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CHAPITRE 2 : LES EOSINOPHILES

2.3. L’éosinophile : un lien entre la réponse innée et la réponse adaptative

L’éosinophile exprime en surface de multiples récepteurs qui lui confèrent un rôle important au sein de la réponse immunitaire. L’éosinophile pré-activé et recruté a ainsi la possibilité d’exprimer localement de nouveau récepteurs de surface et d’augmenter le nombre ou l’affinité de récepteurs pré-existants. En fonction des signaux de l’environnement, les éosinophiles acquièrent la capacité d’infiltrer les tissus par diapédèse, avant d’interagir avec l’environnement inflammatoire et tissulaire.

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2.3.1. Les récepteurs exprimés par les éosinophiles

Comme les cellules dendritiques qui constituent un lien entre l’immunité innée et adaptative, les éosinophiles expriment des récepteurs considérés soit comme innés, soit comme adaptatifs (figure 12).

Figure 12: les différents récepteurs exprimés par les éosinophiles. D’après Hogan et al,

2008.

Plusieurs récepteurs récemment identifiés permettent aux éosinophiles d’être stimulés directement par des composés environnementaux ou encore par des motifs moléculaires communs à plusieurs pathogènes. Certaines protéases d’acariens, de champignons ou de pollens sont capables d’activer directement les éosinophiles par clivage de la partie N terminale des récepteurs PAR (Protease Activated Receptors) couplés à des protéines G. Les éosinophiles expriment PAR-1 à leur surface, et PAR-2 dans le cytoplasme (Bolton et al. 2003; Miike et al.

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2003). Sous l’action de ces protéases, l’éosinophile libère des radicaux libres et des leucotriènes proinflammatoires. Le récepteur PAR-2 est impliqué dans l’activation de l’éosinophile par un champignon de l’air ambiant (genre Alternaria) (Inoue et al. 2005). Les éosinophiles expriment une molécule capable de lier les IgE : la galectine 3 encore appelée MAC2/εBP. Cette lectine de type S, médie une cytotoxicité dépendante des IgE efficace envers les cibles parasitaires (Truong et al. 1993). Elle pourrait aussi intervenir dans l’immunité innée en reconnaissant des pathogènes. En effet, sur les macrophages, la galectine-3, en coopération avec TLR2, se lie à C.albicans (Jouault et al. 2006). Les éosinophiles expriment le FPR (Formyl peptides Receptor) lequel lie un signal de danger représenter par le fMLP libéré par les bactéries (N-formyl-Met-Leu-Phe) (Svensson et al. 2005) mais aussi par certains allergènes (Svensson et al. 2007).

Les éosinophiles expriment également des récepteurs de l’immunité adaptative comme les récepteurs aux fragments Fc des IgG (FcγRI, FcγRII, FcγRIII), IgA (FcαRI) et IgE (FcεRI et FcεRIII). Ces récepteurs permettent l’endocytose, l’activation des cellules et leur dégranulation. Ces cellules participent également à l’élaboration de la réponse immunitaire spécifique par leurs capacités de présentation antigénique. En effet, ces polynucléaires expriment, à leur surface, des molécules leur permettant d’agir avec les lymphocytes T, telles que les CMH en particulier HLA-DR (Shi 2004). Des molécules de co-stimulation présentes sur les populations lymphocytaires ou les cellules présentant l’antigène comme CD25 (Plumas et al. 1991), CD4 (Lucey et al. 1989), CD28 et CD86 (Woerly et al. 1999b) sont aussi exprimées sur les éosinophiles.

