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III. CADRE CONCEPTUEL

3.2 L’expérience scolaire

3.2.2 L’école, un contexte émotionnel important

L’expérience scolaire, comme l’affirme Dubet (1994), mais également Charlot, Bautier et Rochex (1992), est définie par un aspect émotionnel important. Ces auteurs mentionnent la nécessité de tenir compte de la relation émotionnelle entretenue avec les savoirs et plus généralement au sein de l’école. C’est pour ces raisons que nous accordons un chapitre sur les émotions présentes dans le cadre de l’institution scolaire.

Afin de débuter ce chapitre, il paraît important de définir ce qu’est une émotion. Pour ce faire, le Petit Robert fournit une définition satisfaisante : “réaction affective, en général intense, se manifestant par divers troubles, surtout d’ordre neuro-végétatif (pâleur ou rougissement, accélération du pouls, palpitations, sensation de malaise, tremblements, incapacité de bouger ou agitation)” (1988, p. 628). Les émotions sont des réactions, elles ne dépendent donc pas de notre volonté. En 2001, Arrivé explique que “les émotions sont des réactions psychophysiologiques saines et utiles lorsqu’elles sont adaptées à la réalité. Elles permettent de s’orienter, de gérer les situations. […]. Elles ne durent pas” (p. 5). Dans certains cas, des émotions peuvent apparaître sans rapport direct avec la réalité. Arrivé (2001) affirme que ces émotions sont inutiles, elles ne permettent pas d’agir et génèrent un état de stress qui envahit la personne concernée.

L’émotion est donc une expression affective induite par un événement externe et elle nous permet d’agir. Dans son premier chapitre, Arrivé (2001) décrit quatre émotions de base. Ces émotions, que l’on nomme aussi de fondamentales, seraient présentes dès la naissance et dans toutes les cultures. Ce sont des réactions automatiques et corporelles qui nous permettent de survivre. La première émotion dite fondamentale est la colère. Cette dernière se déclare “face à l’injustice, à la frustration ou à la sensation d’être attaqué. C’est donc un refus, une protestation. Elle indique les limites de l’acceptable” (Arrivé, 2001, p. 16). Chaque être humain réagit différemment face à l’injustice. La colère n’apparaît pas au même moment, ni avec la même intensité, selon chaque être humain. La deuxième émotion : la peur “est provoquée par une situation précise, un événement identifié (peur de quelque chose, de quelqu’un)” (ibidem, p. 20). Les peurs ressenties avant que l’événement ne se produise sont appelées la crainte ou l’appréhension. On parlera d’angoisse ou d’anxiété pour les peurs dites

« irrationnelles ». La troisième émotion de base se nomme la tristesse. Cette dernière est exprimée lors de situations “telles qu’une déception, une perte, un échec, un sentiment de rejet, de manque d’amour ou d’affection” (ibidem, p. 23). Cette émotion peut provoquer un manque d’enthousiasme pour certaines activités. La quatrième et dernière émotion est la joie.

Elle a une connotation beaucoup plus positive que les trois dernières. Elle apparaît face à une cause particulière qui nous réjouit.

Certains auteurs s’accordent pour ajouter d’autres émotions de base comme la surprise, le dégoût, auxquelles Paul Ekman a rajouté, en 1998, la honte et le mépris. Les émotions primaires peuvent se remarquer par différentes manifestations physiologiques comme le sourire, la pâleur, la respiration accélérée, etc. Même si certains neuropsychologues et philosophes apportent certaines nuances aux différentes classifications, ils admettent qu’il existe des émotions principales et secondaires, même si dans ce travail, nous abordons principalement les émotions fondamentales.

Il ne faut pas confondre l’émotion (réaction subite face à un événement) et le sentiment, qui s’étend dans le temps. Bien évidemment, les élèves éprouvent des sentiments face à l’école (le sentiment que l’école peut leur apporter quelque chose, d’être fort dans telle ou telle discipline). Cependant, dans ce mémoire, nous emploierons le premier terme, car ce sont les

réactions provoquées par diverses situations scolaires qui nous intéressent. Nous définissons cela par l’expérience émotionnelle.

