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L’accès à l’énergie comme vecteur de transformation

Les sections précédentes du présent chapitre ont montré que l’énergie − et particulièrement l’électricité − peut jouer un rôle important dans la transformation structurelle de l’économie des PMA, de manière directe et indirecte, au niveau du processus de production, en complément du travail et du capital. En d’autres termes, l’énergie et la transformation structurelle, pour ce qui est des PMA, sont complémentaires et sont caractérisées par de fortes synergies.

Comme on l’a vu au chapitre  1, cela passe par un accès énergétique qui soit un vecteur de transformation dans les PMA, ce qui suppose d’aller bien plus loin qu’assurer aux ménages un accès suffisant

pour couvrir leurs besoins domestiques minimum.

Un accès à l’énergie qui agit comme un vecteur de transformation est celui qui permet aux unités productives (entreprises et exploitations agricoles) et aux institutions publiques et locales de disposer des sources d’énergie modernes − dont l’électricité − qui leur sont nécessaires pour développer et améliorer leurs capacités productives, de manière à stimuler le processus de transformation structurelle de l’économie. Ce concept s’appuie sur les notions plus générales proposées concernant l’accès à l’énergie par l’Initiative Énergie durable pour tous (section  D du chapitre 1), et se veut le complément, du point de vue des usages productifs, de l’accès pour (tous) les ménages prévu par l’ODD 7 (fig. 2.6)13.

Les conditions d’un accès énergétique qui soit un vecteur de transformation sont, en particulier, l’accessibilité, l’échelle suffisante, la fiabilité, la viabilité économique, l’abordabilité, l’efficacité et la durabilité environnementale14.

Accessibilité. Pour que l’énergie contribue à la transformation structurelle, une première condition est que les entreprises aient accès aux sources d’énergie dont elles ont besoin pour augmenter leur productivité, adopter de nouvelles technologies et de nouvelles méthodes de production et développer de nouveaux produits.

Échelle suffisante. La transformation structurelle impose d’augmenter la quantité et la qualité de l’offre énergétique, en fonction de la demande et des besoins des producteurs, pour éviter qu’elle ne limite le développement des activités productives nouvelles et existantes.

Fiabilité. Le rôle de facilitation  de l’énergie dans la transformation structurelle nécessite une offre continue et fiable d’énergie pour les usages productifs, ce qui signifie, en particulier, des infrastructures de qualité et bien entretenues pour la production, le transport et la distribution de l’électricité.

Viabilité économique. Les systèmes énergétiques doivent être viables économiquement et financièrement si l’on veut qu’ils opèrent efficacement et se développent pour répondre à la demande future concernant des utilisations aussi bien domestiques que productives.

Cela signifie que les investissements doivent produire un taux de rentabilité suffisant, et que les coûts d’exploitation et d’entretien doivent être pleinement couverts.

Abordabilité. Étant donné que l’énergie est un élément clef des coûts de production, la limitation des coûts pour les utilisateurs finals est importante, pour garantir la compétitivité. Dans le secteur de l’électricité en

particulier, un équilibre doit être trouvé, cependant, entre cette condition et l’impératif de viabilité financière, comme on le verra au chapitre  5. Développer la demande par les usages productifs peut aider à concilier ces problèmes, en permettant des économies d’échelle, en réduisant les coûts de production et de distribution et en exploitant les effets de réseau.

Efficacité. Pour que l’accès à l’énergie soit un vecteur de transformation, il faut, tout à la fois, veiller à ce que les producteurs aient accès à des formes d’énergie qui soient efficaces au stade de l’utilisation finale dans le processus de production, et garantir l’efficacité au niveau de la production et de la distribution de l’énergie en tant que telle. Dans le secteur de l’électricité en particulier, l’efficacité productive et distributive peut aussi aider à concilier l’abordabilité et la viabilité financière, outre qu’elle est étroitement liée à la fiabilité.

Durabilité environnementale. Comme on l’a vu au chapitre  1, la production et l’utilisation de l’énergie sont étroitement liées aux problèmes de durabilité environnementale, au premier rang desquels les émissions de gaz à effet de serre (GES) et les changements climatiques, la pollution de l’air intérieur et de l’air ambiant, et la déforestation et la dégradation des forêts. C’est un principe important, s’agissant aussi bien de la substitution de sources modernes d’énergie à la biomasse traditionnelle, qui peut avoir des retombées non négligeables pour l’environnement et la santé, que des choix technologiques liés à la production d’électricité.

Ces aspects d’un accès énergétique propice à la transformation ont des conséquences importantes pour le choix des technologies électriques, des cadres de politique générale, des structures de marché et des modalités de fixation des prix, comme on le verra aux chapitres suivants.

H. Conclusion

Les PMA continuent de se situer plutôt en bas de l’échelle énergétique ; ils utilisent l’énergie principalement à des fins domestiques et misent avant tout sur la biomasse traditionnelle. Gravir les degrés de cette échelle − par une utilisation accrue des sources modernes d’énergie et de l’électricité en particulier −

est un aspect clef du processus de développement.

