• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 6 PERSPECTIVES DE RENOUVELLEMENT : OÙ EN SONT

6.4 ACCOMPAGNEMENT, AUTOFORMATION ET CO-FORMATION

Accompagnement : Nuage des mots extirpés du premier niveau d’interprétation

Mouvement d’écriture performative

Accompagner l’autoformation en groupe de co-formation demande d’être une autorité bienveillante et présente en conscience. Elle requiert du formateur qu’il veille sans répit à nourrir le mouvement créateur qui l’habite et à ouvrir un espace pour solliciter le mouvement créateur des participants. Ce type d’accompagnement permet au père de conscientiser à partir de ses expériences et celles des autres, des ressources qu’il porte en lui et qu’il souhaite développer. Cette conscientisation est favorable à la mise en action. Avec une compréhension renouvelée de que ce qu’il est, il tend à se responsabiliser et avance dans un projet de formation existentielle. Il fait des choix cohérents avec ce qu’il découvre qu’il est réellement et ne cesse d’apprendre à apprendre de ses expériences.

151

Pour mener le père vers une démarche d’autoformation, je l’invite à réfléchir sur des expériences de sa paternité où il s’est senti comme un père compétent avec l’aide de supports méthodologiques tels que le journal de pratique, le blason, l’analyse d’expérience, etc. Ensuite, chacun partage sa réflexion au groupe. Les membres échangent leurs résonances symboliques, leurs projections. Ils font ainsi des prises de conscience, se dotent d’un projet existentiel d’autonomisation en vue d’avancer un pas de plus. Ces échanges renforcent le tissu humain, le sentiment d’appartenir à un groupe, à une communauté. Ensemble, les participants se motivent et s’engagent dans un véritable processus de transformation. Entre chaque rencontre, ils partent dans la semaine avec un projet à expérimenter, courant le risque de bouger, de ne plus être le même. Ils tentent quelque chose de neuf, puis reviennent dans le groupe la semaine suivante et partagent leurs réflexions et prises de conscience. C’est ainsi qu’est lancé la production et le partage de savoirs nouveaux, le chemin initiatique. Il m’arrive comme formateur de proposer des textes (apports théoriques) à tous, et d’autres qu’à certain pères selon ce qui est lié aux expériences qu’ils partagent et à ce qu’ils conscientisent. Ainsi, on se rapproche davantage d’une formation personnalisée que chacun réalise avec le support et la richesse d’un groupe. Un groupe composé de pères qui partagent souvent plus de vingt-cinq (25) années de savoirs d’expériences issus de leurs pratiques. Des savoirs d’expériences que l’on dit non-conscientisés et qui jaillissent lorsqu’on se les réapproprie, les conscientise et les comprend.

Le processus de changement par l’autoformation en groupe de co-formation mène les participants vers une connaissance de soi agrandie, une meilleure compréhension de leurs ressources et potentialités singulières, accentue la présence à soi et à la reconnaissance des expériences marquantes, à une réflexion plus affinée du sens de ses expériences et possiblement, à la conscience de la force du mouvement créateur. Finalement, accompagner, c’est permettre à l’un de réfléchir son expérience, à l’autre de l’entendre et ensemble de grandir par résonance, par écho.

CONCLUSION GÉNÉRALE

Le chemin parcouru

La fin de ce processus annonce le début de l’intégration de ce dont il rend compte. Une perpétuelle recherche-formation-existentielle liée à la force créatrice de l’être en relation. Une fin de cycle qui prévoit l’envol d’un père qui fait l’expérience d’être profondément humain. Une expérience qui fait de la relation avec les autres et le monde, une terre fertile au renouvellement de mes pratiques du devenir humain. Une terre qui nourrit la production de sens et de savoirs.

À travers cette recherche, j’ai tenté de comprendre comment accompagner le devenir père dans un contexte social de transformation des images de l’homme et de la paternité. Je désirais me rapprocher du sentiment d’être père. Ainsi, j’ai recueilli des fragments de mes expériences marquantes de père pour y découvrir de la richesse dans mes savoir-faire. J’ai reconnu des conditions qui me permettent de développer une relation d’authenticité et de réciprocité avec mon père, mes enfants, ma conjointe, mes amis, pour ne pas dire, les autres et le monde.

