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L’ABS, une démarche d’évaluation des besoins sociaux

Évaluer une expérimentation sociale dans le domaine de l’emploi : le cas du

2. L’ABS, une démarche d’évaluation des besoins sociaux

Nous l’avons vu, ce qu’on tente d’évaluer à travers une ABS, ce sont les besoins sociaux de la population communale, avec comme objectif d’y apporter la réponse la plus appropriée et adaptée possible. Faire un tel travail suppose donc d’avoir un panorama de la « société communale » le plus complet et actualisé possible et d’en connaître ses différentes dimensions, démographiques, économiques, sanitaires et sociales. Pour cela, le panorama doit être renouvelé chaque année pour en pressentir et mesurer les évolutions. Il doit être également confronté aux études et analyses que font les autres acteurs locaux (collectivités territoriales, institutions, associations) pour devenir un diagnostic partagé sur le territoire communal.

2.1. Approche quantitative et qualitative

La connaissance de la situation socioéconomique de la commune passe par la collecte d’informations quantitatives et qualitatives et de leur analyse. Ces informations peuvent émaner de nombreuses sources et provenir à la fois des services du CCAS (via les agents mais aussi les usagers) et de ses partenaires (associations, institutions, collectivités territoriales).

Ce qui semble a priori le plus naturel à recueillir, ce sont des informations de nature quantitative. De plus en plus accessibles, notamment à partir de sites web (INSEE7, INED8, DARES9, DREES10, etc.), elles permettent de donner une photographie de la commune précise et actualisée. Et elles sont indispensables pour objectiver une connaissance de terrain.

Les données quantitatives peuvent être à la fois des données de population (INSEE à partir principalement des recensements de population), de cadrage (DREES sur les thématiques relevant du sanitaire et social, DARES concernant l’emploi et le chômage) ou des données administratives (issues d’organismes comme la CAF11 pour les prestations et minima sociaux, la CPAM12 pour des données de santé, la CRAM13 pour le minimum vieillesse, Pôle Emploi pour les demandeurs d’emploi, le Conseil général pour l’ allocation personnalisée d’autonomie…). Elles sont donc éparpillées entre de multiples « fournisseurs » potentiels, avec pour conséquence que tous les CCAS ne parviennent pas à obtenir les mêmes informations car leur obtention dépend souvent du contexte politico-institutionnel local. Néanmoins, un moyen de lever ce frein passe par l’établissement de conventions avec les partenaires « fournisseurs de données », ce qui permet de formaliser non seulement l’échange de données, mais également l’échange d’expertise sur celles-ci.

Par ailleurs, il est nécessaire de se situer dans le temps et l’espace car les données n’ont de sens que si elles sont resituées par rapport à leur évolution dans le temps et comparées avec d'autres échelles géographiques. Pour le premier point, les conventions d’échanges de données permettent de pérenniser le

7 INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques.

8 INED : Institut national d’études démographiques.

9 DARES : Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques.

10 DREES : Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques.

11 CAF : Caisse d’allocations familiales.

12 CPAM : Caisse primaire d’assurance maladie.

13 CRAM : Caisse régionale d’assurance maladie.

recueil et de pourvoir en faire une analyse longitudinale. Pour le second, un bon outil est d’avoir un socle d'indicateurs de base renseigné pour d’autres communes proches notamment en termes de taille, pour le département, la région et la France.

En termes de présentation et d’analyse, il est indispensable de veiller à donner des clés de compréhension pour chaque indicateur mobilisé et à le présenter de manière pédagogique en développant en particulier une représentation cartographique quand on étudie le niveau infra-communal. Ce niveau d’observation est essentiel pour les communes de grande taille, voire de taille moyenne14 et est très apprécié par les membres du conseil d’administration, notamment les élus qui ont, en général, une représentation géographique précise de leur territoire.

Mais la « vision quantitative » ne suffit pas et est à approfondir par le recueil de données qualitatives qui peuvent provenir de divers ordres :

• dires d’usagers recueillis notamment via l’accueil des CCAS ou les conseils de vie sociale dans les établissements pour personnes âgées ;

• paroles d’habitants captées à travers les comités de quartiers par exemple ;

• constitution de tables-rondes sur des problématiques ciblées qui regroupent des personnels du CCAS et des représentants d’associations ou de divers organismes compétents sur le sujet ;

• entretiens approfondis menés auprès de bénéficiaires d’un service du CCAS ;

• etc.

Cependant, mener un tel travail de nature qualitative sur la totalité de la population relevant de l’ABS ne semble ni réaliste, ni réalisable chaque année. Il semble plus opportun d’identifier une (ou deux) thématique(s) spécifique(s) par an et de la (les) travailler par une approche qualitative. De plus, les phénomènes n’évoluant pas forcément beaucoup d’une année sur l’autre, il peut être intéressant d’y revenir à quelques années d’intervalle.

2.2. Démarche d’observation sociale concertée avec les différents acteurs sociaux

L’ABS se doit d’être un diagnostic partagé entre acteurs sociaux locaux. Pour qu’il en soit ainsi, la démarche doit donner lieu à une restitution élargie. Elle doit, en effet, être restituée aussi bien en interne qu’en externe.

