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CHAPITRE 3 : LES CELLULES NATURAL KILLER

3.4. Homéostasie des cellules NK 1 Distribution des cellules NK

Les cellules NK sont des cellules de l’immunité innée très mobiles, réparties dans les tissus lymphoïdes et non-lymphoïdes de l’organisme. Ces cellules sont majoritairement produites dans la moelle osseuse. Suite à leur développement, elles rejoignent la périphérie via la circulation sanguine. Elles représentent, en effet, 3 à 10% des lymphocytes du sang, de la rate, du foie et des poumons, et sont présentes en fréquences plus faibles dans les ganglions lymphatiques et le thymus (à l’état basal) (Gregoire et al. 2007). Il est intéressant de noter un recrutement massif des cellules NK au niveau de l’utérus lors d’une grossesse (Moffett-King 2002). Les cellules NK sont aussi présentes mais en faible densité au niveau des interfaces muqueuses comme la lamina propria intestinale ou le derme (Cella et al. 2009; Luci et al. 2009). Au niveau des poumons, elles sont localisées près des petites et des moyennes bronches (Barnig et al. 2013).

3.4.2. Circulation des cellules NK

Les cellules NK doivent sortir de la moelle osseuse pour rejoindre la circulation sanguine. Cette sortie s’opère par la migration vers un compartiment intermédiaire constitué par les sinusoïdes veineux de la moelle. En 2007, il a été montré que l’export des cellules NK de la moelle osseuse dépend du récepteur S1P5, qui fait partie d’une famille de cinq récepteurs

couplés aux protéines G, les récepteurs du sphingosine-1 phosphate (S1P) (Walzer et al. 2007b). Le S1P est un lipide présent à la fois au niveau intracellulaire et extracellulaire. Dans sa forme extracellulaire, il est véhiculé par l’albumine et les lipoprotéines dans le sang et la lymphe. L’action de différentes enzymes qui métabolisent ou catabolisent le S1P maintient un gradient de S1P avec une concentration forte dans le sang et une faible concentration dans les tissus, en particulier lymphoïdes (Schwab et al. 2007). L’expression de S1P5 augmente de

façon graduelle chez les cellules NK lors de leur maturation pour atteindre un maximum dans les cellules NK CD56dim chez l’homme (Walzer et al. 2007b). Dans les souris déficientes pour S1P5, les cellules NK matures s’accumulent dans la moelle osseuse et les ganglions et

diminuent dans le sang, la rate, le foie et les poumons. En 2001, une étude avait montré que S1P5 est nécessaire pour la sortie des cellules NK à la fois de la moelle osseuse et des

ganglions lymphatiques (Mayol et al. 2011).

D’une façon coordonnée à l’augmentation de S1P5, les cellules NK humaines diminuent

leur expression en CXCR4 en surface au cours de leur maturation. CXCR4 est le récepteur de la chimiokine CXCL12, produite en quantité très importante dans le stroma de la moelle

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osseuse, permettant notamment une rétention des cellules souches hématopoïétiques. Lorsqu’un inhibiteur de CXCR4 est injecté à des souris, les cellules NK sont recrutées de façon importante vers la périphérie, ce qui montre que CXCR4 et S1P5 régulent de façon opposée la

sortie des cellules NK.

Les cellules NK sont capables de circuler rapidement pour joindre les tissus enflammés en réponse à une infection virale ou bactérienne (Walzer et al. 2011), ou en cas d’allergie ou d’auto-immunité (Schleinitz et al. 2010; von Bubnoff et al. 2010). L’utilisation des souris déficientes pour ces chimiokines ou pour leurs récepteurs, a permis de mieux comprendre les mécanismes moléculaires permettant le recrutement des cellules NK dans différentes situations inflammatoires, et ce dans différents organes (Figure 21).

Selon le contexte inflammatoire, différents récepteurs de chimiokines sont utilisés par les cellules NK pour leur recrutement, en fonction de l’ensemble des chimiokines produites sur ce site. Ainsi, CCR2 (Mignot et al. 2008), CXCR3 (Wendel et al. 2008) ou CCR5 (Liu et al. 2008) permettent la migration des cellules NK vers le site tumoral, en fonction du modèle de tumeur étudié. Lors d’une infection virale, les interférons de type I et II produits favorisent l’expression de CXCL9 et CXCL10 sur le lieu de l’intrusion du virus. Ces deux chimiokines sont des ligands de CXCR3, expliquant le rôle majeur de ce récepteur dans la migration des cellules NK lors d’infections virales (Groom et al. 2011). Cependant, lors d’infections bactériennes, les cellules dendritiques stimulées via leurs Toll-Like Receptors (TLRs) produisent des ligands de CCR5 qui permettent le recrutement des cellules NK via CCR5 (Sallusto et al. 1999).

