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CHAPITRE I - Les nanocomposites : de leur formulation à leur fin de vie

1. Introduction et contexte

1.3. L’élimination des déchets par incinération

Dans cette partie, nous nous intéressons à l’élimination par incinération. Les définitions liées à l’incinération peuvent différer selon les points de vue (industriels, chercheurs, décideurs publics). L'incinération peut être considérée, notamment, comme un traitement thermique d’élimination des déchets basé sur la combustion avec excès d'air dont le but est de réduire le volume des déchets.

La destruction thermique d’un déchet est obtenue par des réactions d’oxydation entre la matière du déchet et un agent oxydant. Il existe différents types de destruction thermique des déchets. Si les réactions d’oxydation ont lieu à température fixée dans un milieu gazeux, l’agent oxydant étant l’air ou l’oxygène, en général à la pression atmosphérique, on parle alors de combustion ou d’incinération [Ant05].

Ce mode de traitement d’élimination thermique des déchets est complémentaire au recyclage et représente une alternative au stockage des déchets.

Depuis 1995, le parc d’usines d’incinération a fait l’objet d’une profonde mutation. Le nombre d’installations est passé de trois cents unités à cent-vingt-sept1, dû à des mises aux normes et à des rénovations. La plupart sont des installations récentes capables de traiter des quantités de déchets plus importantes que par le passé et la majorité des incinérateurs de déchets ménagers utilisent des fours à grille.

47 Figure I.7 : Composantes d'une unité d'incinération [D’après Wal12]

Comme l’illustre la Figure I.7 ci-après, dans une unité d’incinération, le four est alimenté en déchets ; puis s’opère la combustion sous atmosphère et température contrôlées dans les chambres de combustion et de post-combustion, c'est-à-dire 850 °C en excès d’oxygène ; la chaleur qui en est issue est valorisée ; les fumées sont traitées et épurées et les résidus d’épuration ainsi que les mâchefers sont évacués et traités à leur tour. On réduit ainsi le volume des déchets tout en produisant de l’énergie et en maîtrisant les effluents générés lors du processus.

L’incinération met en œuvre différents procédés et équipements visant à éliminer et valoriser la matière et l’énergie des déchets, filtrer les fumées et traiter les résidus d’incinération [Ant05] comme nous allons le présenter ci-après.

1.3.1. Technologies de four et de récupération d’énergie

Plusieurs technologies de four sont actuellement utilisées pour l’incinération des déchets solides :

 les fours à grilles : la combustion a lieu sur un support mobile constitué de barreaux en translation ou de rouleaux de rotation (voir Figure I.8). Ce sont les plus répandus ;  les fours tournants dits oscillants : enceinte cylindrique réfractaire, inclinée

légèrement sur l’horizontale, mise en mouvement de rotation lente, ou d’oscillation, pour permettre la mise en mouvement et le brassage des déchets,

 les fours à lit fluidisé : des particules solides sont mises en suspension dans un courant gazeux ascendant, en général l’air de combustion, injecté en partie basse du lit de particules.

Y sont adjointes des installations de co-incinération, dans lesquelles les déchets sont brûlés en présence d’un co-déchet, par exemple boues ou déchets industriels solides utilisés en tant que combustible d’appoint.

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Figure I.8 : Four d'incinération à grilles [D’après Ant05]

Les conditions thermodynamiques dans les fours sont bien définies de manière à opérer une combustion la plus complète possible. Les réactions de combustion nécessitent en général, pour être complètes, un excès d’air par rapport à la demande stœchiométrique en oxygène et ce, particulièrement, pour les solides. Les produits de combustion gazeux (fumées) ou solides (mâchefers, cendres) sont alors incombustibles si les réactions d’oxydation ont été complètes. Dans cet objectif, la combustion à l’air d’un déchet est réalisée dans un four composé de deux chambres thermiques en série : d’abord une chambre primaire de combustion puis une chambre secondaire, destinée à la post-combustion des gaz imbrûlés provenant de la chambre primaire. Température d’incinération, temps de séjour, teneur minimum en oxygène (ou excès d’oxygène), mélange des réactifs : sont les paramètres clés d’une incinération optimale. Pour réaliser un brûlage de qualité des gaz de combustion : une température minimum de combustion de la phase gaz de 850 °C et un temps de séjour minimum des gaz brûlés de deux secondes après le dernier apport en air d‘incinération ont été fixés dans la législation (Directive 2010/75/UE et législation antérieure). La teneur en monoxyde de carbone des gaz brûlés est un indicateur clé de la qualité de la combustion.

