judiciaire au préalable, mais qu’elle marque le début de la privation de liberté judiciaire, c'est-à-dire celle décidée par le juge de la privation de liberté593, après la tenue du procès de la privation de liberté, contre l’individu qui a comparu libre594, que l’arrestation intervienne immédiatement après la décision, ou qu’elle soit différée dans le temps595

.

170. La capture de police. Si nous avons défini l’arrestation comme le début de la privation de liberté, par capture ou placement en détention596, la capture reste un moyen d’entrée en privation de liberté particulièrement coercitif, au point qu’elle doit être strictement encadrée. Pendant longtemps, le droit français a même exclu son recours de l’enquête préliminaire597, et il ne comprend toujours pas de fondement légal permettant la capture à l’initiative de l’officier de police judiciaire598

.

592

En revanche, la garde à vue a subi des progrès marqués plus récents, concernant l’assistance de l’avocat durant les interrogatoires, dans un mouvement constitutionnel et européen [v. infra, n° 290 et s.], et l’approfondissement du contrôle de sa durée in concreto, dans un mouvement européen [v. infra, n° 748].

593 V. infra, n° 605.

594

L’exemple typique de cette arrestation réside dans la mise à exécution d’une peine privative de liberté ou dans le mandat de dépôt décerné contre la personne libre.

595 C’est le cas, par exemple, de l’incarcération en cas de condamnation à une peine privative de liberté non assortie du mandat de dépôt.

596

V. supra, n° 29.

597 Voir M. BLONDET, « L’enquête préliminaire dans le nouveau Code de procédure pénale » ; JCP, 1959, I, n° 1513 : l’auteur y distingue la détention, revenant à « contraindre à rester près de soi une personne qui s’y trouvait déjà volontairement », permise en enquête préliminaire pour placer en garde à vue la personne qui a accepté d’être entendue et répondu à un convocation, de l’arrestation, qui permet d’« aller chercher quelqu’un »,

135

171. Le titre administratif de privation de liberté. Dans l’approche globale de la privation de liberté, celle du chaînage599, l’arrestation au cours d’une opération de police administrative ne permet qu’une mesure de garde provisoire de quelques heures600

, sous le contrôle, au mieux601, distant en temps réel de l’autorité judiciaire602

, pour permettre à l’autorité de police administrative, de plus haut niveau, d’adopter le titre pérenne de détention603, qui permettra de prolonger la privation de liberté pour une durée plus longue, jusqu’à l’intervention de l’autorité judiciaire indépendante, en Habeas corpus, dont l’intervention marque seulement la fin de la privation de liberté de police. La capture de police et l’adoption du titre administratif de détention font l’objet d’un encadrement léger.

a. L’encadrement léger de la capture de police

172. La capture en situation d’urgence ou de danger : le défaut de légalité.

La grave mise en péril de l’ordre public, en cas d’urgence ou de danger, pour des raisons évidentes, doit autoriser la capture604 de l’individu, sans autorisation judiciaire préalable. Elle justifie même d’octroyer ce pouvoir à toute personne, mais à des conditions plus strictes que le professionnel, au regard de son absence de maîtrise des techniques de contention605 et du risque qu’il réalise une mauvaise appréciation de la situation. Pourtant, l’article 73 du

exclue pour l’enquête préliminaire pour l’auteur, à l’époque de sa consécration dans le Code de procédure pénale.

598

La légalité devrait donc l’exclure [voir A. GOGORZA, « Arrestation et garde à vue : des fondements et de la régularité des interpellations pendant la phase policière » ; Dr. pén., n° 10, 2012, ét. n° 23], d’autant plus qu’en réformant la rétention douanière, le législateur a pris le soin de dissocier « arrestation » et « placement en retenue », alors que l’autorité dotée de ce pouvoir est la même pour les deux cas [art. 323-1 du Code des douanes], confirmant que l’arrestation par capture devrait en principe s’appuyer sur un fondement légal différent