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CHAPITRE V : LE CAS DE LA GÉRIATRIE

V. 4.2.2 – Des compétences et connaissances à acquérir

Rapidement les échanges et la réflexion collective qui circulent à l’intérieur du groupe, font émerger trois objectifs à atteindre et qui vont en quelque sorte, dessiner le calendrier de travail du groupe. Ces objectifs issus des besoins et expériences des membres en regard des problématiques qu’ils rencontrent dans leur quotidien de travail, se veulent aussi une représentation fidèle des perceptions de chaque groupe professionnel auprès desquels ils vont régulièrement chercher de l’information. En résumé, il s’agit d’améliorer la communication entre les intervenants, travailler sur le rôle de chacun et réviser la dynamique de la réunion clinique multidisciplinaire (PAFI CHUά, 1999), dans le but de promouvoir un mode de fonctionnement interdisciplinaire efficace et harmonieux.

« On a rencontré tout le monde, oui parce que je me souviens d’être venue la nuit… moi pour présenter aux infirmières de nuit. De présenter ce que ça

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allait donner. Après ça, il y a eu toute la présentation, on faisait des rencontres pour les informer où en était le processus, tout ça. » (P)

L’engagement mutuel centré sur une démarche d’amélioration consensuelle fait émerger le besoin d’aller chercher une aide extérieure pour mener à bien cette entreprise. En effet, les connaissances détenues par chacun dans le domaine de l’interdisciplinarité, sont insuffisantes à construire une démarche sensée répondre aux besoins du groupe et la nécessité de mobiliser d’autres acteurs compétents dans le domaine, devient un pré requis pour le développement d’une meilleure connaissance sur l’approche interdisciplinaire. Les liens qu’un des médecins du groupe entretient avec des collègues de l’Institut universitaire de gériatrie, experts dans le domaine de l’interdisciplinarité, sont une opportunité pour les membres du groupe qui iront – sur une base volontaire – chercher auprès de cette autorité reconnue, les compétences nécessaires à leur projet d’amélioration de fonctionnement.

« A., depuis toujours je pense, a aussi travaillé à l’Institut universitaire de gériatrie. Elle était très proche du Dr L. et du Dr T. et P. L. s’est beaucoup interrogée sur l’interdisciplinarité…a travaillé, avait monté un programme. Ça a donc créé le lien, le pont. » (M)

« En fait eux, à l’Institut de gériatrie, cette réflexion là qui a donné lieu par la suite à une formation, ils l’avaient faite à grandeur de leur établissement, donc ils avaient des spécialistes qui avaient fait des projets de recherche sur ça. Donc, notre approche a été inspirée de leur approche et sur une base volontaire, on est allé se former chez eux. Nous, (le comité) et puis quelques personnes de B qui étaient intéressées par ça. » (P)

En septembre 1999, les huit membres qui constituent le groupe reçoivent une formation de 14 heures, dispensée par l’Institut universitaire gériatrique. Cette formation leur permet non seulement de partager un répertoire de connaissances sur l’interdisciplinarité, mais également de développer des compétences comme formateurs qu’ils mettront à profit ultérieurement. Le sous comité se renomme comité PAFI (programme d’amélioration au fonctionnement interdisciplinaire).

Jusqu’en avril 2000, date à laquelle ce comité distribuera une journée de formation à l’interdisciplinarité à l’ensemble de l’équipe de l’UCDG de C, la co-construction de

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significations partagées sur les notions d’interdisciplinarité, de communication, de rôles des membres de l’équipe mettra en scène un processus collectif de négociation entre les membres de la communauté. Chacun, en regard des savoirs explicites acquis lors de la formation, mais aussi à l’aune de ses propres savoirs expérientiels prendra position, défendra son point de vue, développera de nouvelles stratégies d’interdépendance, d’où émergeront de nouvelles représentations et règles indispensables à la production d’une entreprise conjointe et de responsabilités mutuellement partagées. Ici, c’est bien la négociation autour des rôles de chacun qui présidera à l’émergence d’une confiance construite sur la base des compétences reconnues à chacun, mais aussi sur celle d’une régulation autonome omniprésente.