L’incinération avec valorisation énergétique consiste à récupérer la chaleur dégagée par la combustion sous forme de vapeur surchauffée dans un ensemble four-chaudière appelé évaporateur ou surchauffeur. Il est composé d’un circuit d’eau en sortie de foyer ou intégré dans celui-ci. Des échanges thermiques radiatifs entre le foyer et les tubes d’eau et/ou convectifs entre les fumées et les tubes d’eau produisent de la vapeur qui est valorisée par trois voies principales :

 alimentation d’un réseau de chauffage : le contenu énergétique de la vapeur produite est transféré à un circuit d’eau surpressée,

 transformation en électricité : la vapeur produite est détendue dans une turbine à vapeur couplée à un alternateur.

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Selon le type de déchets, le PCI (qui est le potentiel calorifique inférieur correspondant à la quantité d’énergie récupérable) varie entre 0,5 (pour les déchets dangereux) et 26 GJ/t (pour les combustibles dérivés de déchets) (BREF06, voir annexe G). Il peut varier significativement pendant une journée de fonctionnement, notamment par suite des variations d’humidité dans les unités gérant des ordures ménagères. La combustion des ordures ménagères est complexe du fait de leur forte hétérogénéité (taille et composition : constituées d’une partie organique combustible, d’humidité et d’eau de constitution et d’une partie inerte minérale et incombustible) et de leur faible pouvoir calorifique.

L’énergie produite en 2012 était estimée à environ 1,2 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP) dont 3,6 GWh d’électricité et 7,6 GWh de chaleur, en France. Le parc d’incinérateurs français est constitué de 127 installations cumulant une capacité d’incinération de 15,4 millions de tonnes de déchets par an. Plus de 98 % des tonnages de déchets entrant en incinération font l’objet d’une valorisation énergétique, à des niveaux variables cependant2.

1.3.2. Emissions polluantes et enjeux environnementaux

Selon l’ADEME3, les risques pour la santé des populations exposées aux émissions atmosphériques des incinérateurs aujourd'hui en fonctionnement sont faibles. Il n'y a pas d'argument solide à ce jour permettant de conclure à un risque accru de cancer, quel qu'en soit le type, pour les résidents à proximité d'un incinérateur, selon les spécialistes, car les autorités veillent au respect des valeurs limites d'émission fixées. Les risques pour l’environnement sont maîtrisés car toutes les émissions des incinérateurs comme les fumées, les mâchefers et les eaux de traitement sont contrôlées et suivies strictement par les autorités.

La nature et la quantité des polluants contenus dans les fumées d’incinération dépendent, entre autres, des composés élémentaires présents dans le déchet. La composition des déchets incinérés est très variable selon l’activité ; elle se compose : d’une part de matière organique (C, H, N, S), d’autre part de matière minérale (métaux, composés réfractaires, oxydes, etc.), et d’eau [LeB14].

En sortie de cheminée d’incinération, les émissions contiennent principalement [BREF06] :  de la matière particulaire (7 à 165 g/tonne de déchets) [Buo15, Buo09],

 des gaz acides : tels que HCl, HF, SO2 et NOx (200 à 2000 g/tonne de déchets),  des métaux lourds et leurs produits de transformation tels que leurs oxydes et sels,  des composés carbonés inorganiques et organiques : tels que CO (100 à 125 g/tonne

de déchets), le CO2 (0,7 à 1,7 tonne/tonne de déchets) et les dioxines et furanes.

