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L’évolution des politiques agricoles d’Afrique et leurs difficultés

3. LA PLACE DE L’AGROÉCOLOGIE AU SEIN DES POLITIQUES AGRICOLES DES PAYS AFRICAINS

3.1 Politiques agricoles en Afrique

3.1.2 L’évolution des politiques agricoles d’Afrique et leurs difficultés

En termes simples, une politique agricole est la vision commune du modèle d’agriculture dans une région (Inter-réseaux, 2008). Elle est composée de mesures réglementaires, de ressources humaines et financières et d’outils divers afin d’atteindre des objectifs préétablis qui contribuent à la croissance du secteur agricole. Cet outil est évolutif et est influencé par les différents éléments de contexte qui affectent la région ou le pays qui le met en place (Initiative Prospective Agricole et Rurale (IPAR), 2010). À l’époque de l’indépendance de plusieurs pays africains dans les années 1960, les politiques agricoles misaient beaucoup sur l’exportation pour générer des revenus, ainsi que sur l’importation pour aider à la sécurité alimentaire (ibid., Lerouil, 2011). Le continent était considéré comme un exportateur net (Bello, 2008), c’est-à-dire que la valeur de ses exportations dépassait largement la valeur de ses importations (Investopedia, s.d.). Ces politiques agricoles ont plus tard suivi l’influence des politiques d’ajustement structurel, mises en place dans les années 1990 par le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale. Ces politiques ont ancré l’idée de la libéralisation de l’économie, de la concurrence au niveau international, de la faible participation de l’État, notamment quant à ses dépenses publiques pour l’agriculture et de la privatisation des entreprises du secteur alimentaire (Balié et Fouilleux, 2008). Suite à cette

ouverture des marchés, une augmentation des importations dans les pays en voie de développement en provenance des pays nordiques a été observée. Cela est en accord avec les objectifs de l’Accord sur l’agriculture, discutés plus loin à la section 3.2, qui visaient entre autres à écouler les productions agricoles supplémentaires des pays développés vers les pays en développement (Bello, 2008). L’accroissement des importations en Afrique n’a pas cessé pour représenter, en 2008, environ 25 % de la nourriture que le continent nécessite. Malgré cela, la faim et les famines sont des phénomènes qui demeurent courants.

Les politiques agricoles africaines d’aujourd’hui reconnaissent la place primordiale que joue l’agriculture dans l’économie et le développement des pays africains (Balié et Fouilleux, 2008). Par ailleurs, le concept de la souveraineté alimentaire prend une place de plus en plus grande comme objectif dans plusieurs de ces politiques (IPAR, 2010). Ce concept a d’ailleurs comme principe que les populations et les nations sont en droit de définir leurs propres politiques agricoles et alimentaires (Cohn et autres, 2006). La souveraineté alimentaire se base sur le droit des peuples à un accès à la nourriture et aux terres pour leurs activités agricoles. Le concept implique aussi que la production de nourriture doit d’abord viser les marchés locaux et nationaux, plutôt que d’être soumise aux politiques de libre-échange, qui nuisent à ces marchés, et que la dépendance des populations du sud envers les importations des pays au nord soit diminuée. La souveraineté alimentaire est un concept distinct de la sécurité alimentaire, mais complémentaire puisque l’atteinte du but du premier concept va aider à atteindre le second (Équiterre, s.d.). En effet, si les populations définissent leurs propres politiques agricoles et alimentaires et protègent leurs marchés locaux, ces populations auront plus de chances d’avoir des aliments de bonne qualité et en quantité suffisante, qui sont disponibles et accessibles, en plus de refléter leurs choix et préférences alimentaires. Or, les techniques agroécologiques représentent un moyen d’orienter les peuples vers la souveraineté alimentaire (Cohn et autres, 2006). Ce concept va à l’encontre du modèle dominant de système alimentaire conçu, et sous les décisions de grandes compagnies, basé principalement sur une agriculture industrielle pour l’exportation. Tout cela est au détriment d’une agriculture durable à petite échelle qui subvient aux besoins des populations locales et remet les décisions concernant la production et l’approvisionnement agricole entre leurs mains.

La place de l’agriculture dans les politiques agricoles est bien ancrée aux différents niveaux de gestion qu’on retrouve en Afrique. À l’échelle du continent, le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) aide au soutien de l’ensemble des pays dans le domaine de l’agriculture, entre autres par son Programme Détaillé de Développement de l’Agriculture Africaine (PDDAA) (PDDAA, s.d.). Beaucoup de politiques agricoles communes existent au niveau des sous- régions, c’est-à-dire qu’elles sont mises en application et partagées par certains pays (Balié et Fouilleux, 2008). En outre, il est possible de retrouver dans quelques pays des politiques qui leur sont propres et des lois agricoles nationales. Conséquemment, la diversité en politiques et en lois agricoles en Afrique impliquent nécessairement pour leur bon fonctionnement une cohérence entre elles, une grande diversité d’acteurs et de larges concertations. Toutefois est-ce vraiment le cas et quelles sont les difficultés qui se présentent dans l’élaboration et dans la mise en œuvre des politiques agricoles?

Un premier problème auquel les politiques se heurtent est d’assurer leur financement. Comparativement aux pays développés qui s’appuient principalement sur leur budget pour financer le domaine agricole, l’Afrique est très dépendante des financements extérieurs, comme les bailleurs de fonds, puisqu’elle a peu de capacités de financement intérieur, c’est-à-dire apporté par les États (IPAR, 2010; Inter-réseaux, 2008). Cette situation engendre que les pays sont plus limités dans le choix des mesures qu’ils peuvent appliquer, car l’orientation de la politique agricole par ceux qui la conçoivent peut être très différente de celle valorisée par les gens qui financent (ibid.). D’autant plus que souvent, les financements obtenus sont insuffisants et ne permettent pas une application à long terme. Le financement de projets de court terme a souvent lieu, ce qui limite la mise en place d’un secteur agricole solide (IPAR, 2010). De surcroît, la multiplicité d’acteurs qui prennent part aux processus de politique agricole rend difficile les accords dans les décisions, sans compter que les États s’engagent souvent faiblement pour permettre une mise en œuvre efficace des politiques, et aident peu à renforcer les capacités des acteurs auxquels ils transfèrent leurs tâches. Également, certains pays africains font partie de plusieurs organisations régionales agricoles d’où l’émergence d’objectifs contradictoires au sein d’un même pays (Balié et Fouilleux, 2008). L’instabilité politique, les conflits armés, ethniques, et les tensions entre pays ainsi que la corruption sont des phénomènes qui affectent plusieurs pays d’Afrique et nuisent à un secteur agricole stable. Par ailleurs, les ressources humaines sont insuffisantes pour l’élaboration

et la coordination de la mise en œuvre des politiques agricoles (ibid.). L’information qui est liée à ces dernières est souvent mal diffusée aux acteurs impliqués, ce qui limite une bonne application. Il est à ajouter que les défaillances des marchés, comme l’absence de sécurité foncière ou la difficulté d’obtenir du crédit ne contribuent pas à atteindre certains objectifs de politiques qui visent l’augmentation de la productivité. Pour terminer, les politiques agricoles peinent à intégrer l’ensemble des parties prenantes à leur élaboration, incluant les agriculteurs familiaux et les organisations paysannes, ce qui évidemment ne va pas résulter en des politiques qui correspondent bien aux intérêts, aux préoccupations et aux besoins de ces acteurs importants (FIDA, 2010; Balié et Fouilleux, 2008).