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CHAPITRE 2 QUELLES THÉORIES DU DEVENIR PÈRE ET DE SON

2.5 L’ACCOMPAGNEMENT DU DEVENIR PÈRE

Accompagner les hommes en groupe : un peu d’histoire

Avant de parler du comment et du pourquoi accompagner des pères dans une démarche de groupe, il apparaît important de situer historiquement les circonstances attribuables à la création d’espaces d’accompagnement pour les hommes québécois. La nécessité de l’homme traditionnel de changer de formes, de se repenser, de s’actualiser a été grandement motivé par différents éléments contextuels. (Dulac, 1998a ; cité par Lindsay, Rondeau, Desgagnés, 2010, p.14). La contestation des jeunes de 1968, appelé symboliquement par Dumont (1968, cité par Idem, p.14), la révolte contre le père, a largement participé à l’éclatement du monde intérieur des hommes traditionnels (Lindsay, Rondeau, Desgagnés, 2010, p.14). Les événements de 1968 perçaient l’abcès d’une contestation qui avait commencé vers les années 1960, où les jeunes s’étaient révoltés « contre l’hypocrisie et les valeurs bourgeoises, contre la fausse respectabilité, la rigueur

de l’autorité, la rigidité de l’ordre (…) attributs qui étaient historiquement définis comme

Un autre facteur a participé au bouleversement des rôles traditionnels masculins : la montée du mouvement féministe. Un mouvement qui a apporté :

un nouveau savoir abondant, différent et subversif sur les femmes et sur les rapports sociaux entre les sexes (…), une remise en cause des connaissances sur les hommes,

le genre masculin, les attributs et l’identité masculine lorsqu’il conteste le pouvoir patriarcal et sa légitimité (Dulac, 1994a, p.13 ; cité par Idem, p.15).

L’apport du mouvement gai constitue un troisième facteur incontournable dans l’histoire du mouvement social occidental. Peu développé dans la littérature et dans la recherche, il a entre autre contribué à la revendication des identités homo/hétéro et homme/femme (Michaud, 1982 ; cité par Idem, p.15).

Pourquoi s’accompagner entre hommes en groupe ?

Ce n’est pas la conquête de l’espace et d’un super-progrès technique qui devraient occuper la condition masculine, mais la conquête d’une nouvelle relation à la vie pour les hommes, où les valeurs traditionnellement étiquetées comme féminines sont réassumées par les hommes comme des valeurs d’Être.

Maurice Champagne-Gilbert ; cité par Corneau, 1989, p.170

De ces trois facteurs, le mouvement féministe apparaît comme celui qui a le plus « bouleversé les conceptions des rôles traditionnels des hommes dans la sphère privée » (Lindsay, Rondeau, Desgagnés, 2010, p.15). Les effets observables sont de l’ordre d’une « plus grande participation de la femme dans la sphère publique, d’une remise en question

tâche et accessoirement le questionnement sur le rôle paternel des hommes » (Genest Dufault, 2006 ; cité Rondeau, Desgagnés, 2010, p.15). À la demande du mouvement féministe de « mettre fin aux violences et abus dont les femmes sont victimes par des

hommes tant dans la sphère publique et privée », par solidarité avec les femmes, pour « répondre à la crise de la masculinité et aux conflits de rôles auxquels bien des hommes

se sont retrouvés confrontés », les hommes ont ressenti le besoin de se rencontrer pour parler et réfléchir sur leur condition d’homme (Lindsay, Rondeau, Desgagnés, 2010, p.15).

Groupe de pères : défense, promotion et accompagnement

En lien avec ce qui vient d’être dit sur la question de l’accompagnement de l’homme dans une démarche de groupe, les pères, eux, n’échappent pas à cette même réalité historique. Les pères (hommes) ont instauré trois (3) types de services d’accompagnement : « la création de groupes de défense des droits des pères séparés, la mise sur pied de

groupes de promotion de la paternité et l’instauration de cours prénataux adaptés à la réalité des pères » (Lindsay, Rondeau, Desgagnés, 2010, p.20). Le premier type de service est apparu, au Québec, durant la décennie 1980. Avec le temps, ces groupes ont développé une offre de services diversifiée : counseling, suivi juridique, soutien post-divorce et références (Dulac, 1998a, p27 ; cité par Lindsay, Rondeau, Desgagnés, 2010, p.21).

Le deuxième type de service, les groupes de promotion de la paternité, suivent le filon de « la recherche d’une nouvelle identité masculine » (Antil et O’Neil, 1987 ; cité par Lindsay, Rondeau, Desgagnés, 2010, p.20). Ces groupes tentaient de « développer une

nouvelles conception de la masculinité moins basée sur la domination et la compétition et davantage ouverte aux dimensions affectives » (Antil et O’Neil, 1987, pp.372-373 ;.cité par Lindsay, Rondeau, Desgagnés, 2010, p.21). La raison est fort simple, le père de pouvoir et d’autorité d’hier est toujours vivant à travers le père d’aujourd’hui. Il convient, selon Dulac, de briser cette perception dans laquelle le père est confiné. Les groupes de

promotion de l’engagement paternel, selon Dulac, « offrent aux pères un lieu où ils peuvent

partager leurs expériences et exposer leurs problèmes vécus en tant que pères. Cela a permis de créer des réseaux de soutien entre pères et des réseaux de soutien pour la famille » (Dulac, 1998a, p.27 ; cité par Lindsay, Rondeau, Desgagnés, 2010, p.22).

Toujours dans la question de l’émergence des services offerts pour les pères, soit le troisième type de services, organismes et CISSS travaillent ensemble pour offrir des « cours prénataux adaptés à la réalité des pères dans plusieurs régions du Québec » (Québec, Montréal et Sherbrooke, FCLSCQ, 1985. Lindsay, Rondeau, Desgagnés, 2010, p.22). À travers ces cours, les pères en devenir sont invités à « l’expression des sentiments

d’ambivalence, de joie, d’inquiétude face à la grossesse et à la naissance prochaine » et les échanges portent « sur le rôle du père, l’évolution du couple, les aspects pratiques et

matériels liés à la naissance » (Roy, 1984 :B-3 ; cité par Lindsay, Rondeau, Desgagnés, 2010, p.22).

Dans le cadre de cette recherche, allant dans le même sens que les trois (3) types de services ici évoqués, j’explore avec des partenaires de ma région un quatrième service. Il s’agit d’une démarche de groupe destinée aux pères qui désirent partager leur vécu sur le rôle de la paternité8 . Elle vise à :

 poser un regard sur le rôle des pères dans l’histoire et définir son propre rôle ;  approfondir, par le partage, ses connaissances sur la parentalité ;

 trouver ses compétences (savoir-faire) dans l’exercice de son rôle de père ;

 établir une relation satisfaisante avec son enfant (et sa conjointe ou ex-conjointe) ;  reconnaître son vécu et apprendre à le communiquer ;

8 La description de la démarche est disponible en Annexe quatre (4). 10 La démarche est présentée au chapitre cinq (5).

 trouver des solutions à ses défis de père.

Pour répondre à ces objectifs, l’approche d’accompagnement de l’autoformation en groupe de co-formation est privilégiée. Elle sera approfondie dans les paragraphes qui suivent.