Des approvisionnements énergétiques plus fiables, plus abordables et plus efficaces peuvent permettre l’adoption de nouveaux procédés et de nouvelles technologies de production, élever la productivité et favoriser l’apparition de nouvelles activités économiques, avec des retombées importantes pour tous les secteurs de l’économie.

Le couple énergie-transformation – la relation à double sens entre l’accès à l’énergie et la transformation structurelle − occupe une place centrale dans le processus de développement, de même que l’utilisation productive de l’électricité qui en est le fondement. L’utilisation de l’électricité dans les processus productifs apporte tout à la fois le moyen de concrétiser un accès élargi par une transformation structurelle, et la demande capable d’aider à viabiliser les investissements dans l’infrastructure électrique.

Tirer parti efficacement de cette relation impose cependant de ne pas se limiter à un objectif d’accès universel fondé sur les besoins minima du ménage, mais d’adopter un objectif d’accès à l’énergie comme vecteur de transformation. Cela suppose un système énergétique économiquement viable, capable de donner accès à une énergie propre sous la forme et à l’échelle voulues pour des activités productives, avec la fiabilité indispensable à ces activités, à un coût abordable, d’une manière qui soit viable économiquement et rationnelle écologiquement.

Forme d’énergie la plus polyvalente et offrant le plus de possibilités de transformation, et située tout en haut de l’échelle énergétique, l’électricité est un aspect central de l’accès à l’énergie comme vecteur de transformation.

Il sera donc plus particulièrement question du secteur de l’électricité dans les prochains chapitres.

Les conditions d’un accès énergétique qui soit un vecteur de transformation

sont, en particulier, l’accessibilité, l’échelle suffisante, la fiabilité, la viabilité

économique, l’abordabilité, l’efficacité

et la durabilité environnementale

Notes

1 Les PMA inclus dans l’analyse sont les suivants : Afghanistan, Angola, Bangladesh, Bénin, Bhoutan, Burkina Faso, Burundi, Comores, Éthiopie, Gambie, Guinée équatoriale, Guinée, Guinée-Bissau, Haïti, Îles Salomon, Lesotho, Libéria, Madagascar, Malawi, Mali, Mauritanie, Mozambique, Myanmar, Népal, Niger, Ouganda, République démocratique populaire lao, République-Unie de Tanzanie, Rwanda, Sénégal, Sierra Leone, Soudan, Togo, Yémen et Zambie. Sont inclus les autres pays en développement suivants  : Afrique du Sud, Algérie, Argentine, Bahamas, Barbade, Belize, Botswana, Brésil, Brunéi Darussalam, Cameroun, Chili, Chine, Colombie, Congo, Costa Rica, Côte d’Ivoire, Cuba, Égypte, El Salvador, Émirats arabes unis, Équateur, Fidji, Gabon, Ghana, Guatemala, Guyana, Honduras, Hong Kong (Chine), Inde, Indonésie, Iraq, Jamaïque, Jordanie, Kenya, Koweït, Liban, Libye, Macao (Chine), Malaisie, Maldives, Maroc, Maurice, Mexique, Mongolie, Nicaragua, Nigéria, Oman, Panama, province chinoise de Taiwan, République arabe syrienne, République centrafricaine, République dominicaine, Seychelles, Singapour, Suriname, Tchad, Tonga, Trinité-et-Tobago, Tunisie, Turquie, Venezuela (République bolivarienne du) et Viet Nam.

2 L’approvisionnement total en énergie primaire est défini dans le texte (sect. B.1 ci-dessus). L’approvisionnement total en électricité correspond à l’électricité thermique plus l’approvisionnement en électricité primaire.

L’approvisionnement en électricité primaire comprend l’énergie électrique d’origine géothermique, hydraulique, nucléaire, marémotrice, éolienne, houlomotrice/marine et solaire. Les sources de données utilisées sont : la base de données statistiques sur l’énergie de l’ONU (Division de statistique de l’ONU sur l’énergie), UNCTADstat et la base de données Indicateurs du développement dans le monde de la Banque mondiale (WDI). La productivité du travail dans l’agriculture, l’industrie, l’activité manufacturière et les services correspond au rapport entre la valeur ajoutée brute et le nombre d’emplois pour chaque secteur. Les tests de racine unitaire indiquent que les variables ne sont pas stationnaires en niveau ; toutes les estimations ont donc été faites en utilisant les différences premières des variables.

3 La plupart des pays, en particulier les PMA, ne disposent pas de séries chronologiques longues. La stationnarité des séries et la causalité en panel ont donc été testées avec les outils existants. Le test de Dumitrescu et Hurlin (2012), une version élargie du test de Granger (1969), a été utilisé pour tester la causalité sur données de panel.