Les éosinophiles expriment aussi à leur surface des récepteurs de cytokines (IL-2R, IL- 3R, IL-5R, GM-CSFR, IL-4R, IL-13R, IFN-αR, IFN-βR, IFN-γR…), de chimiokines (CCR1, CCR3), du complément (C3aR, C5aR, CR1 et CR3) et des récepteurs de médiateurs lipidiques (PAF-R, DP-R, CRTH2, LTB4-R et LTE4-R). Ils expriment également des sélectines (PSGL-1 et L-sélectine) et des intégrines (LFA-1, Mac-1, VLA-4, VLA-5, VLA-6, VLA-7, intégrines α4β7) ainsi que des récepteurs au TNF (Tumor Necrosis Factor) et au TGF (Transforming Growth Factor) (Hogan et al. 2008). Les éosinophiles peuvent aussi exprimer des récepteurs pour l’adénosine, la lipoxine A4, l’histamine et la β adrénorécepteur (Prussin et al. 2006; Rothenberg et al. 2006).

Concernant l’expression des récepteurs Toll-like (TLR), il a été montré dans les éosinophiles humains, qu’ils expriment sous forme protéique les TLR-1, 2, 4, 5, 6, 7 et 9 mais leurs fonctions restent encore imprécises (Wong et al. 2007). Parmi les différents ligands des

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TLR, seul un ligand du TLR 7-8 (R-848) est capable d’activer les éosinophiles humains et de déclencher la production d’ions superoxydes (Nagase et al. 2003). Cependant une autre étude suggère que les ligands des TLR-2, 5 et 7 pourraient activer de manière différentielle les éosinophiles, aboutissant à l’augmentation de l’expression de certaines molécules d’adhérence comme ICAM-1 (intercellular adhesion molecule) et CD18 (chaine β2 des intégrines) et/ou à la libération de cytokines /chimiokines, superoxydes, protéines granulaires, spécifiques du ligand utilisé (Wong et al. 2007). Les ligands de TLR3, 4, 8 et 9 semblent moins actifs ou inactifs. Une activation possible par TLR4, grâce à une voie dépendante du CD14, reste également controversée (Meerschaert et al. 2000; Plotz et al. 2001).

2.3.2. les cytokines secrétées par les éosinophiles

Grâce à l’expression de nombreux récepteurs, les éosinophiles sont capables de répondre à différents stimuli et de libérer rapidement et sélectivement divers médiateurs dont des cytokines (figure 13). Contrairement aux lymphocytes, la plupart des cytokines sont stockées dans les granules et/ou les vésicules de l’éosinophile et donc sont libérées très rapidement après l’activation de ces cellules. Cette capacité de stockage est liée à une activité transcriptionnelle de base très faible comparée à d’autres cellules du système immunitaire comme les lymphocytes. L’IL-12, l’IL-4, l’IL-13 sont stockées dans le core central des granules cristalloïdes (Woerly et al. 1999a; Woerly et al. 1999b; Bandeira-Melo et al. 2001; Woerly et al. 2002), tandis que l’IL-6 et le TNF-α sont localisés dans la bicouche lipidique de ces granules (Lacy et al. 1998). Leur sécrétion confère aux éosinophiles un rôle effecteur et régulateur, en particulier dans l’orientation de la réponse immune grâce à leur capacité à produire de nombreuses cytokines de types Th1 comme l’IFN-γ, l’IL-2 et l’IL-12 ou de type Th2 comme l’IL-4, l’IL-5 ou l’IL-10 (Dubucquoi et al. 1994; Woerly et al. 1999a; Woerly et al. 2002). Ces cellules synthétisent aussi des facteurs de croissance et d’activation, tels que le GM-CSF, l’IL-13, l’IL-15 qui peuvent intervenir dans le maintien de la réponse inflammatoire, ou encore, l’IL-6 et le TNF-α qui peuvent participer à l’inflammation conférant ainsi aux éosinophiles des fonctions pro-inflammatoires.

Les éosinophiles sont ainsi capables de libérer sélectivement des cytokines de type Th1 et Th2 ou immunorégulatrices en fonction de l’environnement, procurant à ces cellules la faculté de participer à la régulation de la réponse immune.

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Figure 13 : Les différents médiateurs libérés par les éosinophiles activés par divers stimuli. D’après Staumont-Salle, D et al, 2007.