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secteur en construction (1950-1980)

2.1. La construction de positions dominantes dans un secteur en croissance rapide

2.1.2. L’émergence d’opérateurs dominants

L’évolution du nombre d’opérateurs (cf. Tableau 16 en page 102) est plus erratique que celle du nombre d’établissements. En Isère, les lacunes des sources administratives exagèrent l’apparition d’opérateurs après 1980, qui sont susceptibles d’être des opérateurs déjà existants mais révélés par les recensements du CREAI ou de FINESS. D’un point de vue général, on peut souligner que dans les deux départements la croissance du nombre d’opérateurs est continue de la création du secteur dans les années 1940 jusqu’aux années 2000. Cette croissance montre que le champ organisationnel, malgré une régulation par les autorités publiques, n’est pas pour autant fermée car de nouveaux opérateurs entrent régulièrement sur le champ.

Tableau 4 : Évolution des taux de croissance annuels moyens en nombre d'opérateurs dans le Rhône et l'Isère (1944- 2012) TCAM du nb total d’opérateurs Nb opérateurs entrants (% du total) Nb opérateurs sortants (% du total) Périodes Rhône Isère Rhône Isère Rhône Isère

1944-1948 0,9% 3,4% 3,7% 12,5% 0,0% 0,0% 1949-1953 3,5% 3,0% 16,1% 11,1% 0,0% 0,0% 1954-1958 3,7% 2,7% 13,5% 10,0% 0,0% 0,0% 1959-1963 2,0% 6,8% 7,5% 15,4% 0,0% 0,0% 1964-1968 3,0% 3,4% 11,1% 12,5% 0,0% 0,0% 1969-1973 1,1% 7,0% 6,5% 23,8% 2,2% 4,8% 1974-1978 2,0% 3,2% 13,5% 20,0% 3,8% 4,0% 1979-1983 3,6% 1,9% 16,4% 18,5% 3,3% 3,7% 1984-1988 5,6% 9,1% 19,5% 38,6% 5,2% 4,5% 1989-1993 2,5% 8,5% 10,5% 24,6% 2,3% 0,0% 1994-1998 0,3% -10,5% 5,7% 30,2% 9,2% 81,4% 1999-2003 1,9% 0,6% 11,3% 4,4% 3,1% 2,2% 2004-2008 2,2% 4,3% 11,3% 19,0% 6,6% 6,9% 2009-2012 0,0% 0,0% 0,0% 1,7% 0,0% 1,7%

Il est cependant très net qu’entre les années 1950 et 1980, le secteur du handicap se construit par l’accroissement du nombre d’établissements mais également par l’arrivée d’un grand nombre de nouveaux opérateurs d’autant plus que le secteur en comptait encore peu. Sur cette période, la proportion d’opérateurs entrants oscille entre 5 et 15 % du nombre total d’opérateurs dans le Rhône et entre 10 et 20 % en Isère ; ce n’est qu’à la fin de cette même période que les premiers mouvements de sortie peuvent être observés, entre 2 et 4 % du nombre total d’opérateurs à partir de 1969. Comme toujours ces chiffres dépendent des informations disponibles : dans les premières années, une partie de ces opérateurs « entrants » sont en fait des opérateurs déjà présents sur le marché, mais qui n’apparaissent qu’à ce moment dans les sources ; toutefois, les informations sur les dates d’autorisation d’établissements étant relativement fiables, le recensement des mouvements d’entrée reste assez précis. En 1980, plus de la moitié des opérateurs gérant des structures sur les départements du Rhône (30, soit 57,7 %) et de l’Isère (17, soit 70,8 %) n’étaient pas présents sur le marché (ou n’existaient pas) en 1944 ; et un tiers, pour le Rhône (16, soit 30,8 %), et près de la moitié, pour l’Isère (11, soit 45,8 %), sont apparus après 1965.

Durant toute la période 1950-1980, la majorité des opérateurs reste mono-établissements alors qu’un petit nombre commence à acquérir une taille beaucoup plus importante que la moyenne. Le nombre d’établissements géré par un opérateur est le premier critère assez basique pour mesurer la question de

la domination, qui sera abordé plus loin dans ses autres dimensions, notamment politiques. Mais il s’agit d’un critère particulièrement parlant, surtout utilisé de manière relative par rapport au nombre total d’établissements recensés. Les données dont nous disposons pour cette période ont beau être parcellaires, elles mettent déjà très nettement en avant la polarisation du secteur entre, d’un côté, des opérateurs de petite taille (moins de 5, voire 1 seul établissement géré) et des opérateurs de grande taille (plus de 10 établissements gérés dès la fin des années 1970) ; des données plus exhaustives auraient probablement accentuées l’écart, les informations sur les petits opérateurs (notamment disparus) étant souvent les plus difficiles à retrouver. Cette configuration est particulièrement marquée en Isère où l’association « GA-DEP-DI&A-18 » (cf. annexe 1) domine le secteur dès la fin des années 1970, avec 23 établissements gérés (soit 29,5 % du total) et 1 036 places en 1980 alors que l’essentiel des autres associations n’en gèrent qu’un seul (d’après les données disponibles).

