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CHAPITRE V : LE CAS DE LA GÉRIATRIE

V. 4.5 – L’état de transformation ?

Si l’émergence et l’évolution de la communauté d’un état potentiel à un état de maturité et de diffusions de connaissances, sont assez faciles à repérer et à suivre dans le temps, le moment de sa transformation radicale (Wenger, McDermott, & Snyder, 2002), ne semblent pas si évident à saisir. Au moment où nous débutons nos

19 - Extrait du poster PAFI sur l’impact de la formation à 6 mois et un an, affiché dans la salle de réunion du service.

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observations sur le terrain, au cours de l’automne 2003, nous retrouvons les membres actifs du comité PAFI - ce noyau dur dont nous ont parlé certains lors des entrevues – absorbés par les activités d’autoévaluation en préparation de la démarche d’agrément, et donc réintégrés à l’intérieur du comité interprofessionnel global qui réunit les équipes de l’hôpital B et C.

Plusieurs raisons sont invoquées par les membres eux-mêmes pour expliquer cette dispersion. Pour certains, le mandat du groupe a été rempli et la raison même de son existence ne se justifie plus.

« Par la suite le groupe PAFI a continué un peu pour l’instauration des changements à mettre en branle et après ça, le PAFI s’est intégré au comité interprofessionnel existant sur l’unité. » (M)

Pour d’autres, ce sont plutôt les pressions organisationnelles externes qui sont venues en contrarier la pérennité ou en modifier la forme initiale, au profit d’une structure plus institutionnelle et hiérarchique

« La structure PAFI a fonctionné… là maintenant je pourrais vous dire qu’elle ne fonctionne plus surtout par manque de ressources parce que tout le monde est essoufflé. Parce qu’à chaque année additionnelle depuis la fusion, ce sont des ressources en moins qu’on vit. Donc c’est plus difficile de se remplacer. » (I)

D’autres encore, donnent à ce groupe d’acteurs une position interstitielle à l’intérieur de l’équipe et de l’organisation, qui leur permet en quelque sorte de se reformer en fonction de nouveaux mandats qu’ils choisissent de remplir en co-optant pour l’occasion d’autres leaders à la périphérie de la communauté. C’est le cas pour le projet pilote d’unité ambulatoire qui voit le jour dans la continuité des travaux de la communauté initiale et qui vient en quelque sorte mettre à profit les principes du modèle d’interdisciplinarité mis de l’avant dans le cadre du PAFI.

« En fait, les gens qui ont participé à la mise en place du PAFI, je pense que c’était des leaders un peu naturels là, donc ces gens là ont continué…C’était eux qui participaient aussi au départ au comité interprofessionnel entre autres, donc, ont continué à vouloir avancer à vouloir faire des projets d’où est sortie l’unité ambulatoire d’ailleurs. » (P)

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« L’unité ambulatoire, comment ça s’est fait, je pense que c’est aussi le fait que… on était tous ensemble…du même comité à la base, et moi j’avais des contacts beaucoup avec B et avec ma chef. Puis eux autres, des fois sont au courant d’autres choses qui se passent dans l’hôpital, le fait d’avoir des liens, de ne pas être fermé sur nous-mêmes. » (P)

« Moi, je pense que les dynamiques comme on vit dans la dernière année comme le processus d’agrément où on a eu à discuter en comité, l’arrivée du programme de gestion par programme clientèle, ce sont des projets qui arrivent de la direction et qui nous forcent à s’asseoir puis à travailler en équipe. Moi je pense que c’est avec des projets comme ça où on a comme pas le choix où on doit se questionner, notre identité… comment on va s’intégrer, comment on va faire ça. Ça permet qu’on se réunisse, qu’on se rencontre, qu’on ouvre la discussion, c’est ça l’intérêt du groupe qui fonctionne ici. » (M)

C’est une nouvelle forme de communauté éminemment plus stratégique, évoluant au gré des mandats qu’elle se donne mais aussi de ceux réclamés par l’institution, que nous nous proposons de suivre et de présenter dans la dernière partie du cas. En repartant de l’étape de transformation, nous suivrons son évolution. Tantôt intégrée dans un groupe de travail plus large sollicité dans le cadre de la démarche d’autoévaluation en préparation de l’agrément, ou dispersée dans différents groupes de travail pour réviser ou développer de nouveaux modèles de pratique, elle semble se réactiver en fonction de nouveaux intérêts et des nouvelles missions qu’elle se donne. Peut-on parler ici de transformation radicale de la communauté initiale comme nous le suggère les concepteurs du modèle ? (Wenger et al., 2002) Nous n’en sommes pas certaine. Certes, le mandat de la communauté s’est transformé, mais l’équipe noyau est toujours présente et porte les valeurs communes du groupe. Ils s’agit des mêmes leaders, ceux-là même dont les productions tangibles inscrites dans une volonté d’amélioration continue du fonctionnement interdisciplinarité gériatrique, se sont disséminées à l’intérieur de l’unité entière présidant au réalignement de façons de faire issues des valeurs portées initialement par les membres de la CoP, concourant à l’émergence d’une identité collective au sein de l’unité entière.

Dans cette dernière partie nous orienterons la description du cas sur les observations que nous avons menées au cours de l’année 2003-2004. Cette stratégie nous conduit à

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passer de l’historique de la communauté - retracée à partir des discours d’informateurs clés rencontrés et des documents analysées – à celle de son actualité émergeant des échanges et des apprentissages « chemin faisant » dont nous avons été le témoin lors des rencontres du groupe. Cet exercice nous semble utile dans la mesure où il nous permet de dépasser la seule illustration du cycle de vie de la communauté initiale pour en appréhender les possibles résurgences sous une forme ou sous une autre.

En nous appuyant sur ces nouveaux modes émergents de coopération qui aboutissent à des livrables tels que la démarche d’agrément ou encore le développement d’un plan de soins individualisé interdisciplinaire, nous reviendrons sur certains des éléments qui concourent au développement et à la stabilité d’une communauté de pratique comme le leadership, les règles de coopération qui procèdent d’apprentissages en commun et qui sont autant d’ingrédients nécessaires à sa production.

Enfin, nous verrons comment certains projets organisationnels qui conduisent le noyau central de la communauté à se disperser dans des groupes de travail plus formels voire à ouvrir ses frontières pour accueillir d’autres membres, peuvent devenir des véhicules utiles pour disséminer les connaissances produites, et construire de nouvelles appartenances.