Pour ce faire, les variables doivent respecter la condition de stationnarité, ce qui est déterminé par le test de Im, Pesaran et Shin (2003). L’hypothèse nulle de non-causalité a été étudiée à l’aide d’un test F. L’hypothèse alternative met en évidence un lien de causalité pour certains individus, mais pas nécessairement pour tous.

4 Les estimations ne permettent pas d’évaluer l’ampleur de cet effet dans chaque secteur.

5 La CNUCED a calculé l’indice de développement énergétique des PMA à partir de la moyenne simple des indicateurs suivants : 1. Consommation d’énergie par habitant (usage commercial) ; 2. Consommation

d’énergie par habitant (usage domestique) ; 3. Part des combustibles modernes dans la consommation totale d’énergie à usage domestique ; 4. Proportion de la population ayant accès à l’électricité. Chaque indicateur se situe entre 0 et 1, selon la méthode de normalisation min-max.

6 L’étude dont il est question se fonde sur des tableaux entrées-sorties et ne porte pas sur les PMA, mais sur les autres pays en développement et les pays développés.

7 Comme mentionné dans la note de bas de page  9, certains PMA ont quelques capacités de raffinage, mais celles-ci sont loin de pouvoir répondre à la demande intérieure de produits pétroliers et restent inférieures au potentiel offert par la production de pétrole brut.

8 En raison de difficultés méthodologiques et de leur caractère souvent non marchand, les activités liées à la biomasse traditionnelle, soit ne figurent pas dans les comptes nationaux, soit n’y sont pas détaillées à part.

9 Qu’elles se rapportent à la création de valeur ajoutée ou à l’emploi, les données relatives au secteur minier incluent les activités qui concernent aussi bien les produits de base énergétiques (charbon, pétrole brut, gaz naturel et uranium) que les autres minéraux, dont les métaux (autres que l’uranium), les pierres précieuses, etc. Pour obtenir un résultat net de l’effet des produits de base non énergétiques, les données relatives au secteur minier ont été pondérées d’un coefficient correspondant au poids global des produits de base énergétiques dans les exportations totales de minéraux. Dans la plupart des PMA, il n’existe pas de données sur la production et l’emploi pour des activités de transformation telles que la production de coke, de produits pétroliers raffinés et de combustibles nucléaires, mais ces activités ne représentent normalement qu’une partie réduite du secteur de l’énergie. Seuls 14 PMA disposent d’une capacité même limitée de raffinage du pétrole, dont la production est loin d’atteindre celle des autres secteurs manufacturiers. De même, les données disponibles sur les comptes nationaux et l’emploi regroupent généralement les services d’utilité publique liés à l’énergie − électricité et gaz − et l’adduction d’eau, sans ventilation supplémentaire.

10 Le Bhoutan peut être considéré comme un cas exceptionnel, étant donné l’importance de ses exportations d’électricité d’origine hydraulique.

11 On ne dispose pas de données concernant le Yémen pour la période considérée.

12 Dans les ménages où aussi bien les femmes que les hommes s’occupent de la collecte du bois, la répartition par sexe du temps économisé peut aussi s’écarter sensiblement de celle du temps passé à cette activité : même si les femmes passent plus de temps que les hommes à collecter du bois, une part plus importante du temps économisé peut revenir aux hommes.

13 Le rapport de 2010 du Groupe consultatif du Secrétaire général des Nations Unies sur l’énergie et les changements climatiques a recommandé aux pays à faible revenu de développer l’accès à des services énergétiques modernes et de le faire d’une manière qui soit économiquement viable, durable, abordable

et efficace et rejette le moins possible d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Des technologies et des systèmes énergétiques aussi bien centralisés que décentralisés, associant les trois modèles généraux de l’extension du réseau, des miniréseaux et des systèmes hors réseau, sont préconisés pour y parvenir (AGECC, 2010).

14 Ces caractéristiques s’apparentent aux attributs de l’offre énergétique définis par l’Initiative Énergie durable pour tous (capacité, durée et disponibilité, fiabilité, qualité, abordabilité, légalité, commodité, santé et sécurité), mais l’accent est mis davantage sur les besoins d’une transformation structurelle durable et inclusive que sur l’aspect accès universel.

Traditionnels, centralisés

Diversifiés, décentralisés

Énergie éolienne, combustibles fossiles, hydroélectricité, énergie

solaire

de la production d’électricité des PMA est fondée sur des sources renouvelables

51 % sur l’énergie hydraulique

sur le solaire et l’éolien

52 %

dont

et 1 %

Importations de machines et d’équipements de production d’électricité dans les PMA en 2016

entre 2000 et 2016

5,5 milliards de dollars

issues du

commerce Sud-Sud croissance

annuelle de dont 47 %

18 %

Miniréseaux Dispositifs

domestiques autonomes

Les technologies au service d’un accès à l’électricité qui soit un

vecteur de transformation dans les PMA

CHAPITRE 3

Les technologies au service d’un accès à l’électricité qui

soit un vecteur de transformation dans les PMA

A. Introduction 67

B. Situation du secteur de l’électricité dans les PMA 67