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CHAPITRE III : LES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE

3.1 La vie jusqu’au moment du meurtre

3.1.6 L’événement déclencheur

Dans tous les récits des hommes interviewés dans le cadre de notre étude, il y a un élément déclencheur qui, selon eux, a conduit au meurtre. Il peut s’agit d’une parole, d’un geste ou d’une action ayant comme conséquence directe d’engendrer chez chacun d’eux une réaction fatale pour la victime.

3.1.6.1 Une dispute

Dans la majorité des histoires, c’est lors d’une dispute avec la victime que l’homme commet le meurtre. Celui-ci serait en quelque sorte l’aboutissement de ces disputes qui se révèlent fatales. Selon les interviewés, au cours de ces querelles, la victime aurait tenu des paroles jugées insultantes par eux. Pour Vincent et Jean, ces paroles étaient en lien avec leurs enfants.

Ce soir-là, a me suivait partout dans la maison… avec toutes de sortes de mots, toutes sortes d’insultes. Elle l’a dit une parole. Je me suis reviré de bord pis j’y ai cassé le cou. Pis ç’a été de même. A l’a dit : « Maybe i can’t reach you but your son is still young ». J’me suis reviré de bord pis je l’ai tuée. (Vincent)

Une journée est venue pis on a eu une autre dispute. A m’a dit : « Parfait. Toi pis tes enfants, je vais vous traîner en justice jusqu’à temps que vous soyez tout nus dans rue. Moi, mes enfants c’est ben important. Le fait qu’elle a mentionné mes enfants, là je me suis reviré de bord, j’ai rentré dans cuisine, j’ai été chercher un couteau, pis je l’ai tuée. (Jean)

Fait à noter, dans tous les cas, les enfants n’étaient pas ceux du couple. L’homme les avait eus lors d’une union précédente.

Alors que pour Vincent et Jean, les paroles précédant le meurtre visaient les enfants de l’homme, dans le cas de Francis et de Nick, les paroles insultantes les visaient directement. Francis a appris au cours de l’ultime querelle, que son union avec la victime se terminait, ce qui est venu ajouter aux insultes :

Ma conjointe, a m’a annoncé qu’elle me laissait. C’était dans une dispute. A m’a annoncé qu’a me laissait, pis a voulait s’en aller. A m’a dit qu’elle m’avait trompé. A m’a dit que… en tout cas, il y avait des injures, que j’étais un criss de cave et tout ça. Le fait qu’à me dise : « je t’ai trompé. T’es un criss de cave. Tu t’en es pas rendu compte », ç’a été plus… incisif. Ça a éveillé en dedans de moi une furie, malheureusement meurtrière (Francis).

Dans le cas de Nick, le couple était séparé au moment de la dispute fatale et des insultes. Cependant, il avait espoir de reprendre la relation avec sa conjointe. Par contre, lors de la dispute, sa femme lui a annoncé qu’elle ne voulait pas revenir en couple avec lui :

J’ai dit : « je vais pouvoir rester avec vous, je suis content. On va être correct, on va avoir la maison on va être tous ensemble. Mais non, c’est pas ça. Elle dit : « non, tu es parti de ma vie… tu pars même si on a de l’argent ». Elle m’a dit qu’elle veut être avec l’autre . J’ai dit que je vais tuer l’autre gars. Là, elle m’a insulté. Elle m’a insulté dans ma langue. Ça m’a fait très très mal… parce que c’est comme me dire que j’ai pas de couilles, j’ai pas de courage. Elle me dit : « même si tu le tues je serai pas avec toi » (Nick)

Nous pouvons constater que dans les cas où l’homme s’est senti insulté directement, il y avait la présence d’un autre homme dans la vie de la victime. La relation de la femme avec cet autre homme parait être la raison de la chicane.