« La négociation des rôles (…) est une étape fort importante où les membres de l’équipe confrontent leurs idées, leurs valeurs etc., et cherchent les moyens d’être efficaces et de produire leur travail selon des normes de qualité. Chaque professionnel devrait se percevoir comme un collaborateur plus ou moins indispensable selon les situations, mais toujours utile pour atteindre un objectif commun et valorisé par l’ensemble de l’équipe. C’est cette interdépendance qui permet d’offrir des soins de haute qualité. »18 « Mais le PAFI, c’est d’abord un moment fort à l’intérieur du groupe qui s’est investi là-dedans (…) les principaux objectifs ça a été de voir, c’est quoi l’interdisciplinarité, on a revu c’est quoi, les problèmes de communication, comment on peut travailler la communication. Les rôles, on a fait un travail sur les rôles dans l’équipe (…) parce qu’ils avaient des problèmes de rôles. Après ça, comment négocier une tâche parce que les rôles sont assez bien décrits mais les tâches peuvent varier. Hein! Qui va faire quoi, il faut que ce soit négocié. Et de voir un peu, quels étaient les problèmes et puis comment on pouvait travailler ça. » (M)

« Alors, on s’est fait des règles, on s’est fait un programme, on a écrit la mission et les objectifs qu’on voulait atteindre. Ça a été beaucoup de discussions entre nous, surtout sur les tâches, pour s’entendre sur c’est quoi les zones grises, là où on empiète sur l’autre et puis où c’est correct comme ça aussi. » (I)

« La redéfinition des rôles a été travaillée rapidement mais sans consensus. Seulement, chaque professionnel sur le comité a émis ce que lui pensait avoir comme rôle et puis chaque professionnel s’est exprimé sur ce qu’il pensait être le rôle de chacun. Mais, il ne s’agissait pas d’un travail de consensus pour définir les rôles de chacun là… parce qu’il n’y aurait jamais pu y avoir

18 - Note extraite du document produit par les membres de la communauté (PAFI – CHUά – service de gériatrie, 2000)

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de consensus. Juste ça, ça a mis en évidence qu’on pouvait partager des rôles et que c’était à nous de négocier ça. Pendant la formation, c’est ça qu’on a fait comprendre aux équipes… avec des jeux de rôle et tout ça. » (P)

Ce long processus d’apprentissage qui va permettre aux acteurs en présence de partager de nouvelles connaissances sur l’interdisciplinarité et de les manipuler dans le cadre de leurs échanges, les rend réceptifs à l’apport de valeur que cette approche promeut dans le contexte de leur exercice quotidien mais aussi, à la visibilité qu’elle leur offre au sein de l’organisation.

« L’interdisciplinarité qu’on a développé ici, c’est une plus-value…C’est un modèle pour moi qui s’enligne bien dans la vocation d’un hôpital universitaire…d’utilisation de toutes les compétences disponibles dans une vision globale de la personne âgée. » (P)

« Bien je vous dirais qu’ils ont déjà des façons de faire qui sont très, très concrètes ici, leur équipe interdisciplinaire, leur façon de travailler en équipe inter. Très, très différent des autres unités que je connais. Je dirais, c’est plus….comment je pourrais vous dire…Ils sont très structurés dans leur démarche et ça c’est reconnu au niveau de la direction des soins et même de la direction générale. D’ailleurs, le modèle en interdisciplinarité sur lequel ils ont travaillé pour harmoniser leur pratique a été souligné par les évaluateurs lors d’une des dernières démarches d’agrément. » (I)

Cette phase d’unification des membres de la CoP met en scène une période d’incubation où les objectifs de travail du groupe, ses règles de fonctionnement vont prendre forme. Ce travail préalable permet le positionnement des membres autour de nouvelles connaissances à acquérir. La formation qu’ils vont suivre a posteriori va faire d’eux des experts de l’approche interdisciplinaire tant pour le reste de l’équipe qu’ils vont former que pour l’organisation qui souligne leurs compétences. Le point d’équilibre atteint entre incubation et démonstration de valeur par la

connaissance produite permet à la CoP d’entrer dans sa phase de maturité. A l’aune

des nouvelles connaissances qu’elle a acquises, elle va pouvoir développer ses propres expertises en matière de soins gériatriques interdisciplinaires.

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