J’ai caressé le rêve d’apprendre le métier d’accompagnateur de l’autoformation par le groupe de co-formation suffisamment longtemps pour qu’il advienne. J’ai fait de mon besoin personnel un engagement social. Pour paraphraser Turcotte, j’ai reconnu la possibilité de devenir acteur de mon processus de changement, j’ai intégré des nouvelles façons de me vivre au masculin et j’ai participé à l’émergence d’une masculinité complètement humaine (Turcotte, 2010, p.366). De cette riche expérience, j’ai renouvelé ma pratique professionnelle, amélioré ma manière d’apprendre de mes expériences et trouvé une forme de confiance en soi. J’ai aussi appris à me relier à d’autres expériences de pères et développé le goût de me lier d’amitié avec des hommes. Pour finalement, reconnaître que la paternité n’est pas une finalité en soi, mais une possibilité de se rapprocher du sentiment d’être vivant et humain, d’exister en relation avec les autres, d’accorder de l’importance à l’existence, de développer de la curiosité,

153

Limites et perspectives

Mener de front la réflexion sur ma pratique personnelle de père jeune de deux (2) ans et la création d’une nouvelle pratique d’accompagnement destinée aux pères était un considérable défi. D’abord, je vivais un désir criant d’apprendre à devenir père et tenais mordicus à développer ma compétence d’animateur et formateur de groupe. Brosser un tableau dans une perspective aussi large a eu pour effet de générer une énorme quantité de données à sélectionner et à analyser, ce qui a affecté la qualité de l’analyse. De plus, ma pratique d’accompagnateur était nouvelle. Pour réfléchir sur une telle pratique, pour me permettre de m’y renouveler, il aurait été profitable de vivre plusieurs démarches d’accompagnement.

La création d’un groupe tel que nous le concevions demandait de l’ouverture de la part des organismes communautaires et des pères participants. En effet, la proposition était différente des propositions dites normatives où l’on enseigne la théorie et parle peu de la pratique. Des enjeux sont perceptibles dans la dialectique entre l’intervention normative et l’accompagnement de la réflexivité. Celle-ci se situe davantage dans l’accompagnement du dialogue, l’exploration collective et la co-formation, Cette formule d’accompagnement, telle que vue dans le chapitre deux (2), accompagne les pères dans un véritable processus d’autonomisation.

J’ai eu la chance de vivre une riche expérience d’accompagnement de l’autoformation en groupe de co-formation destinée aux pères en devenir. Cinq (5) pères ont participé à la démarche de groupe d’une durée de trente (30) heures à raison de trois (3) heures par semaine pendant dix (10) semaines. Ils nous ont accordé leur confiance, ont embarqué dans les propositions, ont réfléchi sur leurs expériences, ont partagé au groupe le sens de celles-ci, se sont mis en action et ont reconnu des transformations dans leur agir et leurs pensées quotidiennes.

Ce processus de recherche a eu pour effet de me rapprocher du sentiment de devenir père, de générer de la connaissance et du sens, de solidifier la confiance en soi, d’évoluer dans une

pratique d’accompagnement émergeante, de m’éduquer à vivre une vie pleine de sens, et finalement, tel que Rogers mentionne, de « participer au développement des autres au sein de la communauté » :

Il y a chez les personnes qui deviennent plus ouvertes à leur expérience personnelle un commun dénominateur organismique dans le choix des valeurs. Cette orientation commune dans le choix des valeurs est telle qu’elle contribue au développement de la personne elle-même, au développement des autres au sein de la communauté et à la survie ainsi qu’à l’évolution de l’espèce (Rogers, 1996, p.252 ; cité par Turcotte, 2010, p.359).

Pour conclure, je dirais que devenir père provoque l’enracinement, la responsabilisation et de la transformation dans la vie d’un homme. Devenir père c’est se rapprocher de son humanité, c’est une manière d’exprimer l’être profond en relation à soi, à l’autre et dans le monde, c’est une porte que l’on ouvre pour y découvrir du sens à l’existence.

ANNEXE I