Les émotions comme indicateurs de l’expérience scolaire

Ce bref aperçu des différentes émotions fondamentales permet de remarquer qu’à l’école, les émotions ne sont pas différentes. Les élèves peuvent toutes les éprouver de manière simultanée. L’école, mais également l’apprentissage, suscitent chez les élèves des émotions qui sont différentes d’un enfant à un autre. Montandon (1997) et les auteurs Glàser-Zikuda et Mayring (2001) abordent les émotions en situation d’apprentissage. Ces auteurs proposent de classer les émotions en deux grandes catégories ; les émotions positives et négatives. Les premières émotions, dites positives, sont perçues lorsque l’enfant décrit l’apprentissage avec fierté, passion, joie ou encore plaisir. Les émotions négatives, comme la peur, la colère ou la tristesse, se manifestent lorsque l’enfant exprime de l’énervement, de la peine, de la souffrance ou de la frustration. En 1997, Montandon ajoute une troisième catégorie d’émotions qu’elle nomme : les émotions mélangées. Cette catégorie concerne des élèves évoquant des appréciations normatives, sans véritable enthousiasme. Ils parlent de leur propre vécu, mais aussi de ce qu’ils pourront apporter à autrui (“cet apprentissage me servira lorsque j’aurai des enfants, je pourrai leur expliquer”). Ces élèves pourront ressentir de la joie, dans certaines situations d’apprentissage ou de la peur dans un contexte moins connu, par exemple.

Les émotions ressenties dans le cadre de l’école peuvent porter sur différents aspects. Les émotions surviennent face à une tâche future (prospective), passée (rétrospective) et sont liées à l’apprentissage, à l’enseignement ou encore aux interactions sociales. Voici un tableau récapitulatif, avec en gras les émotions principales, investiguées dans notre recherche.

Emotions positives Emotions négatives Emotions mélangées Plaisir d’apprendre Ennui

Emotions simultanées des deux autres catégories Espoir

Attente Plaisir Joie Satisfaction Soulagement Fierté

Anxiété Désespoir Tristesse Déception Honte/culpabilité Colère

Peur

Par ailleurs, nous pouvons nous interroger quant à la pertinence d’exprimer nos émotions. Le grand dictionnaire de la psychologie explique que l’expression des émotions possède deux fonctions : “celle d’aider à la régulation des tensions émotives elles-mêmes, donc à la restauration d’un état d’équilibre ; celle de composer une sorte de langage décodable par les congénères, voire universel” (Lachavanne, 2003, p. 32).

Mais alors, en quoi les émotions sont-elles bénéfiques pour les apprentissages ? D’après un certain nombre de recherches effectuées, plus l’élève éprouve des émotions positives, plus sa motivation en sera augmentée. Et inversement, plus les émotions sont négatives, plus la motivation de l’élève sera en baisse. Gläser-Zikuda & Mayring (2001) indiquent que “le

plaisir et surtout la fierté sont des éléments motivants liés au succès. Au contraire, des sentiments de honte et de blâme sont des éléments démotivants […]” (p. 105).

Les différentes émotions éprouvées au sein de l’école nous informent sur l’expérience scolaire de chaque élève et plus précisément sur la manière dont l’élève réagit émotionnellement dans l’univers scolaire. Lorsque nous abordons l’expérience scolaire d’un élève, cela consiste donc à évaluer le vécu de l’élève face à son métier, ainsi que l’expérience émotionnelle de chacun.

Or, “on ne peut réellement comprendre et analyser l’expérience des écoliers sans rien connaître des attitudes et des choix de leurs parents” (Dubet, 1996, p. 99). Les prochains chapitres nous permettent de comprendre les dynamiques familiales et les relations entre les membres de la famille, de repérer les différents contacts que la famille entretient avec l’école, ainsi que leurs attentes face à l’institution scolaire et enfin, de relever les distances qui existent entre la culture scolaire et familiale. Ces chapitres nous permettront ainsi de dresser, par la suite, les portraits de familles en prenant en compte ces différentes variables.