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CHAPITRE I SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE

II. LA BATTERIE LITHIUM-ION

II.4 L’électrode négative

Comme il a été indiqué auparavant dans le paragraphe I.2.3, le lithium présente la capacité massique la plus élevée parmi tous les éléments. Cependant, comme son utilisation dans une batterie amène irrémédiablement à des redépositions inhomogènes lors de la charge en formant des dendrites [28, 53] qui entraînent des risques de court-circuit ainsi que de la perte irréversible de lithium induisant de faibles efficacité coulombiques. Même s‟il existe des systèmes commercialisés utilisant des électrodes de lithium métal pure (ex : batteries Lithium Métal Polymère (LMP) commercialisées par la compagnie Blue Solutions), un nombre important de recherches ont été menées et sont encore en cours afin de trouver des substituts au lithium

métallique qui soient à la fois plus sûre et moins coûteux. Tout comme les matériaux de cathode, ceux de l‟anode se rangent suivant les trois mêmes catégories.

II.4.1 Matériaux d’insertion

Le matériau d‟insertion le plus présent dans les batteries lithium-ion est basé sur le graphite (à hauteur de 98% du marché en 2014 [54]). Les ions lithium peuvent être insérés de façon réversible entre les feuillets de graphène du graphite à hauteur d‟un ion lithium pour six atomes de carbone (LiC6) ce qui correspond à une capacité massique de 372 mAh g-1, soit une des capacités les plus élevées pour un matériau d‟insertion. Pour l‟étape de délithiation la réaction qui se produit est la suivante :

LiC6 → Li+ + C6 + e-

L‟avantage de ce matériau est qu‟il présente une faible expansion volumique, de seulement 7%, lorsque la phase la plus lithié est atteinte. De plus, la tension de fonctionnement du composé LiC6 est de 0,02V vs Li/Li+, lui conférant ainsi une force électromotrice aussi élevée que le lithium quand celui-ci est associé à un matériau de cathode. Les matériaux de type graphitique peuvent se retrouver sous différentes configurations, telles que les graphites ordonnés, désordonnés, ou sous forme de nanotubes correspondant à l‟enroulement d‟un ou plusieurs feuillets simples de graphène, comme présenté par la figure I.13. La structure théorique du graphite est composée de feuillets ordonnés régulièrement espacés de 0,354 nm possédant une structure hexagonale dont le côté fait 0,142 nm (cf. Fig. I.13.a). En réalité, la structure du graphite présente des feuillets déformés, possédant des zones de contraintes faibles ou fortes comme indiqué en Fig. I.13.b. Plus ces structures désordonnées présentent des zones de contraintes importantes, moins la capacité liée à l‟insertion des ions lithium sera élevée [55]. Pour des matériaux d‟électrode graphitiques obtenus à partir d‟une étape de pyrolyse ou d‟un traitement thermique, le nombre de zones de fortes contraintes peut être important, tout comme le nombre de cavités et de désordre turbostratique, i.e. les feuillets de graphène sont décalés les uns par rapport aux autres ou inclinés (Fig. I.13.c).

Figure I.13: Représentations schématiques du (a) graphite théorique, (b) réel ordonné, (c) désordonné et (d) nanotubes

Ces défauts d‟alignements auront pour résultats de fournir une capacité de première décharge plus importante, mais aussi une forte capacité irréversible et une efficacité coulombique plus faible [56]. En parallèle, il est possible d‟augmenter cette capacité en utilisant des nanotubes ou nanofibres de carbone (cf. Fig. I.13.d). Leur incroyable performance provient de leur structure à caractère unique, leur importante conductivité électrique et module de Young [57]. Cependant, leur faible compacité, leur surface effective élevée, leur cout de production élevé et leur toxicité potentielle limitent fortement leur usage commercial.

D‟autres matériaux d‟insertion ont aussi été commercialisés, c‟est le cas notamment du Li4Ti5O12 (LTO), qui présente une faible contrainte à l‟insertion des ions lithium, une grande stabilité et d‟excellentes réponses en puissance [58]. Malgré une capacité massique plus faible que celle du graphite (175 vs 372 mAh g-1) et un coût élevé de production, les batteries à base d‟anode LTO peuvent être envisagées pour le stockage d‟énergie intermittentes en raison de leur très longue durée de vie.