En interne, l’ABS doit être présentée dans les principales instances de direction, mais aussi aux agents du CCAS afin que l’ABS devienne un support aux projets de service et d’établissement. Au niveau municipal, l’ABS positionnant le CCAS comme l’acteur social communal, elle doit être restituée auprès des principales instances municipales, notamment auprès des directions qui sont peu ou prou concernées : directions en charge de l’action sociale bien sûr, mais aussi de l’enfance, de la jeunesse, de la politique de la ville…

En externe, la restitution de l’ABS doit se faire auprès des partenaires du CCAS et en constituer un moment fort, premier stade pour faire évoluer la démarche vers un exercice d’observation intégré et partenarial, avec l’objectif de produire un effet d’entraînement des partenaires dans des projets issus de la démarche d’observation.

2.3. ABS et évaluation

Cette démarche d’observation que constitue l’ABS doit amener vers une démarche d’évaluation, comme le rappelle le commentaire d’une CRC déjà citée au 1.1. : « Suivre régulièrement l’évolution sociale pour vérifier l’efficacité de l’action entreprise afin de la réorienter, ou de l’approfondir, en cas d’insuffisance. »

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Car l’ABS en tant qu’outil de pilotage de l’action municipale peut contribuer à l’évaluation de celle-ci à plusieurs niveaux, en tant que :

• outil de contrôle de gestion, c’est-à-dire de mesure de l’efficience : les moyens mis en œuvre sont évalués au regard des résultats obtenus. Mais ce niveau doit être manié avec précaution et être accompagné en présentant cet objectif sous-jacent, notamment en interne auprès des équipes, pour ne pas susciter de réticences vis-à-vis de la démarche d’ABS ;

• outil de construction d’indicateurs d’impact en lien avec l’activité des services du CCAS, notamment dans un contexte de pénurie de l’argent public ;

• outil de réflexion invitant à l’introspection, la réinterrogation, voire la remise en cause des actions et orientations engagées.

Ainsi, l’ABS doit pouvoir participer à l’évaluation des politiques menées, sans lever de méfiance, de réticences dans les services qui pourraient y voir des craintes et freiner leur investissement dans la phase constructive de la démarche, notamment lors de la récupération des données en interne.

Par ailleurs, l’évaluation ne doit pas avoir une entrée uniquement financière, mais être un outil de valorisation des actions menées par le CCAS dans sa dimension d’utilité sociale. La démarche d’observation sociale est alors à relier avec les démarches d’évaluation des actions menées en interne.

Conclusion

Finalement, les objectifs généraux de l’ABS peuvent se résumer en deux grands points :

• d’une part, identifier les problèmes, les attentes, les besoins existants, émergents et susceptibles de survenir ;

• d’autre part, élaborer des préconisations, des propositions ou aider à leur formulation.

Il s’agit donc non seulement d’évaluer le système existant de réponses aux besoins, mais aussi de prendre en compte les besoins non encore satisfaits et d’anticiper ceux susceptibles d’émerger selon une plus ou moins grande probabilité. En conséquence, l’ABS doit avoir une finalité opérationnelle : aider à construire de nouveaux outils et permettre l’évolution des dispositifs et pratiques actuels dans un souci de mieux répondre aux nouvelles situations d’exclusion sociale ou économique.

La démarche qu’elle nécessite ne peut être, consécutivement, que de longue haleine. Car « pour entrer dans les mœurs » du CCAS, l’ABS ne peut se décréter du jour au lendemain, elle doit être construite conjointement avec les personnels et les partenaires du CCAS dans la durée. De plus, cette étude ne peut être que longitudinale, en réalisant un panorama actualisé régulièrement chaque année afin de pouvoir prendre la mesure des évolutions pressenties. Enfin, l’ABS ne peut s’élaborer que « pas à pas », sans vouloir aller trop vite, avec les différentes partenaires « naturels » dans le champ du social pour être progressivement intégrée par les décideurs dans le mode d’élaboration des politiques et actions sociales.

Présentée comme « la pierre angulaire de toute politique sociale communale » par la vice-présidente du CCAS de Marseille, cette obligation réglementaire imposée « d’en haut » et qui aura mis du temps à s’intégrer au fonctionnement des CCAS, faute de précision dans sa méthode et son appropriation par les CCAS pas forcément outillés pour, a finalement le mérite de bousculer les manières traditionnelles de travailler de chacun en obligeant à les décloisonner.

Bibliographie

Arcade (2003), Observer la culture en région. Contribution du groupe de travail sur l’observation culturelle en région.

CCAS de Grenoble (2008), Analyse des besoins sociaux 2008.

CCAS de Grenoble (2009), Analyse des besoins sociaux 2009.

CCAS de Marseille (2007), Analyse des besoins sociaux 2007-2008.

CCAS de Marseille (2008), Analyse des besoins sociaux 2008-2009.

CCAS de Marseille (2009), Analyse des besoins sociaux 2009-2010.

CCAS de Montpellier (2008), Analyse des besoins sociaux 2008.

Delecroix J. (2003), Le cadre légal de l’observation sociale, note, CCAS d’Issy-les-Moulineaux.

Conseil national de l’évaluation (1996), Petit guide de l'évaluation des politiques publiques, Paris, La Documentation française.

UNCCAS (2009), Comprendre l'analyse des besoins sociaux, ses enjeux, sa méthodologie, Guide

« Indispensables de l’action sociale locale ».

Weka (2009), Réaliser l’analyse des besoins sociaux, Guide Weka.

Les trajectoires professionnelles des familles monoparentales bénéficiaires du

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