De plus, les cellules NK expriment des récepteurs leur permettant d’infiltrer le tissu cutané. Il a été décrit que le récepteur ChemR23 exprimé par les cellules dendritiques et les monocytes/macrophages est également exprimé par certaines cellules NK CD56dim et impliqué dans leur migration vers le tissu cutané (Parolini et al. 2007). Certaines cellules NK expriment aussi l’antigène CLA (Cutaneous Lymphocyte Antigen), récepteur de la sélectine E. Cette molécule, initialement décrite sur les lymphocytes T, pourrait être impliquée dans le recrutement des cellules NK dans la peau (Yoshino et al. 2002). Les cellules NK peuvent aussi être recrutées dans les poumons sous certaines conditions par le biais de différentes chimiokines comme CCL2 et CCL3 (Morrison et al. 2003; Zeng et al. 2003).

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Figure 21 : Rôle des récepteurs de chimiokines dans le recrutement des cellules NK dans les organes inflammés. La flèche bleue représente l’export des cellules NK de la moelle

osseuse, cependant les flèches rouges représentent leur recrutement dans les tissus enflammés.

EAE : Experimental autoimune encephalomyelitis. D’après Walzer T et Vivier E, 2011.

3.4.3. Durée de vie et facteurs de survie des cellules NK

Il a été montré que la demi-vie des cellules NK est de 17 jours en périphérie (Jamieson et al. 2004). Cependant le temps nécessaire au repeuplement de la périphérie dans des souris transgéniques (NDE) chez lesquelles les cellules NK sont sélectivement éliminées par injection de toxine diphtérique est d’un mois, ce qui corrèle avec les données précédentes (Chiossone et al. 2009).

L’IL-15 est nécessaire à la survie des cellules NK, ainsi que l’ont montré les études de souris déficientes pour l’IL-15 (Kennedy et al. 2000) ou par la chaine alpha de son récepteur IL15Rα (Lodolce et al. 1998). La surexpression d’IL-15 endogène (Fehniger et al. 2001) ou l’injection de complexes IL-15/IL15Rα (Rubinstein et al. 2006) entraine une forte expansion des cellules NK et des lymphocytes T CD8+. L’IL-15 est produite sous la forme d’un complexe avec IL15Rα par les cellules présentatrices d’antigène comme les DC et par certaines cellules stromales (Dubois et al. 2002; Burkett et al. 2004). Ce complexe est présenté en trans aux cellules NK et autres lymphocytes exprimant en surface le complexe IL15Rβγ. L’IL-15 présente une dualité fonctionnelle : à l’état basal, elle est essentielle au maintien des cellules NK et lors d’une infection virale, son expression augmentée sur les cellules dendritiques conduit à une forte activation de l’activité cytotoxique des cellules NK (Lucas et al. 2007) et à leur prolifération (Ferlazzo et al. 2004a). Cette dernière action affecte principalement la sous- population CD27+ CD11b+ (Walzer et al. 2007b) en l’absence d’autres signaux de maturation.

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Plusieurs articles ont rapporté que les cellules dendritiques sont également indispensables à la survie des cellules NK matures en périphérie via leur production d’IL-15 (Hochweller et al. 2008; Guimond et al. 2010). Lorsque le nombre de cellules dendritiques est artificiellement augmenté dans la souris suite à une injection de Flt3-ligand, la population de cellules NK augmente d’une façon dépendante de l’IL-15 (Guimond et al. 2010). D’autres populations myéloïdes comme les monocytes pourraient également jouer un rôle dans la survie/différenciation des cellules NK via la trans-présentation d’IL-15. La déplétion des monocytes chez la souris entraine un rapide déclin de la population NK la plus mature CD11b+CD27- (Soderquest et al. 2011a). D’un point de vue mécanistique, l’IL-15 agit en empêchant l’apoptose des cellules NK : d’une part, elle limite l’expression du membre pro- apoptotique de la famille Bcl2 Bim, d’autre part, elle augmente l’expression du membre anti- apoptotique de cette famille Mcl1 (Huntington et al. 2007).