3.1.6.2 Une altercation physique

Pour Pierre et Léo, le meurtre a lieu lors d’une altercation physique entre eux et leur conjointe. Il est possible de penser que l’altercation physique est survenue au cours d’une dispute. Toutefois à la différence des hommes cités plus haut, les hommes ici rapportent que la mort de la victime est causée par l’attaque physique; il ne semble pas que les hommes aient réagi à des paroles insultantes :

Un moment donné, avec ma femme, en s’en allait en route en campagne, j’ai voulu lui exprimer qu’est-ce que je vivais par rapport à elle, par rapport à ses dettes pis tout ça… Et puis, un moment donné dans la conversation, j’ai sorti une arme pour y montrer qu’il fallait que je me promène avec ça pour me défendre (à cause de ses dettes de drogues à elle), mais j’ai jamais eu le temps de finir de lui expliquer ça parce, quand qu’a vu l’arme, a eu peur... Quelqu’un sort un arme et te mets ça quasiment dans figure... faqu’elle a empoigné le gun et il y a un coup de feu qui a parti, tsé, pis ça été final (Pierre)

Cette journée-là, y a une goutte qui a fait débordé le vase, pis c’est quand qu’a m’a sauté dans le dos… ça été fini (Léo)

Pour Bob, Mathieu et Martin, l’élément déclencheur menant au meurtre paraît être spécifique à leur histoire, et il est impossible de les regrouper dans une quelconque catégorie. Pour Bob et Mathieu, c’est en réaction à des agissements de leur conjointe que le meurtre serait survenu :

Quand ça arrivé, ma femme était venue pogner des choses dans maison, pis a pris un des articles de ma mère. Ça m’a touché beaucoup. J’ai été la voir, pis c’est là que le drame est arrivé. (Bob)

A se présente à mon travail avec 2-3 amies. Je comprenais pas ce qu’elle faisait là. A me voit pis là a fait un geste comme ça (se met la main devant la bouche, le pointe et étouffe un rire). Pis là, a part à rire avec ses amies. Je me suis senti humilié… comme si je serais rien. À ce moment-là je me suis dis : « a fait exprès, a l’aime ça me faire souffrir. Jje lui en voulais. Tu veux me faire du mal, m’a t’en faire du mal pis tu vas payer.(Mathieu)

L’histoire de Martin se différencie de la majorité des autres histoires de cette recherche, car celui- ci énonce clairement qu’il souhaitait que sa conjointe meure. Il ne l’aurait pas assassinée dans un contexte de détresse, de perte ou de colère. En effet, il affirme qu’il souhaitait depuis un bon moment que sa femme meure dans un accident afin qu’il puisse vivre ouvertement sa relation avec sa maîtresse. Ce qui semble être l’élément déclencheur conduisant à l’homicide dans son cas, ce qui a fait que son scénario d’accident est devenu celui d’un meurtre résiderait, selon son récit, dans les propos que sa maîtresse lui a dit :

Elle a laissé entendre que… qu’a serait peut-être pas là éternellement. Elle m’a juste dit quelque chose comme : « c’t’année ça va être l’année des grands changements » Pis je lui ai pas demandé : « qu’est-ce que tu entends par là ? », mais j’ai comme compris entre les lignes qu’il y avait… j’ai l’impression qu’elle voulait que je quitte ma femme pour elle… je sais pas, mais dans ma tête c’est ça que j’ai compris. (Martin)

L'examen des événements déclencheurs ne permet pas de faire une analyse compréhensive du phénomène de l’homicide conjugal. Ces événements, directement associés à l’homicide, ne peuvent expliquer comment ces hommes en sont venus à tuer leur conjointe. En effet, ces déclencheurs pris isolément paraissent anodins face la réponse meurtrière qui, elle, paraît disproportionnée. C’est plutôt en s’attardant au contexte entourant la relation conjugale ainsi qu’à un possible enchaînement d’événements dans la vie de ces hommes pour mieux comprendre le passage à l’acte homicidaire.