Tableau 5 : Évolution du nombre et de la taille des opérateurs dans le Rhône et l’Isère (1950-1980)

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Les opérateurs qui dominent le champ dans un département sont pratiquement exclusivement les plus anciens, cependant tous les opérateurs anciens ne deviennent pas dominants pour autant. En terme de nombre d’établissements, les quelques grandes associations de la fin des années 1970 ont presque toutes ouvert leur première structure dans le département concerné avant 1965 ; dans nos données, la seule exception est une association dont les premières traces d’établissements dans les archives sont postérieures à 1965, mais qui après vérification a été créée en 1950 et a ouvert sa première structure en 196024. Si l’on prend également en compte les associations du Rhône et de l’Isère qui gèrent plus de 5 établissements en 1980, on observe qu’il existe quatre grands opérateurs et que les quatre ont été créées rapidement après la seconde guerre mondiale respectivement en 1944, 1948, et 1950 dans le Rhône, 1961 seulement en Isère. À la fin des années 1970, il est possible d’identifier les opérateurs dominants dans chacun des départements, lesquels sont les opérateurs les plus anciens du département.

Tableau 6 : Nombre d'établissements par opérateur selon la date d’entrée de l’opérateur, dans le Rhône et l’Isère (1944-1980) '(& )*#("9$$%:%;*$& >?@;%& A$BC%& .F#;*& 2<5,& 2<5,G 2<-5& 2<-5G 2<=,& 8/*#"& .F#;*& 2<5,& 2<5,G 2<-5& 2<-5G 2<=,& 8/*#"& 2! &! '! %%! $%! ! &! (! %*! +&4&5! %! *! '! %)! ! %! $! *! -&4&2,! ! %! ! %! ! ! ! ! 22&4&+,! ! %! %! $! ! ! ! ! 0"6$&7%&+,! ! ! ! ! ! %! ! %! 8/*#"! "! %%! %! *&! ! '! %%! %+! 24

Sources : ARHM, 60 ans d’innovation au service des personnes malades et handicapées, Lyon, 2010. Afin de conserver l’intégrité des données sérielles ou de recensement mobilisées dans la base, nous avons décidé de ne pas intégrer dans celle-ci les informations provenant d’autres sources.

Avant 1980, la question de la domination est particulièrement lisible par le nombre d’établissements gérés par chaque opérateur, car leurs activités sont encore peu diversifiées. Les établissements des opérateurs mono-établissement sont généralement plus grands (en nombre de places) que les établissements des opérateurs dominants. Ce constat permet de poser une première hypothèse sur les stratégies de développement des associations. En effet, l’activité des grandes associations est moins monolithique que celle des petites car leurs modes de développement les pousse à diversifier leur offre aussi bien géographiquement qu’en terme de type de prises en charge.

Les indices de concentration calculés25 sur les catégories de clientèles et d’établissements (cf. Tableau 7 ci-dessous) donnent la mesure de ce phénomène, même si la population est encore limitée et que le nombre d’établissements influe fortement sur ces indicateurs (une association mono-établissement a forcément une activité concentrée – nous n’avons d’ailleurs calculé ces indices que pour les années 1970 et 1980, quand il existe suffisamment d’opérateurs pluri-établissements). De manière quasi- systématique, plus un opérateur gère de structures, plus ces structures sont diversifiées en type de clientèles et en type d’établissements. Mais tous les opérateurs ont encore une activité centrée autour d’un ou deux types de clientèle ou d’établissement centraux (indice de concentration supérieur à 0,5, cf. encadré).

Tableau 7 : Comparaison de la concentration des types d'établissements et de clientèles selon la taille des établissements dans le Rhône et l'Isère (1970 et 1980)

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Pour conclure, on constate qu’il émerge à partir des années 1960 et 1970 un nombre réduit d’opérateurs dominants (tout du moins en terme du nombre d’établissements gérés). L’émergence de ces acteurs dominants n’a pas pour effet de fermer le champ organisationnel mais plutôt de le dynamiser puisque à partir de la décennie 1970 on observe un véritable turn-over d’opérateurs entrants et sortants.