Les métaux lourds potentiellement toxiques sont : le mercure (Hg), le cadmium (Cd), le plomb (Pb), le nickel (Ni), l'arsenic (As) et leurs dérivés. Sous l'effet de la température, les métaux lourds contenus dans les déchets se volatilisent. Ils subissent une série de réactions d'oxydation et autres réactions avec le HCl, les SOx, pour former : des halogènures (chlorures), des oxydes métalliques, des sulfates et sulfures métalliques, des dérivés organiques (produits d'une combustion incomplète). Ces composés peuvent se retrouver dans

2www.ademe.fr L’essentiel de l’incinération, page consultée en août 2015

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les fumées, sous forme gazeuse ou se condenser par adsorption à la surface des particules en suspension (aérosols formés par composés précurseurs et cendres volantes) ou former des particules par nucléation hétérogène ou homogène.

Les gaz des usines d‘incinération de déchets peuvent contenir des traces d’une grande variété de substances organiques aromatiques, y compris : des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), le benzène, le toluène et le xylène (BTX) et leurs dérivés halogénés, les dioxines : PCDD (Polychloro-dibenzo-para-dioxines) et les furanes : PCDF (Polychlorodibenzo- furanes).

Les mâchefers, quant à eux, sont les résidus solides incombustibles de l’incinération. Aussi appelés scories, ils se présentent sous la forme d’un magma cendreux grisâtre, friable et hétérogène contenant de nombreux éléments métalliques, des résidus minéraux incombustibles et des imbrûlés. Leur gestion constitue un enjeu considérable.

Quand les fumées sont lavées, cela génère des effluents liquides souillés de polluants ôtés aux fumées. Les eaux d’épuration ont besoin d’être épurées à leur tour ce qui se fait directement sur le site d’incinération où elles sont envoyées en station d’épuration.

Ainsi, au vu de ces émissions polluantes, l’incinération est souvent considérée par le grand public comme un procédé non propre à cause des effluents (liquides et gazeux) qu’elle rejette et des déchets ultimes qu’elle génère (mâchefers) souvent chargés de POPs (Polluants Organiques Persistants). Cependant, des traitements d’épuration spécifiques sont rigoureusement mis en place dans les unités d’incinération de manière à réduire les pollutions générées au cours du procédé d’incinération.

1.3.3. Traitements d’épuration

1.3.3.1. Epuration des fumées

Les procédés d’épuration des fumées sont essentiels dans une unité d’incinération. Avant leur rejet à l’atmosphère, des opérations de dépoussiérage et de neutralisation des fumées sont effectuées [Bic09]. Nous allons, dans ce qui suit, présenter succinctement en quoi consiste la neutralisation et le dépoussiérage.

Trois filières de traitement d’épuration des fumées peuvent être citées : par voie sèche, semi-humide, ou humide. Ces procédés consistent à éliminer ou réduire la teneur en gaz toxiques (du type NOx, SOx, dioxines, composés chlorés) d’une part et/ou en particules de combustion, d’autre part.

La neutralisation des gaz repose sur le transfert du polluant de la phase gazeuse vers une phase liquide ou solide. Le transfert est réalisé par adsorption (avec ou sans réaction chimique). Par voie sèche, par exemple, il s’agit d’injecter dans les fumées un réactif (chaux ou bicarbonate de soude), sous forme de solide pulvérulent sec, pour assurer la neutralisation des gaz acides (SO2, HCl, HF).

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Quant au traitement de dépoussiérage, on distingue quatre types de dépoussiéreurs :

 mécaniques : ils utilisent les forces d’inertie et gravitaire pour la séparation gaz/solide,  humides : appelés laveurs Venturi, ils utilisent une pulvérisation d’eau à co-courant

des fumées chargées,

 à couches filtrantes : également désignés par filtre à manche, ils utilisent un média filtrant pour effectuer la séparation solide/gaz,

 électrostatiques ou électro-filtres : ils permettent la séparation gaz/solides par attraction électrostatique des particules chargées par des électrodes émissives puis collectées par des électrodes réceptrices.