II.4.2 Matériaux de conversion

La réaction de type conversion est mise en évidence dans un premier temps par Poizot et al. dans les années 2000 [59], basé à l‟origine sur la réaction des ions lithium avec des oxydes métalliques. Au moment de la lithiation un phénomène de broyage électrochimique a été observé, conduisant à la formation d‟une phase de métal nanométrique et d‟une phase de LiO2 intimement liées, où le LiO2 joue le rôle de soutien à la matrice de métal. Bien que d‟importantes capacités, à la fois massiques et volumiques, soient attendues avec ces matériaux, la faible conductivité électrique de la phase LiO2 conduit à des pertes de capacité importantes au cours du cyclage et à de mauvaises réponses en puissance [60]. S‟ajoute à cela d‟importants changements morphologiques, comme en prenant l‟exemple des oxydes de fer Fe3O4 et Fe2O3 qui possèdent

des capacités massiques respectives de 924 et 1007 mAh g-1, et présentent une expansion volumique irréversible de l‟ordre de 200% après lithiation [61, 62].

D‟autres alternatives existent, comme les matériaux MgH2 et LiVO2, qui démontrent des valeurs très faibles d‟hystérésis et un potentiel bas par rapport au lithium. Mais leur fonctionnement en cyclage se limite à un nombre de cycles bien insuffisant par rapport aux exigences élevées des batteries lithium-ion [63, 64].

II.4.3 Matériaux d’alliage

Un grand nombre d‟espèces chimiques peuvent former un alliage avec le lithium. Pour les plus répandues d‟entre elles, les capacités théoriques massiques et volumiques ont été estimées par Obrovac et Chevrier [40] et comparées entre elles comme représentées sur la figure I.14. Il est important de noter que les capacités théoriques volumiques ont été calculées à partir du volume après expansion volumique de l‟alliage. En raison de leurs valeurs très élevées de capacité massique et volumique, ces matériaux nourrissent beaucoup d‟intérêts au sein de la communauté scientifique en vue d‟un éventuel remplacement du graphite comme matériau d‟anode. Le germanium (Ge) et le gallium (Ga) ne figurent pas sur ce graphe car ils ont été mis à l‟écart à cause de leur prix de production trop élevé. De même que le coût de production, la disponibilité du matériau est un facteur crucial entrant en jeu. A ce titre, il est possible d‟identifier les éventuels candidats en les comparant au sein de la table périodique de Mendeleïev modifiée de la figure I.15. Il ressort que les ressources en silicium sur terre sont nettement plus importantes que celles d‟autres éléments étudiés en figure I.14 comme l‟argent, le sélénium, l‟étain ou encore le bismuth. De plus son prix sur le marché en tant que matériau brut est relativement bas (~ 1.5-2.5 US$ kg-1) [65] et comparable à celui du graphite (~ 1-1.8 US$ kg- 1

). Il est important de noter que ces prix augmentent de façon notable après purification et transformation des matériaux bruts, comme nécessaire pour obtenir des composés de grade batteries. Comme il est aussi non toxique et peut être inclus dans une boucle de recyclage, il est considéré comme un candidat prometteur pour détrôner le graphite.

Figure I.14: Capacités (a) massiques et (b) volumiques de différents matériaux d'alliage pour batteries lithium-ion [40]

Avant d‟envisager sa commercialisation à large échelle un défi important doit être relevé, celui de limiter les dégradations importantes d‟électrode qui ont lieu suite aux cycles de lithiation/délithiation de ce type de matériaux d‟alliage. En effet, leurs forts réarrangements structuraux dus à des expansions volumiques importantes donnent naissance à de fortes contraintes au sein des particules et à plus large échelle au niveau de l‟électrode. Cela se traduit le plus souvent par la délamination de l‟électrode, la déconnection du réseau conducteur percolant et par voie de conséquence en des durées de vie en cyclage réduites. Tous ces facteurs rendent ce défi d‟autant plus difficile à relever et seront présentés plus en détail dans les paragraphes II.5. et II.6.

Figure I.15: Table périodique de Mendeleïev ajusté en fonction de la disponibilité des éléments sur terre [66]