La filtration sur média fibreux est très souvent rencontrée dans les filières de traitement de fumées. L’air chargé de particules traverse le medium poreux et les particules sont capturées par le medium tandis que le gaz épuré traverse le medium. L’efficacité globale d’un filtre passe par un minimum pour un diamètre de particules proche de 0,1 μm appelé MPPS (Most Penetrating Particle Size). Ainsi, les particules autour de 100 nm de diamètre représentent un enjeu de filtration.

1.3.3.2. Traitement des mâchefers

Le traitement des résidus d’incinération est une étape importante. En effet, il est nécessaire de stabiliser les résidus ultimes (quand ils sont non conformes) provenant des procédés de traitement thermique des déchets (produits minéraux solides, boues résiduaires toxiques, cendres volantes) afin d’empêcher la lixiviation pouvant provoquer un relargage vers le milieu naturel des polluants contenus dans ces résidus. Une fois stabilisés, ils sont stockés en centre de stockage de déchets ultimes.

Deux techniques de stabilisation sont actuellement disponibles. D’une part, les résidus à stabiliser sont malaxés et incorporés dans une matrice de liants minéraux avec lesquels ils réagissent, puis ils sont conditionnés sous forme de blocs solidifiés. D’autre part, dans le cas de la vitrification, une fusion à 1400-1800 °C des résidus minéraux préalablement introduits dans des poches de fusion, sont chauffés par torche à plasma. Les minéraux fondus sont refroidis, conduisant à la formation d’une matrice vitreuse appelée vitrifiât.

1.3.4. Réglementation liée à l’incinération

Des spécifications liées aux conditions d’exploitation d’unités d’incinération et de co-incinération de déchets sont énoncées dans les documents réglementaires et de référence tels que les Arrêtés Ministériels et Préfectoraux, ou le Document de Référence de la Commission Européenne sur les Meilleures Techniques Disponibles concernant l’Incinération des Déchets (Bref Waste Incineration, 2006 [BREF06] qui est en cours de révision), ou dans des directives européennes (comme la IED 2010/75/UE). Le but de ces critères est d‘assurer que les procédés d‘incinération sont conçus et exploités de telle manière que les gaz produits soient le plus totalement oxydés et que les polluants organiques soient détruits, afin de réduire les émissions polluantes.

Les seuils d’émission des polluants se sont vus progressivement réduits et la gamme de composés réglementés s’est élargie sur les trente dernières années. La réglementation sur

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l’incinération des ordures ménagères s’est ainsi développée progressivement. Les premières restrictions ne sont apparues que bien tard, elles ont d’abord concerné l’émission des poussières en fonction des capacités horaires des fours dans les années 80 [LeB14].

Ainsi, la réglementation évolue au cours du temps, au fur et à mesure que des substances dangereuses sont identifiées. Pour le cas des nanomatériaux, il n'existe aujourd'hui aucune réglementation française ou européenne sur la gestion des déchets contenant des nanomatériaux. Ces déchets sont généralement dirigés [LeB14] :

 en installation de stockage de déchets non dangereux ou ISDND (pour les ordures ménagères classées comme déchets non dangereux),

 en unité d'incinération des ordures ménagères,

 en incinérateur (pour les déchets industriels dangereux).

Une enquête réalisée par l'ORDIMIP [Gar10] sur la collecte, le traitement et l'élimination de déchets contenant des nanomatériaux provenant des industriels et des laboratoires, montre que ces déchets suivent la même procédure que les déchets Cancéreux-Mutagènes-Reprotoxiques, à savoir une élimination vers les filières déchets dangereux (DD) ; néanmoins, ne disposant pas à l'heure actuelle de filière spécifique pour les déchets ménagers contenants des nano-objets, ces derniers sont, pour la plupart, dirigés vers les filières classiques de traitement des ordures ménagères.

L’incinération étant une décomposition thermique, la partie qui suit présente la décomposition thermique des matériaux polymères d’un point de vue physico-chimique.

2. Décomposition thermique des polymères et des